L’incidence de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sur les pratiques policières de mise en accusation des jeunes : Évaluation statistique préliminaire
3.0 Constatations
3.1 Réduction substantielle du taux d’accusation au niveau national accompagnée d’une augmentation similaire du recours aux mesures extrajudiciaires
La figure 1 illustre le taux de jeunes (par tranche de 100 000) qui ont été accusés d’infractions criminelles [18] et de ceux qui pouvaient être accusés mais ne l’ont pas été (c.-à-d. qu’ils ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires), au Canada, de 1986 à 2003. En 2003, on comptait 3 760 jeunes accusés par tranche de 100 000 jeunes [19]. Il s’agit d’une diminution de 1 440, ou 28 %, par rapport à la moyenne annuelle enregistrée de 1986 à 2002, sous le régime de la Loi sur les jeunes délinquants et une diminution de 733 par tranche de 100 000 jeunes, ou 16 %, par rapport aux données de 2002 [20]. Autrement dit, en 2003, environ un jeune sur six qui était appréhendé au Canada n’était pas accusé, alors qu’il l’aurait été si les policiers avaient maintenu les pratiques en vigueur en 2002.
Figure 1. Taux de jeunes accusés et non accusés (mesures extrajudiciaires), Canada, 1986-2003
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.1 en annexe.
Les données de 2003 fournies ci-dessus n’illustrent pas toute l’ampleur de l’incidence de la nouvelle loi, étant donné qu’elles incluent les trois mois (de janvier à mars) pendant lesquels la LJC était en vigueur. Dans la figure 2, les taux de jeunes accusés en 2001, 2002 et 2003 sont comparés sur une base trimestrielle [21]. Comme prévu, il y a un mince écart entre les taux du premier trimestre de chaque année, mais on constate une importante diminution (20 %) du taux d’accusation au cours des trois derniers trimestres de 2003, période où la LSJPA était en vigueur, par rapport à la même période en 2002 [22].
Figure 2. Taux de jeunes accusés, par trimestre, Canada, 2001-2003
Nota : Les taux annualisés correspondent aux taux trimestriels multipliés par 4.
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.4 en annexe.
Avant d’attribuer cette diminution du taux de jeunes accusés à la modification des pratiques policières découlant de l’entrée en vigueur de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il y a lieu d’envisager d’autres explications. Par exemple, la diminution pourrait simplement représenter la poursuite d’une tendance à la baisse amorcée avant l’entrée en vigueur de la LSJPA. Les figures 1 et 2 montrent cependant que ce n’est pas le cas. Bien que le taux d’accusation ait diminué de 1991 à 1999 (diminution annuelle de 250 par tranche de 100 000), cette tendance s’est arrêtée en 1999, le taux d’accusation se stabilisant à 4 500 par tranche de 100 000, et demeurant à ce niveau jusqu’en 2002 (figure 1). Il y a eu une légère diminution en 2002 et une baisse beaucoup plus importante en 2003, observée soudainement au cours du deuxième trimestre (figure 2).
On peut aussi penser que la diminution découle d’événements autres que l’entrée en vigueur de la LSJPA. Mais, encore une fois, les données de la figure 2 illustrent clairement que ce n’est pas le cas. La diminution s’est sans contredit amorcée au cours du deuxième trimestre de 2003, au moment où la LSJPA entrait en vigueur, et s’est poursuivie pendant les troisième et quatrième trimestres. À notre connaissance, aucun autre événement ne s’est produit pendant le deuxième trimestre de 2003 qui pourrait expliquer un changement aussi marqué dans les pratiques policières de mise en accusation.
La diminution du taux de jeunes accusés observée en 2003 peut simplement refléter une diminution du taux de criminalité chez les jeunes, c’est-à-dire le taux de jeunes appréhendés par la police pour des infractions présumées. La diminution du taux d’accusation refléterait donc non pas une modification des pratiques policières, mais plutôt l’évolution du comportement criminel des jeunes [23]. Cette explication ne concorde cependant pas avec les données de la figure 1. La diminution du taux de jeunes accusés s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de jeunes qui n’ont pas été accusés, de sorte que le nombre total d’adolescents pouvant être accusés – c.-à-d. le taux de criminalité chez les jeunes rapporté par la police – n’a pas diminué. En réalité, il a légèrement augmenté, passant à 8 232 par tranche de 100 000, soit un taux presque identique au taux moyen enregistré pendant la période 1986-2002 (figure 3).
Figure 3. Taux de jeunes pouvant être accusés, Canada, 1986-2003
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.1 en annexe.
Le taux de jeunes accusés a connu une forte diminution de 2002 à 2003, mais le taux de jeunes qui pouvaient être accusés mais ne l’ont pas été (c.-à-d. qu’ils ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires) a considérablement augmenté, passant de 3 467 à 4 473 par tranche de 100 000 en 2003 (figure 1). Pour la première fois depuis que ces données sont fournies dans le cadre du Programme DUC (figure 1) [24], le nombre de jeunes qui pouvaient être accusés, mais ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires en 2003 est supérieur au nombre de jeunes accusés. La figure 4 présente une comparaison trimestrielle des taux de jeunes qui ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires de 2001 à 2003. On observe une augmentation de 16 % au premier trimestre de 2003, qui pourrait être attribuable à l’entrée en vigueur imminente de la nouvelle loi; par contre, on constate une augmentation plus importante (32 %) du recours aux mesures extrajudiciaires au cours des trois derniers trimestres de 2003, lorsque la LSJPA était en vigueur, comparativement à la même période en 2002 [25].
Nota : Les taux annualisés correspondent aux taux trimestriels multipliés par 4.
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.4 en annexe.
Le changement observé en 2003 en ce qui concerne le recours à l’accusation par rapport à l’application de mesures extrajudiciaires est illustré différemment à la figure 5. La proportion de jeunes pouvant être accusés qui l’ont été a diminué en 2003, s’établissant à 46 %, comparativement à une moyenne de 63 % au cours de la période 1986-2002 et à 56 % en 2002. Si on utilise le taux de 56 % enregistré en 2002 comme donnée de référence, le taux de 46 % enregistré en 2003 représente donc une diminution absolue de 10 % et une diminution relative de 19 % de cet indicateur des pratiques policières de mise en accusation. Le changement observé de 2002 à 2003 est encore plus marqué si on ventile les données par trimestre (figure 6). On a observé une légère baisse (4 %) au cours du premier trimestre de 2003 par rapport à la même période en 2002, mais la diminution de la proportion de jeunes accusés était beaucoup plus forte au cours des trois derniers trimestres, soit 15 %, 13 % et 10 % respectivement, pour une diminution globale de 13 % pendant cette période. Par rapport à la donnée de base de 56 % de jeunes accusés au cours des trois derniers trimestres de 2002, cette diminution absolue de 13 % correspond à une diminution relative de 23 %.
Figure 5. Proportion de jeunes pouvant être accusés qui l’ont été, Canada, 1986-2003
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.2 en annexe.
Figure 6. Proportion de jeunes pouvant être accusés qui l’ont été, par trimestre, Canada, 2001-2003
Source : Déclaration uniforme de la criminalité, Centre canadien de la statistique juridique. Voir le tableau A.5 en annexe.
3.2 Aucune indication d’une augmentation de la criminalité chez les jeunes ou d’un élargissement du filet au niveau national
Les données des figures 1 et 2 peuvent également illustrer deux conséquences non prévues de la LSJPA : une augmentation de la criminalité chez les jeunes et un élargissement du filet. Pendant de nombreuses années après l’entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, de nombreux analystes ont affirmé que cette loi avait entraîné une augmentation de la criminalité chez les jeunes, ces derniers estimant que la Loi entraînait peu de conséquences graves [26]. Si les dispositions de la LSJPA entraînent également une augmentation de la criminalité chez les jeunes, on devrait alors observer une augmentation du taux de jeunes appréhendés par la police et considérés comme pouvant être accusés. Cet effet présumé peut cependant se concrétiser graduellement, lorsque les gens prendront connaissance de la nature présumée de la LSJPA; il ne se reflétera pas nécessairement dans les statistiques de 2003 sur la criminalité chez les jeunes.
Par contre, une augmentation du nombre de jeunes pouvant être accusés peut indiquer un élargissement du filet. C’est ce qui se produit lorsque l’adoption de nouvelles mesures non officielles de justice pénale, qui visent à réduire le nombre de délinquants soumis à des mesures officielles, entraîne une augmentation du nombre de délinquants qui « entrent » dans le système et sont soumis à des mesures non officielles, ce qui n’était pas prévu. Pour ce qui est des dispositions de la LSJPA relatives aux accusations, on aurait parlé d’un élargissement du filet si, à la suite de l’entrée en vigueur de cette loi, l’augmentation du nombre de jeunes appréhendés et assujettis à des mesures extrajudiciaires avait été plus importante que la diminution du nombre de jeunes accusés, entraînant donc une augmentation du taux total de jeunes appréhendés par la police. On aurait constaté un élargissement du filet moins marqué si la LSJPA avait amené les policiers à recourir à des mesures extrajudiciaires plus officielles que celles qui étaient utilisées sous le régime de la LJC, p. ex., un agent qui donne un avertissement verbal alors qu’il n’aurait pris aucune autre mesure dans le passé, ou un avertissement officiel dans un cas où, auparavant, il aurait donné un avertissement verbal. Une forme encore moins évidente de l’élargissement du filet, qui pourrait tout de même avoir des conséquences, aurait été observée si les dispositions de la LSJPA avaient favorisé une meilleure consignation, par les services policiers, de leur recours aux mesures extrajudiciaires auprès des jeunes pouvant être accusés. Lorsque les policiers cherchent à déterminer s’ils vont accuser un adolescent ou le soumettre à des mesures extrajudiciaires, ils tiennent compte des arrestations antérieures, qui figurent dans le système de gestion des dossiers (SGD) et du fait que ces arrestations ont entraîné ou non une accusation ou une condamnation (Carrington et Schulenberg, 2004a, 2004c; Schulenberg, 2004). Cela étant, la consignation plus rigoureuse, dans le SGD, des cas traités de manière non officielle pourrait entraîner une augmentation des niveaux d’accusation lors d’arrestations futures.
Si la LSJPA avait entraîné une augmentation de la criminalité chez les jeunes en 2003, cela se refléterait par l’arrestation d’un plus grand nombre de jeunes et, donc, par l’augmentation du taux de consignation des jeunes pouvant être accusés. L’augmentation du niveau de déclaration des jeunes pouvant être accusés pourrait également indiquer un élargissement du filet si les policiers appréhendaient davantage de jeunes, même si ceux-ci n’étaient pas plus nombreux à commettre des crimes; cela pourrait également refléter une plus grande rigueur dans la consignation des arrestations de jeunes qui ont été soumis à des mesures extrajudiciaires, et ce, même si le nombre réel d’arrestations n’a pas augmenté. Il est très difficile de déterminer la mesure dans laquelle ces trois éléments contribuent à un changement du taux de consignation des jeunes pouvant être accusés. Les données disponibles ne tiennent pas compte du quatrième aspect de l’élargissement du filet, à savoir le caractère plus officiel des mesures officieuses (p. ex., le remplacement des avertissements verbaux par des mises en garde officielles) – les données n’étant pas ventilées selon le type de mesure extrajudiciaire prise par les policiers[27].
Il est difficile de tirer des conclusions claires à partir des données de la DUC à propos du taux réel de criminalité chez les jeunes ou du nombre de jeunes qui ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires (ou ceux qui n’étaient pas accusés, avant l’entrée en vigueur de la LSJPA). Les changements en ce qui a trait aux taux annuels rapportés de jeunes pouvant être accusés ne reflètent pas nécessairement les changements relatifs aux taux réels de criminalité chez les jeunes, étant donné qu’une faible proportion seulement des crimes commis par des jeunes est incluse dans les statistiques de la DUC [28]. Par conséquent, même de faibles variations annuelles de cette proportion pourraient entraîner des changements notables au niveau des statistiques sur la criminalité chez les jeunes, sans qu’il existe un lien quelconque avec l’évolution du taux réel de criminalité chez les jeunes. Par exemple, le signalement d’un plus grand nombre de crimes à la police par la population, qui pourrait découler d’une moins grande tolérance à l’égard des crimes mineurs commis par des jeunes, se traduirait par la consignation d’un plus grand nombre de crimes commis par des jeunes (qui détermine le taux de jeunes pouvant être accusés). L’amélioration de la capacité des policiers de résoudre les crimes signalés aurait le même effet. De même, les jeunes à l’égard desquels les policiers ont pris des mesures extrajudiciaires ne sont pas toujours inscrits dans le SGD du service de police et, donc, ils ne sont pas inclus dans la DUC; les changements relatifs au taux de « jeunes non accusés » peuvent donc refléter une évolution des pratiques de consignation plutôt que des pratiques policières de mise en accusation. Dans bon nombre de cas, on ne sait pas exactement si un jeune qui n’est pas accusé pourrait l’être en vertu de la loi et/ou conformément à la définition de la DUC et, donc, s’il doit être inclus dans la DUC. Dans d’autres cas, la politique de consignation du service de police et la configuration de son SGD peuvent faire en sorte qu’on ne déclare pas les jeunes qui peuvent être accusés mais ne le sont pas. Par conséquent, les taux de déclaration de jeunes pouvant être accusés peuvent refléter des changements dans les pratiques de consignation dans le système d’information de la police et non un changement des façons de faire des agents. L’élargissement et l’éclaircissement des critères de déclaration des mesures extrajudiciaires à la DUC, à la suite de l’entrée en vigueur de la LSJPA, étaient susceptibles d’entraîner une amélioration des activités de consignation et de déclaration des services de police concernant les jeunes visés par des mesures extrajudiciaires en 2003 [29].
À première vue, les figures 1 et 3 indiquent un très faible élargissement du filet et/ou une très légère augmentation de la criminalité chez les jeunes en 2003, puisque l’augmentation de la proportion de jeunes qui ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires au cours de cette année était plus importante que la diminution du nombre de jeunes accusés (273 de plus par tranche de 100 000). C’est ce qui explique l’augmentation de 3,4 % du taux de jeunes pouvant être accusés (figure 3). Or, compte tenu des facteurs examinés dans les paragraphes précédents, nous pensons que les données n’indiquent aucunement qu’il y a eu une recrudescence de la criminalité chez les jeunes ou un élargissement du filet à l’échelle nationale en 2003, outre une certaine amélioration possible des activités de déclaration, par les services policiers, des données sur les jeunes qui ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires. En 2003, le taux de jeunes pouvant être accusés était de 8 232 par tranche de 100 000, soit une proportion quasi identique à la moyenne de 8 200 pendant la période 1986-2002. L’augmentation de 3,4% par rapport à 2002 se situe largement dans les limites des fluctuations annuelles observées au cours de cette période : de 1986 à 2002, la fluctuation annuelle moyenne (à la hausse ou à la baisse) du taux de jeunes pouvant être accusés s’établissait à 3,8 %. Donc, l’augmentation de 3,4 % enregistrée en 2003 peut simplement correspondre à une fluctuation annuelle aléatoire plutôt qu’à un changement significatif. Par ailleurs, nous avons observé une faible tendance à la hausse du taux de consignation des jeunes pouvant être accusés depuis 1999, les variations étant respectivement de +8,2 %, +4,3 % et –1,8 % en 2000, 2001 et 2002 (voir la figure 3). Il est fort peu probable que ces augmentations du nombre de crimes commis par des jeunes qui sont déclarés soient attribuables à la LSJPA, étant donné qu’elles sont antérieures à l’entrée en vigueur de cette loi.
Même si la faible augmentation du taux de jeunes pouvant être accusés enregistrée en 2003 ne constitue pas une fluctuation annuelle aléatoire ou la poursuite d’une tendance préexistante, il existe des explications plus plausibles que l’augmentation de la criminalité chez les jeunes ou l’élargissement du filet. Selon nous, la diminution temporaire, en 2002, du taux consigné de criminalité chez les jeunes fournit une partie de l’explication. L’autre partie réside à notre avis dans l’amélioration des pratiques de consignation, dans le SGD de certains services de police, des données relatives aux jeunes visés par des mesures extrajudiciaires.
En 2003, on avait déclaré 8 013 [30] jeunes pouvant être accusés de plus qu’en 2002, et ce, à l’échelle nationale. Au Québec, en 2003, les services de police ont consigné 2 469 jeunes pouvant être accusés de plus qu’en 2002, atteignant à nouveau les niveaux enregistrés par les services policiers de cette province de 1991 à 2001 (voir la figure A.5(f) en annexe). Autrement dit, « l’augmentation », en 2003, du nombre de jeunes pouvant être accusés consignés par les services de police du Québec était attribuable à une diminution temporaire enregistrée en 2002. Bien que nous ne disposions d’aucune preuve probante, nous pouvons supposer que cette diminution temporaire était le fait de la réorganisation globale des services policiers au Québec : de nombreux corps policiers ont fusionné ou ont été abolis et la responsabilité des services policiers des petites municipalités a été transférée à la Sûreté du Québec (voir Ministère de la Sécurité publique du Québec, 2002a, 2002b).
En 2003, on a également enregistré une augmentation du nombre de jeunes pouvant être accusés qui ont été déclarés par des services de police de l’Ontario utilisant tous un SGD particulier (8 912 de plus). Avant 2003, les utilisateurs de ce SGD rapportaient de faibles taux de jeunes qui auraient pu être accusés mais ne l’avaient pas été – de l’ordre de 13 % à 17 %, comparativement à environ 30 % pour l’ensemble de la province. Puis, en 2003, le nombre de jeunes n’ayant pas été accusés qui ont été déclarés par ces services de police a augmenté de 8 912, ce qui fait que le recours aux mesures extrajudiciaires (47 % des jeunes pouvant être accusés) était similaire à celui des autres services de police de la province (49 % des jeunes pouvant être accusés). Il est fort peu probable que la consignation plus systématique du nombre de jeunes pouvant être accusés traduise une augmentation de la criminalité chez les jeunes ou du nombre de jeunes appréhendés ou encore le recours aux mesures extrajudiciaires, puisqu’elle n’a été observée que dans quelques services de police de l’Ontario dont le seul élément commun était le type de SGD utilisé et dont le territoire recoupait celui d’autres services de police qui n’ont pas signalé de tels changements. Il existe une explication beaucoup plus plausible, à savoir l’amélioration de la saisie de données sur les jeunes qui font l’objet de mesures extrajudiciaires, amélioration attribuable aux modifications apportées au SGD – découlant probablement des nouvelles exigences de déclaration dans le cadre du Programme DUC découlant de l’entrée en vigueur de la LSJPA.
La faible augmentation du taux de jeunes pouvant être accusés en 2003 à l’échelle nationale peut donc s’expliquer par des éléments techniques de déclaration plutôt que par une forte augmentation de la criminalité chez les jeunes ou la modification des pratiques policières de mise en accusation [31]. Cela ne signifie pas pour autant que les policiers n’ont pas modifié leurs pratiques de mise en accusation depuis l’entrée en vigueur de la LSJPA. En fait, nous avons observé un changement drastique : le taux par habitant des jeunes accusés a diminué de 16 % et le taux des jeunes qui ont fait l’objet de mesures extrajudiciaires a augmenté dans une proportion similaire. Or, les arguments avancés précédemment soutiennent l’opinion selon laquelle, une fois pris en compte les éléments techniques, l’augmentation du nombre de jeunes ayant fait l’objet de mesures extrajudiciaires en 2003 était à peu près équivalente à la diminution du nombre de jeunes accusés.
- [18]Ou qu’on recommandait d’accuser en Colombie - Britannique et dans certaines régions du Québec (voir la note 10).
- [19] Tous les chiffres cités dans le texte sont tirés des tableaux fournis en annexe.
- [20] En 2003, la diminution du taux d’accusation est de 17 % si on exclut Toronto (voir la section 2.3, qui explique les motifs de l’exclusion de Toronto).
- [21] Les estimations annuelles de la population des jeunes établies au 1 er juillet ont servi à calculer les taux annualisés par tranche de 100 000 jeunes, et ce, pour chaque trimestre. Comme la population varie quelque peu en cours d’année, une telle façon de faire peut résulter en de légères sous-estimations ou surestimations des taux pour un trimestre donné, mais ces sous-estimations ou surestimations seraient observées pendant un même trimestre de chaque année et n’auraient donc aucune incidence sur les comparaisons.
- [22] Au cours des trois derniers trimestres de 2003, la diminution du taux d’accusation est de 21 % si on exclut les données de Toronto (voir la section 2.3).
- [23] Ou l’efficacité des policiers pour ce qui est de détecter les crimes et d’identifier les jeunes contrevenants.
- [24] On collecte des données sur les jeunes accusés et non accusés depuis 1977 dans le cadre de la DUC; pour les années antérieures à 1986, voir Carrington, 1999.
- [25] L’augmentation du taux de jeunes ayant fait l’objet de mesures extrajudiciaires au cours des trois derniers trimestres de 2003 est également de 32 % si on exclut les données de Toronto (voir la section 2.3).
- [26] Ces analystes n’ont pas tenu compte du fait qu’on avait enregistré une augmentation quasi nulle de la criminalité chez les jeunes sous le régime de la Loi sur les jeunes délinquants (Carrington et Moyer, 1994; Carrington, 1999).
- [27] Voir la section 2.1 du présent document.
- [28] Bien que nous ne disposions d’aucune donnée précise, les études sur la victimisation donnent à entendre que moins de 50 % des crimes « avec victimes » sont signalés à la police; la proportion de crimes sans victime qui sont signalés est probablement beaucoup moins élevée. Moins de 50 % de tous les crimes signalés à la police sont résolus, c.-à-d. qu’on a identifié au moins un responsable et recueilli suffisamment de preuves pour déposer des accusations. La proportion de jeunes délinquants inclus dans les statistiques de la DUC est donc largement inférieure à 25 % (Frank et Carrington, 2003).
- [29] Voir la section 2.1 du présent document.
- [30] Il s’agit du nombre réel et non d’un taux par habitant.
- [31] Cela s’applique au niveau national, mais il semble que, dans certaines provinces et certains territoires, il peut y avoir eu une augmentation de la criminalité chez les jeunes et/ou un élargissement du filet par les services policiers en 2003 (voir le tableau 1, ci-après). Par contre, la population des provinces et territoires en question est tellement faible par rapport à celle de l’ensemble du Canada que les données les concernant ont peu d’incidence sur les données nationales.
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