COMITÉ FPT DES CHEFS DES POURSUITES PÉNALES
RAPPORT SUR LA PRÉVENTION DES ERREURS JUDICIAIRES

11. AUTRES QUESTIONS

Le Groupe de travail a relevé plusieurs autres questions relatives aux condamnations injustifiées qu’il vaut la peine d’étudier :

1. Communication de preuves

Dans plusieurs affaires de condamnations injustifiées, anciennes surtout, le procureur de la Couronne avait omis de communiquer des preuves à la défense.

Cependant, comme un autre groupe de travail du Comité FPT des Chefs des Poursuites pénales a déjà produit un rapport sur la question, et que le gouvernement fédéral a fait part de son intention de peut-être légiférer en la matière, nous n’en discuterons pas davantage.

2. Assistance inefficace d’un avocat

Aux États-Unis, des avocats de la défense inefficaces ont certainement contribué à certains cas de condamnations injustifiées[223]. On ne sait pas au juste quelle est la situation au Canada, mais aucune des commissions d’enquête n’a considéré cette question comme un problème.

Cependant, la question de savoir quelles sont les responsabilités du procureur de la Couronne lorsque celui-ci soupçonne qu’un accusé ne bénéficie peut-être pas de l’assistance d’un avocat efficace est un problème qui mérite que l’on s’y arrête. Il serait peut-être bon d’établir des lignes directrices en vue d’aider les procureurs qui sont aux prises avec ces questions d’ordre éthique difficiles.

3. Calepins des policiers/dossiers de la Couronne/pièces à conviction produites à un procès

Comme il est mentionné dans les Enquêtes Morin et Sophonow, il n’existe pas de règles uniformes au sujet des points suivants : la façon dont les agents de police prennent et conservent leurs notes, la durée pendant laquelle les agents de police devraient conserver leurs notes, et qui devrait conserver ces notes, et où. Il s’agit là d’une question complexe, car les agents de police, et cela se comprend, inscrivent leurs notes en ordre chronologique, et pas nécessairement en fonction de l’affaire sur laquelle ils travaillent. Voici ce qu’on peut lire, par exemple, dans le rapport de l’Enquête Sophonow :

À l'heure actuelle, les agents qui prennent leur retraite ou qui quittent leur corps de police doivent garder leurs carnets. Cette mesure n'est pas satisfaisante. Durant l'enquête qui nous intéresse, des agents consciencieux ont affirmé dans leur témoignage que les carnets qu'ils gardaient à la maison après avoir pris leur retraite avaient été perdus ou endommagés de façon irréparable en raison d'incendies ou d'inondations. Cette situation ne devrait pas se produire. La municipalité devrait être chargée de conserver les carnets des agents. Ceux-ci devraient être gardés préférablement pendant une période de 25 ans, mais d'au moins 20 ans, suivant la date à laquelle les agents quittent leur corps de police ou prennent leur retraite. En effet, des changements se produisent dans le domaine de la médecine légale. Par ailleurs, des témoins se présentent ou de nouvelles preuves matérielles sont découvertes. Chacun de ces éléments peut rendre nécessaire la tenue d'une nouvelle enquête. Dans de telles circonstances, les notes initiales seraient d'une grande importance. Je me rends compte du problème qu'occasionne la conservation. Des microfiches pourraient toutefois être utilisées pour la préservation des carnets. De toute façon, la conservation ne devrait pas devenir un problème insurmontable pour le service de police ou la municipalité. Par conséquent, les notes doivent être gardées au dossier pendant le temps voulu.

Le manque de règles uniformes s’applique aussi à la tenue des dossiers de la Couronne, des pièces à conviction et des preuves recueillies, mais non utilisées. Selon divers fonctionnaires fédéraux, cet état de choses complique le travail d’enquête qui est mené ultérieurement à la suite d’allégations de condamnation injustifiée.

Il faudrait donc établir des politiques claires à l’intention de la police, des procureurs de la Couronne et des services judiciaires à propos de la manière de conserver les calepins de police, les dossiers de la Couronne et les pièces à conviction. À l’évidence, il sera nécessaire de tenir compte, au moment de l’établissement de ces politiques, des répercussions financières d’une telle initiative ainsi que de l’évolution rapide de la technologie.


[223] Voir, par exemple, Scheck, Actual Innocence, ch. 9.