l'Initiative de lutte contre la violence familiale

RECUEIL DES PRATIQUES PROMETTEUSES VISANT À RÉDUIRE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES AUTOCHTONES AU CANADA ET À ACCROÎTRE LEUR SÉCURITÉ

INTRODUCTION

Contexte historique

L'un des premiers rapports à avoir révélé la mesure dans laquelle les femmes autochtones du Canada étaient victimes de violence familiale est celui intitulé Breaking Free publié en 1989 par l'Ontario Native Women's Association. Même si, dans les années 1980 et au début des années 1990, l'ampleur de la documentation concernant la violence faite aux femmes s'accroissait rapidement, ce rapport a eu un effet fondamental puisqu'il s'agissait de l'un des premiers rapports rédigés par des femmes autochtones à l'intention des femmes autochtones et de leur collectivité et auxquels pouvaient accéder les fournisseurs de services, les décideurs et les organismes de financement autochtones et non autochtones. En outre, ce rapport a modifié le regard que posait le public sur un problème qui, pour l'essentiel, avait été jusque là balayé sous le tapis. À une époque où le mouvement féministe en général avait donné lieu à la création de services destinés aux femmes — par exemple la création de refuges et de services aux victimes d'agression sexuelle — et à la multiplication de ces services, des femmes appartenant à une minorité visible et de diverses origines ethniques se sont mises à contester le mouvement féministe dominant. L'idée selon laquelle il existe de multiples formes d'oppression commençait à germer dans les esprits; plus précisément, des femmes de diverses origines, surtout celles ayant vécu en outre le colonialisme, ont fait valoir que leur expérience du paternalisme et de la discrimination sexuelle était différente de celle des autres femmes.

Les femmes autochtones, de même que de nombreuses autres femmes marginalisées et réduites à leur appartenance raciale, ont décidé de commencer à se faire entendre. En 1984, l'organisation Pauktuutit Inuit Women of Canada a commencé à exprimer publiquement ses préoccupations concernant la violence faite aux femmes dans les collectivités inuites (ministère des Relations et de la Réconciliation avec les Autochtones de la Colombie Britannique, 2011). Selon le rapport Breaking Free (1989), la proportion de femmes autochtones victimes de violence était tout simplement effarante. À cette époque, en Ontario, huit femmes autochtones sur dix avaient été victimes de violence familiale sous une forme ou une autre (Ontario Native Women's Association, 1989). Selon le Woman Abuse Working Group, les femmes autochtones sont huit fois plus susceptibles que les femmes non autochtones d'être victimes de violence, 87 % d'entre elles ont subi une blessure par suite d'une agression physique, et 57 % d'entre elles ont subi une agression sexuelle (Santé Canada, 1997; renseignements cités dans le rapport du WAWG, 2008).

Les origines du problème de la violence faite aux femmes autochtones n'étaient pas encore totalement exprimées à cette époque. Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, publié en 1995, allait ultérieurement devenir l'initiative la plus exhaustive menée pour faire la lumière sur ce problème et d'autres questions. Toutefois, il n'était pas encore possible d'examiner l'idée de pratiques prometteuses en matière de prestation de services; les pratiques prometteuses découlent des efforts concertés déployés sur une longue période par de multiples fournisseurs et sources de soutien. Par la suite, ces derniers ont eu l'occasion d'entreprendre des discussions propices aux réflexions à propos de leurs activités. Bien souvent, les services en place et les organismes offrant un soutien informel aux femmes ne parvenaient pas à répondre à la demande. Les refuges destinés aux femmes autochtones étaient rares, et les femmes autochtones avaient l'impression que les refuges non autochtones ne leur fournissaient pas toujours le soutien dont elles avaient besoin (ONWA, 1989). Tout le monde souhaitait la fin de la violence familiale, mais les services sociaux offerts dans les collectivités se trouvaient encore en grande partie à un stade embryonnaire.

Aujourd'hui, près de vingt ans plus tard, un nombre croissant de fournisseurs de services, d'universitaires et de chercheurs autochtones abordent le sujet et publient des études sur la question. Certaines organisations, par exemple l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), l'Ontario Native Women's Association (ONWA) et, plus récemment, le Centre national de collaboration sur la santé autochtone, ont déployé des efforts afin de diffuser de l'information sur les problèmes touchant les femmes autochtones au Canada. Des refuges destinés aux femmes autochtones existent un peu partout au pays, tant dans les réserves qu'à l'extérieur de celles ci; toutefois, leur nombre demeure relativement faible et, comme la plupart des services visant les femmes, ils font l'objet d'un sous financement chronique. Des organisations s'efforcent de régler le problème complexe et multidimensionnel de la violence familiale au sein des collectivités autochtones, tant dans les réserves qu'en milieux urbain et rural. Cela dit, qu'avons nous vraiment appris? Qu'est ce qui fonctionne réellement? Après plus de deux décennies d'efforts accrus visant à mettre fin à des comportements et à des attitudes qui, selon bien des personnes, découlent directement non pas de la tradition, mais plutôt de l'expérience coloniale (Commission de mise en œuvre des recommandations sur la justice autochtone, 1999), quelles sont les pratiques prometteuses qui sont en train de voir le jour?

Nos connaissances. Les mesures qui sont prises.

Entre 1989 — date de la publication du premier rapport de l'ONWA — et 2011, partout au Canada, les services destinés aux Autochtones ont connu une expansion vigoureuse dans tous les secteurs (santé, politique, emploi, éducation, affaires, médias, justice, loisirs, sports, technologie, services sociaux, etc.). Même si le nombre d'Autochtones qui terminent des études secondaires et postsecondaires, qui participent à des programmes de désintoxication, qui font partie de la population active et qui participent à la vie politique s'accroît rapidement, le taux de violence contre les femmes autochtones demeure systématiquement plus élevé que le taux de violence contre les femmes non autochtones. D'après l'Enquête sociale générale (ESG) de 2004, le taux de violence familiale est trois fois plus élevé chez les femmes autochtones que chez les femmes non autochtones. Cinq ans plus tard, l'ESG de 2009 a révélé que ce taux demeurait essentiellement le même (le taux de violence familial était 2,5 fois plus élevé chez les femmes autochtones que chez les femmes non autochtones). Selon le rapport intitulé A Strategic Framework to End Violence Against Aboriginal Women (Ontario Federation of Indian Friendship Centres, 2007), les taux de violence familiale pourraient atteindre les 75 %, voire les 90 %, dans certaines collectivités du Nord de l'Ontario. Dans les territoires, le taux médian de violence conjugale se situe à 10 %; le taux le plus faible (6 %) a été enregistré au Yukon, et le plus élevé (14 %), au Nunavut (Perreault et Hutton Mahoney, 2012; ministère de la Justice, 2007).

En outre, les facteurs qui contribuent à la violence familiale chez les Autochtones sont demeurés essentiellement les mêmes. À l'heure actuelle, le facteur prédominant dont on a le plus parlé tient aux répercussions intergénérationnelles continues des pensionnats indiens. Dans certains cas, les perturbations socioculturelles occasionnées par ces pensionnats demeurent visibles après cinq générations; il s'agit de répercussions profondes et de grande envergure, qui touchent même les membres de générations n'ayant pas fréquenté les pensionnats. Le colonialisme — qui a éradiqué certains aspects de la culture traditionnelle autochtone — a eu des effets de nature sociologique; il a laissé un grand vide sur le plan des rôles essentiels, notamment ceux que jouent les parents et les relations saines avec les autres. En dépit des excuses officielles présentées en 2008 par le gouvernement du Canada aux survivants des pensionnats et de la Commission de vérité et de réconciliation qui s'en est suivie, on ne fait que commencer à étudier exhaustivement ces problèmes.

Les effets du colonialisme se font ressentir par le truchement d'autres facteurs d'origine plus récente, y compris la prise en charge de milliers4 d'enfants autochtones par les organismes de protection de la jeunesse, le paternalisme persistant de la Loi sur les Indiens, la pauvreté, la toxicomanie, les piètres résultats en matière de santé et la discrimination, qui continuent d'avoir des répercussions négatives sur les femmes, les enfants et les hommes autochtones. Même si le public est de plus en plus sensibilisé à l'égard des problèmes de santé et des problèmes sociaux, d'importantes lacunes existent toujours au sein de la société canadienne quant à la manière dont le passé influence le présent et pour ce qui est de la mesure dans laquelle l'histoire du Canada a forgé la vie des peuples autochtones et continue de le faire. La plupart des discussions sur l'amélioration réelle de la situation au chapitre de la violence au sein des familles sont axées sur la nécessité d'un financement accru et de services adaptés à la culture (Cooper et Salomons, 2010) et le renforcement des méthodes de collecte des données dans divers secteurs (Johnson et Fraser, 2009; Association des femmes autochtones du Canada, 2009). La collecte de données et l'accroissement du financement lié à un plus grand nombre de services sont des éléments importants d'une stratégie globale, mais d'autres éléments doivent également être pris en considération.

Depuis longtemps, pour expliquer les principaux problèmes touchant les femmes autochtones, on a mis l'accent sur le fait que les refuges, les services et les programmes non autochtones n'étaient pas sensibilisés aux différences culturelles, le fait que les femmes craignent que les organismes de protection de la jeunesse « s'approprient » leurs enfants si elles entrent dans un refuge (Ontario Native Women's Association, 1989) et, bien souvent, une préoccupation à l'égard du délinquant. Les femmes qui sont contraintes de fuir leur collectivité peuvent également se sentir isolées, éprouver un choc culturel et demeurer désavantagées en ce qui concerne les droits relatifs aux biens matrimoniaux (en raison de la Loi sur les Indiens). La collectivité fournit aux femmes et aux enfants une protection qu'il est important de prendre en considération au moment de leur fournir du soutien; plus particulièrement, lorsque les femmes et les enfants demeurent dans leur collectivité, il leur est plus facile d'obtenir l'aide de leur famille élargie et de leurs amis. De façon plus générale, les mesures de soutien adaptées à la culture — par exemple les cercles de la parole et les pratiques de guérison traditionnelles — renforcent les femmes autochtones en accroissant leur estime de soi, leur confiance, leur identité culturelle et l'image positive qu'elles ont d'elles mêmes. De plus, puisque l'on reconnaît que de nombreux délinquants ont eux-même été des victimes, l'accessibilité des services de justice réparatrice est considérée comme plus conforme aux valeurs culturelles.

À mesure que les paradigmes autochtones ont été admis à plus grande échelle par les organismes de financement non autochtones, les organisations et les collectivités ont uni leurs efforts pour faire en sorte que leurs services témoignent de leurs valeurs culturelles respectives. De même, les sources de financement s'attendent souvent à ce que les organismes fournissent des services de soutien adaptés à la culture sans comprendre qu'une démarche plus holistique visant à combler des besoins complexes et étroitement liés exigera davantage de financement, et qu'au départ, les fonds alloués pour les services courants de nature similaire sont insuffisants. Dans les faits, il se peut que les résultats devant être communiqués aux sources de financement ne correspondent pas à ceux que les collectivités perçoivent comme appropriés ou souhaitables en ce qui a trait aux activités de service. Divers éléments peuvent soulever des difficultés au moment d'envisager des pratiques prometteuses, notamment les délais, les aptitudes et la rémunération du personnel, la zone desservie par les fournisseurs de services et leur emplacement. Trop souvent, le financement accordé vise une courte période et ne cadre pas avec la complexité des problèmes en cause; si l'on veut en arriver à des solutions adéquates et à des résultats positifs, il faut que les mesures prises pour régler ces problèmes soient d'une nature plus complexe et qu'elles s'étalent sur une plus longue période. Le facteur le plus important à prendre en considération tient peut être aux notions autochtones d'holisme et de guérison, selon lesquelles la guérison de tous les « maux » passe par la prise en compte de facteurs d'ordre systémique, familial, communautaire et individuel.

Les études attirent l'attention sur les taux élevés de violence conjugale et familiale contre les femmes autochtones, mais les actes de violence commis par des étrangers à l'endroit des filles et des femmes autochtones est également une tendance qui a une forte incidence sur leur vie quotidienne. Des enquêtes ont mené à la condamnation de personnes et de tueurs en série qui s'en étaient pris à des femmes et des filles autochtones simplement en raison de leur sexe et de leur identité autochtone (AFAC, 2007). Les cas de disparition et d'assassinat de filles et de femmes autochtones dans le quartier Centre Est de Vancouver et sur ce qu'il est convenu d'appeler la « Route des pleurs » en Colombie Britannique ont attiré l'attention sur la marginalisation socio économique des femmes autochtones, laquelle a contribué de multiples façons à accroître la vulnérabilité de bon nombre de ces femmes, qu'il s'agisse de celles qui sont devenues des travailleuses de l'industrie du sexe pour des raisons liées à la violence, à la toxicomanie ou au fait qu'aucune autre possibilité ne s'offrait à elles ou de celles qui ont réussi à poursuivre des études, mais qui ne disposaient d'aucun moyen de transport sûr pour parcourir la longue distance séparant leur collectivité d'origine et leur école ou les villes les plus proches (MacDonald, 2005; Lheidli T'enneh First Nation et coll., 2006).

Au moment où, dans l'ensemble des provinces et territoires, les fournisseurs de services autochtones continuent de s'efforcer de mettre fin à la violence, chaque organisation et chaque fournisseur offre aux femmes autochtones un éventail de services visant à améliorer leur qualité de vie. De nombreuses organisations offrent des services de perfectionnement professionnel, de formation professionnelle et d'autres services de cette nature. Les fournisseurs de services d'hébergement s'emploient à combler les immenses besoins en matière de logements abordables ou adaptés aux revenus; parmi ces services, mentionnons les maisons de transition ou les résidences de deuxième étape destinées aux femmes quittant un refuge et les services d'hébergement sans but lucratif dirigés par des Autochtones. D'autres initiatives et services sont plutôt axés sur le renforcement de l'identité et de la fierté culturelles, par exemple les activités menées par les centres d'amitié de toutes les régions du pays. Bien souvent, des projets pilotes de campagnes de sensibilisation du public sont menées pour prendre en charge quelques uns des problèmes les plus holistiques afin de mobiliser les hommes et les collectivités dans la lutte contre la violence; mentionnons, par exemple, l'initiative « I am a Kind Man » de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres ou le programme d'intervention auprès des hommes mené par la collectivité micmaque en Nouvelle Écosse. Les enfants et les adolescents autochtones ont eux aussi accès à divers programmes et services, y compris ceux visant à réduire le nombre d'activités liées aux gangs et ceux ayant pour but de soutenir les personnes ayant été témoins d'actes de violence. Dans le cadre des programmes conçus pour offrir aux jeunes des modèles de comportement, par exemple ceux offerts par le Butterfly Club à Winnipeg ou le programme « Our Gang » dispensé à Kahnawake, on tente de fournir des solutions de rechange aux jeunes et de les aider à prendre leur vie en main. Dans le cadre du présent recueil, on examine la base de connaissances sans cesse grandissante ayant découlé de bon nombre des diverses initiatives menées pour mettre fin aux multiples formes de violence exercée contre les femmes autochtones. À mesure que s'accroît la portée du débat public sur cette question, les efforts déployés pour intervenir de façon plus efficace sont analysés, évalués et perfectionnés, ce qui se traduit par d'autres améliorations et d'autres perfectionnements.

Le présent recueil vise à élargir la portée de ce débat; il s'agit d'un document évolutif qui a pour but d'aider à éliminer la violence au sein des collectivités autochtones et la violence faite aux femmes autochtones. La base de connaissances qu'elle contient s'accroîtra à mesure que seront créés de nouveaux services, de nouvelles stratégies et de nouvelles modalités de traitement. Il s'agit non pas d'un document exhaustif, mais d'un point de départ. Les pratiques prometteuses qui y sont mentionnées sont des programmes de prévention ou de soutien visant à régler les problèmes liés à la violence faite aux filles et aux femmes et des programmes qui ont eu — ou commencent à avoir — des répercussions positives sur la vie des femmes et de leur collectivité, et pour lesquels des renseignements étaient accessibles. Les pratiques elles mêmes ont été recensées par des collecteurs de données indépendants de toutes les régions du Canada qui ont communiqué avec les représentants d'organisations et d'organismes. Chacun de ces représentants s'est vu demander de participer à une entrevue visant à mettre en évidence les éléments clés de leur programme. Toutes les organisations dispensant les programmes mentionnés ont approuvé par écrit la transmission des renseignements contenus dans le présent recueil. Malheureusement, pour diverses raisons, quelques programmes prometteurs n'ont pas pu être mentionnés; parmi ces raisons, mentionnons l'impossibilité de mener une entrevue en temps opportun, le fait que les responsables n'ont pas autorisé la transmission des renseignements relatifs à leur programme ou le fait que le programme ne répondait pas aux critères d'inscription.

Les services figurant dans le présent recueil sont classés en fonction de catégories constituant des éléments interreliés d'un seul et même ensemble. Les programmes et les pratiques relèvent d'un certain nombre de vastes secteurs de services, à savoir les suivants : les interventions en matière de santé mentale, les services aux survivantes d'agression physique ou sexuelle, les services aux travailleuses de l'industrie du sexe, la prévention et les interventions liées au syndrome d'alcoolisation fœtale, les interventions en matière de violence familiale, les services de promotion des relations saines destinés aux femmes, aux enfants et aux jeunes, les services visant à modifier les attitudes à l'égard de la violence au sein des collectivités, les services d'application de la loi, les réseaux de soutien aux familles de femmes disparues ou assassinées, les services visant à accroître la sensibilisation dans l'ensemble de la collectivité, les services de guérison destinés aux survivantes des pensionnats, les services de renouvellement des rôles et des responsabilités au sein des familles, les services de soutien aux parents, les services de guérison et de réinsertion sociale des délinquants, les programmes offrant des solutions de rechange aux gangs, les programmes facilitant l'accès aux services juridiques et les services d'hébergement abordables destinés aux survivantes d'actes de violence. En outre, chacun de ces secteurs de services relève de l'une ou l'autre des dimensions suivantes : situation économique, héritage historique, interactions au sein des collectivités et problèmes sociaux.

L'étude des liens entre ces divers services et l'examen de la documentation fournie fait ressortir de façon évidente une série de thèmes et de difficultés clés. Par exemple, l'un des thèmes principaux tient au fait que, de façon générale, bon nombre d'Autochtones considèrent que la spiritualité est un élément essentiel de la guérison. Les cérémonies font partie intégrante de l'établissement de ce lien spirituel, et facilitent ainsi la guérison nécessaire (Bell, 2008; Couture et coll., 2001). On ne saurait surestimer l'importance que revêt la culture en matière de prestation de services. La violence contre les femmes autochtones est considérée comme incompatible avec les valeurs traditionnelles; on estime plutôt qu'elle représente une manifestation de l'expérience coloniale. Parmi les autres manifestations, mentionnons la marginalisation économique et sociale des peuples autochtones, plus particulièrement des femmes autochtones (Mann, 2005; Centre national d'information sur la violence dans la famille, 2008). Selon certaines théories et pratiques axées sur la culture, il existe d'autres moyens de régler les problèmes à l'échelle d'une collectivité (Couture et Couture, 2003; Couture et coll., 2001; Krawl, 1994). Les droits de la personne constituent un autre thème clé. Sans vouloir minimiser l'importance de la violence familiale, on peut mentionner que la question de la violence faite aux femmes autochtones en tant qu'atteinte aux droits de la personne a été documentée par des organisations comme l'Association des femmes autochtones du Canada (2007), Amnistie Internationale (2009) et la Fondation autochtone de guérison (Jacobs et Williams, 2008). De fait, l'enseignement de l'histoire des Autochtones est considéré comme un élément essentiel de la réussite d'un certain nombre de pratiques prometteuses mentionnées dans le présent document.

Comme il a été mentionné précédemment, l'obtention d'un financement adéquat continue de poser d'importantes difficultés aux collectivités et aux organisations au moment d'offrir des services de soutien de longue durée aux femmes autochtones, et la majeure partie des responsables des pratiques prometteuses figurant dans le recueil ont soulevé ce problème durant leur entrevue. Il en découle les quelques répercussions énoncées ci dessous.

Premièrement, en ce qui concerne la plupart des collectivités et des services, il n'existe pratiquement aucune source de financement de base. Chaque année, l'organisme responsable d'un service ou d'un programme doit présenter une demande afin de renouvellement de son financement. Les travailleurs ne savent jamais avec certitude s'ils auront toujours un emploi à la fin de l'année. Cela dit, l'élément le plus important tient à ce que l'absence d'un financement de base crée une instabilité qui rend impossible la planification des programmes et des services; trop souvent, les services auxquels les femmes peuvent accéder une année donnée ne sont plus offerts l'année suivante. Compte tenu de l'interdépendance des besoins des personnes visées par un service ou un programme et de la nécessité d'une démarche holistique et adaptée à la culture, les bailleurs de fonds devraient envisager l'octroi d'un financement pluriannuel — d'une durée minimale de cinq ans — aux programmes communautaires autochtones. Tout financement ne répondant pas à cette exigence minimale rendra l'obtention de résultats mesurables presque impossible pour les organisations fournissant des services.

Deuxièmement, même dans les cas où un financement relativement stable est fourni, trop souvent, il se révèle insuffisant. Cela a une incidence négative sur la capacité des organisations et des collectivités de recruter et de conserver du personnel qualifié, surtout lorsqu'une formation doit être offerte aux employés autochtones possédant une connaissance directe de la collectivité, de sa culture et de sa langue. En outre, cela restreint les ressources supplémentaires requises pour diriger des groupes et recourir à du personnel externe afin d'offrir du soutien traditionnel et professionnel aux femmes et aux enfants.

Troisièmement, même si environ la moitié des Autochtones vit à présent dans des régions urbaines, des considérations d'ordre géographique continuent de poser des difficultés en matière d'accessibilité aux services à un nombre considérable d'Autochtones et de collectivités. Tant pour les clients que pour les fournisseurs de services, les longues distances à parcourir et la hausse des frais de déplacement peuvent constituer des obstacles. Selon la région, le déplacement effectué pour accéder à un service ou le fournir peut exiger plusieurs heures, ce qui a pour effet d'accroître l'ampleur des ressources humaines requises et leur nombre d'heures de travail, mais il arrive souvent que le financement connexe ne soit pas disponible, car les bailleurs de fonds considèrent fréquemment que les frais de déplacement constituent des dépenses non admissibles, surtout lorsque les programmes de financement sont conçus principalement en fonction de réalités urbaines. Tout cela pose des difficultés encore plus grandes pour les collectivités qui se trouvent en région isolée ou éloignée et qui ne sont accessibles que par avion ou par des routes d'hiver. Cela dit, même dans le cas de programmes offerts en région urbaine, l'accès aux services peut être problématique. Les Premières Nations disposent de fourgonnettes de transport pour raison médicale servant à mener les patients à leur rendez vous chez le médecin ou le thérapeute, mais les personnes vivant hors réserve n'ont pas accès à ce service. Même dans les régions plus urbaines, le transport en commun ne constitue pas une option viable pour de nombreux clients, et la possession d'une voiture est un luxe qu'ils ne peuvent pas se permettre.

Pratiques prometteuses

Tout au long du présent document, de nouvelles connaissances se combinent à des éléments de connaissances plus anciennes d'une manière qui contribuera à faire progresser la lutte contre la violence faite aux femmes autochtones. Comme tous les services sociaux, l'élimination de la violence est un travail en cours. Nous déployons tous des efforts pour qu'un jour, où plus aucune femme autochtone ne soit marginalisée, violentée ou brutalisée. Conformément aux anciennes connaissances, notre objectif consiste à faire en sorte que la contribution des femmes autochtones à l'ensemble de la société soit de nouveau pleinement reconnue, et que leur rôle de donneuses de vie soit célébré. Les nouvelles connaissances touchant les mesures à prendre pour réaliser ces objectifs proviennent de femmes ayant été victimes de violence, de femmes qui ont travaillé auprès d'elles et de celles qui ont mené des études dans ce domaine.