SÉRIE DE RECHERCHE SUR LES VICTIMES D’ACTES CRIMINELS
Rapport sommaire concernant les groupes de discussion sur la déclaration de la victime
Annexe B
Conclusions du groupe de discussion sur les déclarations de la victime
VANCOUVER (LE 22 MARS 2000)
Contexte
Le premier groupe de discussion dans le cadre de ce projet pour le ministère de la Justice s’est tenu le mercredi 22 mars dans les installations de Réalités canadiennes au centre-ville de Vancouver. Les programmes de services aux victimes/témoins du Lower Mainland nous ont fourni 13 noms de participants éventuels. De ces 13 personnes, 4 étaient membres d’une seule famille. On n’a demandé qu’à un seul membre de cette famille de se joindre au groupe.
Parmi les personnes qui ont manifesté un intérêt envers le groupe de discussion, 8 ont accepté de participer et ont assisté aux discussions. Il s’agissait de cinq femmes et de trois hommes. Toutes ces personnes avaient été victimes d’actes criminels violents et/ou de nature sexuelle. Deux de ces crimes étaient liés à la violence conjugale, deux à une exploitation sexuelle d’enfant prolongée et deux à des agressions sexuelles. Un participant était membre de la famille d’une victime de meurtre. On ne connaît pas de quelle nature était la victimisation du huitième participant.
Questions posées au groupe et conclusions
Comment avez-vous été mis au courant du fait que vous pouviez préparer et soumettre une DV? Cela s’est-il produit assez tôt (pour que vous puissiez remplir une déclaration avant la sentence)?
La majorité des participants au groupe de discussion avaient reçu d’un travailleur auprès des victimes avec qui ils avaient été en contact des renseignements sur les déclarations de la victime. D’autres avaient reçu ces renseignements par la poste, soit de la part du programme d’aide aux victimes ou du bureau du procureur de la Couronne. Certains des renseignements postés ont été considérés comme incomplets et ne situant pas suffisamment la déclaration de la victime dans le contexte plus vaste du processus du tribunal.
Les victimes ont disposé de suffisamment de temps pour remplir leur déclaration.
Est-ce qu’on vous a encouragé activement à remplir une DV ou la chose vous a-t-elle été présentée comme une option possible?
De façon générale, les travailleurs auprès des victimes ont encouragé les participants avec lesquels ils avaient eu des rapports à préparer leur déclaration.
Certains ont exprimé une inquiétude quant au fait que des gens en marge de la société, notamment les personnes de faible scolarité et celles qui n’ont pas confiance dans la police et les tribunaux, puissent éprouver des difficultés concernant les déclarations de la victime. On considère que le fait de préparer une déclaration de la victime procure un sentiment particulier de pouvoir aux personnes dont la situation peut avoir tendance à les marginaliser.
Quelle est votre compréhension de ce que les déclarations de la victime sont sensées faire?
Les déclarations de la victime doivent fournir aux victimes l’occasion d’avoir leur mot à dire dans le cadre du processus de détermination de la peine. Sans elles, les répercussions des actes criminels tant sur les victimes elles-mêmes que sur leur famille et réseaux de voisins et de connaissances passeraient inaperçues au sein du processus du tribunal.
Quels renseignements avez-vous reçus sur les déclarations de la victime et leur fonction? Ces renseignements étaient-ils précis et complets? Y a-t-il eu des questions sur la DV pour lesquelles vous n’avez pas obtenu de réponse à ce moment?
Certains participants auraient jugé utile que les formulaires de déclaration de la victime aient été plus précis sur ce qu’elle devrait comporter. D’autres préféraient l’approche selon laquelle la victime s’exprime dans ses propres mots et sous les rubriques qu’elle -même juge les plus importantes.
Si vous avez eu des problèmes en remplissant la déclaration, quels étaient ces problèmes? Avez-vous demandé de l’aide à une autre personne pour la remplir? Cette aide a-t-elle été utile?
Certaines personnes qui avaient traité avec le bureau du procureur de la Couronne en ce qui concernait leur déclaration ont signalé que la quantité et la qualité de l’aide reçue variaient selon chaque procureur de la Couronne avec qui elles traitaient. Une participante, dont le procès se tenait à Toronto (lieu de l’acte criminel), a mentionné avoir bénéficié d’un soutien très positif de la part de la police lorsqu’elle a préparé sa déclaration.
Ce soutien s’est exprimé par le fait d’avoir accès à un service de renseignements téléphoniques, peut-être un numéro sans frais que la victime pouvait appeler pour obtenir de l’aide au moment de préparer sa déclaration. On reconnaissait que les programmes d’aide aux victimes mettaient souvent ce type d’aide à la disposition des victimes et dispensaient cette aide.
La participante dont le procès avait eu lieu en Ontario voyait un avantage dans l’uniformisation nationale des déclarations de la victime, ce qui facilitait leur transfert d’une province à une autre.
Est-ce qu’on vous a parlé de restrictions concernant le type de renseignements qui pourraient faire partie d’une DV?
Les seuls types de renseignements dont les participants reconnaissaient qu’on ne pouvait permettre de les inclure dans la déclaration avaient trait aux antécédents criminels du contrevenant.
Les participants croyaient que, si une victime souhaite préparer une déclaration dont le contenu et le ton soient vindicatifs, ce devrait être à elle d’en décider. Ils reconnaissaient toutefois que cette stratégie risquait de se retourner contre eux selon la façon dont le tribunal recevait et utilisait la déclaration en déterminant la sentence.
Y aurait-il eu d’autres renseignements que vous auriez aimé mettre dans votre DV?
Les participants ont mentionné comme types de renseignements qu’ils auraient aimé inclure dans leur déclaration les renseignements concernant les antécédents criminels de l’accusé ainsi que les répercussions indirectes du crime sur les membres de la famille de la victime (p. ex. l’agitation émotive que subit le conjoint d’une victime d’exploitation sexuelle prolongée).
Aviez-vous des inquiétudes (concernant, par exemple, la protection de votre vie privée ou votre sécurité) au moment de remplir la DV?
En ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité, certains participants s’inquiétaient particulièrement de l’accès du contrevenant à leur déclaration et de la possibilité de représailles de la part de l’accusé ou de ses amis et de sa famille. Une participante mentionnait également qu’après le procès, les services sociaux ont pris la garde de ces enfants, présumément à cause de renseignements auxquels les services sociaux avaient eu accès dans les déclarations de la victime.
Qu’est-il advenu de votre DV après qu’elle ait été remplie? Est-ce qu’on vous a tenu au courant?
Les participants n’étaient pas au courant de ce qu’il advenait de leurs déclarations après qu’ils les aient remises.
Est-ce que des parties de votre déclaration ont été modifiées? Si oui, par qui? Pourquoi? Comment y avez-vous réagi?
Aucun des participants n’a signalé que sa déclaration avait été modifiée par quiconque après qu’elle ait été rédigée. Ils ont toutefois mentionné qu’il importait à leurs yeux que d’autres personnes lisent leur déclaration, notamment les travailleurs du programme d’aide aux victimes. afin que la déclaration affiche un équilibre et un ton convenables.
Savez-vous si un juge a reçu votre DV? Comment le savez-vous?
Certains participants reconnaissaient ne pas savoir avec certitude si le juge avait lu leur déclaration. Ils n’étaient pas non plus certains si le juge avait l’obligation de lire les déclarations qu’ils avaient préparées. Quelques participants ont fait écho au point de vue selon lequel il n’était pas obligatoire que les déclarations soient transmises au juge.
Le contrevenant a-t-il reçu une copie de votre déclaration? Saviez-vous que cela se produirait? Si non, auriez-vous quand même décidé de remplir une DV en le sachant?
Certains participants ne savaient pas que le contrevenant pourrait lire leur déclaration. Toutefois, la plupart jugeaient convenable que la défense et l’accusé aient accès aux renseignements de la déclaration. Cependant, ils ne pensaient pas que l’avocat de la défense devrait pouvoir remettre directement en question le contenu de leur déclaration. Le contrevenant ne devrait pas avoir le droit d’interroger la victime sur ses sentiments parce que la victime connaît ses sentiments mieux que quiconque.
Certains participants ne voulaient pas que le contrevenant sache dans quelle mesure le crime avait affecté leur vie entière.
Les participants ont exprimé une préoccupation à l’effet que le contrevenant pourrait examiner leur déclaration avant la détermination de la peine. Certains considéraient cela comme une occasion pour le contrevenant d’ajouter au préjudice qu’il avait infligé à la victime. Une participante pensait que seul le juge aurait accès à sa déclaration. Pourtant, même cette victime reconnaissait qu’elle aurait rempli sa déclaration que le contrevenant y ait accès ou non. D’autres participants trouvaient important de rappeler au contrevenant le mal qu’il leur avait infligé. Certains participants s’inquiétaient également du fait que l’information qu’ils avaient fournie dans leur déclaration puisse inciter le contrevenant à se venger à sa sortie de prison.
L’avocat de la défense vous a-t-il posé des questions sur votre DV? Comment avez-vous réagi?
Aucun des participants n’avait été directement interrogé par l’avocat de la défense sur le contenu de leur déclaration. La brève clarification d’une question de fait a constitué la seule exception. Il y a eu, toutefois, certains commentaires adressés au tribunal mais pas directement à la victime, qui contestaient certains éléments des déclarations.
Une participante mentionnait que l’avocat de la défense avait minimisé le contenu de sa déclaration, ce qu’elle a jugé extrêmement perturbant et inconvenant, compte tenu que la déclaration traitait des répercussions du crime sur sa famille et ne concernait pas les caractéristiques ou la culpabilité de l’accusé. Dans ce cas, la participante croyait que les déclarations présentées avaient eu une incidence importante sur la durée de la sentence. L’avocat de la défense adressait ses commentaires au tribunal et non directement à la victime.
Saviez-vous qu’un avocat de la défense pourrait vous interroger sur votre DV? Si non, auriez-vous décidé de ne pas remplir la DV en le sachant?
Certains participants ont été étonnés d’apprendre que la défense avait le droit de contester le contenu de leur déclaration. La plupart d’entre eux auraient quand même rempli une DV s’ils l’avaient su à l’avance.
Avez-vous demandé si vous pouviez lire votre DV à haute voix? Vous a-t-on autorisé à le faire? Si vous en aviez eu l’occasion, l’auriez-vous saisie? Oui/non, pourquoi pas?
Trois des huit participants avaient lu leur déclaration à voix haute au tribunal. Aucun participant qui souhaitait lire sa déclaration à haute voix n’a été empêché de le faire. Nombre de participants ont vivement exprimé le point de vue selon lequel il est essentiel d’autoriser les victimes à présenter leur déclaration de vive voix si elles le souhaitaient et ne croyaient pas que cette décision devrait être laissée aux juges.
Le juge a-t-il fait référence à votre DV en déterminant la sentence?
Certaines victimes regrettaient que le tribunal ou quelqu’un d’autre n’ait pas reconnu officiellement les expériences et les répercussions qu’elles avaient décrites dans leur déclaration. Selon une personne, sa déclaration « est tout simplement tombée dans un trou noir »
. Elle aurait apprécié qu’un représentant du système accuse réception de sa déclaration.
Les victimes auraient également apprécié que la magistrature reconnaisse les efforts qu’elles ont déployés et les coûts affectifs qu’elles ont encourus en remplissant leur déclaration. Certains participants ont exprimé le point de vue selon lequel certains juges pouvaient en fait ne pas vouloir utiliser ou reconnaître les déclarations de la victime lorsqu’ils déterminent la sentence.
Parmi les participants, les opinions variaient considérablement selon qu’ils croyaient ou non que leur déclaration avait eu une incidence sur la détermination de la peine. Certains participants se sont senti vivement appuyés par le juge quand ils ont lu leur déclaration à haute voix.
Sachant ce que vous savez maintenant, passeriez-vous de nouveau à travers ce processus?
La seule chose que les participants feraient de manière différente serait de fournir des renseignements plus complets concernant les répercussions sur eux-mêmes, leur famille, leurs amis et autres connaissances. Un participant appréciait particulièrement le fait que le juge ait mentionné ses propos en rendant sa sentence sans toutefois citer une déclaration particulière.
Avez-vous retiré quelque chose de positif de cette expérience?
Certains estiment que l’objectif global des déclarations est de prêter voix aux victimes dans la détermination de la peine. S’il n’est pas obligatoire que les ju ges voient les déclarations, en ce cas, la valeur des déclarations ne réside que dans leur aspect thérapeutique. Les participants accordaient une importance considérable à la valeur thérapeutique des déclarations, bien que la préparation et la présentation aient été difficiles et aient provoqué de fortes émotions.
Le fait que les victimes qui avaient témoigné à leur procès aient pu inclure dans leur déclaration des renseignements qu’on les empêchait de fournir dans leur témoignage a constitué a revêtu une grande importance à leurs yeux. Lorsqu’un plaidoyer de culpabilité est soudainement déposé, l’existence d’une déclaration de la victime fait en sorte que la victime puisse présenter son point de vue même si elle ne témoigne pas et ne peut être présente à ce moment.
La déclaration a permis à certaines victimes de porter à l’attention du tribunal les répercussions de certaines accusations qui ont fait l’objet de négociations dans le cadre de la sentence finale.
Plusieurs victimes avaient apporté leur déclaration au groupe de discussion. Elles décrivaient leurs déclarations comme « des documents importants dans leur vie »
.
La reconnaissance la plus importante de ces déclarations proviendrait du fait que, selon la victime, le châtiment correspond au crime. Toutefois, il existe en dehors de la déclaration un trop grand nombre de facteurs influant sur la sentence que l’on doit reconnaître.
Une participante a également trouvé utile sa déclaration de la victime lorsqu’elle a présenté une demande d’indemnisation pour des blessures résultant d’un acte criminel.
Un participant a exprimé le point de vue selon lequel certains contrevenants pourraient, après avoir entendu la déclaration de la victime, en venir à réfléchir plus sérieusement aux préjudices qu’ils ont causés. Ceci est sans doute particulièrement vrai en ce qui concerne les jeunes contrevenants qui peut-être n’auraient pas autrement songé à leur crime de cette façon.
En songeant à nouveau à l’expérience qu’ils avaient vécu en ce qui concerne les décla rations de la victime, certains participants affirmaient que, si la chose était à refaire, ils produiraient une déclaration plus complète et plus détaillée concernant les répercussions du crime sur eux et leur famille. Certains participants ont signalé que le fait de compléter la déclaration de la victime les a incités à examiner en profondeur les effets du crime sur eux ainsi qu’à identifier des répercussions qu’ils n’auraient pu autrement cerner.
Autres commentaires
Certains participants se sont objecté à l’utilisation du terme « victime » dans la déclaration de la victime et suggéraient de la nommer de manière plus appropriée « déclaration sur les répercussions d’un acte criminel ». Ceci reflète en partie leur réticence à se considérer comme des victimes. D’autres n’éprouvaient aucune honte à ce sujet.
Certains participants semblaient ne pas savoir si, oui ou non, leur déclaration serait inscrite dans les dossiers officiels du tribunal et si elle serait en conséquence n’importe qui pourrait la lire. Il n’était pas clair non plus si la Commission des libérations conditionnelles aurait accès à la déclaration de la victime au moment d’une audience de libération conditionnelle.
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