Une approche des objectifs et des principes de détermination de la peine basée sur les valeurs et sur les preuves
But principal de la détermination de la peine
Un point de départ nécessaire pour l’examen du but de la détermination de la peine serait peut-être d’accepter deux postulats de base. Premièrement, le but doit trouver écho auprès de la population canadienne. Autrement dit, les gens doivent le juger valable. En d’autres mots, il doit correspondre aux valeurs canadiennes liées à ceux qui commettent des infractions. Deuxièmement, il doit être juste. Il ne peut pas reposer sur des promesses qui ne peuvent pas être tenues.
La détermination de la peine repose sur le châtiment. Notre histoire en matière de justice pénale laisse entendre que nous nous satisfaisons de l’idée que la mesure du châtiment devrait correspondre à la peine minimale en fonction du crime visé par cette dernière. Entendons-nous bien, les peines sont des châtiments. Ainsi, une justification de la détermination de la peine est utile, car elle peut aider à guider l’imposition d’une peine appropriée et peut fournir un cadre général pour l’examen des peines pour chaque cas.
À l’annexe 2, j’ai reproduit neuf énoncés liés à la détermination de la peine. Ils sont tirés du Code criminel (avant et après juillet 2015), de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, de deux projets de modification au Code criminel qui n’ont pas été adoptés, et de quatre autres documents canadiens qui sont importants pour comprendre les enjeux entourant la détermination de la peine au Canada. Évidemment, ils varient tous quelque peu.
L’une des différences les plus importantes figurant dans ces énoncés repose sur le caractère central de ce qu’on pourrait appeler « la protection du public au moyen de la détermination de la peine
». Cela est probablement plus clair si on examine les deux versions (récentes) du Code criminel. À l’heure actuelle, le Code indique que le « but de la détermination de la peine consiste à protéger la société (...)
». La version précédente était moins ambitieuse. Elle indiquait que le but consistait à « contribuer (...) au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre (...)
».
L’énoncé le plus clair qui semble suggérer que la détermination de la peine est essentielle pour des enjeux autres que le contrôle de la criminalité figure dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui indique que « l’objectif de la détermination de la peine (…) consiste à faire répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes (…)
». Le fait d’exiger que les juges soient responsables de la quantité de crimes commis par des adolescents au sein d’une collectivité ne fait pas partie de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Si on se tourne vers d’autres formulations du but de la détermination de la peine, la Commission canadienne sur la détermination de la peineNote de bas de page 29, en 1987, a suggéré que le but du droit criminel consistait à « contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité
». En revanche, la détermination de la peine était sensée « préserver l’autorité et faire la promotion du respect de la loi par l’imposition de sanctions justes
».
Il ne s’agit pas d’examiner en détail la preuve liée à la capacité du système de justice pénale de contrôler la criminalité par l’intermédiaire de la variation de la détermination de la peine. De très nombreuses recherches sur les différents mécanismes par lesquels les peines peuvent avoir une incidence sur la criminalité. Ces mécanismes comprennent la dissuasion générale et individuelle, l’empêchement et les programmes de réadaptation (généralement dans des établissements carcéraux). Les mécanismes les plus populaires sont probablement la dissuasion générale et individuelle, en partie en raison de leur simplicité. Ces deux mécanismes laissent penser qu’au moins en théorie, des peines plus longues dissuaderont d’autres personnes de commettre des crimes et réduiront la probabilité que la personne visée par la peine récidive. Le seul problème avec cette conception du contrôle de la criminalité est qu’aucune donnée probante ne l’appuie. Quoique des articles ponctuels suggèrent que la criminalité peut être réduite par l’intermédiaire de l’imposition de peines sévères, ces conclusions reposent généralement sur un examen sélectif des données ou sur des études biaisées.Note de bas de page 30 Dans le cadre d’un récent examen détaillé des conclusions actuelles, mes collègues et moi n’avons trouvé que peu de données probantes appuyant l’idée qu’on peut réduire la criminalité par l’intermédiaire de sentences sévères.Note de bas de page 31
Toutefois, il existe d’autres préoccupations pratiques liées à l’incarcération. Il existe une preuve substantielle, à l’heure actuelle, que les peines sévères ne réduisent pas la probabilité de récidive de la personne condamnée. En outre, mis à part les coûts pour la société, il semble que l’incarcération ait des répercussions négatives collatérales pour les autres, voire pour la collectivité. Le Canada, au cours de son histoire, n’a jamais souscrit à l’idée selon laquelle les prisons constituent une arme efficace contre la criminalité. Il s’est avéré que nous avons eu presque raison de manière empirique.Note de bas de page 32
Si on devait modifier l’énoncé du Code criminel sur le but pour simplement exiger que les juges tiennent les personnes responsables en imposant des peines proportionnelles aux dommages causés et à leur responsabilité connexe, l’énoncé serait clair, comme dans le cas de la détermination de la peine pour les adolescents, au sujet de ce qu’on souhaite accomplir.
Si les juges devaient tenir les délinquants responsables de leurs actes en imposant des peines proportionnelles, la détermination de la peine ne serait plus considérée comme un moyen efficace de réduire la probabilité de délinquance. Si on faisait cela, il serait alors convenable d’éliminer des articles précisNote de bas de page 33 qui justifient les peines en fonction de leurs effets dissuasifs. Quoiqu’il n’existe que peu de données sur les répercussions des peines sur la dénonciationNote de bas de page 34 du comportement impliqué dans l’infraction, comme il est bien accepté que les peines devraient être proportionnelles à la gravité de l’infraction, il ne semble pas que le fait de faire reposer les peines sur la dénonciation soit très sensé.
Il importe toutefois de faire la mise au point suivante : dans le cas des infractions qui comptent le plus pour la plupart des membres du public, soient principalement les infractions violentes et graves, les peines proportionnelles touchent presque certainement à ce qu’on peut appeler le « problème de l’empêchement ». Il me semble qu’il soit presque certain que les délinquants que les gens souhaitent frapper d’incapacité sont ceux qui ont commis des infractions très graves.
Ainsi, la première question que le gouvernement doit examiner s’il souhaite modifier le but de la détermination de la peine consiste à se demander s’il souhaite être honnête avec la population canadienne au sujet de la relation entre la peine et le crime. Il n’est clairement pas difficile d’être honnête : en 2002, lorsque le Parlement a finalement adopté la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il a décidé qu’il était raisonnable d’axer la détermination de la peine sur le fait de tenir les personnes responsables de leurs actes criminels plutôt que d’imposer aux juges la tâche de contrôler la criminalité.
Par conséquent, je recommanderais de commencer par un énoncé semblable à l’objectif de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui vise à tenir les délinquants responsables de leurs actes.
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