Prestation de services d’aide juridique dans les collectivités rurales et éloignées partout au Canada : enjeux et perspectives dans le contexte de la COVID‑19
Partie D: Description des incidences de la pandémie de COVID-19
Cette section présente le point de vue des personnes interrogées sur l’incidence de la pandémie en ce qui concerne les coûts des régimes d’aide juridique et la manière dont les services ont été utilisés. Au printemps 2020 et jusqu’en février 2022 ou plus tard, de nombreux tribunaux ont été fermés en raison de restrictions de santé publique. Dans la plupart des administrations du Sud, cela a eu pour effet de réduire les coûts de prestation de l’aide juridique. Dans certains programmes, la nécessité d’aider les gens à l’aide de la technologie ou d’accéder à une audience à distance a maintenu les coûts constants ou les a augmentés. En ce qui concerne les répercussions sociales, les répondants de Terre-Neuve-et-Labrador ont déclaré que l’isolement forcé de nombreuses personnes dans les collectivités éloignées augmentait leur sentiment de vulnérabilité résultant de l’affaire criminelle ou familiale initiale. Dans les collectivités éloignées, les habitants craignaient également que des étrangers n’introduisent la COVID-19 dans leur collectivité, donc, au mieux, il y avait une attitude ambivalente envers ceux qui essaient de répondre aux besoins juridiques.
Lorsque les restrictions en matière de santé publique ont été levées et que les tribunaux ont repris leurs séances, il y avait des arriérés importants et de longues listes de dossiers dans les petites collectivités. Ces arriérés ont été exacerbés par le fait que les tribunaux ne siègent parfois que toutes les six semaines, voire à des intervalles plus longs. Le processus des cours de circuit itinérantes a été long et fatigant, et il a parfois entraîné une certaine frustration de la part des avocats qui n’ont pas été en mesure de gérer les dossiers aussi efficacement qu’ils l’auraient souhaité.
Les réactions ont été variées quant aux incidences de la pandémie de COVID-19 sur la prestation de services à long terme. Plusieurs thèmes ont été soulevés :
- Les clients les plus touchés étaient ceux qui avaient perdu leur emploi, qui étaient coupés de leur famille, qui étaient isolés en général, qui étaient d’une génération plus âgée et/ou qui avaient des difficultés technologiques. Ce sont eux qui dépendent le plus des communications en personne dans toutes les phases d’une affaire. Ce sont ces personnes qui n’ont peut-être pas de matériel technologique et qui ont le plus de mal avec les systèmes de demande en ligne, le paiement des frais de justice en ligne (p. ex., les frais de dépôt), ou les processus qui se déroulent désormais entièrement en ligne (p. ex., la Commission de la location immobilière de l’Ontario).
- De nombreuses personnes ayant des besoins juridiques semblent à l’aise avec la communication par téléphone. Cependant, le fait de n’avoir qu’un seul mode de communication n’aide pas tous les types de clients. Par exemple, le téléphone peut ne pas être le mode préféré des personnes ayant des difficultés d’apprentissage. Ces personnes peuvent obtenir de l’aide plus facilement pour les procédures de dépôt en personne et peuvent être plus facilement en mesure de suivre et d’interagir pendant les audiences en personne. En outre, dans une administration où les litiges en matière de location sont traités uniquement par téléphone, des problèmes ont été signalés lorsque des personnes ont épuisé leurs minutes, ont changé de numéro de téléphone sans le signaler ou utilisent une application téléphonique gratuite. Dans ces cas, il se peut qu’ils n’aient pas reçu l’avis d’audience et qu’ils aient par la suite fait l’objet d’ordonnances par défaut parce qu’ils n’ont pas assisté à l’audience.
- Les plateformes de vidéoconférence comme Zoom exigent souvent plus de discipline de la part du client qu’une réunion ordinaire en personne. Les clients qui ont les connaissances technologiques nécessaires pour accéder à ces plateformes sont également souvent mieux outillés lorsqu’ils les utilisent (p. ex., par rapport à un client qui se présente en personne), car les renseignements dont ils ont besoin se trouvent souvent sur leur ordinateur portable et peuvent facilement être récupérés si nécessaire lors de la réunion en ligne.
- Dans de nombreux cas, même les personnes qui ont les moyens d’acheter un téléphone portable avec accès à Internet ne peuvent pas se connecter à une audience à distance en raison du manque de fiabilité des connexions technologiques.
- En résumé, la pandémie a obligé le système juridique et les clients à procéder à des ajustements technologiques pour que leurs dossiers puissent avancer. Certaines de ces procédures constituent déjà « la nouvelle norme ». D’autres processus qui ont utilisé la technologie pendant la pandémie pourraient revenir à des processus en personne. Toutefois, dans la mesure où l’utilisation de la technologie devient plus courante à certains stades des procédures judiciaires, il convient de prendre en considération les personnes vivant dans des régions rurales ou éloignées qui n’ont pas l’aisance, l’expérience et/ou l’équipement qui leur permettraient d’intenter une action en justice en utilisant la technologie.
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