Prestation de services d’aide juridique dans les collectivités rurales et éloignées partout au Canada : enjeux et perspectives dans le contexte de la COVID‑19

Partie B: Examen de la documentation

L’examen de la documentation s’est concentré sur les données démographiques et les besoins juridiques des personnes vivant dans des régions rurales et éloignées, leur relation avec la technologie et leur maîtrise de celle-ci, la gamme et la nature des services juridiques et sociaux offerts à ces populations, les défis que pose la prestation de ces services et l’utilisation de la technologie pour fournir des services juridiques.

1. Utilisateurs des services juridiques

La documentation sur les caractéristiques démographiques et les besoins juridiques des clients des services juridiques dans les régions rurales et éloignées indique qu’il s’agit principalement d’Autochtones, d’hommes concernés par des affaires du droit pénal, de personnes âgées et de femmes concernées par des affaires du droit de la famille. Cohl et Thomson affirment que les régions rurales et éloignées comptent un nombre disproportionné de mères célibataires, d’Autochtones, de personnes ayant un faible niveau de scolarité et de personnes âgées, handicapées ou sans emploiNote de bas de page2. La documentation examinée indique que, dans certains cas, ces questions peuvent être étroitement liées. Par exemple, dans un article sur l’amélioration de l’accès à la justice pour les femmes des régions rurales et éloignées de la Colombie-Britannique, Skinnider et Montgomery affirment que les femmes vivant dans des régions éloignées et décident de quitter le foyer familial risquent davantage de subir de multiples formes de désavantages, par exemple en matière d’endettement, de logement, d’emploi, d’aide sociale, de problèmes familiaux supplémentaires et d’actions en justiceNote de bas de page3.

Dans d’autres situations, les questions juridiques peuvent être plus diverses. En faisant renvoi aux besoins juridiques cernés dans les cliniques bénévoles qui se déplacent à Puvirnitug et Salluit au Nunavik pour la période de 2017 à 2019, Beaudet-Centomo et Leggett-Bachand soulignent la multitude de questions juridiques, y compris le droit de la famille, le droit administratif, le droit civil général, les testaments et les successions, la protection de la jeunesse et le droit de la consommationNote de bas de page4.

En ce qui concerne la mesure dans laquelle la technologie est utilisée par les utilisateurs de services juridiques dans les régions rurales et éloignées, une étude du Conseil des académies canadiennes réalisée en 2021 met l’accent sur la « fracture numérique » entre les collectivités autochtones et les collectivités non autochtones. Les auteurs affirment que même si la notion de fracture numérique fait souvent renvoi aux zones urbaines qui disposent d’une meilleure connectivité que les régions rurales et éloignées, il existe également un écart de connectivité important entre les collectivités autochtones (dans les zones urbaines comme dans les régions rurales et éloignées) et les collectivités non autochtonesNote de bas de page5. Toutefois, cette tendance peut varier selon les provinces. Une étude de la Legal Services Society de la Colombie-Britannique a révélé que jusqu’à 90 % des clients autochtones de l’aide juridique en matière de droit de la famille ont un téléphone intelligentNote de bas de page6. Dans une étude de 2020-2021 sur les services juridiques à distance en Alberta, Stevenson a déclaré que la fracture numérique a été cernée par tous les participants à l’enquête et par de nombreuses ressources en ligne comme étant l’obstacle le plus important à l’accès aux services juridiques à distance pour les personnes marginalisées. Elle a fait renvoi à un rapport du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui indique que tous les Canadiens, qu’ils soient à la maison, au travail ou sur la route, devraient être en mesure de connecter leur téléphone au moyen de la technologie LTE et d’avoir une connexion Internet avec accès à des vitesses haut débit d’au moins 50 Mbps pour le téléchargement et de 10 Mbps pour le téléversement et à des données illimitées. Le rapport du CRTC indique que près de 86 % des ménages dans l’ensemble bénéficient actuellement de ce niveau de service, mais que dans les régions rurales, seuls 40 % en bénéficient. Les données du CRTC indiquent que dans les collectivités des Premières Nations, environ 30 % des ménages ont une connexion Internet à la vitesse recommandéeNote de bas de page7.

2. Prestation des services

Cette section décrit les conclusions tirées de la documentation relative aux services juridiques et aux services sociaux et de santé connexes qui améliorent l’accessibilité et contribuent à la résolution positive des problèmes juridiques dans les régions rurales et éloignées. Il est important, dès le départ, d’encadrer la discussion sur les innovations dans le contexte des limites importantes qu’impose actuellement une connectivité médiocre ou inexistante dans les régions nordiques et éloignées des provinces et territoires.

En 2021, Legal Aid BC a publié une analyse documentaire et un rapport final sur la réalisation de l’équité numérique dans l’accès à la justice, rédigés par Kate MurrayNote de bas de page8Note de bas de page9. L’analyse documentaire décrit la « fracture urbaine et rurale » de la Colombie-Britannique en matière de connectivité et fait renvoi à des modèles semblables à l’échelle nationale :

[traduction]
[…] les tendances en matière de connectivité à l’échelle de la province ne s’étendent pas uniformément aux ménages des collectivités rurales et autochtones. À l’échelle nationale, Statistique Canada signale que les ménages des régions rurales sont presque deux fois plus susceptibles de ne pas avoir accès à Internet à domicile et sont presque 10 fois plus susceptibles de dire que la qualité de l’Internet est la raison pour laquelle il n’y a pas d’Internet à domicile (Statistique Canada, 2019d). En Colombie-Britannique, seulement 36 % des collectivités rurales et 38 % des collectivités autochtones rurales ont accès à des vitesses d’Internet de 50/10 Mbps (gouvernement de la Colombie-Britannique, 2021a). Les vitesses de téléchargement sont plus faibles dans les collectivités rurales que dans les régions urbaines; en 2015, les vitesses de téléchargement dans les régions rurales de la Colombie-Britannique étaient, en moyenne, de 6,1 Mbps inférieures à celles des collectivités urbaines (KPMG, 2019). Dans le cadre d’une étude récente menée auprès de collectivités autochtones de la province, l’Union of BC Indian Chiefs (UBCIC) a décrit comment l’infrastructure de connectivité obsolète et inférieure aux normes de nombreuses collectivités rurales se traduit par [traduction] « une bande passante limitée et une mauvaise réception entraînant des interruptions des services Internet et téléphoniques » (UBCIC, 2020, p. 15)Note de bas de page10.

Dans son rapport final, Mme Murray résume également les données statistiques relatives aux difficultés rencontrées par les différentes catégories socio-économiques d’utilisateurs, tirées d’une enquête menée auprès des résidents de la Colombie-Britannique pour l’étude Achieving Digital Equity :

[traduction]
La recherche de renseignements juridiques en ligne présente des difficultés pour les ménages à faibles revenus, en particulier pour les personnes âgées de 65 ans et plus […]. Si l’on compare cela aux les ménages à revenus modérés à élevés, il est encore plus clair que les ménages à faibles revenus sont moins enclins à rechercher des renseignements et de l’aide juridiques en ligne, sont moins confiants dans leur capacité à trouver et à comprendre ces renseignements (y compris où commencer à chercher sans être confus ou submergés par les renseignements trouvés) et sont moins susceptibles de disposer d’un espace privé pour utiliser Internet à cette fin. Cette enquête a également révélé que le niveau de scolarité (achèvement de l’enseignement postsecondaire) est lié à une plus grande confiance et à une volonté accrue de rechercher des renseignements juridiques en ligneNote de bas de page11.

Les services offerts aux clients des régions rurales éloignées comprennent, sans toutefois s’y limiter, la représentation en matière d’aide juridique complète par des avocats salariés et des avocats du secteur privé pour les affaires pénales concernant les adultes et les jeunes, les demandes civiles (p. ex., la protection de la jeunesse, les affaires relevant du droit de la famille et, dans certains cas, les affaires concernant les immigrants et les réfugiés)Note de bas de page12. Bien que l’approbation de l’aide juridique pour ces types d’affaires soit universelle pour les personnes qui remplissent les conditions de revenu dans leur administration, la question clé est la gamme de services disponibles dans les régions rurales et éloignées pour faciliter l’accès à l’aide juridique, et/ou pour fournir une autre forme d’aide ou une aide complémentaire pour résoudre à la fois les questions principales et les questions connexes.

La documentation décrit des cadres et des modalités de service qui abordent une grande variété de questions juridiques et qui peuvent être efficaces pour mettre en relation les utilisateurs des régions rurales et éloignées avec les ressources nécessaires. Abramowicz fait l’éloge du modèle de clinique communautaire de l’Ontario, qui offre une gamme de services [traduction] « […] sous un même toit, dans le cadre d’une réponse coordonnée et holistique aux besoins juridiques des pauvres dans une collectivité particulière »Note de bas de page13. Dans la mesure où ces cliniques sont situées dans toutes les régions de cette province, il y a au moins la possibilité de desservir les clients des régions éloignées de ces collectivités. De nombreuses cliniques disposent de bureaux satellites supplémentaires afin de faciliter le service à une zone géographique plus large. Par exemple, la Keewaytinok Native Legal Services Clinic est basée à Moosonee, en Ontario, mais les avocats se rendent à Moose Factory (de l’autre côté de la baie James) une fois par semaine pour fournir des services juridiques aux membres de la collectivité des Premières Nations.

Dans un examen de l’accès à la justice pour les femmes vivant dans les régions rurales et éloignées de la Colombie-Britannique, Skinnider et Montgomery décrivent une vaste gamme de services de justice en Colombie-Britannique (p. ex., la VIJ, les services de conseils juridiques et de représentation, les services de justice provinciaux et le soutien aux services de défense des droits). Les auteurs notent que, bien qu’il existe une certaine documentation sur l’accès à la justice pour les femmes autochtones dans les régions rurales et éloignées, la documentation est beaucoup plus limitée en ce qui concerne les autres groupes minoritaires. Parmi les services publics d’information juridique, citons la Justice Education Society, Clicklaw B.C., Courthouse Libraries B.C., People's Law School, Battered Women’s Support Services et Parent Support Services. Les services de conseils juridiques et les services à la population comprennent les services communautaires fournis par B.C. Legal Services (maintenant Legal Aid B.C.), Access Pro Bono, les centres de justice familiale et les services de défense et de recherche. Bien que les services de proximité physique dans des régions rurales ou éloignées ne soient généralement pas définis de manière formelle, quelques services tels que Community Partners of Legal Aid BC ont été explicitement conçus à cette finNote de bas de page14. En outre, de nombreux services, comme Battered Women Support Services, sont offerts dans les petites collectivités ou les collectivités rurales de la province.

Dans le contexte américain, Statz décrit les bibliothécaires communautaires ruraux comme une forme d’accès que la recherche sur l’accès à la justice a jusqu’à présent largement négligée. Elle cite le cas d’un bibliothécaire d’une région très rurale qui serait prêt à parrainer une clinique juridique un soir par semaine, car il s’agit d’une activité accessible et d’un cadre dans lequel les résidents ruraux se sentent à l’aiseNote de bas de page15.

Le rôle des bibliothèques et des bibliothécaires en tant que sources d’assistance juridique pour les plaideurs non représentés ou pour les plaideurs ayant des mandats à portée limitée a été fortement préconisé au Canada également, à la fois en général et en ce qui concerne les régions rurales et éloignées. Bilson, Lowenberger et Sharp font référence au travail de John MalcomsonNote de bas de page16 et déclarent :

[traduction]
Malcolmson plaide en faveur de « l’approche de la technologie avec un assistant », où un intermédiaire, tel qu’un bibliothécaire, est connecté à la technologie et peut ainsi améliorer l’accès d’un client à celle-ci. Cela est particulièrement nécessaire compte tenu du faible niveau d’alphabétisation et des compétences technologiques insuffisantes de certaines personnes dans les régions rurales et éloignées. La recherche de l’assistance d’un intermédiaire est cruciale pour les plaideurs non représentés et les clients ayant des mandats à portée limitée qui utilisent les ressources juridiques en ligne dans les régions rurales et éloignées. Étant donné que les plaideurs non représentés (et par extension, on peut l’imaginer, les clients ayant des mandats à portée limitée) n’identifient généralement les problèmes juridiques qu’avec l’aide d’un fournisseur de services, les conseils d’un intermédiaire de confiance sur les ressources juridiques hors ligne peuvent être tout aussi précieuxNote de bas de page17.

Dans un rapport de 2015 pour le Community Advocacy and Legal Centre de l’Ontario sur le rôle des bibliothécaires et la sensibilisation à l’accès à la justice, Michele Leering a décrit huit étapes d’un [traduction] « projet de mise à l’échelle » provincial, dont la dernière était :

[traduction]
Le partage de nos connaissances émergentes sur la façon de surmonter les obstacles dans les collectivités rurales et éloignées et de créer des partenariats solides en téléversant des renseignements sur le PLE [Public Legal Education] Learning Exchange. Une section spéciale du PLE Learning Exchange consacrée aux bibliothèques pourrait être très utileNote de bas de page18.

Un rapport du Boldness Project de l’Ontario élargit encore le débat sur les partenariats comme moyen efficace de servir les personnes dans les collectivités rurales, en soulignant les avantages des modèles d’équipe utilisés dans le domaine de la santé pour fournir des soins holistiques aux personnes âgées et aux personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le rapport indique qu’en tirant parti des réseaux communautaires des collectivités rurales et en travaillant en collaboration avec des fournisseurs de services dans d’autres domaines (p. ex., en fournissant des services de transport conjoints, il peut être possible d’atteindre des personnes qui, autrement, ne bénéficieraient d’aucun soutienNote de bas de page19. Un rapport du Centre canadien de politiques alternatives préconise un modèle de prestation à « guichet unique » pour répondre à un échantillon représentatif des besoins juridiques, y compris la représentation directe des personnes qui ne sont pas financièrement admissibles à l’aide juridique ou dont l’affaire n’est pas couverte par l’aide juridique :

[traduction]
Si un guichet unique est établi, la priorité devrait être accordée à l’inclusion des régions rurales et du nord du Manitoba, où il n’existe actuellement aucun service ou où l’écart dans la prestation des services est important par rapport aux centres urbains. Cela pourrait signifier utiliser la technologie et élaborer une stratégie d’accès numérique à la justice. L’utilisation de cliniques satellites et d’opérations dans un modèle en étoile de guichets uniques peut également offrir des possibilités d’augmenter les services à une plus grande population de ManitobainsNote de bas de page20.

Dans une étude de 2014 sur l’aide juridique à Terre-Neuve-et-Labrador, John F. Roil a recommandé que la Commission d’aide juridique établisse des partenariats avec d’autres organismes d’une manière différente, c’est-à-dire en utilisant les technologies de l’information :

[traduction]
La Commission doit améliorer sa structure de technologie de l’information et élaborer des approches plus modernes de la prestation de services. La communication dans les régions éloignées doit être une priorité et il convient de rechercher des possibilités de partenariat avec d’autres acteurs du système judiciaire afin de partager les coûts. Un plus grand nombre de renseignements sur la page Web serait un outil important pour communiquer au public non seulement les différents services disponibles, mais aussi des profils ou des renseignements sur l’expérience et les compétences de ses représentants. Le système de gestion de l’information sur l’aide (SGIA) doit être examiné pour s’assurer qu’il est toujours pertinent, convivial et à jourNote de bas de page21.

En abordant les défis liés à la prestation de services dans les régions rurales et éloignées, Baxter & Yoon examinent quatre ensembles de politiques visant à promouvoir les pratiques juridiques sur ces marchés. Il s’agit notamment de mesures incitant les avocats à exercer dans les régions rurales et éloignées (comme c’est le cas au Manitoba), d’une formation axée sur le lieu de travail ciblant les candidats ayant des liens préexistants avec les collectivités rurales et éloignées (comme le fait l’Université Lakehead à Thunder Bay), de la planification de la relève et du recrutement au sein des cabinets d’avocats, et de la création de réseaux pour relier les avocats de manière à leur permettre d’offrir une gamme plus large et plus souple de services juridiques dans une région donnée (p. ex., le projet pilote SoloNet de l’Alberta).

Les auteurs soulignent que les domaines d’activité des avocats comptent autant que leur emplacement physique. Ils affirment que :

[traduction]
[…] les programmes d’incitation générale du type de ceux déployés à ce jour risquent d’être des instruments peu efficaces qui serviraient mieux les clients des régions rurales et éloignées en ciblant des domaines de pratique spécifiques où la localisation importe le plus […]. Deuxièmement, les incitations à la localisation pourraient tenir compte de la portée géographique de la pratique des recrues en prévoyant des primes pour les avocats individuels ou les cabinets d’avocats qui fournissent des services juridiques dans une certaine gamme de spécialités. Des stratégies similaires de “prime à la pratique” ont été employées avec un certain succès dans le domaine des soins de santéNote de bas de page22.

Le programme Community Partners de Legal Aid B.C. finance des travailleurs à temps partiel dans des organismes sociaux des régions rurales et éloignées de la province qui aident les personnes à résoudre leurs problèmes juridiques en les dirigeant vers un bureau de l’aide juridique, vers les ressources de la VIJ ou vers des organismes sociauxNote de bas de page23.

Un rapport de 2015 de l’Association du Barreau canadien a souligné la nécessité d’établir ce qu’elle appelle des [traduction] « points de référence en matière de couverture et d’admissibilité », c’est-à-dire des normes. Un exemple de point de référence en matière de couverture [traduction] […] donne la priorité à l’aide aux personnes sur place et à celles qui ont des besoins complexes. Cela inclut les personnes handicapées, les personnes vivant dans des régions éloignées, les personnes d’origine non anglophone et/ou non francophone, les sans-abri […]Note de bas de page24.

Un exemple de point de référence en matière d’admissibilité était

[traduction]
[…] les fournisseurs d’aide juridique doivent tenir compte des circonstances particulières qui rendent difficile l’obtention d’une aide juridique. Les circonstances particulières comprennent les problèmes de langue ou d’alphabétisation, les handicaps intellectuels, psychiatriques ou physiques, l’éloignement de la personne ou son statut de prisonnier, ou lorsque la personne est autrement exposée à un risque d’exclusion sociale […]Note de bas de page25.

Un rapport de l’ABC datant de 2021 décrit comment les procédures à distance ont généralement réussi à répondre à bon nombre des besoins des cours, des tribunaux administratifs, des autres organes de règlement des litiges, des médiateurs et des arbitres pendant la pandémie de COVID-19 :

[traduction]
Dans l’ensemble, on s’entend pour dire que les procédures à distance fonctionnent bien, surtout dans le cas des appels et des affaires où les montants d’argent sont petits, et les questions, moins complexes. Les plateformes de vidéoconférence servant aux procédures de médiation et d’arbitrage et aux audiences à distance, même si elles peuvent comporter leur lot d’inconvénients techniques, assurent une certaine continuité des services de justice. De plus, le fonctionnement à distance favorise l’accès à la justice en éliminant les obstacles géographiques et financiers pour certaines parties (perte de revenu causée par les absences du travail, frais de déplacement, etc.).
Il y a aussi le dépôt électronique des documents judiciaires (par boîte de dépôt sécurisée, portail en ligne, courriel, etc.) et le paiement téléphonique des frais judiciaires, qui constituent des améliorations majeures aux yeux des juristes, de même que les solutions virtuelles pour l’attestation testamentaire et des procurations, d’autres changements bien accueillisNote de bas de page26.

Parmi les nombreuses recommandations, le rapport conclut :

[traduction]
Toutes les instances judiciaires (tribunaux judiciaires et administratifs, commissions, etc.) devraient adopter les mesures suivantes à titre permanent pour améliorer l’accès à la justice, moderniser le système et s’attaquer aux problèmes qui le minent depuis longtemps :
  1. Permettre les procédures à distance (par vidéo, en ligne, par téléphone) pour les conférences en vue d’un règlement amiable, les interrogatoires préalables et des audiences, motions, procès et appels variés, et les maintenir en particulier pour les questions de procédure, les procédures non contestées et les affaires plus courtes ou moins complexes. Bien que ce soit le tribunal ou l’organe judiciaire qui décide au bout du compte si une procédure doit être menée en ligne ou non, les parties devraient avoir la possibilité d’être entendues et de présenter leur position sur la question.
  2. Le dépôt électronique (par boîte de dépôt sécurisée, portail en ligne, courriel, etc.) des documents judiciaires, et les acceptations de signification par courriel.
  3. La possibilité de participer aux audiences, aux procès ou aux motions sur une plateforme en ligne, comme Zoom et YouTube (à condition de remédier aux problèmes dont le présent rapport fait état)Note de bas de page27.

Ces recommandations doivent également être considérées dans le contexte contraignant de la [traduction] « fracture numérique » qui existe dans la plupart des régions nordiques et éloignées, comme l’indique la section 2 (p. 7) du présent rapport.

Un rapport du Forum canadien sur la justice civile donne plusieurs exemples en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Ontario d’accueil et de soutien financier pour la formation des étudiants en droit afin d’accroître la présence professionnelle des avocats dans les régions éloignées. Par exemple :

[traduction]
L’approche visant à accroître la présence professionnelle des avocats dans le nord de l’Ontario a été difficile. Au lieu d’inciter financièrement les étudiants ou les jeunes avocats à quitter la ville pour les régions rurales, l’Université Lakehead, située à Thunder Bay, a créé sa propre faculté de droit en 2013 afin de trouver et de former des avocats issus du milieu rural, qui sont plus susceptibles de rester et d’exercer dans les collectivités auxquelles ils sont liés. Ce modèle de formation juridique suit une méthodologie « basée sur le lieu » qui relève le défi de placer des avocats dans les régions rurales en les recrutant dans ces régions pour commencerNote de bas de page28.

Dans les régions nordiques, outre le problème de la connectivité dans les régions rurales et éloignées, les difficultés de la prestation à distance peuvent être liées à la météo (p. ex., il fait trop froid pour voyager), aux coutumes locales (p. ex., les gens sont partis chasser ou pêcher) ou à la disponibilité des installations. La consultation et la coordination avec les autorités locales sont donc essentielles. Dans une description de la prestation de services à Kuujjuaq et Puvirnitug dans le nord du Québec, Chloé Beaudet-Centomo et Nancy Leggett-Bachand ont décrit les contacts préalables avec les secrétaires-trésoriers des petits bureaux communautaires, qui faisaient la promotion de la visite imminente des avocats et notaires bénévoles auprès du conseil local et de la radio locale. Pour leur part, les avocats visiteurs s’engageraient à effectuer deux séances consécutives dans les collectivités afin d’assurer la continuité des dossiers qu’ils traitent Note de bas de page29.

Une autre approche plus locale pour desservir les régions éloignées est le service juridique mobile du comté de Wellington, une fourgonnette juridique qui circule dans les collectivités éloignées et dont le personnel est composé de travailleurs d’approche munis de connexions Skype à un(e) avocat(e), un(e) parajuriste et un(e) travailleur/travailleuse juridique communautaireNote de bas de page30. Un service mobile semblable dessert les régions périphériques proches de Montréal.

Le projet Boldness est spécialement conçu pour relever les défis de la justice dans les collectivités rurales et éloignées de cinq régions de l’Ontario. Ses nombreuses activités de projet comprennent :

  • Renforcer la présence et les capacités des professionnels du droit
  • Fournir des services juridiques plus variés et des services dans davantage de domaines du droit
  • Créer des alliances avec les fournisseurs de soins de santé
  • Effacer les frontières géographiques entre quatre cliniques pour élargir le menu des services aux clients
  • Identifier et former des « Sheila » dans les régions rurales et éloignées (c’est-à-dire des personnes de confiance pour aider les individus à identifier les problèmes juridiques et à se connecter aux ressources juridiques)
  • Créer une application qui permettra à un large éventail d’utilisateurs d’améliorer leur accès à la justiceNote de bas de page31.

La documentation offre de nombreux exemples d’utilisations innovantes de la technologie pour répondre aux besoins juridiques des régions rurales et éloignées. Dans une perspective internationale, mais avec une pertinence évidente pour la plupart des administrations canadiennes, l’Open Society Justice Initiative a élaboré en 2021 un guide pour les fournisseurs de services juridiques sur la technologie qui peut être utilisée pour fournir des services juridiques à distance. En plus de décrire les différents types de technologies accessibles, le guide décrit les meilleures pratiques pour protéger les données et la vie privée des clients en ligne, et pour gérer l’accès aux tribunaux pendant la pandémieNote de bas de page32.

Le projet Boldness en Ontario décrit diverses applications qui pourraient être utilisées efficacement sur des téléphones intelligents pour servir de prototype à une application [traduction] d’« accès à la justice en milieu rural ». Les exemples proviennent de nombreux pays (p. ex., le Canada, l’Australie et les États‑Unis) et comprennent des applications juridiques (p. ex., un dictionnaire juridique, l’emplacement du bureau d’aide juridique le plus proche) et médicales (p. ex., l’emplacement des centres de santé mentale ou des cliniques médicales). La fonction principale de chaque application, ses utilisations, ses forces et ses faiblesses sont décritesNote de bas de page33.