Résumé

Survol

Le présent rapport fait le point sur les développements récents en matière de mesures réglementaires et d’activités de programme visant à améliorer l’accès à la justice grâce à l’aide fournie par des non‑avocats dans les milieux communautaires sans but lucratif. Nous appelons ce type d’aide « aide en matière de justice communautaire ». Ce rapport a pour but d’explorer et de cerner la possibilité de soutenir et d’élargir les rôles de l’aide en matière de justice communautaire au Canada.

Notre examen porte principalement sur le Canada, mais nous tenons également compte des développements récents des administrations comparatives. Le rapport identifie certaines mesures réglementaires pertinentes susceptibles d’élargir la portée des rôles des non‑avocats en général et de l’aide en matière de justice communautaire en particulier. Il indique également un niveau important d’activités de programme dans le domaine de l’aide en matière de justice communautaire.

Le rapport traite de l’évolution récente des mesures réglementaires et des activités de programme du point de vue de la description et de l’évaluation. À la lumière de l’examen des données d’évaluation disponibles, nous concluons que l’aide en matière de justice communautaire est généralement de bonne qualité, qu’elle répond aux besoins multidimensionnels des gens, et qu’elle n’est pas plus sujette aux lacunes en matière de qualité ou d’efficacité que les services d’avocats. Par conséquent, ce rapport recommande que les prochaines étapes de l’aide en matière de justice communautaire visent à la soutenir et à la rendre possible.

Méthodologie

Le présent rapport a d’abord utilisé une méthodologie de recherche axée sur l’examen des principales sources juridiques (législation sur la réglementation de la profession juridique dans les administrations prises en considération), des publications réglementaires primaires (rapports et autres documents produits par les organismes de réglementation de la profession juridique), et de la documentation universitaire secondaire. Lorsque nous avons découvert que la documentation secondaire était quelque peu limitée, nous avons élargi notre méthodologie pour y intégrer de façon sélective de la documentation moins officielle produite par des organismes qui participent à des activités et à des programmes communautaires sans but lucratif dont les intervenants sont des non‑avocats. Nous avons également mené des entrevues téléphoniques pour clarifier certains renseignements sur les activités de programme.

Terminologie : Aide liée au droit, problème(s) lié(s) au droit et aide en matière de justice communautaire

Le présent rapport utilise l’expression « aide liée au droit » pour désigner toute la gamme des formes d’aide liées à l’élément juridique des problèmes qui surviennent fréquemment dans la vie des gens. Il peut s’agir de types d’aide que les intervenants en justice communautaire fournissent souvent, comme l’identification d’enjeux et l’information juridique, le recours à des avocats, des conseils sur la façon de remplir les formulaires, les processus de navigation et l’accompagnement au sein des processus. Il couvre également l’aide que les avocats et d’autres professionnels du droit certifiés fournissent habituellement, comme la rédaction de documents, les conseils juridiques, et la représentation devant les tribunaux ou d’autres instances de règlement des différends. Parfois, on trouvera aussi dans le rapport l’expression « services juridiques » pour distinguer les types d’aide qui sont habituellement associés aux avocats et qui font l’objet du plus grand contrôle réglementaire.

Plutôt que d’utiliser l’expression « problème juridique quotidien », le présent rapport utilise l’expression « problème lié au droit » ou « problème touchant la vie ayant un élément juridique » afin de mieux refléter la réalité selon laquelle les problèmes que les gens éprouvent sont souvent multidimensionnels (touchant, disons, la santé ou les finances) et, par conséquent, il ne s’agit pas simplement ou seulement des problèmes « juridiques ». De plus, les termes que nous préférons aident à éviter l’hypothèse selon laquelle la résolution d’un problème « juridique » doit ou devrait reposer sur le recours au système juridique officiel.

Ce qui distingue l’aide en matière de justice communautaire en tant que forme d’aide fournie par des non‑avocats, c’est qu’elle est fournie dans un contexte communautaire sans but lucratif dans le cadre d’une approche holistique visant à répondre aux besoins des personnes et des collectivités marginalisées. Pour ce qui est de notre discussion ciblée sur l’aide en matière de justice communautaire, nous utilisons le terme « travailleur communautaire » comme étiquette générale pour les non‑avocats qui fournissent de l’aide liée au droit pour les problèmes touchant la vie des gens dans des contextes communautaires sans but lucratif.

Le paradigme actuel axé sur l’avocat au Canada

Dans le contexte des objectifs généralement reconnus de la réglementation de la profession juridique, toutes les administrations au Canada utilisent un cadre de réglementation pour la profession juridique, et la prestation de services juridiques qui repose sur une restriction générale centrée sur l’avocat. Cette restriction fondamentale est « centrée sur l’avocat » parce qu’elle interdit à toutes les personnes autres que les avocats agréés (ou, dans le cas du Québec, les défenseurs) de pratiquer le droit ou, selon les différentes expressions de certains cadres de réglementation, de fournir des services juridiques. Cette restriction générale est fondamentale en ce sens qu’elle s’appuie sur une variété d’extensions et d’exemptions qui permettent à un éventail de non‑avocats, soit des personnes non-juristes, d’exercer certaines ou toutes les activités qui comprennent la pratique du droit ou la prestation de services juridiques. En même temps, il convient de noter que la transmission de renseignements juridiques généraux n’est pas considérée comme la pratique du droit ou la prestation de services juridiques.

Nous recensons deux types d’extension de la prestation de services juridiques : la prestation qui autorise d’autres professionnels du droit certifiés (comme les parajuristes), et celle qui autorise des employés ou d’autres personnes supervisées par des avocats et d’autres personnes certifiées (comme les auxiliaires juridiques et les étudiants en droit). De plus, cinq types d’exemptions permettent l’exercice des activités d’aide ayant trait à la loi par un éventail de personnes, soit :

Le recours à ces extensions et à ces exemptions varie considérablement d’une administration à l’autre.

Nous constatons aussi que les rôles des non‑avocats peuvent être fondés sur l’exercice discrétionnaire du pouvoir inhérent des tribunaux de contrôler leurs instances, ainsi que sur les règles connexes des tribunaux. Dans un certain nombre d’administrations canadiennes, les tribunaux (ou les règles des tribunaux) permettent à des non‑avocats de représenter des parties dans certains types d’instances (principalement des instances en droit de la famille), ou d’agir à titre de soutien dans le cadre d’instances judiciaires (ce qu’on appelle un « Ami McKenzie »).

Comme la profession juridique est principalement réglementée à l’échelon infranational au Canada, il n’y a pas de cadre de réglementation qui s’applique à l’ensemble des professionnels du droit au niveau fédéral. Toutefois, dans certaines administrations fédérales, le gouvernement fédéral a adopté des lois qui ont une incidence sur la prestation d’aide liée au droit, notamment en autorisant des non‑avocats à comparaître comme représentants dans les instances de règlement des différends.

Compte tenu de l’éventail d’exemptions et d’extensions qui permettent à des non‑avocats de participer à la prestation d’aide liée au droit, le paradigme réglementaire actuel pour les services juridiques dans les administrations canadiennes ne peut être qualifié d’une « exclusivité juridique ». Néanmoins, le paradigme actuel demeure essentiellement axé sur l’avocat, tant dans la structure que dans la pratique. Pourtant, le paradigme réglementaire englobe depuis longtemps une gamme d’autorisations pour la prestation de divers services juridiques par différents types de non‑avocats. Il en ressort que l’on reconnaît depuis un certain temps que la prestation d’aide liée au droit par des non‑avocats est à la fois justifiable et réalisable. Deux exemples de longue date sont les travailleurs autochtones auprès des tribunaux (à l’échelle nationale) et les travailleurs juridiques communautaires (en Ontario).

Nous percevons un potentiel inexploité important dans les régimes de réglementation, appuyant et élargissant la prestation d’aide non juridique sous forme d’aide en matière de justice communautaire. Notre document récent, intitulé Community Justice Help: Advancing Community‑based Access to Justice, suggère que la nature de la justice communautaire aide à faire en sorte qu’il soit difficile de la classer dans la catégorie des services juridiques appropriés pour une réglementation par les barreaux. Nous soutenons en outre que l’aide en matière de justice communautaire est conforme aux objectifs des organismes de réglementation canadiens en matière d’accès à la justice et qu’elle devrait être appuyée et rendue possible, plutôt que d’être minée ou assujettie à d’autres règlements par des avocats.

Les exemptions existantes pour la prestation sans frais par des travailleurs et professionnels non juridiques, lesquelles figurent ci‑dessus, offrent une autorité apparente pour l’aide en matière de justice communautaire – dans la mesure où elles peuvent être perçues comme visant la prestation de services juridiques – en Ontario, en Colombie‑Britannique, au Manitoba, en Nouvelle‑Écosse, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Au Manitoba et en Saskatchewan, la prestation de ces services pourrait à l’avenir être autorisée – encore une fois, dans la mesure où il s’agit de services considérés comme juridiques – sur la base de l’extension récemment introduite pour accorder des licences limitées au cas par cas. En Alberta, on pourrait soutenir qu’il est permis, sur la même base informelle, que la prestation actuelle de services juridiques par des parajuristes indépendants sans permis soit tolérée.

Bien que le présent rapport soit axé sur la possibilité de soutenir et d’élargir les rôles de l’aide juridique fournie par des non‑avocats d’organismes communautaires sans but lucratif, nous remarquons que les organismes de réglementation de partout au Canada ont entrepris un certain nombre de réformes et d’initiatives réglementaires au cours des dernières années. Celles-ci servent à améliorer l’accès à la justice par l’entremise d’avocats ou de mécanismes étroitement associés aux avocats ou semblables à ceux‑ci. Entre autres mesures réglementaires, mentionnons l’autorisation des parajuristes autorisés, le dégroupement des services juridiques (aussi appelés « mandats de portée limitée »), la modification des normes sur les conflits pour les avocats qui offrent des services juridiques pro bono, et le fait de permettre aux organisations de la société civile d’embaucher des avocats pour servir leurs clients. Ces progrès ont toutefois des limites en ce qui concerne leur incidence sur l’amélioration de l’accès à la justice pour les collectivités et les personnes désavantagées sur le plan social.

Cadres réglementaires dans des administrations comparatives

Le présent rapport passe en revue les cadres réglementaires des administrations comparatives des États‑Unis, de l’Australie, de l’Angleterre et du pays de Galles afin de mettre en contexte la situation au Canada. Dans notre analyse, nous constatons que les États‑Unis et l’Australie utilisent tous deux un paradigme axé sur les avocats pour la réglementation de la prestation de services juridiques qui est largement semblable au paradigme canadien.

Il convient de noter en particulier que les régimes réglementaires des trois administrations conservent une place pour que divers types de non‑avocats puissent offrir divers types d’aide juridique, bien qu’il semble que le cadre de réglementation du Canada soit probablement allé le plus loin à cet égard. Il semble également que les organismes de réglementation aux États‑Unis accordent actuellement une certaine attention à la possibilité d’élargir les types d’aide liée au droit fournie par des non‑avocats et offerte sans frais aux utilisateurs. Cette attention est moins évidente dans la documentation que nous avons pu examiner pour l’Australie.

L’Angleterre et le pays de Galles sont beaucoup moins axés sur les avocats que les trois autres administrations examinées ici, et ce, de deux façons. Premièrement, depuis longtemps, ils restreignent les non‑avocats à exercer uniquement un sous‑ensemble précis d’activités juridiques « réservées ». Deuxièmement, plus récemment, ils ont permis à un éventail de professionnels non juristes certifiés de participer à différents ensembles de ces activités réservées, avec des avocats.

À l’extérieur de ces régions, peu de restrictions réglementaires s’appliquent aux non‑avocats qui fournissent des services juridiques, ce qu’ils font depuis longtemps, notamment en offrant des services de justice communautaire. Toutefois, cela ne signifie pas une absence d’obstacles pratiques à l’aide en matière de justice communautaire en Angleterre et au pays de Galles, du moins en ce qui concerne le manque d’accès continu et croissant à un financement adéquat et à d’autres ressources.

Accès à la justice, aide en matière de justice communautaire et autonomisation juridique

Plusieurs rapports de recherche ont relevé des défis communs en matière d’aide liée au droit pour les personnes à faible revenu ou qui vivent d’autres formes de désavantage social et de marginalisation. L’accent mis dans ce rapport sur le rôle potentiel des non‑avocats dans les milieux communautaires sans but lucratif n’est pas accidentel quand on considère ce groupe démographique.

La nature et le contexte des circonstances de vie et des besoins des personnes et des collectivités marginalisées signifient que les formes d’aide non liée au droit peuvent être particulièrement importantes au plan pratique et en matière d’efficacité. L’aspect pratique réside dans le fait que l’aide est offerte gratuitement à partir de sources déjà intégrées dans la collectivité, auxquelles celle‑ci a déjà accès et auxquelles elle fait confiance. L’efficacité réside dans l’aide offerte par des aidants qui sont capables de bien comprendre et de s’engager dans le contexte social difficile des personnes à faible revenu ou qui sont marginalisées. Nous constatons la preuve limitée selon laquelle l’accès à la justice pourrait être relativement plus accessible dans le système de réglementation moins axé sur les avocats de l’Angleterre et du pays de Galles, comparativement au Canada et aux États‑Unis.

Nous soutenons que le problème du manque d’accès à la justice peut être recadré comme un problème de manque d’autonomisation juridique, et que ce recadrage renforce la justification et la faisabilité de l’élargissement de l’aide en matière de justice communautaire.

Tout comme on peut faire valoir qu’il faut aller au‑delà de l’accent mis sur les avocats dans la réglementation et la prestation d’aide liée au droit, nous devons également être conscients que l’idéal de l’accès à la justice et des idées sur la façon de l’améliorer peuvent également être axés sur les avocats. Lorsque les concepts et les approches de la capacité juridique et de l’autonomisation juridique sont appliqués, la compréhension de l’accès à la justice devient davantage axée sur les personnes et l’autonomisation, plutôt que sur l’avocat ou le système. Cela nous amène à explorer un meilleur soutien du rôle de l’aide en matière de justice communautaire dans l’avancement de l’accès à la justice, surtout dans les contextes de désavantage social.

Examen de l’aide en matière de justice communautaire

Le présent rapport présente un aperçu des initiatives de programme faisant appel à des organismes communautaires sans but lucratif dont les services sont fournis par des non‑avocats et qui offrent de l’aide juridique ou, autrement dit, de l’aide en matière de justice communautaire. Nous cernons un éventail d’aide liée au droit fournie par les organismes communautaires, couvrant trois principaux types de tâches et de services :

Bien qu’il n’y ait aucun fondement à partir duquel nous pouvons quantifier l’ampleur de ces programmes, nous supposons qu’il y a des centaines d’exemples au Canada, aux États‑Unis, au Royaume‑Uni et en Australie d’organismes communautaires sans but lucratif qui fournissent de l’aide en matière juridique dans l’ensemble des groupes généraux de tâches et de services associés. Il semble qu’au cours des dernières années, ces administrations ont connu une activité considérable et croissante dans le domaine de l’aide en matière de justice communautaire, et ce, dans l’ensemble de ces groupes.

Notant qu’il est pratiquement impossible de catégoriser clairement l’éventail des organismes et des services qu’ils offrent, nous avons décidé d’illustrer l’éventail en sélectionnant un échantillon de programmes dans ces administrations et en discutant brièvement de ceux-ci. Les mandats de ces organismes quant à la prestation de programmes et la nature des programmes qu’ils offrent varient grandement. Le rapport mentionne aussi les évaluations des programmes que nous donnons en exemple, lorsqu’elles sont accessibles au public.

En décrivant les activités de programme au Canada et dans les administrations comparatives, nous avons divisé les activités en trois catégories qui correspondent en gros aux trois groupes de services décrits ci‑dessous.

  1. Partenariats de justice communautaire, y compris les partenariats bibliothèque‑justice et santé‑justice

Les partenariats appartenant à ce groupe prennent de nombreuses formes. Les partenariats bibliothèque‑justice sont axés sur la formation du personnel de bibliothèque quant à la façon de reconnaître un problème lié au droit, ainsi que sur la recherche et l’accès à de l’information juridique fiable et pertinente pour les abonnés de la bibliothèque.

Les partenariats santé‑justice permettent d’offrir de la formation et du soutien aux travailleurs de la santé afin d’accroître leur capacité d’aider les patients à cerner les problèmes juridiques et à accéder aux renseignements juridiques pertinents. Bon nombre de ces programmes offrent des renvois chaleureux et ont des services juridiques intégrés directement au cadre des soins de santé.

Les partenariats religion‑justice offrent aux membres de groupes ou d’établissements religieux ou confessionnels, ou aux personnes qui fréquentent des lieux de culte particuliers, des liens directs avec des professionnels du droit. Plusieurs de ces partenariats sont apparus récemment aux États‑Unis.

Les partenariats intersectoriels offrent la possibilité de mettre les gens en contact avec une gamme de services sociaux, y compris l’aide liée au droit. En Ontario, Connexion Ottawa est un réseau fondé sur des partenariats qui regroupe plus de 50 services de santé communautaire, d’aide juridique, d’immigration, de services sociaux, et de services offerts aux personnes en situation de handicap. Cette initiative permet aux travailleurs de première ligne de fournir des renseignements juridiques utiles et précis à leurs clients, facilite l’établissement de liens avec d’autres services, et offre une gamme de programmes de formation aux organismes partenaires afin qu’ils acquièrent des connaissances et des compétences en droit.

  1. Services communautaires qui intègrent l’aide liée au droit, y compris les services dans les domaines des droits des travailleurs, du soutien aux immigrants récents, du soutien aux survivants de violence entre partenaires intimes, et les navigateurs et guides communautaires

De nombreux organismes communautaires de base, dirigés par des travailleurs, ont été à l’avant‑garde de la défense des droits juridiques de leurs membres, sans se laisser décourager par l’absence d’un avocat au sein du personnel. Les organismes communautaires du Canada et des États‑Unis qui œuvrent à soutenir les travailleurs fournissent une gamme d’assistance, notamment en aidant les travailleurs à demander des prestations, en assurant que les travailleurs comprennent bien leurs droits, et en réglant les problèmes en matière d’emploi. Ces organismes préconisent des conditions de travail justes, décentes et sécuritaires.

Les organismes communautaires du Canada et des États‑Unis qui travaillent dans le domaine de l’immigration et de l’asile soutiennent les nouveaux arrivants dans leurs efforts pour obtenir un statut juridique, un permis de travail ou d’études, des soins de santé, ainsi que d’autres documents et droits juridiques dont ils ont besoin pour demeurer au pays et y vivre décemment. L’aide varie d’une organisation et d’une administration à l’autre. Elle peut être fournie par des travailleurs sociaux, des gestionnaires de cas, des bénévoles formés, des coordonnateurs ou des étudiants.

Pour se libérer d’une relation violente, les personnes survivantes de violence entre partenaires intimes peuvent devoir recourir à divers processus juridiques, dont le droit pénal, le droit familial et le droit du logement, ainsi que le soutien au revenu. Au Canada, les organismes qui offrent des services aux survivantes et survivants de violence entre partenaires intimes forment des juristes ou des travailleurs de soutien auprès des tribunaux en ce qui a trait à divers services d’assistance. Ces services comprennent entre autres l’accompagnement des femmes au tribunal et à leur rendez‑vous avec un avocat, la formation sur le processus juridique et la façon de remplir les documents juridiques. Ils peuvent aussi les aider en les mettant en communication avec des avocats en droit de la famille.

Au cours des dernières années, divers programmes de navigation ont vu le jour au Canada et dans d’autres administrations, dans des contextes juridiques et communautaires, pour fournir de l’aide liée au processus aux personnes engagées dans une cause juridique. Les programmes de navigation à l’intérieur des cours et des tribunaux varient d’une administration à l’autre. Certains ont recours à des bénévoles formés, d’autres à du personnel spécialement formé. Ils offrent une gamme de services de soutien aux parties qui se représentent elles‑mêmes, notamment de l’aide pour s’y retrouver physiquement dans les tribunaux, obtenir des renseignements juridiques et liés aux procédures, comprendre leurs options, remplir les documents juridiques, et obtenir des renseignements sur le recours.

Les organismes communautaires ont également commencé à adopter la terminologie de « navigation » pour décrire l’aide juridique centrée sur les processus qu’ils fournissent. Certains organismes offrent un soutien par les pairs en formant des membres de la collectivité pour servir de « guides communautaires » et de « pairs éducateurs ».

  1. Les Amis McKenzie et les personnes de soutien à la Cour

Au cours des dernières années, le concept des personnes de soutien, qui mise sur les Amis McKenzie au Royaume‑Uni, a su attirer l’attention au Canada. Le Royaume‑Uni permet à un profane, appelé « Ami McKenzie », de fournir une « aide raisonnable » aux plaideurs qui se représentent eux‑mêmes devant les tribunaux.

Le rôle des Amis McKenzie et des personnes responsables du soutien à la cour varie d’une administration à l’autre. Ils peuvent fournir un éventail d’aide, y compris un soutien moral et émotionnel, des conseils pour organiser différents documents et éléments de preuve, de l’aide afin de mieux comprendre le processus juridique et le forum décisionnel, et un accompagnement à une rencontre avec un avocat ou à une instance au tribunal ou autre. De nombreux organismes communautaires au Canada qui offrent de l’aide liée au droit fournissent également ce qui pourrait être considéré comme de l’aide de type « Ami McKenzie ».

Le rapport examine également les différents modèles d’aide en matière de justice communautaire offerts par le vaste réseau d’organismes de bienfaisance indépendants au Royaume‑Uni, appelé Citizens Advice. Les bureaux de Citizens Advice sont des points d’entrée pour de nombreuses personnes qui ont besoin d’aide et de soutien à l’égard d’un grand éventail de questions, y compris celles qui ont trait aux avantages sociaux et aux pensions, à l’endettement et aux questions liées à la consommation, à l’emploi, au logement, à l’immigration et à de nombreuses autres. Des conseillers hautement qualifiés qui travaillent à partir des bureaux de Citizens Advice fournissent de l’information sur les processus, aident les clients à communiquer avec les établissements avec lesquels ils font affaire, traduisent leurs récits pour répondre aux exigences des formulaires de demande ou des tribunaux, négocient de façon informelle avec les employeurs, et recueillent des preuves à l’appui de leurs allégations.

De plus, le rapport traite brièvement de l’utilisation de la technologie pour soutenir la justice communautaire. La technologie a joué une variété de rôles positifs dans la prestation d’aide en matière de justice communautaire, c’est‑à‑dire sous forme de plateformes, d’outils et de canaux en ligne pour le partage d’information et le soutien des services, sous forme de formation et de mentorat, ainsi que de soutien par les pairs et de soutien aux renvois.

Aide et qualité de la justice communautaire

Des questions sont parfois soulevées concernant la qualité de l’aide en matière de justice communautaire offerte par les organismes communautaires, ainsi que la façon dont cette aide se compare sur le plan de la qualité et de l’efficacité aux services d’un avocat ou d’un parajuriste. Il semble qu'il n'existe qu'un petit nombre d'ouvrages universitaires relativement récents sur ces questions, qui font l’objet d’un examen détaillé.

Nous tirons les principales constatations suivantes de la documentation sur l’évaluation :

Conclusion : Constatations principales, lacunes dans les connaissances, recommandations et prochaines étapes

La conclusion du rapport fait état d’un certain nombre de constatations principales :

  1. Comme les non‑avocats offrent déjà une aide liée au droit qui correspond au paradigme axé sur les avocats, les efforts et les initiatives visant à transformer le paradigme axé sur les avocats en rôles plus importants pour les non‑avocats en général, et l’aide en matière de justice communautaire en particulier visent, dans une certaine mesure, à modifier le degré plutôt que la nature.
  2. Bien qu’elles ne reflètent pas un changement de paradigme axé sur l’avocat, certaines mesures réglementaires récentes encouragent au moins l’orientation du paradigme vers des modes de prestation de services auxquels plus de gens pourraient avoir accès. Toutefois, dans la mesure où ces modes de prestation de services fonctionnent à but lucratif, même s’ils coûtent moins cher, il est peu probable qu’ils présentent une grande avancée en matière d’accès à la justice pour les personnes à faible revenu ou qui vivent d’autres formes de désavantage social et de marginalisation.
  3. Une nouvelle approche et la compréhension de l’accès à la justice, qui sont axées sur les personnes et sur l’autonomisation, peuvent modifier le fondement sur lequel le paradigme axé sur l’avocat a été érigé, et elles continueront probablement d’exercer des pressions pour changer ce paradigme. Nous prévoyons que cela mènera à des mesures réglementaires plus délibérées – formelles ou informelles – pour permettre l’aide en matière de justice communautaire et la soutenir.
  4. L’ampleur et la vigueur de l’activité d’aide en matière de justice communautaire reflètent la réalité du lieu et de la façon dont les gens abordent leurs problèmes multidimensionnels, y compris les problèmes qui peuvent inclure un élément lié au droit. Le fait de reconnaître et de soutenir cette réalité est très prometteur pour améliorer l’accès à la justice.
  5. L’adoption d’une approche favorable et habilitante de l’aide en matière de justice communautaire (par les organismes de réglementation, les gouvernements et d’autres) est une approche solide fondée sur des données probantes. Il n’y a pas de preuves permettant d’établir que cela mettrait le public en danger.

Nous avons également cerné deux principales lacunes dans les connaissances:

  1. Premièrement, il y a un manque d’information détaillée sur l’étendue réelle des programmes et des activités d’aide en matière de justice communautaire au Canada et dans les administrations comparatives.
  2. Deuxièmement, ce qui est plus important, c’est qu’il y a une lacune dans les évaluations accessibles au public de l’efficacité des activités et des programmes actuels comportant la prestation d’aide liée au droit par des organismes communautaires sans but lucratif. Notre examen a tenu compte de la documentation limitée disponible dans ce domaine et il appuie l’utilité d’une telle recherche. Toutefois, nous insistons sur le fait que, pour être productifs et constructifs, les organismes sans but lucratif qui fournissent de l’aide en matière de justice communautaire doivent participer activement, sinon diriger, ces efforts d’évaluation.

Conformément aux principales constatations du présent rapport, et d’autres, selon lesquelles l’activité d’aide en matière de justice communautaire semble être de bonne qualité, nous recommandons qu’elle soit renforcée et élargie au moyen d’une approche qui met l’accent sur son soutien et son habilitation, plutôt que sur son contrôle et sa réglementation. En nous inspirant d’autres travaux, nous offrons un cadre pour cette approche qui décrit bon nombre des pratiques exemplaires déjà en place dans les milieux communautaires. Le cadre est axé sur trois caractéristiques d’une aide en matière de justice communautaire de bonne qualité, et fournit un ensemble de repères indicatifs pour chaque caractéristique. Nous proposons que l’aide en matière de justice communautaire est de « bonne qualité » lorsque :

  1. Les auxiliaires de la justice communautaire ont les connaissances, les compétences et l’expérience dont ils ont besoin pour aider les gens à composer avec les éléments juridiques de leurs problèmes et à s’y retrouver dans les processus juridiques pertinents.
  2. Les auxiliaires de la justice communautaire travaillent au sein d’un organisme sans but lucratif et d’une infrastructure éthique qui protège la dignité, la vie privée et le bien‑être des personnes qu’ils aident.
  3. Les auxiliaires de la justice communautaire offrent un soutien qui répond aux besoins de leurs clients de façon holistique, en se fondant sur la compréhension de la nature multidimensionnelle de leurs besoins, du contexte social de leur vie, et de la disponibilité d’autres services appropriés dans la collectivité. En bref, les travailleurs communautaires connaissent leurs clients et leurs collectivités à fond.

En retour, nous proposons que les prochaines étapes pour l’aide en matière de justice communautaire soient éclairées par l’approche « de soutien et d’habilitation » que nous recommandons.

En ce qui concerne l’éventail des prochaines étapes possibles pour le ministère de la Justice, nous suggérons les possibilités suivantes :

  1. Étudier la possibilité de soutenir et d’habiliter la justice communautaire pour aider à améliorer l’accès à la justice dans les domaines de compétence fédérale et dans les domaines couverts par les partenariats de programmes intergouvernementaux et les cadres de financement connexes.
  2. Déterminer et corriger les restrictions ou les obstacles actuels à l’aide en matière de justice communautaire dans les domaines de compétence fédérale, en particulier dans le domaine de l’aide liée au droit de l’immigration et des réfugiés fournie par les organismes sans but lucratif.
  3. Financer et faciliter de toute autre manière la recherche afin de mieux comprendre l’ampleur actuelle de l’aide en matière de justice communautaire et d’évaluer de façon constructive et contextuelle sa qualité et les domaines d’amélioration possibles.
  4. Financer et faciliter par d’autres moyens la recherche visant à mieux comprendre comment les organismes communautaires sans but lucratif qui offrent de l’aide en matière de justice communautaire aident à soutenir la qualité de leur travail à l’interne et collectivement.
  5. Financer et faciliter de toute autre manière des projets, des projets pilotes ou d’autres initiatives spécifiques à un secteur ou à un organisme, visant à élaborer, établir, maintenir, évaluer ou améliorer la qualité de l’aide en matière de justice communautaire.
  6. Financer et faciliter par d’autres moyens la recherche qui explore, de manière particulièrement ciblée et approfondie, les mesures entreprises et l’aide recherchée par les personnes à faible revenu ou qui connaissent d’autres désavantages sociaux pour résoudre leurs problèmes de vie multidimensionnels qui peuvent inclure des éléments liés au droit, ainsi que l’efficacité des mesures, de l’aide et des défis qui y sont associés.
  7. Favoriser l’échange d’information et de connaissances entre les juridictions nationales et internationales sur les activités d’aide en matière de justice communautaire et les meilleures pratiques.