Toutes les voix comptent : les répercussions des problèmes juridiques graves chez les jeunes de 16 à 30 ans de la communauté noire
Répercussions
Répercussions sur la santé
De nombreux participants ont indiqué vivre de l’anxiété ou se sentir déprimés en raison de leurs problèmes juridiques, ou plus précisément en raison des efforts qu’ils doivent déployer pour les résoudre.
Une participante a expliqué à quel point l’insécurité résidentielle qu’elle a vécue l’avait affectée. Elle est toujours à la recherche d’un logement abordable et affirme être prise dans un cycle sans fin qui consiste à chercher sans arrêt de nouvelles façons de trouver un logement stable ou d’obtenir du financement. Sa situation de logement précaire a eu une incidence sur ses choix au travail et à l’école, et lui a causé un sentiment constant d’anxiété. Ses déménagements fréquents ont mis à mal ses relations. Elle a grandi sans port d'attache et attribue son anxiété et ses épisodes de dépression à cette insécurité résidentielle.
Une autre participante a expliqué que les logements insalubres et les conflits avec les propriétaires qu’elle a connus dans son enfance sont devenus pour elle un mode de vie. Elle a appris à s’adapter aux changements et à continuer. Tous les participants qui ont connu des problèmes de logement ont indiqué avoir vécu de l’anxiété et un sentiment d’isolement.
Une participante qui a vécu des problèmes financiers et d’endettement a expliqué que ceux-ci lui avaient causé de l’anxiété et avaient fait naître chez elle un sentiment de solitude et des idées sombres. Elle avait honte et n’a demandé d’aide à personne. L’agence de recouvrement a appelé ses parents à de nombreuses reprises, ce qui a causé un conflit avec ces derniers, qui représentaient son seul soutien.
Les problèmes familiaux qui resurgissent périodiquement ont des conséquences importantes sur la santé. Chaque changement et chaque nouvelle procédure font renaître les mêmes craintes et la même impression de précarité. Les participants ont indiqué avoir ressenti à nouveau tous les sentiments négatifs qu’ils avaient éprouvés et avoir été à nouveau envahis par l’incertitude.
« Il m'est arrivé de ne pas pouvoir profiter de certaines possibilités ou de devoir quitter mon emploi en raison de la discrimination et du harcèlement dont j’étais victime. » – environ 26 ans
Les participants ont indiqué avoir souvent eu du mal à trouver le sommeil ou à se concentrer à l’école à la suite d’un incident de discrimination. Une participante a expliqué que pendant une semaine, après avoir été victime de discrimination dans un magasin de détail, elle s’est sentie étrangère à elle-même et n’arrivait plus à dormir ni à se concentrer, car elle passait son temps à ressasser l’incident. Dans un autre cas, un participant a eu recours à la violence et a causé des blessures à autrui, ce qui a mené à son arrestation.
Les participants ont indiqué ne s’être confiés à personne au sujet de leurs problèmes. Ils ont dit s’être sentis seuls ou avoir été incapables de solliciter le soutien de leurs amis ou de membres de leur famille ou de faire appel à des professionnels comme des travailleurs sociaux. Certains ont indiqué avoir éprouvé de la honte, d’autres de la confusion ou de l’isolement, et avoir supporté seul les conséquences de leurs problèmes juridiques sur leur santé.
Répercussions sur les finances
La plupart des participants n’ont pas associé de dimension financière à leurs problèmes juridiques, bien qu’ils aient indiqué avoir dû quitter un emploi, déménager dans un nouveau logement ou éviter certains commerces ou certaines expériences. Malgré ces répercussions de nature financière, la plupart des participants n’ont pas fait de lien entre leur problème juridique et la stabilité de leurs finances.
À titre de consommateurs, les participants ont limité leurs options afin d’éviter les magasins où ils avaient été victimes de discrimination, notamment des magasins de vêtements, des salons de beauté et des épiceries. Certains participants ayant subi un traitement discriminatoire au travail ont quitté leur emploi et se sont retrouvés au chômage ou dans une situation de sous emploi. Une participante qui était aux prises avec des problèmes d’endettement et harcelée par des agences de recouvrement a occupé de front deux emplois et travaillé sans arrêt afin de rembourser sa dette.
Une participante ayant fait appel au tribunal de la famille dans un dossier de garde d’enfants a eu accès à une aide financière. Elle a obtenu cette aide dans le cadre du processus judiciaire et a appris qu’elle était également admissible à un soutien financier continu. Si elle n'avait pas eu recours au système de justice, elle ne l'aurait pas su.
Certains participants ont choisi de ne pas porter plainte contre la police parce qu’ils s’inquiétaient des répercussions à long terme qu’une plainte pourrait avoir sur leurs possibilités de carrière ou leur statut d’immigrant. Ils ont tenu compte, dans leur décision, des répercussions que le fait de dénoncer un traitement raciste était susceptible d'avoir sur leur situation financière.
Un certain nombre de participants ont indiqué qu’ils avaient eu de la difficulté à trouver un nouvel emploi pendant la pandémie de COVID-19, en particulier dans le secteur du commerce de détail.
Répercussions sur la scolarité
Des participants ont établi un lien entre leurs expériences scolaires et la discrimination, indiquant que les attentes étaient moins élevées envers les étudiants noirs et que les ressources leur étant destinées étaient moins nombreuses. Ils ont décrit une expérience commune qui consistait pour eux à être envoyés dans une salle de ressources auxiliaires, à être ignorés ou à être étiquetés comme étant des fauteurs de troubles lorsqu’ils éprouvaient des difficultés en classe, plutôt que de recevoir un soutien positif de la part des enseignants. Les étudiants noirs n’étaient pas encouragés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Les participants ont indiqué qu’ils se sentaient impuissants face à l’étiquetage et à la discrimination continue dont ils étaient victimes à l’école; il leur fallait l'accepter, se sentir sans voix ou alors chercher des alliés (p. ex. parmi les enseignants également racisés) susceptibles de prendre leur défense. Les conséquences à long terme de l’étiquetage et de la discrimination qu’ils ont vécus en milieu scolaire étaient évidentes pour les participants. Ils estimaient, par exemple, avoir été orientés vers des avenues autres que les études universitaires ou ne pas avoir eu l'occasion de profiter de certaines possibilités.
Répercussions sur la confiance et le sentiment de sécurité
Les participants ont parlé des difficultés qu’ils ont eues à trouver du soutien dans la collectivité, en raison notamment de leur situation à la maison. Ils ressentaient constamment le besoin de s’expliquer et de prouver qu’ils étaient des membres actifs de la société, au point de toujours avoir sur eux une lettre de leur employeur.
« Vous devez choisir avec prudence les endroits où vous allez et ce que vous dites à certaines personnes, car vous ne savez pas comment elles pourraient réagir à votre apparence ni ce qu’elles pourraient penser de vous. » – environ 18 ans
Une participante a indiqué que le racisme envers les Noirs qui sévissait au sein de sa résidence universitaire a eu une incidence sur son sentiment général de sécurité. Sous prétexte qu’elle n'avait pas l'allure d’une étudiante universitaire, des étudiants l’ont empêchée d’entrer dans l’immeuble où elle logeait. Chaque fois qu'elle repense à cet incident, elle a du mal à trouver le sommeil. Elle avait vu certaines publications signalant des cas de discrimination similaires, mais le fait d’être elle-même victime de ce genre de traitements l’a bouleversée. Elle a porté plainte, mais n'a pas été prise au sérieux, ce qui a eu pour effet de la décourager. Elle n’a trouvé personne à qui en parler.
Les participants ont indiqué que les expériences de discrimination qu’ils ont vécues à l’école les avaient d'abord choqués et déstabilisés, mais qu’ils en étaient graduellement venus à les considérer comme « normales ». Ces situations ont été particulièrement difficiles pour les participants qui attribuaient leur comportement à l’école à des problèmes traumatisants vécus à la maison. Ils avaient l’impression de ne pas avoir obtenu l’attention et le soutien dont ils avaient besoin pour réussir à l’école et les effets négatifs de ce manque se sont répercutés dans leur vie d'adulte.
Un participant a raconté avoir été harcelé de façon incessante par un ancien associé, qui est même allé jusqu’à proférer des menaces de mort. Une participante a mentionné avoir fait l’objet d’une attention non sollicitée et de harcèlement sexuel de la part de clients masculins plus âgés dans le cadre de l’emploi qu’elle occupait dans un magasin de détail. L’intersection de la race et du sexe a été citée comme la raison expliquant que ces problèmes juridiques n’aient pas été pris en compte et que les participants aient été laissés à eux-mêmes.
Les participants ont mentionné se sentir impuissants face aux autorités, en particulier dans le milieu de l’éducation et en contexte professionnel. D’autres ont déclaré avoir perdu des relations de soutien clés parce qu’ils ont dû changer d’emploi ou déménager dans un nouveau logement. Ils ont eu l’impression de rater des occasions. Une participante a indiqué qu’en raison des expériences qu’elle a vécues, elle aborde maintenant les gens, y compris des enfants, différemment selon leur identité raciale.
Les participants ont indiqué que les reportages récents des médias sur l’inconduite policière avaient eu pour effet d'accentuer leur anxiété face à d’éventuelles interactions avec la police. Ils ont indiqué ne plus avoir confiance en la police et ne pas se sentir en sécurité lors d’interactions avec des policiers. Ce sentiment était partagé par les participants qui avaient indiqué avoir confiance en la police avant d’être appelés à interagir avec des policiers. Une participante a même déclaré que son sentiment d’anxiété vis à-vis d’éventuelles interactions avec la police s’était transformé en « paranoïa » lorsqu’elle empruntait les transports en commun ou utilisait d’autres services publics susceptibles de la mettre en présence de figures d’autorité.
« Les Noirs doivent refuser et dénoncer les stéréotypes. » – environ 20 ans
Certains participants ont indiqué que les jeunes Noirs devraient se garder de répondre aux attentes négatives en modifiant leur propre comportement.
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