Toutes les voix comptent : les répercussions des problèmes juridiques graves chez les jeunes de 16 à 30 ans de la communauté noire

Stratégies

Demander de l’aide

Les participants aux prises avec des problèmes familiaux ont eu recours à l’aide juridique ou ont retenu les services d’un avocat en pratique privée pour les aider à régler des questions relatives à la garde, à la séparation ou à la protection de l’enfance. Une personne a entrepris de régler seule son problème (qui relevait du droit de la famille) et a eu du mal à s’y retrouver dans le processus judiciaire; elle s’est plainte d'avoir dû se rendre dans de nombreux bureaux différents et accomplir des formalités compliquées.

Au sujet de son problème d’endettement grave, une personne a expliqué qu’elle n’en avait parlé à personne et n'avait pas demandé d’aide parce qu’il n’existait aucune ressource pour ce genre d’expériences dans sa petite collectivité de banlieue.

En ce qui concerne la discrimination, les participants ont indiqué avoir eu recours aux mécanismes internes de présentation de plaintes ou avoir porté la situation à la connaissance de la direction, par exemple, le gérant ou le directeur d’un magasin. Aucun des participants n’a indiqué avoir envisagé de déposer une plainte officielle en justice relativement à leurs expériences de harcèlement et de discrimination. La plupart des participants n’étaient pas au courant des recours qu’ils pouvaient exercer en justice.

Certains participants ont affirmé avoir été victimes de stigmatisation lorsqu’ils ont eu recours à des services de soutien communautaires, tels que ceux offerts par des travailleurs sociaux, ou lorsqu’ils ont fait appel au système de justice. Ils ont indiqué que, dans la mesure du possible, ils avaient évité d'avoir recours à la justice ou à des mécanismes de soutien officiels.

Mécanismes officiels de résolution

La plupart des participants qui ont pris part à un processus judiciaire officiel ont été contraints de comparaître devant les tribunaux dans le cadre d’une affaire familiale ou criminelle. Ils ont eu accès à l’aide juridique ou ont retenu les services d’un avocat en pratique privée. Ceux dont les dossiers relevaient du droit de la famille se sont dits relativement satisfaits des résultats, mais ont insisté sur le fait que le processus était lent et déroutant.

« C’est vraiment difficile de demander de l’aide parce que personne ne sait vraiment ce que l’on vit… On veut obtenir de l’aide, mais on ne veut pas que les gens nous jugent. » – environ 18 ans

Un participant ayant reçu une contravention pour une infraction au code de la route à la suite d’une interaction avec la police a plaidé non coupable et s’est présenté devant le tribunal. Le participant a été déclaré non coupable après avoir expliqué au juge l’expérience qu’il avait vécue avec la police.

Une participante qui avait été arrêtée a indiqué qu’il avait été soudainement plus facile pour elle de résoudre ses problèmes après qu'elle soit tombée enceinte. En effet, elle a eu l’impression que le système de justice pénale était plus disposé à lui fournir de l'aide et des ressources maintenant qu’elle attendait un enfant. En raison d’un conflit avec les services de protection de l’enfance survenu pendant sa grossesse, elle a cependant été contrainte de quitter l’hôpital sans son bébé. Les services de protection de l’enfance ont par la suite reconnu qu’ils avaient fait une erreur, mais elle n’a pas déposé de plainte officielle parce qu’elle ne voulait plus avoir affaire au système.

« J’ai obtenu l’aide d’un avocat. Nous avons fait équipe et cela a été pour moi une expérience positive. Il m’a respecté en tant que client (plutôt que de me considérer comme une personne à problèmes). Et, il m’a bien défendu. » – environ 18 ans

Mécanismes informels de résolution

Les participants ont évoqué un certain nombre d’approches en matière de résolution; celles-ci allaient de l'acceptation pure et simple au recours à la violence (pour l’un d’entre eux).

Malgré leurs efforts pour trouver un logement abordable ou subventionné à Toronto, la plupart des participants ont simplement obtenu que leur nom soit ajouté à une longue liste d’attente. Les participants ont été contraints de vivre dans des logements insalubres parce qu’il n’y avait pas d'autres solutions. Aucun des participants n’a mentionné avoir eu recours à un mécanisme de résolution des différends relativement à un problème de logement; tous se sont résignés et ont accepté le déséquilibre des pouvoirs qui caractérisent les relations entre les propriétaires et les locataires.

La participante qui a vécu des problèmes d'endettement et aux appels répétés d’agences de recouvrement a occupé de front deux emplois afin de rembourser sa dette. Elle a indiqué qu’elle n’a reçu aucune aide et qu’elle n’a pas tenté de négocier le montant de sa dette.

Relativement à des problèmes survenus en milieu scolaire, deux des participants ont indiqué avoir eux-mêmes fait valoir leurs droits en s’adressant directement au professeur ou à un autre enseignant en qui ils avaient confiance. Ils ont mentionné que cette approche avait porté fruit.

D’autres étudiants ont indiqué avoir simplement « accepté la situation », ce qui, bien sûr, n’a pas permis de résoudre le problème.

En ce qui concerne les incidents survenus dans des commerces de détail, la plupart des participants ont indiqué qu’ils évitaient désormais de dépenser leur argent dans des magasins où ils ont vécu une expérience de discrimination. Un participant a indiqué qu’il avait porté un incident à la connaissance du gérant de magasin, mais que celui-ci n’y avait pas donné suite.

« Parfois, lorsque j’entre dans un magasin, je m'aperçois que je suis surveillé plus que les autres simplement parce que j’ai la peau noire. » – environ 18 ans

En ce qui concerne les problèmes liés à un emploi dans le secteur de la vente au détail, tous les participants qui avaient été victimes de discrimination au travail de la part de clients ou d’autres employés ont mentionné avoir quitté leur emploi. La participante qui a été victime de harcèlement sexuel en milieu de travail a également quitté son emploi lorsqu’elle a compris que la direction n’entendait pas prendre de mesures pour résoudre le problème. Le participant qui a reçu des menaces de la part d’un ancien associé a dit avoir ignoré ce dernier jusqu’à ce qu’il cesse ses menaces.

Les participants qui ont été victimes d’intimidation ou de menaces ont indiqué avoir ignoré le problème ou avoir réglé le problème eux-mêmes. L'un d'entre eux a dit s’être adressé au directeur de l’école. Ils ont mentionné que leurs méthodes de résolution avaient porté fruit. Un des participants a eu recours à la violence, ce qui lui a valu d’être arrêté et inculpé.

Les participants ont donné de nombreux exemples de mesures à prendre en prévision d’interactions avec la police, comme s'assurer de toujours avoir une pièce d’identité sur eux, se renseigner au sujet de leurs droits et sur la façon de traiter avec la police, et veiller à ce que leurs amis connaissent leurs droits eux aussi. Au sujet de leurs interactions avec la police, les participants ont mentionné s’être efforcés de ne pas envenimer la situation et avoir coopéré avec la police tout en faisant valoir leurs droits.

Dépôt de plaintes par la voie légale auprès d’autorités autres que la police

Les tentatives de résolution qui n’ont pas abouti ont dissuadé les participants d'avoir recours à d'autres mécanismes offerts par le système de justice. L’un des participants, qui était l’aîné de sa famille, a indiqué avoir dû talonner des agences de logement afin que des réparations soient apportées dans les appartements qu’il a occupés avec sa famille. Un participant a eu de la difficulté à obtenir un aide financière au logement. Il en a parlé à un travailleur social, mais au final, rien n’a changé. Après avoir passé une année en situation d'insécurité résidentielle, un autre participant a finalement pu obtenir un logement étudiant sans avoir à fournir une cote de crédit. Pendant toute cette année, le participant a cru préférable de ne pas déposer de plainte.

Une participante a raconté l’expérience de racisme qu'elle a vécue à sa résidence universitaire. Un autre étudiant qui l’empêchait d’entrer dans la résidence où elle logeait a exigé qu'elle lui présente sa carte étudiante. Elle a refusé et a signalé l’incident au service de sécurité du campus. Le service de sécurité ne l’a pas prise au sérieux; il lui a dit que les caméras de l’immeuble ne fonctionnaient pas et qu’il était par conséquent impossible de faire enquête. Une semaine plus tard, les résidents de l'immeuble ont été informés qu’une enquête portant sur un vol de chaise était en cours et que les images captées par les caméras de surveillance allaient être utilisées pour faire la lumière sur cette affaire. Elle est maintenant réticente à porter plainte de nouveau.

Le participant qui a été victime d’un acte criminel a exercé un recours officiel en justice, y compris par l’entremise de la police et des travailleurs sociaux des services aux victimes, mais l'affaire a été abandonnée. Le participant s'est dit d’avis que l’enquête avait été bâclée. Il n'a pas le sentiment que justice a été rendue.

Les participants qui ont eu de la difficulté à obtenir des prestations d’assurance-emploi (AE) ou la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont indiqué avoir cherché activement à savoir pourquoi ils n'avaient pas reçu de versements, notamment en appelant aux numéros des lignes d'assistance et en consultant les sites Web du gouvernement. Tous les participants ayant eu ce problème ont indiqué qu’il avait été résolu.

Raisons expliquant le choix des participants de ne pas donner suite

Les participants ont invoqué plusieurs raisons pour expliquer leur choix de ne pas signaler un incident ou de ne pas prendre de mesures pour résoudre un problème juridique, notamment le fait qu’ils n’étaient pas au courant de leurs recours, qu’ils avaient le sentiment que cela ne servirait à rien et qu’ils ne faisaient pas confiance au système ou à ses représentants. Les obstacles financiers ne figuraient pas parmi les raisons données par les participants pour expliquer leur choix.

Un participant a choisi de ne pas communiquer avec un avocat au sujet de la discrimination dont il avait été victime au travail. Il a plutôt parlé à un agent d’établissement dans le but de mieux comprendre les processus d’embauche au Canada. On lui a dit qu’il pouvait effectivement s'agir d’un cas de discrimination, mais qu'il lui appartenait d'en faire la preuve devant les tribunaux. N'ayant pas obtenu son certificat de résidence, il ne voulait prendre aucun risque supplémentaire et a jugé préférable de ne pas entreprendre de démarches en justice. Il craignait qu’une action en justice ne donne au gouvernement fédéral un motif de le renvoyer dans son pays. Il se disait en outre que le simple fait de parler de son problème à un avocat risquait d'attirer l’attention du gouvernement, ce qui pouvait nuire à sa demande auprès de l’immigration.

Plusieurs participants ont reconnu que le simple fait de signaler un incident pouvait leur valoir d’être stigmatisés au sein de leur collectivité. Ils ont indiqué que, dans la mesure du possible, ils avaient évité d'avoir recours à la justice ou à des mécanismes de soutien officiels.

Relations avec les amis et la famille

Une participante a accumulé une dette importante et a eu de la difficulté à la rembourser. Elle recevait des appels répétés de la part d’agences de recouvrement, qui ont fini par parler à ses parents, ce qui a mis à mal ses relations avec les membres de sa famille. Elle s'est sentie très seule pendant cette période et a désormais toujours peur de manquer d'argent.

Les participants ont indiqué qu’il avait été stressant et coûteux de recourir aux tribunaux pour régler des problèmes relevant du droit de la famille, mais que, de façon générale, les résultats s’étaient avérés satisfaisants. Certains participants ont exprimé de la frustration et de la confusion. Une participante a expliqué que ses démarches en justice avaient nui au lien de confiance avec ses amis et sa famille. D’autres ont mentionné que le fait d'avoir assisté à la séparation de leurs parents avait eu un effet préjudiciable sur leurs propres relations.

Une participante a mentionné que le fait d’avoir des parents immigrants signifiait qu’elle ne disposait d'aucun système de soutien à la maison lorsqu’il s'agissait de dénoncer le racisme envers les Noirs. Lorsqu’elle expliquait à ses parents avoir été victime de discrimination au travail, ces derniers ne partageaient pas son expérience, si bien qu'elle avait l’impression d’être assise entre deux chaises.

Relations dans la sphère publique

En raison de la discrimination dont ils ont été victimes au travail, plusieurs participants sont devenus méfiants et ont acquis la conviction que la vie était injuste, mais qu’ils ne pouvaient rien y faire. Pour un des participants, ce sentiment de méfiance a été exacerbé par le fait qu’il se trouvait dans une position vulnérable en raison de son dossier d’immigration.

« Les gens ont du pouvoir et ils l’utilisent pour vous faire sentir inférieur. » – environ 18 ans

Les participants qui étaient des parents ont dit être aux prises avec des problèmes de garde d’enfants interminables et particulièrement frustrants. Une femme enceinte a fait l’objet d’un signalement par les services de protection de l’enfance qui prétendaient, sur le fondement de préjugés racistes, qu’elle était membre d’un gang. Une autre participante avait des problèmes juridiques liés à la garde de son enfant et s’inquiétait pour la sécurité de ce dernier.

Les participants ont parlé d’un certain nombre de problèmes auxquels ils se sont heurtés en milieu scolaire, de l’école primaire jusqu’aux études postsecondaires. Ils ont affirmé que les enfants noirs étaient plus souvent et plus rapidement étiquetés comme des « fauteurs de troubles » ou des « enfants turbulents », comparativement aux enfants d’autres races. Les enfants noirs étaient pris à partie et punis plutôt que soutenus. Les participants ont également indiqué que les enfants noirs étaient plus rapidement dirigés vers des « ressources auxiliaires », qu’on ne les aidait pas vraiment à réussir et qu’on les orientait vers des écoles de métiers plutôt que vers des études universitaires, même quand ils manifestaient un intérêt pour les études supérieures. Un participant ayant fréquenté l’université a mentionné avoir eu un professeur qui lui expliquait toujours les choses deux fois – ce qu’il ne faisait pas avec les autres étudiants – et ce, même si le participant n’avait posé aucune question. Ces expériences de discrimination s’accumulent et engendrent un sentiment de méfiance à l’égard des autorités.

Des participants ont indiqué avoir été suivis de façon insistante par le personnel de certains magasins et surveillés par les agents de sécurité. Les employés de certains magasins ont même ignoré leurs demandes de service.

« J’ai subi beaucoup de discrimination dans le cadre de mon dernier emploi, les clients me traitaient différemment et faisaient des commentaires. Ils me traitaient essentiellement comme une esclave. J’en ai parlé à la direction, mais comme il s'agissait d’une clientèle très haut de gamme, ils n’ont rien fait. J’ai fini par quitter mon emploi. … j'ai décidé que j’en avais assez de travailler dans ces conditions et que je devais trouver un autre emploi dans une entreprise qui me respecte. » (Il lui a fallu 3 à 4 mois pour trouver un nouvel emploi) – environ 20 ans

Des participants ont indiqué avoir été vécu, à titre d'employés, certain nombre de difficultés qui étaient liées à la couleur de leur peau. Ils ont remarqué qu’aucun employé racisé n’était affecté à la caisse ou à un poste impliquant un contact direct avec la clientèle. À la différence des autres employés, les employés racisés faisaient l’objet de critiques non voilées de la part des gérants. D’autres participants ont dit que des clients les avaient tout bonnement ignorés, avaient demandé à être servis par un autre employé ou les avaient prévenus qu’ils craignaient de recevoir un service inférieur de leur part et qu’il valait mieux que ce ne soit pas le cas.

« Nous en étions arrivés au point où l'assistante-gérante me faisait travailler les jours où la gérante était absente, car j’étais la seule à qui elle s'en prenait la majorité du temps. » – environ 29 ans

Un certain nombre de participants ont déploré des retards, attribués à la COVID, dans le versement de leurs prestations d’assurance-emploi et de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) en raison de la COVID. Ils ont expliqué avoir eu du mal à s’y retrouver à l’intérieur de ce système compliqué et déroutant, et avoir appelé à maintes reprises aux numéros d'assistance, mais sans jamais obtenir de réponse.

Une participante a décrit le racisme envers les Noirs qui sévissait sur le campus de son université. Un étudiant lui a bloqué l'accès à son immeuble sous prétexte qu'elle ne ressemblait pas à une vraie étudiante. Elle doute maintenant de la volonté du service de sécurité du campus de la protéger et est encore stupéfaite qu’un autre étudiant se soit permis de la confronter de cette façon.

Relations avec des personnes en position d’autorité

Les participants ont vécu de nombreuses expériences négatives au contact de personnes en position d’autorité, que ce soit dans le milieu de la santé, en milieu scolaire, dans le cadre d’un emploi ou lors d’interactions avec la police. Une participante a donné un exemple frappant de ce genre d’expériences : elle a fait l’objet d’un signalement par les services de protection de l’enfance et a été contrainte de quitter l’hôpital sans son nouveau-né après son accouchement. Il est finalement apparu que l’allégation formulée contre elle était fausse et les services à l’enfance se sont excusés. Elle éprouve beaucoup de ressentiment face à cet abus de pouvoir.

Une participante a expliqué qu’elle était quotidiennement exposée à des interactions négatives avec des personnes en position d'autorité. Elle emprunte les transports en commun tous les jours au moyen d’un laissez-passer d’étudiant postsecondaire et s'attend toujours à ce qu’un agent lui demande de prouver qu’elle est bien étudiante. Ce genre de situations fait maintenant partie de sa vie; elle s’attend à ce qu’on lui pose plus de questions qu'à d’autres. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, elle s'assure de toujours avoir ses papiers d’identité sur elle où qu’elle aille, ainsi qu’une lettre de son employeur, car elle s’attend à être interceptée par la police ou questionnée sur les raisons de sa présence à l’extérieur (le plus souvent, c'est parce qu’elle est en route pour aller travailler à titre de travailleuse essentielle). Elle reconnaît que ses interactions avec la police ont engendré chez elle un état de paranoïa permanent et un sentiment de menace imminente qui la poussent à prendre chaque jour différentes mesures de précaution. Elle s’assure de connaître les règles et d’être prête à faire à la situation dans l’éventualité où il lui arriverait quelque chose.

« Vous devez choisir avec prudence les endroits où vous allez et ce que vous dites à certaines personnes, car vous ne savez pas comment elles pourraient réagir à votre apparence ni ce qu’elles pourraient penser de vous. » – environ 18 ans

Un participant a raconté avoir été harcelé de façon incessante par un ancien associé, qui est même allé jusqu’à proférer des menaces de mort. Une participante a mentionné avoir fait l’objet d’une attention non sollicitée et de harcèlement sexuel de la part de clients masculins plus âgés dans le cadre de l’emploi qu’elle occupait dans un magasin de détail. Ces participants n’ont pas confiance que ces problèmes puissent être résolus par l’entremise des autorités qui entendent les plaintes de discrimination, y compris la police, les organismes de défense des droits de la personne et les figures d’autorité immédiates comme les gérants de commerce de détail.

« Les renseignements et les documents du gouvernement portent vraiment à confusion et personne ne sait où obtenir de l’aide. » – environ 21 ans

Certains participants ont dit craindre pour leur sécurité physique lorsqu’ils se trouvaient en présence de policiers. La participante qui avait été arrêtée a dit avoir cessé d’aller à l’école pour éviter d’avoir à répondre aux questions des policiers qui venaient l’y interroger.

Certains participants ont dit regretté la relation positive qu’il avait eue avec des agents-ressources en milieu scolaire, car les interactions qu’ils ont eues avec la police par la suite étaient bien différentes. D’autres ont indiqué qu’ils n’avaient jamais eu d’interaction positive avec la police. Les participants ont indiqué qu’après avoir vécu une interaction négative, ils étaient moins enclins à appeler la police pour obtenir de l’aide.

« L’idée de la criminalisation apparaît à un très jeune âge. Mes interactions avec la police ont débuté beaucoup trop tôt. … Je réalise aujourd’hui que ce que je croyais normal ne l’était pas. » – environ 26 ans

Effets cumulatifs du racisme

Les microagressions9 vécues dans les interactions du quotidien ont engendré un sentiment d’exclusion chez de nombreux participants, qui sont désormais habités par l’appréhension dans la conduite de leurs activités quotidiennes. L’effet cumulatif de ces incidents racistes influe sur la façon dont les participants perçoivent les services, les autorités et les questions juridiques. Une participante a indiqué qu’en raison des expériences qu’elle a vécues, elle aborde maintenant les gens, y compris des enfants, différemment selon leur identité raciale. Elle se montre prudente et évite d’aborder un enfant de la même façon amicale qu’elle aborderait un enfant noir, car elle craint une réaction raciste de la part du parent.

« Mon identité raciale a une incidence sur mon sentiment d’appartenance à la communauté. »

Les participants ont dit avoir été surpris ou ébranlés par le racisme dont ils ont fait l’objet. Une participante a été bouleversée par le profilage racial dont elle a fait l’objet et choquée de voir que sa plainte n’était pas prise au sérieux. Un autre a dit que sa candidature à un poste pour lequel il était parfaitement qualifié avait finalement été rejetée. Après avoir reçu des commentaires très positifs de la part des membres du personnel chargés de l’embauche, il a été informé que sa candidature n'avait pas été approuvée par la direction. Un autre participant, qui avait été suivi et surveillé dans un centre commercial, a dit qu’il ne pouvait pas croire qu’une telle chose puisse se produire au Canada.

« Je voyais qu’il se passait quelque chose. Et, je me demandais "est-ce vraiment ce que je crois" »? Personne ne devrait avoir à vivre cela. Cette expérience m’a vraiment fait réfléchir. Personne ne devrait se sentir ainsi. » – environ 18 ans

Un certain nombre de participants ont parlé des insultes racistes et des menaces qu’ils ont reçues ou que des membres de leur famille ont reçues. L’un d’entre eux a notamment entendu un commis de magasin dire à sa mère de « retourner d’où elle venait ». Des participants ont également indiqué que certaines personnes s'adressaient à eux ou parlaient d'eux en utilisant des termes racistes, ou que d'autres étudiants leur avaient demandé de quel quartier ils venaient dans le but d’inciter les autres à les exclure. Les participants ont reconnu qu’il s’agissait là d’une forme de menace exercée par les étudiants du secondaire. Les participants ont soulevé la question de l’utilisation de ces insultes par des membres de la communauté noire, ainsi que par des personnes d’autres identités raciales.

« Ils n’ont pas voulu nous servir et nous ont suivis. … Nous sommes allés voir le gérant et lui avons demandé "pourquoi nous surveillez-vous et pourquoi refusez-vous de nous aider?". … Donc, en ce qui me concerne, je n’achète plus leurs produits et je dépense mon argent ailleurs. » – environ 22 ans

Mouvement Black Lives Matter et réforme de la police

Les discussions de groupe ont eu lieu alors que les tensions raciales avec la police étaient à leur paroxysme en Amérique du Nord. Le mouvement Black Lives Matter (BLM) réclamait haut et fort une réforme de la police et multipliait ses appels à l’action. C’est donc dans ce contexte que les participants ont répondu aux questions relatives à la sécurité et aux interactions avec la police, ce qui a eu pour effet d’ouvrir un dialogue plus vaste au sein de chacun que groupe de discussion sur les enjeux actuels auxquels sont confrontés les services de police et les communautés noires.

Tous les participants, sauf un, ont indiqué que leurs interactions avec la police avaient modifié leur perception de la police, réduit leur propension à faire appel à la police de nouveau et accentué leur anxiété face à la police. Une seule personne, le plus âgé des participants à l’étude, a indiqué qu’il demeurait ouvert au dialogue avec la police et était prêt à lui tenir tête pour faire valoir ses droits, malgré l’expérience négative qu’il avait vécue au contact de policiers.

Dans un des groupes de discussion, les participants ont exprimé des points de vue plus modérés au sujet des services de police, indiquant qu’une certaine présence policière était nécessaire et préconisant différents types de formation policière, une gestion policière plus efficace des différents quartiers et davantage de mécanismes de soutien communautaires. Les participants de ce groupe n’ont pas spécifiquement affirmé qu’ils craignaient la police, bien qu’il ait utilisé des mots tels que « anxieux », « inconfortable » et « en état d’alerte ».

De façon générale, les participants se sont dits à la fois bouleversés par les événements récents et désireux de faire changer les choses. Les participants ont formulé les commentaires suivants au sujet de la réforme de la police et du mouvement BLM :


Notes de bas de page

9 Discrimination indirecte, subtile ou non intentionnelle envers les membres d’un groupe marginalisé.