Une opinion sur la réforme des principes et de l’objectif du prononcé des peines
Principes de dénonciation et de dissuasion
Les principes de dénonciation et de dissuasion devraient continuer de faire partie intégrante du régime de détermination de la peine. Il y a, cependant, certains points qu’il vaut la peine d’examiner. L’article 718.01 – Infraction perpétrée à l’égard des enfants, l’article 718.02 – Infraction à l’égard d’un agent de la paix et l’article 718.21 – Facteurs à prendre en compte, devraient demeurer inchangés. L’alinéa 718.2 a) énonce des lignes directrices à l’intérieur du Code, ce qui établit des principes efficaces pour prendre en compte certains facteurs réputés aggravants, et le paragraphe devrait demeurer inchangé, toutefois, certaines modifications, que j’aborderai plus dans le document, pourraient y être apportées. Les sous-alinéas 718.2 a) (i) à (v) donnent aux juges des lignes directrices utiles pour déterminer la peine à infliger à un délinquant, et ils devraient demeurer inchangés.
Au cœur même des principes de détermination de la peine se trouve la question à savoir si la dénonciation et la dissuasion ont un effet sur les délinquants, d’une part, et si elles répondent aux préoccupations de la population à l’égard de la criminalité. L’examen des statistiques en Saskatchewan (à l’échelle du pays) Note de bas de la page 2 sur les types d’infractions commises remet en question l’efficacité de la dissuasion générale et spécifique. Note de bas de la page 3 Beaucoup d’infractions signalées, qui ont donné lieu à une hausse de la criminalité en Saskatchewan, sont de nature violente, y compris des homicides, des vols, des infractions commises avec des armes à feu et des agressions sexuelles. De telles infractions appellent à des peines d’emprisonnement. À l’échelle nationale, le fichier de criminalistique a indiqué une augmentation des fraudes, des entrées par effraction, des vols et des homicides. Note de bas de la page 4 Cela suggère que lorsque des infractions violentes sont commises, la dénonciation et la dissuasion sont plutôt inefficaces. Il faut donc se demander si la dénonciation et la dissuasion ont un effet sur les délinquants dans le cas d’infractions où ces deux principes sont des facteurs à prendre en compte. De plus, quelle est la réaction de la population concernant la manière dont la dénonciation et la dissuasion sont exercées.
Les infractions telles que la pornographie juvénile et les crimes sexuels sont des exemples évidents où la dissuasion et la dénonciation sont inefficaces. La police consacre beaucoup de ressources pour enquêter sur ces types d’infractions et une fois qu’un délinquant est capturé et condamné, il semble que le facteur de dissuasion ait peu d’effet sur les autres délinquants sexuels, qui continuent à sévir. Note de bas de la page 5
La GRC a déclaré ce qui suit :
« Les enfants et les jeunes sont surreprésentés dans la catégorie de victimes de sévices sexuels. Les recherches réalisées par Jodi-Anne Brzozowski (2004)Note de bas de la page 6 indiquent que les enfants de moins de 18 ans représentent 23 % de la population canadienne, néanmoins ils représentent 61 % des victimes d’agression sexuelle. » Note de bas de la page 7
Dans certains cas, les délinquants reçoivent une peine d’emprisonnement obligatoire pour différents types d’infractions commises à l’égard des enfants. Dans les cas de pornographie juvénile, les juges discuteront de la manière dont la police a capturé le délinquant. Les renseignements sur l’affaire sont souvent diffusés aux nouvelles et pourtant de telles infractions sont toujours commises, ce qui amène à se demander si l’objectif de la dissuasion et de la dénonciation a un effet sur les délinquants et sur la population qui entend parler de tels cas.
Un exemple patent est l’affaire R c. Pattison. Note de bas de la page 8 L’affaire Pattison a été l’une des causes plus aggravantes présentées devant les tribunaux de la Saskatchewan : M. Pattison a reçu une peine de cinq ans d’emprisonnement pour possession de 4 500 images et vidéos de jeunes enfants, y compris des bébés. Note de bas de la page 9 La juge Douvall a décrit ainsi la situation :
[...] [les images et vidéos] sont tellement ignobles qu’ils ont un effet marquant sur la psyché. À certains moments, la Cour a été abasourdie par la perversité des images qui lui ont été présentées. Note de bas de la page 10
M. Pattison a récemment été accusé d’infractions pendant qu’il était en libération conditionnelle. Les accusations portaient sur la possession de pornographie juvénile du 25 janvier au 22 mars 2016 et pour échange de pornographie juvénile du 25 au 27 janvier 2016.
Dans une affaire, R v. Gryba, Note de bas de la page 11 M. Gryba a été accusé et condamné pour des infractions liées à la pornographie juvénile. Durant la fouille de la résidence de M. Gryba, dans le cadre de l’enquête sur ces chefs d’accusation, un disque dur chiffré a été trouvé. La police avait été incapable de le déchiffrer au moment où il a été condamné, toutefois, plus tard, la police a pu obtenir le contenu du disque dur, qui comportait de la pornographie juvénile. L’accusé a été de nouveau mis en accusation et condamné, même si ces éléments découlaient de la première affaire. M. Gryba n’était pas dans l’obligation de révéler le contenu du disque, et il choisit d’exercer ce droit et d’en taire le contenu.
Ces deux affaires (Pattison et Gryba) sont de bons exemples où la dénonciation et la dissuasion ont semblé avoir peu d’effet sur ces délinquants, voire sur d’autres délinquants ayant été accusés d’infractions après que ces cas ont été rapportés dans les médias. Dans l’affaire Pattison, il est plus évident que le principe de dissuasion n’a eu aucun effet sur lui, car il a commis les infractions pour lesquels il avait été condamné. M. Gryba n’a nettement pas ressenti d’effets de dissuasion, car même après avoir été condamné, il n’a pas révélé à la police que les fichiers chiffrés contenaient de la pornographie juvénile.
De premières infractions (p. ex., de conduite avec facultés affaiblies) entraînent des peines moins sévères, néanmoins elles peuvent être dévastatrices. L’objectif de la détermination de la peine, selon le régime de peine d’emprisonnement obligatoire, est de dénoncer les comportements illicites et de dissuader les délinquants au moyen d’amendes et d’interdictions, toutefois, nous constatons sans cesse que la conduite avec facultés affaiblies est l’une des principales infractions commises au Canada. Note de bas de la page 12
Plus récemment, la Saskatchewan a connu des situations dévastatrices où des familles entières ont été décimées. Dans l’affaire R v. Peeteetuce, Note de bas de la page 13 une peine de six ans a été prononcée pour deux chefs d’accusation de négligence criminelle causant la mort, de négligence criminelle causant des blessures corporelles, de délit de fuite et de conduite avec facultés affaiblies. Mme Peeteetuce était en état d’ébriété et s’est enfuie de la police dans un véhicule volé à bord duquel elle n’a pas fait un arrêt obligatoire et a heurté un véhicule contenant trois adolescents. Deux ont succombé à leurs blessures et un y a survécu. Blaine Taypotat a reçu une peine d’emprisonnement de 9 ans et demi pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort à un agent de conservation le jour même où Mme Peeteetuce a été condamnée. Note de bas de la page 14 Plus récemment dans l’affaire R v. McKay, Note de bas de la page 15 Mme McKay a été condamnée pour quatre chefs d’accusation de conduite avec facultés affaiblies causant la mort, alors qu’elle dépassait trois fois la limite permise. Les victimes étaient deux parents et leurs deux enfants. Mme McKay a été condamnée à une peine de dix ans. Toutes ces causes remettent en question l’efficacité de la dénonciation et de la dissuasion, car nous voyons tant de personnes conduire avec les facultés affaiblies.
Des juges, au moment de la détermination de la peine, appliquent les principes de dénonciation et de dissuasion en théorie et en pratique, toutefois, il semble que la population n’en comprenne pas la signification. La perception sous-jacente dans l’esprit des gens semble être que le principe d’un œil pour un œil devrait s’appliquer pour certaines infractions, même si la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que dans l’affaire R c. MCA Note de bas de la page 16 la vengeance n’est pas acceptable. Ce concept a aussi été étudié par les chercheurs Roberts, Crutcher et Verbrugge. Leur étude a révélé que la population tendait à analyser la détermination de la peine en fonction du tort causé Note de bas de la page 17 où la gravité des conséquences pèse plus lourd que les questions de culpabilité du délinquant, Note de bas de la page 18 en utilisant l’exemple de la conduite avec facultés affaiblies causant la mort et l’infraction simple de conduite avec facultés affaiblies, où la culpabilité est exactement la même. Note de bas de la page 19
Je ne vois pas comment cet article peut être réformé de manière à enseigner au public ce que représentent vraiment les principes de dénonciation et de dissuasion. Je suis toutefois d’avis que des changements s’imposent afin de rendre compte de l’importance de ces principes et de maintenir la confiance dans l’administration de la justice, contrebalancée par la protection du public et de l’intérêt public. Je ne crois pas que la solution se trouve dans la peine d’emprisonnement obligatoire, comme je l’expliquerai ci-dessous dans l’application d’autres principes et objectifs.
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