Plaidoyers de culpabilité par des Autochtones au Canada

Conclusion

Cette recherche avait comme objectif d’examiner l’enjeu des plaidoyers de culpabilité chez les Autochtones. Des spécialistes du système de justice ont cerné trois grands facteurs qui expliquent les plaidoyers de culpabilité des Autochtones. En premier lieu, certains aspects du système de justice peuvent inciter tous les accusés à plaider coupable et pourraient avoir un effet disproportionné sur les Autochtones, notamment le refus de cautionnement, la détention provisoire et des conditions de libération sous caution « déraisonnables ». En deuxième lieu, les Autochtones peuvent être plus à risque de venir en contact avec le système de justice et de plaider coupable à cause de vulnérabilités sociales en lien avec le revenu, le logement, la toxicomanie et la santé mentale. Finalement, des aspects uniques de la culture autochtone favorisent le choix de plaider coupable, notamment des obstacles linguistiques, la méfiance à l’endroit du système de justice et la valeur culturelle supérieure accordée à l’entente, à la coopération et à la responsabilisation. Ces valeurs culturelles peuvent inciter un accusé autochtone à plaider coupable même s’il n’est pas légalement coupable, à faire des confessions complètes aux policiers et à accepter des choses devant un tribunal qu’ils soient d’accord ou non, et même parfois sans les comprendre.

Un plaidoyer de culpabilité, un casier judiciaire et le contact avec le système de justice ont de nombreuses répercussions en aval. Ces impacts possibles comprennent la perte de son emploi, de son logement, et de la famille et de la communauté, le traumatisme de l’incarcération et un risque accru de se retrouver à nouveau en contact avec le système de justice. Les répercussions peuvent s’aggraver dans les communautés éloignées, compte tenu des barrières linguistiques, des possibilités d’emploi limitées, des interventions policières excessives et des obstacles à l’accès aux tribunaux et aux services sociaux. Des participants ont décrit les Autochtones dans le système de justice pris dans un cercle vicieux de reprise de contact, dans un cycle d’infractions à l’administration de la justice à cause d’une incapacité de respecter des conditions qui en quelque sorte criminalisent leur toxicomanie ou un large éventail d’autres comportements par ailleurs non criminels. Les Autochtones sont surreprésentés en matière d’accusations d’infractions à l’administration de la justice et sont plus susceptibles que les non-Autochtones de se retrouver ensuite en contact avec le système de justice (Alberta Justice and Attorney General, 2012; Brennan et Matarazzo, 2016). Un casier judiciaire avec des infractions contre l’administration de la justice peut faire en sorte qu’il devient plus difficile d’obtenir un cautionnement lors d’une arrestation subséquente, ce qui rend plus probable un autre plaidoyer de culpabilité, une peine d’incarcération et de nouveaux contacts avec le système de justice.

Corriger les éléments du système de justice qui incitent à plaider coupable et désavantagent encore plus les Autochtones contribuerait à réduire leur taux d’incarcération. Des participants préconisaient un système de justice mieux adapté culturellement et un soutien accru aux Autochtones, à l’intérieur comme à l’extérieur du système de justice. Des programmes comme le Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones, l’aide juridique et des tribunaux spécialisés pourraient aider les Autochtones à s’y retrouver dans le processus judiciaire et à avoir accès à des services et soutiens communautaires. D’autres initiatives comme la justice réparatrice, la formation en compétences culturelles des professionnels du système de justice et les rapports Gladue contribuent à adapter le système actuel aux perspectives autochtones. De plus, les mesures de soutien social de première ligne qui s'attaquent aux problèmes de pauvreté, de logement, de toxicomanie et de santé mentale contribuent à agir sur les causes profondes de contact avec le système de justice pénale.