Problèmes graves rencontrés par diverses personnes en situation de handicap – Ouest du Canada
Constatations
1. Types de problèmes rencontrés
Les participants en situation de handicap ont rencontré de graves problèmes qui peuvent être classés en huit catégories, décrites ci-dessous. Toutefois, il est important de noter que les participants avaient, en moyenne, connu deux à trois problèmes graves au cours des trois dernières années, un problème en déclenchant souvent un autre, ce qui souligne la nature interdépendante des problèmes rencontrés qui ont été classés comme suit :
- les problèmes lors de l’accès aux services;
- les questions liées à l’emploi;
- les difficultés liées à l’accès aux programmes d’aide au revenu et d’aide aux personnes en situation de handicap;
- les problèmes liés à la garde des enfants et/ou au bien-être des enfants;
- les problèmes avec leur compagnie d’assurance;
- les expériences de toutes les formes de violence;
- les problèmes avec leurs propriétaires;
- les problèmes avec les autorités légales qui gèrent les fonds fiduciaires.
Problèmes lors de l’accès aux services
Indépendamment du type de handicap, du sexe et/ou de l’origine ethnoraciale des participants à l’étude, les personnes interrogées ont le plus souvent identifié de nombreux problèmes graves lorsqu’elles tentent d’accéder aux services. Les problèmes se sont produits dans divers contextes de services, soit les soins de santé, les services gouvernementaux, les transports, l’enseignement postsecondaire, les services bancaires, les loisirs et le système judiciaire, et ils ont donné lieu à des plaintes de nature juridique et autres. Les types d’expériences spécifiques peuvent être classés dans les catégories suivantes :
i. Refus d’autoriser des mesures d’adaptation et des services de soutien pour personnes en situation de handicap
Il s’agissait d’un phénomène courant qui conduisait souvent à de graves altercations et disputes. Par exemple, le fait de ne pas autoriser une personne à amener son chien d’assistance au travail ou de ne pas fournir un lecteur à un étudiant souffrant d’un handicap cognitif pour lui permettre de passer un examen. Les personnes ont le sentiment que la raison du refus de leur mesure d’adaptation pour personnes en situation de handicap n’a jamais été clairement expliquée et qu’il n’y a pas eu de volonté d’essayer de trouver une solution. Le cas ci-dessous d’une femme qui n’a pas été autorisée à amener son chien d’assistance à un service de santé illustre le manque de communication et la résistance à résoudre un problème rencontré par de nombreux participants à l’étude :
Puis, du jour au lendemain, ils ne m’ont pas laissé venir avec lui et ils ont commencé à inventer des histoires sur la façon dont ils ont dû fumiger l’endroit et que « untel » avait des allergies et qu’ils devaient nettoyer le tapis... Mais, c’était après... ils nous envoyaient des courriels à propos du tapis et d’autres choses du genre. Ils n’ont rien dit de tel quand j’étais là [...] Quand je suis revenu, j’étais dans la salle d’attente et ils parlaient de moi dans une petite pièce, puis ils sont sortis et elle m’a dit que je devais partir. Ils ont appelé la sécurité de la clinique pour me faire sortir.
Il y a eu de nombreux cas où des mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap n’ont pas été fournies lors des interactions avec le système judiciaire, en particulier pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Par exemple, un participant à l’étude a décrit les difficultés qu’il a rencontrées lorsqu’il a tenté d’obtenir du soutien en matière de santé mentale alors qu’il était incarcéré.
ii. Manque de compréhension à l’égard des personnes en situation de handicap
Les personnes ont estimé qu’une mesure d’adaptation pour personnes en situation de handicap n’avait pas été fournie en raison d’un manque de compréhension de leur handicap et donc des services de soutien connexes requis. Souvent, un problème grave émergeait en raison de ce manque de compréhension, qui était particulièrement aigu pour les personnes en situation de handicap invisible, tels que des troubles de santé mentale ou des déficiences cognitives, des douleurs chroniques ou un syndrome de fatigue chronique.
Il y a eu de nombreux exemples de personnes qui ont discuté de la façon dont un certain nombre de protocoles et de procédures de service ont mené à une discrimination envers eux en raison du manque de compréhension de l’organisme à l’égard de leur handicap, par exemple, le fait de devoir faire la file pour recevoir un service gouvernemental alors qu’une personne ne peut pas rester debout pendant de longues périodes ou le fait qu’une personne ayant un handicap mental soit obligée de subir une évaluation cognitive pour renouveler son permis de conduire malgré une lettre de son psychiatre indiquant qu’elle est apte à conduire à nouveau. En raison d’un manque de compréhension des handicaps intellectuels, un homme, qui ne comprenait pas pourquoi ses affaires devaient être fouillées à la sortie d’une bibliothèque, est devenu anxieux et effrayé. Cette procédure a provoqué des traumatismes passés, ce qui l’a perturbé et rendu réfractaire, et lui a valu d’être banni de la bibliothèque. De nombreuses personnes en situation de handicap invisible ont parlé d’incidents avec des agents affectés au réseau de transport en commun ou des agents de contrôle des tarifs, qui demandaient pourquoi une personne était en possession d’une carte de transport pour personne en situation de handicap, émettant souvent des contraventions et faisant des commentaires tels que « Vous n’avez pas l’air d’avoir un handicap ».
Il y a eu de nombreux exemples de réactions négatives de la part de professionnels de la santé et d’autres professionnels à l’égard d’une personne vivant un « épisode » de santé mentale dans leur service. Il est également devenu clair que les prestataires de services n’étaient pas en mesure de comprendre les multiples stress que subissent les personnes en situation de handicap, ce qui contribue à exacerber leur état de santé mentale. L’exemple suivant montre comment ce manque de compréhension peut déclencher une crise de santé mentale et conduire à un incident grave.
J’ai des crises de panique à cause de mon endométriose qui n’a pas été diagnostiquée [...] et j’essaie de composer avec de multiples maladies chroniques sans médecin généraliste. Ils m’ont envoyé dans différents endroits, des salles d’urgence aux cliniques... Cela m’a pris deux ans pour me trouver un médecin. Je vivais dans un appartement avant de tomber malade et de me trouver sans revenu. J’ai utilisé toutes mes économies en attendant l’approbation de ma pension d’invalidité. J’étais dans un état d’anxiété. Donc, à la clinique, je pleurais et j’étais en hyperventilation et la médecin m’a dit qu’elle n’était pas à l’aise de m’examiner. Je panique parce que je vis de l’anxiété à propos de tout le reste! J’ai essayé de la convaincre et mon ami qui était avec moi a essayé de l’aider, mais elle a dit non. J’étais assise tranquillement et ce membre du personnel m’a demandé de venir à l’avant et elle a dit très calmement « vous êtes bannie et vous devez partir ». La médecin a dit à mon ami que c’était à cause de mon comportement. Ils m’ont tout bonnement bannie à cause de mon handicap! Parce que j’ai fait une crise de panique à leur bureau!
Dans quelques exemples, même les médecins ont fait preuve d’une méconnaissance marquée de certains handicaps, en particulier lorsqu’une personne présentait plus d’un handicap. Cela a eu des conséquences importantes pour les personnes en situation de handicap qui avaient besoin de documents appropriés pour les dossiers juridiques, les réclamations d’assurance et les services de soutien aux personnes en situation de handicap.
iii. Traitement impoli, dédaigneux et agressif de la part des prestataires de services
Le fait de ne pas comprendre comment un handicap peut se présenter conduit souvent à traiter les gens de manière impolie, condescendante et dédaigneuse. De nombreuses personnes ont fait part des confrontations qui ont eu lieu à la suite du mauvais traitement qu’elles ont reçu de la part de divers prestataires de services, à savoir des travailleurs des services de santé, du gouvernement et des services sociaux. De nombreuses personnes, notamment des femmes en situation de handicap, ont indiqué qu’elles avaient l’impression que les médecins ne les écoutaient pas ou ne prenaient pas le temps de se familiariser avec leur dossier avant de les « diagnostiquer ». Elles avaient l’impression qu’on leur parlait de manière condescendante et dédaigneuse, ce qui a conduit à un mauvais diagnostic.
Un homme autochtone vivant dans une petite ville avec un handicap cognitif et mental a indiqué qu’il évite de se rendre à l’hôpital ou dans d’autres établissements de santé en raison du traitement irrespectueux qu’il reçoit du personnel soignant. Cela l’a conduit à éviter le traitement dont il a besoin. Par exemple, il a eu tellement mal à cause d’un problème dentaire que, plutôt que d’affronter le traitement négatif et grossier qu’il subit toujours chez le dentiste, il a choisi de s’arracher lui-même les dents.
Il existe de nombreux exemples de personnes, en particulier celles souffrant de handicaps intellectuels, cognitifs et/ou de santé mentale, qui appellent les services d’urgence pour obtenir de l’aide lors d’une crise de santé mentale et qui sont soumises à un comportement agressif et violent de la part des policiers. De nombreuses personnes ont indiqué qu’elles étaient victimes de racisme et de queerphobie dans leurs rapports avec la police. Une fois, un homme autochtone en crise de santé mentale a été accusé d’agression sans qu’on lui ait lu ses droits.
Des problèmes sont également apparus dans les environnements récréatifs. Une fois, une femme s’est vu refuser la participation à un cours d’art en raison d’attitudes discriminatoires de la part des instructeurs.
J’avais demandé à joindre la guilde [des arts] Gque mon médecin recommandait dans le cadre de ma thérapie et la femme a dit à mon mari en privé : « Je voulais vous parler de [son nom]. Je pense qu’elle est attardée ou qu’elle souffre d’un retard [...] » et mon mari était du genre « vous vous moquez de moi? » Et la femme a dit, oui, « son comportement est très étrange ». Mon mari est rentré et m’a dit : « Chérie, tu te rappelles qu’on dit qu’on ne se cachera jamais rien? Je dois te dire ce qu’elle a dit. Je sais que c’est une mauvaise journée, mais ils ont dit qu’ils ne te laisseront pas participer... parce que tu souffres d’un retard mental... ». Même si j’étais complètement handicapé mentalement. Je voulais juste m’asseoir là et jouer avec un objet en argile. Qu’y avait-il de mal à cela?
Questions liées à l’emploi
De nombreux problèmes graves rencontrés étaient liés à l’emploi et peuvent être classés comme suit :
- se voir refuser un emploi en raison de son handicap;
- un manque de compréhension des handicaps invisibles de la part de l’employeur;
- la peur de révéler son handicap à son employeur;
- l’absence de mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap;
- des personnes qui se sentent obligées de réaliser des activités liées au travail qui sont préjudiciables à leur santé;
- l’employeur qui tente de mettre fin à l’emploi d’une personne.
i. Se voir refuser un emploi en raison de son handicap
De nombreux participants à l’étude ont indiqué qu’ils s’étaient vu refuser un emploi en raison de leur handicap. Les histoires vont de la communication indirecte, comme le fait qu’un emploi ne soit soudainement plus disponible une fois arrivé à l’entretien, les déclarations franches de personnes s’étant fait dire qu’elles n’avaient pas été embauchées en raison de leur handicap. Dans tous ces cas, les participants n’ont pris aucune mesure pour contester cette discrimination perçue.
ii. Le manque de compréhension des handicaps invisibles de la part de l’employeur
De nombreux participants, notamment ceux qui vivent avec des handicaps invisibles, se sont retrouvés dans la situation de devoir expliquer leur handicap à leurs employeurs et/ou collègues. Les participants avaient le sentiment que leurs superviseurs ne croyaient pas à leurs conditions et qu’ils « faisaient semblant » ou « étaient simplement paresseux ». Ce manque de compréhension a servi de base pour que les personnes ne divulguent pas leur handicap ou se voient refuser les mesures d’adaptation dont elles ont besoin pour faire leur travail, ce qui les conduit souvent à risquer leur santé en ne respectant pas leurs limites.
iii. La peur de révéler son handicap à son employeur
De nombreux participants à l’étude ayant un handicap invisible ont indiqué qu’ils craignaient de révéler leur handicap au cours du processus d’embauche et une fois employés. Les personnes craignaient de ne pas être embauchées en raison de leur handicap, de perdre leur emploi une fois celui ci obtenu, de subir un traitement discriminatoire de la part de leurs collègues et/ou d’être considérées comme « inférieurs » en raison de leur handicap. Les personnes souffrant d’une incapacité liée à la santé mentale, en particulier, ont déclaré qu’elles vivaient « dans la crainte » d’être « démasquées » par une crise de santé mentale au travail.
Comme l’explique ce participant :
Cela me nuit beaucoup au travail. Je ressens beaucoup de peur à ce sujet. Je me pose toujours des questions comme « Oh, est-ce que je dors suffisamment? Est-ce que je prends mes médicaments? Que se passera-t-il si j’ai une crise? Ou si quelque chose arrive au travail? Comment vais-je faire pour gérer cela? Et comment le conseil va-t-il réagir? Comment mon personnel va-t-il réagir? Y aura t-il une répercussion sur notre capacité en tant qu’organisation à faire notre travail à cause de moi? C’est probablement juste de la paranoïa, mais ça m’inquiète vraiment. Et si quelque chose se produit vraiment... »
Comme nous le savons, les personnes en situation de handicap connaissent des taux élevés de pauvreté et de chômage et craignent donc de perdre les emplois qu’elles ont eu tant de mal à obtenir. La crainte de révéler son handicap est justifiée, car, comme l’illustre cet exemple, lorsqu’une personne est franche pendant le processus d’entretien, il peut y avoir des conséquences négatives :
Ils recherchaient un agent de soutien aux locataires, ce qui est en fait un employé de bureau survalorisé. J’ai postulé pour l’emploi et je me suis présenté à l’entretien. L’intervieweur m’a demandé ce que j’étais capable de faire et j’ai répondu, « Je peux faire des travaux légers, mais rien de lourd. Je peux répondre au téléphone. Je peux faire entrer et sortir les gens de l’immeuble [...] » et elle répond : « Qu’est-ce que tu espères obtenir en travaillant pour nous si tu ne peux pas faire grand-chose? Nous avons besoin que les gens fassent plus. » Je suis comme, « Eh bien, je ne postule pas pour un poste à l’entretien. [...] » et ils font « eh bien, ce n’est pas ce que nous recherchons. Nous recherchons des personnes qui peuvent en faire plus au sein de notre entreprise. Désolé. Vous n’êtes pas la bonne personne pour nous. »
iv. Absence de mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap
Il était évident que si une personne révélait son handicap, c’était généralement parce qu’elle était incapable d’accomplir une tâche, ce qui entraînait un problème sérieux. De nombreux participants à l’étude ont indiqué que leur employeur avait refusé de leur fournir les mesures d’adaptation nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Les personnes qui ont demandé des mesures d’adaptation ont souligné les choses qu’elles pouvaient faire en échange de ce qu’elles ne pouvaient pas faire. Comme l’a expliqué cette personne à propos de son emploi dans une épicerie :
Ils ont dit que ça n’allait pas marcher si je ne pouvais pas porter des charges lourdes. Ils ne pensent même pas à regarder ce que je suis capable de faire pour eux. Peuvent-ils me placer ailleurs? ... Je peux mettre des tonnes de choses en rayon, je peux mettre des œufs et du lait dans la glacière, je peux ranger les produits congelés dans les congélateurs, mais ils ne regardaient même pas ce que je pouvais faire. Ils ont juste regardé ce que je ne pouvais pas faire.
Dans de nombreuses situations, des personnes ont demandé un congé en raison d’un handicap chronique ou épisodique et, même avec des documents médicaux, le congé leur a été refusé. Ils savaient que ce n’était pas un traitement équitable, car ils faisaient souvent référence à l’« obligation de prendre des mesures d’adaptation » (c’est-à-dire l’obligation pour les employeurs de modifier leurs processus, politiques et pratiques afin de s’assurer que les personnes en situation de handicap sont soutenues dans leur travail). Cependant, ils n’en ont pas parlé à leur employeur.
v. Personnes contraintes de se conformer à des activités professionnelles préjudiciables à leur santé
Étant donné l’hésitation à révéler leur handicap par crainte de répercussions négatives, les gens se dépassent pour conserver leur emploi. Cette pratique a souvent entraîné de graves problèmes avec leur employeur, car, dès que leur santé commençait à se dégrader, ils demandaient une forme de mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap, comme un congé ou des jours de maladie, ce qui, dans tous les cas, leur était refusé. En l’absence de mesures d’adaptation, la personne est moins apte à accomplir ses tâches professionnelles et devient de plus en plus malade, comme l’explique cette personne avec un système immunitaire affaibli et atteinte d’une maladie chronique :
Ils ont dit que je prenais trop de congés de maladie et c’est en fait quand j’avais des calculs rénaux et autres. Donc, c’était assez sévère. Et je n’avais pas vraiment envie d’aller travailler quand j’étais dans cet état... dans la douleur. Ils ont dit qu’ils me mettaient en période d’essai et les choses allaient, je veux dire, allaient bien, pendant un petit moment. Mais en octobre et novembre, quand la saison de la grippe a frappé, j’ai eu la grippe. Et à l’époque, mon superviseur disait que je n’avais droit qu’à un seul jour de congé de maladie par mois. Il ne voulait pas me laisser prendre des congés de maladie, alors j’ai demandé : « Je peux prendre un jour de vacances? » Et ils ont refusé cela aussi. Alors, j’ai continué à travailler et ça n’a fait qu’empirer les choses. Par exemple, j’ai fini par avoir une infection respiratoire très grave.
vi. L’employeur s’efforce de mettre fin à l’emploi
Il a été fréquemment rapporté qu’une fois que le besoin de mesures d’adaptation sur le lieu de travail s’est accru, les personnes ont eu le sentiment que leur employeur s’efforçait de mettre fin à leur emploi. Dans certains cas, les personnes ont simplement été licenciées sans motif et, dans d’autres cas, le motif était explicitement discriminatoire.
Dans les entreprises où les travailleurs sont syndiqués et/ou occupent des postes de direction, on a le sentiment que les employeurs créent un environnement de travail intolérable dans le but d’inciter la personne en situation de handicap à démissionner. Les participants ont également eu le sentiment que leur employeur effectuait à leur insu des enquêtes judiciaires liées à la cessation de leur emploi.
La citation suivante offre un résumé concis de la manière dont les six problèmes liés à l’emploi mentionnés ci-dessus peuvent conduire à un licenciement.
J’avais besoin d’un congé et mon médecin voulait que je fasse un retour progressif. Ils m’ont dit qu’il n’y aurait pas de travail pour moi si je prenais plus de temps et que je perdrais mes prestations. J’ai besoin d’argent, alors mon médecin m’a proposé un plan de retour au travail. Mais au travail, ils n’ont cessé de me pousser et je me suis sentie obligé de le faire. Ils ont consulté un avocat pendant toute la procédure et je ne l’ai su qu’à la fin. Ils ne m’ont jamais dit que je serais licencié, mais que nous pourrions « convenir » de nous séparer. Alors, je me suis poussé, car j’avais peur de perdre mon emploi. Cela a fini par aggraver ma santé. J’ai pris un second congé, puis j’ai perdu mon emploi.
Difficultés d’accès aux programmes d’aide au revenu et aux services de soutien aux personnes en situation de handicap
De nombreuses personnes interrogées ont identifié un problème lié aux difficultés rencontrées lors de la tentative d’accéder aux programmes d’aide au revenu et aux prestations d’invalidité. Les problèmes spécifiques rencontrés sont les suivants :
- des conditions d’admissibilité contradictoires;
- les services de soutien offerts ne répondent pas aux besoins des gens;
- le processus visant à obtenir des services de soutien crée de la confusion et est inaccessible.
i. Conditions d’admissibilité contradictoires
Les entretiens ont révélé que le processus visant à obtenir un revenu provincial et des services de soutien aux personnes en situation de handicap est assez compliqué, encore plus lorsqu’une personne vit avec plus d’un handicap. Par exemple, une personne souffrant du syndrome de fatigue chronique et d’un problème de douleur ne pouvait pas bénéficier d’une aide financière pour le traitement de la douleur en raison de son diagnostic de syndrome de fatigue chronique. Dans un autre cas, une personne n’a pas pu bénéficier d’un type spécifique de traitement médical prescrit par son médecin pour l’une de ses pathologies, parce qu’elle avait ouvert une réclamation d’assurance pour couvrir le coût d’un appareil fonctionnel.
ii. Les services de soutien offerts ne répondent pas aux besoins des gens
De nombreux participants ont indiqué que les problèmes sont survenus parce que les services de soutien dont ils avaient besoin n’étaient pas couverts par les prestations d’invalidité. Par exemple, une personne a souffert d’une rage de dents, ce qui l’a empêchée de travailler et d’aller à l’école. Les soins dentaires et les médicaments contre la douleur n’étaient pas couverts par leurs prestations d’invalidité.
En outre, on a le sentiment que plus un handicap est chronique, plus il est difficile d’obtenir la prise en charge des coûts de traitement. En d’autres termes, plus le besoin est grand, moins il y a de services de soutien disponibles. Il y avait un sentiment que le « système » était intentionnellement mis en place pour réduire les chances d’une personne d’obtenir des prestations, en particulier pour les personnes qui en ont le plus besoin, parce que le traitement est trop coûteux. Ce manque d’accès aux services de soutien nécessaires a eu pour conséquence que les personnes sont moins à même de participer pleinement à la société, comme l’explique cette personne :
Je pense que tout se résume à une question d’argent. Ils ne veulent pas (soutenir) les douleurs chroniques de quelqu’un [...] pensez à la cruauté de cette situation pour les personnes en situation de handicap [...] Quelqu’un qui a une maladie chronique, c’est logique, il aura plus de factures médicales toute sa vie. Donc, s’il n’y a aucun moyen d’y remédier, il devrait y avoir une sorte de programme qui les rende plus accessibles et moins chers. Le coût de tous les services, kinésithérapie, conseils et autres services de ce genre est très élevé, mais sans cela, vous ne pouvez pas fonctionner! Par exemple, si vous ne pouvez pas dormir, votre état s’aggrave et vous aurez plus de mal à sortir de votre état et à travailler.
iii. Processus confus et inaccessible pour obtenir des services de soutien
Non seulement les conditions d’admissibilité ne sont pas claires, mais de nombreux participants ont expliqué que le processus pour obtenir des services de soutien était souvent confus et inaccessible. Pour les personnes souffrant de déficiences intellectuelles, mentales et cognitives, il peut être difficile d’obtenir des prestations d’invalidité en raison de difficultés telles que la collecte des documents nécessaires, les problèmes de compréhension, les problèmes sensoriels et le fait de ne pas être suffisamment bien psychologiquement pour passer par le processus de demande.
De plus, les gens ont expliqué que, ironiquement, le processus pour obtenir des services de soutien aux personnes en situation de handicap est souvent inaccessible. Par exemple, les personnes souffrant de douleurs chroniques, de faiblesse musculaire et de fatigue ne peuvent pas faire la file et rester debout pendant de longues périodes dans les bureaux de prestations gouvernementales où on leur demande d’attendre en file. En outre, les personnes souffrant de handicaps cognitifs, intellectuels et de santé mentale peuvent ne pas être en mesure de lire et de comprendre pleinement les lignes directrices de procédure ou de remplir les formulaires nécessaires.
Problèmes liés à la garde des enfants et/ou au bien-être des enfants
Ce problème a été identifié par de nombreux participants à l’étude, et concerne souvent une action en justice. Toutes les personnes qui ont signalé ce problème étaient des femmes en situation de handicap qui se battaient pour la garde de leurs enfants contre leur partenaire masculin qui n’est pas en situation de handicap. Les problèmes qui ont été identifiés dans ce domaine peuvent être classés comme suit :
- la crainte que les services de protection de l’enfance leur retirent leurs enfants;
- les expériences de vulnérabilité au tribunal face à leur partenaire masculin qui n’est pas en situation de handicap;
- le manque de soutien aux parents en situation de handicap qui entraîne l’intervention des services de protection de l’enfance;
- le manque de compréhension des questions liées au handicap lors de la prise de décision dans les cas de garde d’enfants.
i. La crainte que les services de protection de l’enfance leur retirent leurs enfants
Ce sujet était assez important chez les mères en situation de handicap, quel que soit le type d’incapacité, et incluait les femmes ayant une déficience motrice, intellectuelle, un traumatisme crânien et une déficience mentale. Les femmes ont parlé de la notion dans la société que les femmes en situation de handicap sont considérées comme des parents inaptes. La crainte des services de protection de l’enfance était particulièrement vive pour les femmes autochtones en situation de handicap :
Vous savez, je pense que la plus grande chose a probablement été après la naissance de mes enfants et la tombée du diagnostic... oh mon Dieu... je l’ai eu et j’ai eu très peur de l’implication des services de protection de l’enfance et tout ça à cause des choses que je dévoilais. Et non pas parce qu’il y avait une raison pour que cela se produise, mais juste cette peur intense que cela puisse se produire et vous savez... surtout en étant une personne autochtone et en voyant ce qui arrive si souvent aux femmes... Je pense juste à certaines des... compulsions que j’ai... le comportement obsessionnel et puis à certaines des paranoïas. Je n’en parlais pas du tout parce que j’avais peur que les gens disent : « Oh, non, elle n’est pas assez stable pour avoir ses enfants ».
ii. Expériences de vulnérabilité au tribunal face à leur partenaire masculin qui n’est pas en situation de handicap
Les femmes ont expliqué que leurs partenaires masculins construisaient tout leur argumentaire autour de leur incapacité à s’occuper de leurs enfants en raison de leur handicap. Pour aggraver la situation, les femmes en situation de handicap ont exprimé une dépendance financière accrue vis-à-vis de leur conjoint en raison des difficultés qu’elles rencontrent pour trouver un emploi. La plupart des femmes qui ont identifié ce problème ont estimé que, puisque leur ex partenaire avait plus d’argent qu’elles, ils étaient mieux équipés pour se battre et obtenir la garde des enfants au tribunal.
Il disait « comment peut-elle s’occuper d’elle, elle vit dans la pauvreté », n’est-ce pas? Et il est comme « regardez sa vie et ensuite regardez la mienne ». L’argent qu’il a, c’est vrai... il a toutes ces choses. Comme si ce n’était pas un choix. La pauvreté n’est pas un choix. J’ai aussi une maladie de peau rare... donc je ne peux pas marcher très loin... donc il a aussi utilisé cela contre moi au tribunal.
iii. Manque de soutien aux parents en situation de handicap qui entraîne l’intervention des services de protection de l’enfance
De nombreuses femmes ont expliqué qu’elles avaient besoin d’un soutien pour devenir parents et que, sans ce soutien, elles couraient un risque réel de perdre leurs enfants. Une femme qui vit avec des handicaps physiques complexes a eu du mal à trouver du soutien à domicile pour l’aider dans les tâches ménagères, du soutien parental et du répit. En conséquence, ses trois enfants lui ont été retirés et ont été placés dans une résidence d’accueil.
iv. Manque de compréhension des questions liées au handicap lors de la prise de décision dans les cas de garde d’enfants
On a eu l’impression que les tribunaux ne comprenaient pas les défis auxquels les femmes en situation de handicap sont confrontées et les services de soutien dont elles ont besoin pour être en mesure d’être des parents efficaces. Elles estiment que la perception est qu’une femme en situation de handicap est moins apte à être parent. De nombreuses femmes ont déclaré que si les tribunaux semblent généralement comprendre qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de rester avec sa mère, ce n’est pas le cas pour les femmes en situation de handicap.
Problèmes avec leur compagnie d’assurance
Les participants à l’étude ont identifié de nombreux problèmes lorsqu’ils traitent avec les compagnies d’assurance. Les types de problèmes rencontrés sont les suivants :
- la remise en question de l’étendue du handicap et/ou de la blessure;
- se voir refuser une assurance pour cause d’invalidité;
- la peur de déposer une demande d’indemnisation;
- actes discriminatoires..
i. Remise en question de l’étendue du handicap et/ou de la blessure
Les participants ont parlé de la façon dont les compagnies d’assurance semblent douter de leurs besoins et de leurs demandes d’invalidité, même avec des documents médicaux. On a le sentiment que les compagnies d’assurance minimisent l’ampleur d’un handicap pour éviter de payer une indemnité :
Tout d’abord, ils m’ont dit que mes blessures ne pouvaient pas être aussi graves que je le disais, ce qui est ridicule, car j’ai été frappé à la tête par une fourgonnette qui n’a même pas freiné. Ils font ça à tout le monde, c’est affreux. Ils discriminent toutes les personnes en situation de handicap et essaient de les forcer à retourner au travail. Cette situation est systémique dans notre province et c’est en partie pour cette raison que je voulais vous parler, car c’est quelque chose qui arrive à tout le monde.
En outre, il a été estimé que les compagnies d’assurance donnent la priorité à l’argent plutôt qu’aux besoins de santé des gens :
C’est comme si la compagnie d’assurance menait mes soins de santé. Cela ne devrait pas être le cas. Les compagnies d’assurance sont tout simplement véreuses. Nous n’avons aucune protection contre les compagnies d’assurance... La seule motivation pour eux est l’argent, pas ma santé. Ils ne financeront pas les soins que même leur propre employé recommande. La [nom de la compagnie d’assurance] a engagé un ergothérapeute. Il a dit, oh, il a besoin de ceci, et il a besoin de cela. Et pourtant, ils n’ont pas voulu le financer!
ii. Se voir refuser une assurance en raison d’un handicap
Certaines personnes ont indiqué qu’on leur avait refusé une demande d’indemnisation par écrit en raison de leur handicap. Dans un cas, une jeune mère s’est vu refuser une assurance habitation en raison de ses diagnostics de santé mentale, alors qu’elle avait un emploi à temps plein bien rémunéré.
iii. Peur de déposer une demande d’indemnité
Quelques personnes ont indiqué qu’elles préféraient se passer de l’aide au revenu ou des soins de santé dont elles ont besoin plutôt que de devoir se soumettre au processus de demande d’indemnité. De nombreuses personnes ont entendu des histoires « d’horreur » sur la façon dont les personnes en situation de handicap sont traitées et elles ne pouvaient pas supporter le stress et l’humiliation de s’engager dans ce processus.
iv. Pratiques discriminatoires
De nombreuses personnes avaient le sentiment d’être victimes de discrimination de la part des compagnies d’assurance en raison de leur handicap et/ou d’autres statuts marginalisés. Par exemple, dans un cas, une compagnie d’assurance a effectué une visite à domicile pour enquêter sur une demande d’indemnité et la personne en situation de handicap a senti qu’une fois que la compagnie d’assurance a découvert qu’elle était transgenre, la demande a été refusée.
Expériences de toutes les formes de violence
Il est tout à fait évident, par cette étude, que de nombreuses personnes en situation de handicap, en particulier les femmes, sont soumises à toutes les formes de violence et d’abus. Les participants ont fait part de leurs expériences d’agression sexuelle par des professionnels de la santé et des préposés aux bénéficiaires. Dans de nombreux cas, les personnes en situation de handicap ont été victimes de violence verbale, psychologique et même physique de la part de spécialistes en soins primaires qui venaient chez elles : refus de nourriture, manipulation brutale lors des activités de soins primaires, cri et hurlement sur leurs clients.
Problèmes avec leurs propriétaires
Les participants à l’étude ont parlé des problèmes liés aux relations avec les propriétaires. Dans tous les cas, les participants ont eu le sentiment d’être exploités, méprisés et/ou maltraités en raison de leur handicap. Les problèmes avec les propriétaires se répartissent en trois catégories :
- atteinte aux droits;
- expulsion pour augmentation du loyer;
- expulsion pour cause de discrimination fondée sur le capacitisme, le racisme et/ou l’homophobie.
i. Atteinte aux droits
Les participants à l’étude ont fait part d’incidents au cours desquels des propriétaires sont entrés chez eux sans autorisation. Dans un cas, un propriétaire est entré dans la chambre d’une femme pendant qu’elle dormait. On a le sentiment que les propriétaires n’ont pas peur de violer les droits des participants parce qu’ils sont en situation de handicap; ce que les participants pensent que les propriétaires ne feraient jamais avec leurs locataires qui ne sont pas en situation de handicap.
ii. Expulsion pour cause d’augmentation du loyer
Ce problème a été fréquemment évoqué et déclaré extrêmement problématique, car, a) les personnes en situation de handicap ont de grandes difficultés à trouver un logement accessible, et b) les personnes en situation de handicap ont souvent de faibles revenus, il est donc rare de trouver un logement qu’elles peuvent se permettre. Dans un cas flagrant, le propriétaire a poussé la locataire en situation de handicap à résilier son bail pour pouvoir augmenter le loyer :
J’y ai vécu cinq ans et demi et mon loyer leur a toujours été versé directement. Je leur payais le loyer en avance et tout et dès que le loyer a augmenté, ils ont décidé qu’ils voulaient m’expulser. Et je ne peux pas lire... Je lis les mots à l’envers. Ils le savaient. Alors, j’ai signé ce papier parce que je leur faisais confiance et j’ai découvert plus tard que c’était pour me faire sortir de la maison. Alors, ils ont pris tous mes meubles, tout... et ils ont jeté toutes mes affaires dans la rue [...]. Ils ont même pris mes photos des enfants. J’avais aussi des animaux de compagnie à l’époque, mais j’ai dû les laisser partir.
iii. Expulsion pour cause de discrimination fondée sur le capacitisme, le racisme et/ou l’homophobie.
Les personnes ont décrit des situations dans lesquelles on leur a demandé de quitter leur domicile sans raison valable apparente. Nombre d’entre eux ont estimé que c’était parce que les propriétaires étaient racistes à l’égard des autochtones et/ou des personnes racisées et, dans un cas, homophobes.
Problèmes avec les personnes qui ont l’autorisation légale de gérer les fonds fiduciaires
Quelques participants ont identifié des problèmes liés au fait d’être exploités par ceux qui ont l’autorité légale sur les fonds fiduciaires laissés par leurs parents. Toutes les personnes qui ont fait part de ce problème vivent avec une déficience intellectuelle. Ils ont expliqué qu’à leur décès, leurs parents leur avaient laissé de l’argent dans un fonds fiduciaire qui devait être administré par un membre de la famille. Des inquiétudes ont été exprimées quant à la manière dont le membre de la famille utilisait les fonds, par exemple en facturant ses visites à la succession, en utilisant les fonds pour des articles personnels et en ne permettant pas à la personne de déterminer comment elle souhaitait dépenser son propre argent.
2. Résolution des problèmes et résultats
Mesures prises pour résoudre les problèmes
Les participants à l’étude ont cherché à résoudre les problèmes qu’ils ont rencontrés de la manière suivante :
- en traitant directement avec l’organisation où le problème est survenu;
- en communiquant avec la police;
- en contactant leur syndicat;
- en faisant appel à l’aide d’un tiers;
- en déposant une plainte relative aux droits de la personne;
- en intentant une action en justice.
Les personnes ont souvent suivi plus d’une de ces voies.
1) Traiter directement avec l’organisation où le problème est survenu
Dans un premier temps, la majorité des participants à l’étude ont tenté de résoudre le problème directement avec l’organisation où il est survenu, c’est-à-dire avec leur employeur, un service gouvernemental ou une compagnie d’assurance. Les personnes tentent de se conformer aux processus établis par l’organisation pour résoudre leur problème. Par exemple, elles obtiendraient les documents nécessaires pour contester une réclamation d’assurance refusée par une compagnie d’assurance ou elles rencontreraient leur service des ressources humaines pour discuter de leurs options lorsqu’une maladie liée à un handicap se déclare au travail. Dans tous les cas, les problèmes n’ont pas été résolus en suivant la procédure organisationnelle. Les participants ont estimé que c’était parce que les organisations ne s’engageaient pas à résoudre le problème. Par exemple, les employeurs ont poussé les gens à démissionner parce qu’ils ne voulaient pas fournir les mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap. Dans un cas, bien qu’une personne ait été autorisée à prendre un congé de maladie, son employeur l’appelait régulièrement pour savoir quand elle serait de retour au travail. Avec les procédures des compagnies d’assurance, les gens se sentaient submergés par la quantité de documents à remplir, trouvaient le processus déroutant et souvent, même s’ils pensaient être en conformité (c’est-à-dire en présentant une lettre d’un médecin confirmant la nécessité de la demande), leur demande était presque toujours rejetée.
Les personnes ont également suivi les procédures de plainte et d’appel de l’organisation, qui, là encore, n’ont pas permis de résoudre leur problème. Souvent, les gens estiment que cette voie est inefficace parce que l’organisation examine elle-même la plainte. Une personne, qui avait été maltraitée par son travailleur de soins primaires, a contacté l’agence de soins à domicile et, comme elle l’a expliqué : « Ils étaient si réticents à faire quoi que ce soit parce qu’ils sont tous dans la même équipe. » Dans cette situation, rien n’a été fait pour retirer le travailleur jusqu’à ce que les abus s’aggravent :
C’était un problème permanent [...] elle m’a laissé dans la salle de bain sans téléphone en état de marche. Je lui demandais des choses simples, comme mes pantoufles, et elle me criait dessus et jetait mes pantoufles devant moi. J’ai appelé l’organisme et ils ont dit qu’ils lui parleraient, mais le superviseur ne fait rien. Comme il s’agit d’un service gratuit, vous ne pouvez rien y faire. J’ai pensé à demander des soins privés, mais je perdrais alors les heures de soins qui sont couvertes. Ils m’ont dit que je pouvais contacter mon député. Ils ne voulaient jamais entendre ma version quand je leur parlais. Puis un jour, je leur ai dit qu’elle m’avait jeté un balai, et finalement ils m’ont envoyé un autre travailleur.
2) Communiquer avec la police
Habituellement, dans une situation de crise, les gens appellent la police en composant le 911. Cependant, toutes leurs expériences ont été négatives et la plupart des personnes ont indiqué qu’elles n’appelleraient plus jamais la police. Dans tous les cas abordés, la personne en situation de handicap était également autochtone. En voici un exemple :
J’ai été intimidée par les autorités policières après avoir demandé de l’aide pour un ami ayant un problème de santé mentale. Au lieu de m’aider, ils ont menacé de prendre mon bébé si jamais ne je les rappelais. Mon petit ami avait pris trop de médicaments. C’était tôt le matin. Les policiers ont pensé qu’il s’était « jeté » sur eux. Ils l’ont menotté, mais ils ne l’ont pas arrêté. Ils ne m’ont pas prise au sérieux. Ils ont montré mon petit garçon du doigt et ont dit qu’ils le confieraient aux services sociaux s’ils entendaient encore parler de nous. Puis ils ont dit, « nous avons manqué le petit déjeuner pour ça ».
3) Communiquer avec leur syndicat
Dans de nombreux cas de problèmes liés au travail, les personnes ont fait appel à leur syndicat pour les aider à résoudre le problème. Malheureusement, cette voie n’a pas non plus semblé très utile. Comme l’a expliqué une personne :
Nous n’avons pas de délégué syndical, ce qui met un frein à toute possibilité d’aide [...] Ils n’ont pas été réceptifs. Depuis juin dernier, sept représentants différents du syndicat se sont occupés de mon dossier et chaque fois, c’est comme si je devais les mettre au courant à nouveau. Il n’y a pas de cohésion.
Une personne ayant une déficience intellectuelle qui a été renvoyée de son emploi dans une épicerie parce que, lui a-t-on dit : « ... vous êtes incapable de faire ce qui est nécessaire et vous êtes très lente », a contacté son syndicat, qui l’a beaucoup soutenue et a accepté de prendre en charge la « bataille ». Toutefois, le licenciement a été confirmé parce que l’employeur l’a licenciée après une période de formation de six mois. En outre, l’employeur a nié que le licenciement était discriminatoire : J’ai demandé si c’était à cause de mon handicap et ils m’ont répondu : « Non, ce n’est pas ça, c’est parce que vous ne travaillez pas assez vite. »
4) Engager le soutien d’un tiers
De nombreuses personnes ont déclaré avoir fait appel à des tiers pour les aider à résoudre le problème grave qu’elles rencontraient. Elles ont indiqué avoir contacté des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap, des centres pour femmes, des organismes de défense des droits, des fournisseurs de soins de santé, des représentants politiques, c’est-à-dire leur député, et des services de soutien culturels communautaires, c’est à dire des services destinés aux Autochtones, aux immigrants et aux divers groupes ethniques. L’efficacité de ces voies varie en fonction de la nature du soutien apporté et du niveau d’aide que le tiers est en mesure de fournir. Par exemple, une personne a décrit le soutien minimum qu’elle a reçu d’un organisme de défense des droits de la personne lorsqu’elle a signé, sans le savoir, des documents qui ont conduit à son expulsion. L’organisme de défense des droits de la personne a indiqué qu’il ne pouvait rien faire puisque sa signature figurait sur les documents. Ce qui conclut de leur intervention. Un autre scénario concernait une personne ayant obtenu un diagnostic de santé mentale qui était en détention et était considérée comme présentant un risque élevé de récidive. Cette personne est entrée en contact avec un organisme de défense des personnes en situation de handicap, qui lui a apporté un soutien continu pendant cinq ans, ce qui lui a permis d’être libérée sous condition, d’être finalement considérée comme à faible risque, de pouvoir établir des relations saines et de s’inscrire dans un établissement d’études postsecondaires. Cependant, dans de nombreuses situations, malgré l’engagement et le soutien du tiers, les personnes n’ont pas réussi à résoudre leur problème.
Quelques autochtones, frustrés par les obstacles qu’ils rencontrent lorsqu’ils tentent de résoudre leurs problèmes par l’intermédiaire des différents « systèmes » officiels, se tournent vers des services de soutien spirituels et culturels. « Ce qui m’a vraiment aidé, c’est d’aller aux cérémonies et aux sueries [...] rien d’autre. »
5) Déposer une plainte relative aux droits de la personne
Étant donné que de nombreux participants à l’étude pensaient que le fondement de leur problème était la discrimination fondée sur leur handicap, ils se sont souvent tournés vers un organisme de défense des droits de la personne. Les expériences des personnes avec les tribunaux et les commissions des droits de la personne dépendent du fait qu’elles aient ou non bénéficié du soutien d’un tiers pour déposer une plainte et/ou de leur persévérance individuelle. Dans un cas, une personne en situation de handicap mental à qui l’on avait interdit de fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire en raison de son casier judiciaire a obtenu gain de cause, grâce au soutien persistant d’un tiers :
J’ai cru comprendre qu’un organisme ne peut pas se servir de cela (le casier judiciaire) comme justification pour ne pas admettre quelqu’un. L’université ne voulait pas vraiment s’occuper de ça ... ils ont mis toutes les petites barrières en place. Nous avons ensuite déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne [...] et l’arbitre a statué en ma faveur [...] qu’un casier judiciaire est protégé par le Code des droits de la personne.
Les résultats positifs sont toutefois rares, et les personnes ont souvent indiqué qu’elles étaient tellement épuisées et stressées par la procédure de plainte pour atteinte aux droits de la personne qu’elles ont abandonnée. Comme l’explique cette personne :
Je suis allé à la Commission albertaine des droits de la personne. On m’a dit que j’avais un dossier très solide, mais année après année, cela n’a fait que s’éterniser sans que cela ne mène nulle part. Et malheureusement, le stress de cette situation et le harcèlement de mon ancien employeur, qui a fini par me licencier pour cause de handicap, par écrit. J’ai abandonné. Mais je pense que la loi sur les droits de la personne (Human Rights Act) est assez rigide, mais sans aucun budget pour soutenir la Commission, elle est inefficace. Et les entreprises et les employeurs savent qu’ils peuvent simplement attendre et épuiser les gens. Ils (la Commission des droits de la personne) n’ont tout simplement pas le personnel nécessaire pour faire face à leur charge de travail.
6) Intenter une action en justice
Bon nombre des personnes qui ont participé à cette étude ont intenté une action en justice pour résoudre le grave problème qu’elles ont rencontré. Cependant, aucun dossier n’a permis d’obtenir le résultat souhaité par les participants.
Expériences de la procédure judiciaire
Deux thèmes communs sont apparus dans les expériences des personnes ayant affaire aux tribunaux.
i. Le succès de l’action en justice dépendait des ressources financières
La question de l’argent a été identifiée comme la principale raison de l’échec des actions en justice. Dans de nombreux cas, les personnes en situation de handicap se sont heurtées à des institutions, c’est-à-dire des écoles postsecondaires et des employeurs, ou à leurs ex-conjoints, qui disposaient tous de ressources financières considérablement plus importantes qu’elles. Dans les quelques cas où les participants avaient l’argent nécessaire pour soutenir une action en justice, ils ont dit avoir dépensé des milliers de dollars, puisé dans leurs économies et, en fin de compte, perdu leur procès.
Il y avait également un sentiment que les défendeurs contre lesquels ils se battaient étaient conscients de leur vulnérabilité financière, ce qui les amenait à bloquer les procédures et à maintenir l’affaire active au tribunal jusqu’à ce que la personne ne puisse plus se permettre d’aller plus loin. Les participants ont également estimé que les défendeurs ne craignaient aucun recours juridique s’ils se comportaient de manière malveillante.
Le fait de ne pas avoir les ressources financières nécessaires pour se permettre une représentation juridique solide a conduit à devoir recourir aux services de l’aide juridique. Celles-ci étaient souvent jugées insuffisantes pour les raisons suivantes : il y avait de longues listes d’attente pour obtenir un avocat; les avocats de l’aide juridique ne disposaient pas de suffisamment d’heures pour travailler sur une affaire; les réunions avec les représentants de l’aide juridique étaient inaccessibles, c’est-à-dire qu’elles étaient trop éloignées et qu’aucune mesure d’adaptation n’était prévue; et les avocats de l’aide juridique ne semblaient pas être efficaces face à des avocats de la défense redoutables.
Les gens ont également eu des expériences négatives avec d’autres voies légales disponibles pour les personnes à faibles revenus :
J’ai donc essayé de passer en revue les différentes voies légales qui sont offertes aux gens comme moi, comme l’aide juridique, les étudiants en droit de l’UBC (University of British Columbia), plusieurs programmes de défense... mais j’ai trouvé que pour 90 pour cent des questions civiles, vous ne pouvez obtenir que des conseils et ils ne vous offriront qu’une seule séance et après cela, il y a une longue, longue file d’attente pour revenir et parler avec les mêmes personnes avec lesquelles vous avez parlé antérieurement! C’est frustrant, car je reçois des prestations d’invalidité provinciales et il existe des programmes pour ce type de soutien.
Dans le contexte des litiges en matière d’emploi, il a été déclaré que le processus juridique favorise « les employeurs en raison du manque de ressources dont nous disposons ».
ii. Leur handicap a été utilisé contre eux au tribunal
Dans de nombreux cas, les personnes ont eu le sentiment que leur handicap était utilisé contre elles au tribunal. Par exemple, dans les affaires de garde, l’ex-conjoint tentera de démontrer que la mère en situation de handicap est « mentalement inapte » à s’occuper de son ou de ses enfants, en qualifiant souvent son handicap cognitif de signe d’instabilité mentale susceptible de nuire à leur(s) enfants(s) :
J’ai reçu une note de médecin officielle qui disait que j’avais une lésion cérébrale. Il est très clair que j’ai une lésion cérébrale qui affecte ma mémoire et pourtant cela a été utilisé contre moi pour me retirer mon fils.
Défis avec le système judiciaire
En plus des défis plus structurels ou systémiques, comme le manque d’argent pour intenter une action en justice et les limites des services d’aide juridique, les participants ont également indiqué d’autres problèmes liés à leur handicap qui ont posé des défis lorsqu’ils ont intenté une action en justice.
i. Le manque de crédibilité et le fait de ne pas être cru
De nombreux participants à l’étude ont exprimé leur sentiment d’être considérés comme manquant de crédibilité en raison des préjugés et des suppositions à l’égard de leur handicap. Une personne, réfugiée et souffrant d’un trouble de stress post-traumatique dû à ses expériences de guerre, a décrit son interaction avec des avocats dans le cadre de sa poursuite pour une accusation d’agression sexuelle :
Il y a un filtre que les gens mettent dans leur esprit comme une association avec vous. Ils ne vous croient pas. Parce que tu n’es pas aussi important dans la société... au début, je ne comprenais pas et puis j’étais comme... wow?! Que se passe-t-il ici? En fin de compte, j’avais l’impression de ne pas avoir les mêmes droits que les autres. J’avais l’impression que ma parole avait moins de valeur... parce que, vous savez, je suis une personne réfugiée et atteinte de cette maladie.
Une autre femme, qui a porté plainte contre un infirmier qui l’avait agressée sexuellement dans un hôpital, a senti qu’elle était considérée comme peu crédible tout au long de la procédure :
Je suis allée à la police pour faire un rapport et l’agente de police était une femme et bien, elle était dure! Elle s’est emportée contre moi et a douté de moi en disant : « Peut-être que c’était ceci ou peut-être que c’était cela. » Et je suis comme, NON! Je sais ce qui s’est passé! Ensuite, il y a eu des réunions avec l’avocat et l’hôpital avait nommé son propre enquêteur qui m’a interrogé. Il m’a posé toutes les questions sur ce qui s’était passé, etc. Et j’ai répondu et j’ai commencé à pleurer... donc, je suppose que j’ai perdu toute crédibilité.
Cette même femme a déclaré que parce qu’elle avait un handicap physique et se déplaçait en fauteuil roulant, elle pensait que la police croirait qu’elle avait aussi un handicap intellectuel. Elle estime que cela a contribué à ce qu’on ne la croie pas.
Obstacles cognitifs et psychosociaux
De nombreuses personnes ont évoqué les difficultés rencontrées pour se préparer et participer à la procédure judiciaire. À la barre, une personne atteinte d’une lésion cérébrale a eu des difficultés à se souvenir de la séquence des événements et/ou d’événements particuliers. Ces personnes ont été traitées de menteuses au tribunal pour cette raison. De nombreuses personnes souffrant de handicaps cognitifs, intellectuels et de santé mentale ont parlé des difficultés qu’elles rencontrent pour comprendre la loi, ainsi que les procédures et les processus en cours. Comme l’a expliqué cette personne :
Mon plus gros problème a été de tout présenter de manière cohérente à un avocat. Comme je m’efforce d’être cohérent, tout a pris beaucoup plus de temps et les frais de justice ont donc été considérablement plus élevés. En outre, il est très difficile de rassembler la documentation et de la mettre en forme. Et c’est quelque chose que vous ne pouvez pas vraiment demander à quelqu’un d’autre de faire. J’avais deux boîtes de classement de documents et un ordinateur portable plein de documents. Et tout cela devait être trié et organisé. Et à chaque fois que je le regardais, j’avais une crise de panique.
Conclusions
La grande majorité des personnes qui ont participé à l’étude ont indiqué qu’il n’y avait pas de solution aux problèmes qu’elles rencontraient. Cela peut s’expliquer par le fait qu’un nombre important de participants à l’étude ont choisi de ne prendre aucune mesure pour résoudre le problème qu’ils rencontraient. Les difficultés évoquées ci-dessus, soit le manque de ressources financières, le manque de soutien, la peur de ne pas être cru ou le sentiment de manquer de crédibilité, sont autant de raisons invoquées par les personnes qui ont décidé de ne suivre aucune voie pour résoudre leurs problèmes. En outre, les participants ont indiqué que le stress permanent lié aux processus de résolution serait trop accablant et que, même s’ils essayaient, ils avaient le sentiment qu’ils n’y parviendraient pas.
Comme l’a expliqué une femme après avoir été maltraitée par la police :
Je n’ai rien fait. J’étais une femme autochtone de 19 ans, choquée par leur réaction [...] J’ai toujours supposé que je serais stéréotypée comme une « autochtone ivre ou droguée. Je détecte très facilement le racisme, qu’il soit flagrant, subtil ou condescendant. Donc, ça ne sert à rien.
Les participants ont également déclaré qu’ils n’avaient tout simplement pas l’énergie de se battre parce qu’il était déjà assez difficile d’essayer de survivre dans la vie de tous les jours, en étant isolés, pauvres et sans les services de soutien dont ils avaient besoin.
Dans les situations où les participants ont estimé qu’ils n’avaient d’autre recours que de suivre le processus mis en place par l’organisme, le résultat a toujours été négatif, c’est-à-dire qu’ils ont perdu leur emploi, n’ont pas reçu les services de soutien ou les mesures d’adaptation pour personnes en situation de handicap qu’ils demandaient, ont été expulsés de leur domicile et/ou se sont sentis secoués et bouleversés par le mauvais traitement et le processus irrespectueux auxquels ils ont été soumis.
Dans les quelques cas où les participants avaient les ressources financières, la volonté et le soutien nécessaires pour continuer à se battre pour la justice, ils ont connu un succès modéré, mais à grands frais et en faisant des compromis.
Par exemple, une personne, qui a été congédiée et n’a pas reçu d’indemnité de départ, a cru que cela était dû à son handicap. Ils ont d’abord déposé une plainte auprès d’une commission provinciale des droits de la personne, qui s’est montrée « peu réactive », et la procédure « a traîné en longueur ». Ils ont fini par engager un avocat et, après avoir dépensé des milliers de dollars en frais de justice et subi un stress extrême, ils ont décidé d’accepter une entente à l’amiable, qui les obligeait à clore le dossier relatif aux droits de la personne.
De nombreuses personnes ont déclaré qu’elles étaient tellement frustrées et humiliées par le processus qu’elles ne prendraient plus jamais de mesures. Voici ce que certaines de ces personnes ont exprimé :
L’ensemble du processus a été très frustrant et décevant.Je ne déposerais jamais une autre plainte, même si le problème était vraiment flagrant et évident, car le stress et la déception sont trop grands.
J’obtiendrai un autre soutien et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ne plus jamais avoir à faire appel à la police.
Je suis resté à l’écart du système judiciaire. Vraiment, je ne fais aucunement confiance au système judiciaire. Si je me faisais à nouveau agresser, je n’irais jamais voir la police. Je ne le signalerais jamais. Jamais. Et je sais maintenant pourquoi les femmes ne le font pas.
Dans deux exemples seulement, les participants ont eu le sentiment d’avoir réussi à trouver une solution acceptable à leur problème. Dans les deux cas, les participants avaient des avocats forts et inébranlables qui, en équipe, n’ont jamais abandonné jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils estimaient être juste.
3. Causes perçues
Pauvreté
La majorité des personnes qui ont participé à ce projet d’étude ont rencontré plus d’un problème grave. Lorsqu’on leur a demandé « pourquoi pensez-vous que ces problèmes se sont produits » et « quel est le lien entre eux », la majorité d’entre elles ont identifié la pauvreté comme étant la racine de tous les problèmes qu’elles et les autres personnes en situation de handicap rencontrent.
Manque de connaissance de l’expérience du handicap et des services de soutien adéquats nécessaires
Les participants à l’étude ont clairement souligné que les institutions et les services où les problèmes se sont produits ne connaissaient pas les divers services de soutien dont les personnes en situation de handicap pouvaient avoir besoin pour accéder à leurs services et/ou remplir leurs obligations professionnelles. Par exemple, les personnes en situation de handicap peuvent communiquer différemment, avoir des capacités cognitives et de compréhension différentes et ne pas être en mesure de s’engager physiquement dans les processus définis par une institution, autant de facteurs qui ont fini par poser un grave problème.
Discrimination
Les participants ont souvent indiqué que le traitement négatif dont ils ont fait l’objet était motivé par les craintes, les préjugés et/ou l’attitude négative de l’agresseur à l’égard des personnes en situation de handicap. De plus, il y avait un fort sentiment que parce qu’ils avaient un handicap et d’autres identités marginalisées (par exemple, être autochtone, racisé, une femme, un membre de la communauté 2SLGBTQ+, etc.), ils étaient confrontés à encore plus de discrimination de la part des personnes impliquées dans leur conflit.
Exploitation
Les participants à l’étude ont déclaré que parce qu’ils vivaient avec un handicap, de nombreuses personnes au pouvoir ne pensaient pas que, en tant que locataires, employés, clients, patients, etc., ils remettraient un jour en question la situation problématique. Ce type d’impunité a permis à ces personnes de continuer à agir de manière injuste. Il y a eu de nombreux exemples de personnes en position de pouvoir agissant de manière manifestement injuste, notamment un employeur qui licencie régulièrement des personnes souffrant de déficiences intellectuelles dès la fin d’une période de formation non rémunérée ou un propriétaire qui fait signer de manière trompeuse des papiers à une personne ne sachant pas lire, ce qui a finalement entraîné son expulsion.
Autres causes
Les participants à l’étude ont également soulevé le manque d’empathie et l’absence de soutien familial et communautaire comme d’autres causes des problèmes qu’ils ont rencontrés.
Enfin, les participants ont indiqué qu’il existe un effet domino, la cause d’un problème en déclenchant un autre. Par exemple, une personne a été victime d’un accident de voiture qui a nécessité un certain nombre de thérapies différentes pour pouvoir fonctionner, ce qui a donné lieu à un conflit permanent avec une compagnie d’assurance. En raison du fait que cette personne n’a pas pu obtenir les thérapies nécessaires, elle n’a pas pu remplir ses responsabilités professionnelles. Cela a entraîné de graves problèmes auprès de son employeur.
4. Effet sur la vie des gens
L’effet de ces problèmes sur la vie des gens a été énorme. Les effets sont à long terme, car ces incidents se produisent souvent sur plusieurs années, épuisant les ressources émotionnelles et financières des personnes concernées. La section suivante présente les principaux aspects de l’effet que ces graves problèmes ont eu sur la vie des gens.
Effet négatif sur la santé mentale
Quand on leur demande : « Quel a été l’effet de ce problème sur votre vie? », la majorité des participants ont déclaré que le stress et l’anxiété qu’ils ont ressentis en lien avec leur problème ont eu un effet à long terme sur leur santé mentale. Nombre d’entre eux ont déclaré qu’après cette expérience négative et prolongée, leur estime de soi avait été fortement affectée et qu’ils avaient commencé à développer le sentiment qu’ils ne comptaient pas. Certaines personnes ont également envisagé le suicide comme un moyen de se sortir de leur dilemme. La citation suivante est représentative de ce que de nombreux participants à l’étude ont discuté de l’effet du problème sur leur santé mentale :
[...] le stress de tout ça me tuait littéralement. Je me retrouvais régulièrement à l’hôpital aux urgences à cause de ça. Donc, je ... il fallait juste que ça s’arrête. Et la seule façon que ça s’arrête était d’accepter un règlement à l’amiable d’une valeur bien inférieure à celle à laquelle j’avais droit [...] Et la façon dont la municipalité a géré la situation et le stress supplémentaire qu’elle a causé a, je le crois fermement, détérioré encore plus ma santé mentale. À un moment donné, j’étais paranoïaque. J’étais à l’extrême limite de la dépression. J’avais de grosses crises de panique. Les miennes sont apparemment très, très sévères par rapport à la plupart des gens. Tout a empiré, rapidement.
Ne pas obtenir les services de soutien nécessaires pour mener une vie saine, sécuritaire et productive
Comme nous l’avons entendu, les participants n’ont pas réussi à obtenir les services de soutien aux personnes en situation de handicap nécessaires pour résoudre leur problème, ce qui a généré d’autres problèmes, à savoir la détérioration de leur santé, la perte de leur emploi et, par conséquent, l’insécurité du logement.
Perte financière importante
Alors que la majorité des participants à l’étude avaient de faibles revenus et ne pouvaient pas se payer des services juridiques, ceux qui pouvaient se payer ces services ont tous déclaré que le processus avait eu un effet considérable sur leur situation financière. Ils ont déclaré avoir dépensé des milliers et des milliers de dollars, souvent en épuisant leurs économies, pour un résultat négatif, les laissant appauvris. Les personnes ayant eu des litiges liés à l’emploi ont perdu leur emploi et se sont donc retrouvées sans revenu.
Autres types d’effets
Un autre type d’effet moins fréquemment cité par les participants est le sentiment d’une occasion perdue, c’est-à-dire le fait de ne pas avoir pu faire d’études postsecondaires ou de ne pas avoir pu garder un emploi qu’ils trouvaient intéressant. Étant donné que le processus de résolution des problèmes était si difficile, frustrant et parfois humiliant, les participants ont parlé d’une perte de volonté et d’enthousiasme à poursuivre leurs rêves.
Enfin, quelques répondants, tous racisés et/ou autochtones, ont expliqué qu’après leur expérience extrêmement négative avec la police, ils souffrent aujourd’hui du syndrome de stress post-traumatique et vivent dans la crainte de la police. Cette peur peut se manifester alors qu’ils effectuent des activités quotidiennes normales, c’est-à-dire conduire ou marcher seul ou avec d’autres personnes racisées. Ils ont déclaré que dès qu’ils voient une voiture de police ou une personne en uniforme, ils commencent à être très anxieux et à craindre pour leur vie.
5. Répondre à la pandémie de COVID-19
Au cours de la dernière année, il est devenu de plus en plus évident que la crise de la COVID-19 avait le plus grand effet sur les populations les plus pauvres et les plus marginalisées du Canada – ce qui inclut les personnes en situation de handicap, en particulier celles qui ont des identités marginalisées croisées.
Les entretiens pour cette étude ont commencé juste au moment où la COVID-19 devenait un problème, et au tout début du confinement du pays. La chercheuse et les personnes interrogées ont donc découvert et appris ensemble ce phénomène et l’effet qu’il avait, en temps réel, sur les participants à l’étude. De plus, le calendrier de cette étude nous a permis d’obtenir les premières réactions des gens à la pandémie de COVID-19. Les principaux points de son exposé sont résumés ci-dessous.
- Isolation accrue –
- Le confinement a accentué le sentiment de solitude et d’isolement des participants en tant que personnes en situation de handicap, notamment celles souffrant de déficiences intellectuelles. Les quelques personnes qui faisaient partie de leur vie, c’est-à-dire leurs accompagnateurs, n’étaient plus en mesure de leur rendre visite à leur domicile et de les emmener à leurs activités régulières dans la collectivité.
- Peur de tomber malade –
- Pour les personnes qui avaient besoin d’une aide journalière en matière de soins primaires, des travailleurs venaient encore à leur domicile, ce qui leur procurait un sentiment de peur et d’incertitude quant au risque pour leur santé. Les participants ont également estimé que l’éducation du public sur les risques n’était pas transmise dans un langage clair, simple et accessible.
- Difficulté à comprendre les protocoles liés à la COVID-19 et à composer avec les technologies –
- De nombreux participants, en particulier ceux qui ont des déficiences intellectuelles et cognitives, ont exprimé leur confusion quant aux règles de distanciation et aux processus de demande d’aide du revenu. Pour aggraver encore la situation, les personnes chargées de l’assistance habituelle ne pouvaient fournir des conseils qu’en requérant à des services de vidéoconférence. Cela s’est avéré problématique, car certains participants n’avaient pas accès à un ordinateur et d’autres trouvaient la technologie difficile à utiliser sans un soutien en personne.
- Incapacité d’obtenir les services de santé nécessaires -
- De nombreux participants ont déclaré qu’en raison du confinement, ils n’ont pas pu recevoir les services de santé qui constituaient pour eux un besoin vital, par exemple la physiothérapie. Les personnes souffrant de problèmes de santé chroniques préexistants allaient devenir plus « malades » et étaient celles qui souffraient le plus.
- Services liés à la justice sont retardés –
- Dans l’une des études sur les personnes en situation de handicap, quelques participants ont raconté qu’ils étaient plus stressés et anxieux parce que leurs causes devant les tribunaux (soit la garde des enfants ou les dossiers criminels) avaient été suspendues ou reportées indéfiniment.
- Manque de revenus de travail –
- Les participants ont parlé de leur situation financière désastreuse, liée à la fermeture de leur petite entreprise ou à la perte de contrats de travail, et certains ont fait part de leur anxiété de devoir mettre fin à leur recherche d’emploi.
- Obligation d’aller travailler –
- Quelques participants ont confié qu’ils étaient forcés de se rendre sur leur lieu de travail. Dans un cas extrême, un homme âgé souffrant de graves problèmes respiratoires, qui était déjà en conflit avec son employeur, s’est fait dire qu’il devait se rendre au travail ou son emploi serait menacé.
- Sentiment d’être oublié et non valorisé –
- Au moment où les entretiens ont eu lieu, on avait l’impression que les prestations d’urgence étaient actives pour les personnes qui n’étaient pas en situation de handicap, mais pas pour les personnes en situation de handicap. Cela a exacerbé le sentiment des participants que la société n’accorde pas autant de valeur aux personnes en situation de handicap qu’aux personnes non en situation de handicap, comme l’explique cette personne : « Le gouvernement n’est pas prêt à mettre en place pour nous le type de ressources qu’il met actuellement à la disposition des personnes en bonne santé et non en situation de handicap pour la COVID. »
Un sentiment souvent abordé est que la crise de la COVID-19 démontre que le gouvernement peut trouver l’argent, s’il le doit, pour soutenir les personnes dans le besoin :
Toute cette affaire de COVID a mis en évidence à quel point les mesures d’adaptation sont réalisables... Ça me rend vraiment, vraiment folle. Comme dans le secteur de l’emploi. Je demande ces choses depuis longtemps et maintenant, quand cela touche les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, tout d’un coup cela peut être fait?!
Enfin, l’étude présente un constat intéressant et quelque peu surprenant : certaines personnes interrogées n’étaient pas du tout stressées par la COVID-19. Elles ont fait valoir que des restrictions comme l’insécurité du revenu et l’isolement avaient toujours fait partie de leur vie. Ce sentiment a été exprimé à plusieurs reprises, suggérant la crainte de représailles :
Je vois peut-être pour la première fois le reste du monde se retrouver démuni et faire face à des difficultés avec lesquelles j’ai toujours vécu. Des choses auxquelles j’ai fait face toute ma vie. Ainsi, pour moi, la COVID n’a pas aggravé les choses… elle a simplement fait réaliser aux gens ce qu’est une mauvaise vie.
- Date de modification :