Problèmes graves rencontrés par diverses personnes en situation de handicap – Ouest du Canada
Introduction
Contexte
Justice Canada, en association avec d’autres ministères fédéraux et Statistique Canada, met en œuvre l’Enquête canadienne sur les problèmes juridiques (ECPJ). L’ECPJ recueillera des données nationales sur les besoins juridiques des Canadiens et sur la façon dont ces besoins ont été, ou n’ont pas été, satisfaits, ainsi que sur les effets de ces problèmes juridiques sur la santé et l’économie. Il était toutefois prévu que, en tant qu’enquête auprès de la population générale, L’ECPJ ne compterait qu’un nombre relativement faible de répondants issus de populations minoritaires, et qu’il ne serait donc probablement pas possible de rendre compte de ces expériences. Les fonctionnaires souhaitent donc recueillir davantage de renseignements sur certains groupes, tels que les personnes en situation de handicap, afin d’en savoir plus sur les types de problèmes graves rencontrés, les voies empruntées par les personnes pour résoudre ces problèmes, les résultats et les effets sur leur vie.
Ce rapport présente les résultats d’une étude qui a été menée entre mars et juin 2020 auprès de personnes en situation de handicap vivant dans les quatre provinces de l’Ouest canadien, soit la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. L’objectif principal de cette étude est de recueillir des données qualitatives sur l’expérience de diverses personnes en situation de handicap qui ont rencontré des problèmes graves au cours des trois années précédentes.
Méthodes de recherche
Les données ont été recueillies au moyen d’entretiens individuels et de groupes de discussion. En raison de la pandémie de COVID-19, tous les entretiens et le groupe de discussion ont eu lieu par téléphone ou en ligne. Un total de vingt-cinq entretiens ont été réalisés avec des personnes en situation de handicap vivant dans les provinces de l’Ouest. Les entretiens duraient entre 45 et 90 minutes. Le groupe de discussion comptait cinq participants, vivant tous avec un handicap intellectuel et/ou cognitif. Alors que les séances en personne sont plus accessibles aux personnes souffrant de déficiences intellectuelles et cognitives, en raison de la pandémie, la vidéoconférence était l’autre meilleure option. Des mesures d’adaptation spécifiques, telles que des plateformes de clavardage en ligne, ont été mises en place pour les personnes sourdes et malentendantes.
Pratiques prometteuses dans les processus de recrutement et d’entretien
En vue de reconnaître le fait que les personnes en situation de handicap au Canada vivent d’autres expériences de marginalisation, le processus de recrutement visait à inclure, par l’intersectionnalité, une diversité de personnes en situation de handicap. Il s’agit de femmes, d’hommes, de personnes de sexe différent, d’adultes plus ou moins âgés, de personnes racisées, immigrées, autochtones, 2SLGBTQ+1, et de personnes à revenus faibles ou moyens. En outre, étant donné que les gens vivent avec de nombreux types de handicaps différents, et que beaucoup d’entre eux ont plus d’un handicap, un effort a été fait pour viser une diversité d’expériences de handicap, c’est-à-dire, les handicaps sensoriels/visuels, intellectuels, cognitifs (lésions cérébrales), de santé mentale, de mobilité, et les handicaps des sourds et des malentendants.
La chercheuse a mobilisé des organismes communautaires clés en matière de handicap, d’Autochtones, de personnes 2SLGBTQ+ et d’aide à l’établissement des immigrants, ainsi que des leaders communautaires en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, afin d’aider à identifier et à recruter des personnes en situation de handicap pour cette étude. Le processus de recrutement s’est largement appuyé sur le soutien de ces organismes locaux propres à la population qui, en fournissant des services de première ligne, ont établi des relations de confiance avec les prestataires de leurs services.
Pour que les partenaires communautaires aient la certitude que l’étude serait menée de manière respectueuse et adaptée à la culture, il était important d’établir que le processus de recherche serait fondé sur une compréhension de la discrimination intersectionnelle systémique et des traumatismes qui en résultent. Dans cette optique, la chercheuse s’est adressée à des organisations locales avec lesquelles elle avait déjà travaillé par le passé pour leur expliquer l’objectif de l’étude, les dispositions relatives à la protection de la vie privée, le déroulement des entretiens et des groupes de discussion, ainsi que le soutien qui serait mis en place pour les participants. Compte tenu des relations passées de la chercheuse avec ces organismes locaux et de l’explication selon laquelle le processus de recherche est fondé sur la compréhension de l’oppression structurelle, ils ont estimé qu’ils pouvaient faire confiance au processus et c’est avec plaisir qu’ils sont allés chercher des participants potentiels dans leurs communautés.
Planification de la sécurité
Les participants potentiels à l’étude ont également été invités à contacter la chercheuse avant l’entretien. Si une personne indiquait qu’elle souffrait d’anxiété, des appels préalables à l’entretien et/ou du clavardage en ligne étaient organisés pour clarifier les attentes, préparer les participants au processus d’interrogation et leur donner l’occasion de poser des questions. Un élément clé de ces discussions préparatoires a été l’élaboration conjointe d’un plan de sécurité selon lequel :
- le participant informe le chercheur de la manière dont il souhaite être soutenu si la discussion le perturbe;
- le participant à l’étude est convaincu qu’il détient le pouvoir de décider de ne pas répondre aux questions auxquelles il ne souhaite pas répondre;
- des pauses de soutien peuvent être prises en cas de besoin;
- des appels post-entrevue seraient offerts si les participants souhaitaient ajouter ou retirer des renseignements.
La chercheuse a également constaté qu’il était bon de demander à l’avance si les personnes se sentaient à l’aise et en sécurité à l’endroit où l’entretien téléphonique devait avoir lieu. Ceci est particulièrement important si une personne souhaite fait part de son expérience de la violence, car elle peut se trouver actuellement dans une situation de violence. Cela s’est produit dans quelques cas et il a été déterminé que le clavardage en ligne serait la méthode la plus sûre pour mener l’entretien. Il était important d’aider ces participants à effacer leurs activités téléphoniques ou informatiques après l’entretien.
Établissement du calendrier
Certains enseignements importants ont été tirés de l’établissement du calendrier des entretiens :
- Les entretiens doivent avoir lieu l’après-midi, car il peut être nécessaire de consacrer plus de temps aux soins de santé primaires le matin. En outre, certaines personnes prennent des médicaments qui les obligent à dormir plus longtemps le matin.
- C’est une bonne pratique que de tenir compte du calendrier des soins de santé primaires des personnes au moment de fixer les entretiens.
- Demander s’il y a des coûts associés à un entretien téléphonique, car certaines personnes ne peuvent pas se permettre les frais de transmission de données. Il peut donc être nécessaire d’utiliser un fournisseur de services de voix par protocole IP, comme WhatsApp.
- La majorité des gens n’ont pas la possibilité de signer, de numériser et de retourner la lettre de consentement par voie électronique. En fait, cette exigence peut les empêcher de participer à l’étude. On a donc mis au point un processus par lequel ils devaient simplement lire et répondre à une version électronique de la lettre de consentement. Cette option a été bien accueillie.
- Certaines personnes peuvent avoir besoin d’une personne de confiance pendant l’entretien en raison de problèmes de mémoire liés à un handicap cognitif ou pour renforcer leur sentiment de sécurité. Il est bon de demander aux participants s’ils souhaitent être accompagnés d’une personne de confiance pendant l’entretien.
Sensibilité pendant les entretiens
Il est évident que de nombreuses personnes en situation de handicap ont subi des traumatismes dans leur vie, en particulier si elles sont des femmes, des autochtones, des Noirs/Africains, des personnes racisées ou issues d’une communauté 2SLGBTQ+ en raison de la discrimination systémique et des expériences de violence, y compris la violence liée au colonialisme et au racisme. Compte tenu de cette réalité, les gens peuvent être provoqués par quelque chose au cours de l’entretien qui peut ou non être lié au sujet de la discussion. La chercheuse a jugé important de montrer sa compréhension et de valider l’expression de leur douleur, tout en désamorçant en douceur leur réaction émotionnelle et en les réorientant vers le processus de questionnement. Il est également judicieux de vérifier si la personne bénéficie ou non d’un suivi et, si possible, de l’orienter vers les services et le soutien offerts dans sa communauté.
La chercheuse visait à créer un environnement sûr pour mettre les participants à l’aise et elle a constaté qu’en utilisant un langage affirmatif et non moralisateur, en étant à l’aise avec les longues pauses et les silences, et en effectuant un « bouclage » à la fin de chaque entretien, les participants se sentaient moins anxieux.
Il était important de ne pas adhérer de manière rigide au format et à la séquence des questions tels que décrits dans les guides pour les entretiens et les groupes de discussion.2 Les questions décrites dans ces guides ont permis d’obtenir les renseignements recherchés; toutefois, les entretiens ont été plus fructueux lorsque la chercheuse a fait preuve de réflexion et s’est alignée sur le déroulement de la discussion en adaptant la séquence des questions et en réajustant la formulation pour plus de clarté, le cas échéant.
Le groupe de discussion avec les participants présentant un handicap cognitif et/ou intellectuel a eu plus de succès que prévu. La chercheuse a estimé que les groupes de discussion en personne pour les personnes vivant avec ces handicaps étaient essentiels pour créer un environnement de soutien par les pairs, pour accroître et contrôler la sécurité, pour accorder plus de temps à la discussion, et permettait de fournir un repas, ce qui est vraiment bien accueilli par les personnes vivant dans la pauvreté. En outre, il y a eu des hésitations quant à l’accessibilité à la technologie requise pour un groupe de discussion virtuel. Cependant, le groupe s’est étonnamment bien passé grâce au processus de préparation qui a eu lieu avant la séance, qui comprenait le test de Zoom avec chaque participant à l’avance et la mise en place de personnes de soutien qui seraient disponibles pour les participants en ligne et en personne.
Les questions des groupes de discussion ont été formulées en langage clair, c’est-à-dire en présentant une idée à la fois, en utilisant des phrases plus courtes et en donnant des exemples qui faisaient écho à la vie des participants. Les participants aux groupes de discussion ont également été informés au début de la séance qu’ils pouvaient lever la main lorsqu’ils souhaitaient que l’animateur ralentisse et/ou lorsqu’ils ne comprenaient pas une question ou un mot. Cela s’est produit à plusieurs reprises au cours du groupe de discussion. La plupart des participants ont communiqué avec la chercheuse après le groupe de discussion pour lui dire qu’ils avaient apprécié la discussion et qu’ils espéraient pouvoir organiser une autre séance dans un avenir rapproché.
Profil du répondant
En tout, 30 personnes ont participé à l’étude. Ils représentaient différentes populations marginalisées et un large éventail de handicaps physiques et mentaux. Le tableau suivant présente une répartition de la population des répondants, ce qui montre que nous avons réussi à atteindre la diversité recherchée.
Données sociodémographiques
Bien que nous ne puissions pas tirer de conclusions empiriques sur certaines cohortes, nous pouvons identifier des expériences communes qui émergent par catégorie sociodémographique. Cette section présente et décrit les caractéristiques sociodémographiques des participants à l’étude.
Pourcentage de participants | |
---|---|
De sexe féminin | 67 |
De sexe masculin | 33 |
Pourcentage de participants | |
---|---|
Représentants de la communauté 2SLGBTQ+ | 28 |
Hétérosexuels | 72 |
Pourcentage de participants | |
---|---|
Blancs | 52 |
Autochtones | 31 |
Racisés | 17 |
Pourcentage de participants | |
---|---|
Physique | 52 |
Santé mentale | 45 |
Intellectuel et cognitif | 31 |
Handicap physique et mental | 21 |
Pourcentage de participants | |
---|---|
Études secondaires ou inférieures | 31 |
Études collégiales | 31 |
Études universitaires | 38 |
Pourcentage de participants | |
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Employé | 34 |
Sans emploi | 66 |
Pourcentage de participants | |
---|---|
Entre 25 et 34 ans | 10 |
Entre 35 et 44 ans | 31 |
Entre 45 et 54 ans | 28 |
Entre 55 et 64 ans | 24 |
Plus de 65 ans | 7 |
Faits saillants
- Par rapport à la population générale (PG), les groupes marginalisés étaient surreprésentés. Par exemple, 67 % de femmes/31 % d’hommes (PG – environ 51 % de femmes/49 % d’hommes); 31 % d’Autochtones/52 % de blancs (PG – 5 % d’Autochtones/73 % de blancs); 28 % de 2SLGBTQ+ (GP – 13 percent). 3 C’est important, car il y a plus d’obstacles à l’engagement des personnes marginalisées dans les projets d’étude et donc souvent leur voix n’est pas prise en compte dans les résultats.
- Handicap : Dans la population visée, 21 % des répondants avaient à la fois un handicap physique et mental, la grande majorité des répondants (76 %) vivant avec un handicap intellectuel, cognitif et/ou de santé mentale. Les trois quarts (76 %) des répondants ont déclaré avoir un handicap mental, intellectuel ou cognitif. La répartition se trouve dans le tableau 4 ci-dessus. Cette surreprésentation des personnes souffrant de déficiences intellectuelles, cognitives et/ou de santé mentale est également importante, car ces populations sont davantage marginalisées que les personnes souffrant de déficiences physiques, c’est-à-dire qu’elles subissent des taux de violence plus élevés.
- La majorité des répondants étaient sans emploi, mais étaient instruits (69 % avaient fait des études postsecondaires).
- La grande majorité des répondants ont indiqué qu’ils avaient un revenu très faible, quelques participants s’étant identifiés comme appartenant à la classe moyenne.
- Des groupes d’âge variés ont participé à cette étude.
Notes de bas de page
1 2SLGBTQ+ signifie : personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer. Le « + » indique qu’il existe de nombreuses identités différentes et que cette liste n’est pas exhaustive.
2 Veuillez consulter les guides pour les entretiens et les groupes de discussion dans les annexes.
3 Selon l’enquête de la Fondation Jasmin Roy; pour plus de renseignements, consultez
https://www.newswire.ca/news-releases/according-to-lgbt-realities-the-first-pancanadian-survey-on-lgbt-communities-conducted-by-crop-for-the-benefit-of-the-fondation-jasmin-roy-13-of-the-canadian-population-belongs-to-the-lgbt-community-639432223.html- Date de modification :