Constatations

Au total, nous nous sommes entretenus avec 16 personnes à propos de leur expérience de la « thérapie de conversion ». Cependant, comme l’une de ces personnes s’est retirée en cours de route, les données de son entretien n’ont pas été incluses dans l’analyse (n = 15). Le groupe est diversifié en matière d’identité de genre, d’orientation sexuelle, de race et d’ethnicité, et de statut d’immigration, la majorité des personnes interrogées étant nées à l’extérieur du Canada (voir le tableau 1). En matière d’identité de genre, sept personnes s’identifient comme hommes, six comme personnes non binaires, trois comme femmes, une comme personne au genre fluide et une comme personne bispirituelle. Près de la moitié (n = 7) affirment également avoir une expérience vécue en tant que personne trans, avoir fait une transition de genre par le passé ou s’identifier comme personne trans. En matière d’orientation sexuelle, six personnes s’identifient comme gaies, trois comme bisexuelles, trois comme queers, deux comme lesbiennes, deux comme bispirituelles et une comme pansexuelle. En matière de race et d’ethnicité, cinq personnes s’identifient comme noires, trois comme originaires d’Asie de l’Est ou du Sud Est, trois comme autochtones, trois comme blanches, deux comme originaires des Caraïbes, deux comme originaires du Moyen Orient, une comme originaire d’Amérique latine et une comme originaire d’Asie du Sud. Puisque nous reconnaissons que chaque individu a des expériences et des identités multiples, la somme de ces nombres pourrait dépasser 15.

Table 1: Participant demographics (N=15)
Identité de genre n
Personne au genre fluide 1
Homme 7
Personne non binaire 6
Personne bispirituelle 1
Femme 3
Race ou identité ethnique n
Personne noire 5
Personne originaire des Caraïbes 2
Personne originaire d’Asie de l’Est ou du Sud‑Est 3
Personne originaire d’Amérique latine 1
Personne autochtone 3
Personne originaire du Moyen‑Orient 2
Personne originaire d’Asie du Sud 1
Personne blanche 3
« Autre » 1
Lieu de naissance n
Canada 6
À l’extérieur du Canada 9
Orientation sexuelle n
Personne bisexuelle 3
Personne gaie 6
Personne lesbienne 2
Personne pansexuelle 1
Personne queer 3
Personne bispirituelle 2
Province de résidence n
Alberta 1
Colombie‑Britannique 4
Ontario 9
Âge n
Moins de 20 ans 1
21 à 30 ans 7
31 à 40 ans 5
41 à 50 ans 1
50 ans et plus 1

Remarque : La somme de certaines caractéristiques démographiques dépasse 15, puisque les personnes participantes pouvaient sélectionner plus d’une réponse. La caractéristique démographique « Province de résidence » ne contient que 14 réponses, car l’une des personnes interrogées a choisi de ne pas divulguer son lieu de résidence.

Plusieurs grandes constatations ressortent de nos entretiens et sont discutées plus loin dans le rapport, à savoir :

  1. la connaissance du projet de loi C‑4 et de la « thérapie de conversion »;
  2. le contexte des expériences de « thérapie de conversion » vécues par les personnes participantes;
  3. les répercussions de la « thérapie de conversion » et les réactions des personnes participantes;
  4. le soutien offert et les besoins de soutien additionnel, y compris les changements systémiques connexes.

Connaissance du projet de loi C‑4 et de la « thérapie de conversion »

Nous avons demandé aux personnes participantes de nous parler de leur connaissance du projet de loi C‑4 et de la « thérapie de conversion » de façon générale. Bien que plusieurs aient entendu parler du projet de loi C‑4, surtout dans les médias traditionnels et les médias sociaux, la majorité n’en ont pas une bonne compréhension. Les personnes interviewées répondent que de nombreuses personnes 2ELGBTQQIA+ connaissent le projet de loi et en parlent, mais que les discussions se font généralement sur les médias sociaux et qu’elles sont superficielles. Certaines ajoutent que plusieurs personnes 2ELGBTQQIA+, ainsi que le grand public, ne connaissent pas le projet de loi. Une personne mentionne que si certains membres du personnel des organismes 2ELGBTQQIA+ connaissent le projet de loi, il demeure peu connu au sein de la communauté.

« Concernant les membres de la communauté, je crois que les gens sont peu au courant, même si je dirige des groupes de soutien pour les personnes nouvellement arrivées et les personnes ayant récemment reçu un diagnostic [de VIH]. […] La “thérapie de conversion” revient souvent, mais les gens parlent d’expériences vécues dans leur pays d’origine plutôt que d’expériences vécues au Canada comme tel. »

Dans son témoignage, cette personne fait allusion à ses incertitudes quant à l’application du projet de loi C‑4 aux expériences de la « thérapie de conversion » vécues par des membres de la communauté à l’extérieur du Canada. Certaines personnes participantes, en particulier celles ayant immigré au Canada, avouent avoir été surprises d’apprendre que la « thérapie de conversion » n’était pas déjà illégale au Canada, ce qui leur a causé de la détresse.

« Certaines personnes étaient surprises. Elles se demandaient pourquoi c’était légal au départ. Puis, je me suis rappelé que certaines personnes considèrent que ça empiète sur leur droit de parler de liberté religieuse, ou ce genre de choses. Ça a été dur pour moi d’entendre ça. […] J’ai commencé à ressentir beaucoup de nervosité et j’avais le sentiment d’être en danger. Il y a des fois où je crois bien avoir fait une crise de panique, juste parce que j’entendais les gens en parler ou parler du projet de loi. »

Une autre personne souligne l’importance du projet de loi, mais reconnaît aussi ses lacunes.

« Ça me soulage que le Canada fasse des pas importants, de grandes avancées pour l’interdire [la “thérapie de conversion”] et que des lois soient mises en place pour ça, mais il faut en faire plus pour pouvoir aider toutes les communautés. Parce qu’il n’y a pas que des personnes blanches dans la communauté LGBT, […] il y a des personnes immigrées, des PANDC, des personnes de toutes les origines. »

Dans son témoignage, cette personne souligne que les recherches sur la « thérapie de conversion » se concentrent sur les personnes survivantes blanches et la nécessité de prendre en compte l’expérience vécue des PANDC et des personnes immigrantes survivantes de la communauté 2ELGBTQQIA, tel que mentionné précédemment.

De plus, plusieurs personnes interviewées avouent leur connaissance limitée des « thérapies de conversion », surtout celles qui se produisent dans les communautés de PANDC, de personnes immigrantes, de personnes nouvellement arrivées et de personnes réfugiées 2ELGBTQQIA+. Certaines soulignent à ce titre les obstacles linguistiques et culturels. L’une d’elles, dont la langue maternelle n’est pas l’anglais, explique qu’elle ne connaît pas de mot pour traduire le terme « thérapie de conversion » dans sa langue maternelle.

« Je ne me souviens pas d’un terme que j’aurais utilisé, ou que les gens du Moyen‑Orient utilisent […] Parce que personne n’en parle, donc ça n’existe pas. »

Les personnes interviewées ont indiqué avoir appris l’existence de la « thérapie de conversion » par l’intermédiaire des médias occidentaux, tout en insistant sur le fait que les témoignages lus ou entendus semblaient se concentrer sur des survivants majoritairement blancs et sur une catégorie restreinte de « thérapies de conversion » (les camps de conversion, par exemple). De nombreuses personnes participantes sont également d’avis que le terme « thérapie de conversion » est désuet et que la terminologie complique le témoignage de leur expérience personnelle, car celle-ci ne concorde pas vraiment avec les définitions restreintes. Comme le souligne l’une d’entre elles :

« J’ai toujours eu l’impression, quand les gens parlent de “thérapie de conversion”, que c’est plus, disons, clinique. »

De plus, certaines personnes interviewées croient que les « thérapies de conversion » se situent sur un continuum de pratiques préjudiciables, ce qui brouille davantage leur perception de leur propre expérience. L’une d’elles compare son expérience de la « thérapie de conversion » à celle d’une personne de son pays d’origine avec qui elle entretient un lien d’amitié :

« Cette personne s’est fait administrer beaucoup de sédatifs, elle a été droguée contre sa volonté et a subi des abus sexuels. Je considère que j’ai de la chance, je pense, d’avoir juste vécu [ce que j’ai vécu]. »

Dans le même ordre d’idées, une personne bisexuelle mentionne que les témoignages liés à la « thérapie de conversion » sont centrés sur les hommes gais, ce qui, pour elle, a nui à sa compréhension de son expérience en tant que personne bisexuelle. Le manque de représentativité et de diversité des témoignages des « thérapies de conversion » peut faire en sorte que des personnes à l’intersection de plusieurs identités marginalisées ne s’y reconnaissent pas. En même temps, plusieurs personnes participantes admettent que ces expériences sont répandues dans certaines communautés de PANDC, de personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+, même si elles ne sont pas explicitement identifiées ou perçues comme des « thérapies de conversion ». Comme le souligne l’une d’entre elles :

« Plutôt que de dire “thérapie de conversion”, je pense qu’il faut faire en sorte que ces personnes comprennent ce que cela veut dire. On peut dire “traumatisme”, ou quelque chose du genre. »

Contexte des expériences de « thérapie de conversion » vécues par les personnes participantes

Au sein du groupe, 11 personnes (73 %) ont suivi une « thérapie de conversion » au Canada, et neuf personnes (60 %) l’ont suivie à l’extérieur du Canada, dont quatre qui ont fait l'expérience de ces pratiques au Canada et à l’étranger. Les personnes interviewées rapportent avoir vécu différentes formes de « thérapie de conversion », et ce, en contexte médical, religieux, éducatif (écoles tant religieuses que non religieuses) et familial (tableau 2). Leurs témoignages démontrent comment ces contextes se chevauchent, les participants faisant souvent l’expérience des « thérapies de conversion » dans des contextes multiples. Dans le cas des personnes ayant vécu une expérience d’immigration, ces expériences ont eu lieu dans leur pays d’origine et au Canada. De plus, la plupart des personnes interviewées ont été introduites aux « thérapies de conversion » avant l’âge de 18 ans, dont l’une avant l’âge de 10 ans. Certaines personnes ont continué à suivre une telle thérapie pendant de nombreuses années, jusqu’à l’âge adulte. Comme le souligne l’une d’entre elles :

« S’il y a une chose que je veux que tout le monde sache, c’est que la plupart des “thérapies de conversion” ont lieu avec des enfants de moins de 18 ans qui ne peuvent probablement pas prendre leurs propres décisions. »

Les jeunes sont donc particulièrement vulnérables aux « thérapies de conversion ». Par ailleurs, comme ces pratiques ont rarement lieu isolément, beaucoup de personnes continuent d’y être exposés à plusieurs reprises durant leur vie.

Tableau 2 : Contexte des « thérapies de conversion » vécues par les personnes participantes, n=15
Contexte n
Éducatif 7
Familial 10
Médical 7
Religieux 14

*Le nombre est supérieur à 15, car plusieurs personnes ont vécu des pratiques dans plus d’un contexte.

Contexte religieux

L’ensemble du groupe, à l’exception d’une personne, a suivi une « thérapie de conversion » en contexte religieux ou confessionnel, et ce, dans différentes religions et confessions. Les « thérapies de conversion » dans ces contextes impliquent souvent une forme de « counseling », où une personne 2ELGBTQQIA+ discute de son orientation sexuelle ou de son identité de genre avec un ou une « thérapeute » ou leader religieux en vue de réprimer ou de nier son identité. Ces discussions se déroulent de façon individuelle ou en groupe. L’une des personnes interviewées témoigne notamment de son expérience dans un camp de conversion où la « thérapie de conversion » en groupe s’est déroulée sur une longue période.

« Je crois y avoir été quatre ou cinq fois. Une fois pour participer au camp, et trois ou quatre fois en tant que bénévole. […] C’était très intense et ça cherchait volontairement à déclencher des choses. […] J’ai commencé à faire les camps, et c’était vraiment, vraiment intense. »

Une autre personne dévoile son expérience dans un pensionnat catholique au Canada, où elle a subi de la violence verbale et physique dans le cadre d’une « thérapie de conversion » intensive. Une personne mentionne également avoir dû signer une entente indiquant qu’elle n’aurait aucune relation non hétéronormative sans quoi elle serait renvoyée de son école.

D’autres personnes participantes décrivent la tromperie utilisée dans les « thérapies de conversion » dans un contexte religieux, ces pratiques étant présentées comme du « counseling » ou de la « thérapie ».

« Elle m’a dit que c’était pour ma santé mentale et que c’était pour mon bien, qu’on devait donc absolument en parler. Je lui ai dit que je n’étais pas à l’aise, parce qu’elle ne m’avait pas dit avant que c’était une "thérapie de conversion". Elle m’a dit que si elle me l’avait dit, je n’y aurais pas participé. »

Contexte familial

La plupart des personnes interviewées ont aussi vécu des « thérapies de conversion » et/ou des SOGIECE au sein de leur famille, y compris des critiques et des tentatives pour réprimer ou changer leur identité sexuelle ou leur identité de genre. Pour certaines d’entre elles, cela incluait également le rejet de leur identité 2ELGBTQQIA+ et de la violence physique et verbale infligée par des membres de leur famille. Comme l’indique l’une d’entre elles :

« Mon père a toujours été violent physiquement avec moi. Il m’a [amené] voir une partie de football qui ne m’intéressait pas, mais tous les autres pères et fils applaudissaient. Au retour, il s’est disputé avec ma mère, du genre, regarde ton fils. Et c’est sans compter les claques monumentales et les autres choses, évidemment. »

Une autre personne décrit les efforts de sa famille pour contrôler sa manière de présenter son genre :

« Ce qui se passait en général, c’était une façon violente de me faire sentir comme si je perdais la tête dans cette situation. Je me sentais en prison dans ma propre maison, je sentais qu’aller chez moi était traumatisant. Je devais mettre des vêtements dans lesquels j’étais inconfortable parce que mon père prenait la peine de choisir mon linge pour être sûr que je ne ressemblais pas ou que je ne m’identifiais pas à [un autre genre]. Comme je disais, c’est un poison qui tue à petit feu. »

Pour d’autres personnes participantes, les expériences familiales sont plus subtiles, leurs proches, sans nier ouvertement leur orientation de genre ou leur orientation sexuelle, ne l’acceptent pas complètement, ce qui complique l’affirmation de leurs identités. Une personne décrit une conversation avec sa mère sur son identité sexuelle et sa réaction négative :

« Comment le fait de mentionner une fois mes expériences amoureuses et mes relations bisexuelles revient à t’imposer ma bisexualité et à te la cracher au visage? En fait, je la vis moins parce que je la réprime quand tout le monde est là. D’une certaine façon, c’est une forme de SOGIECE parce que je ne peux pas parler de mes expériences. Et quand j’en parle, c’est comme si j’en disais trop. Alors qu’en fait, c’est le contraire. […] J’essaie de me faire une place. »

Bien que cette personne reconnaisse qu’il s’agit là d’une forme de SOGIECE, plusieurs autres ont de la difficulté à nommer des situations familiales similaires comme étant des SOGIECE ou des « thérapies de conversion » en raison de la conception dominante de la « thérapie de conversion », tel que mentionnée auparavant. Toutefois, nous avons encouragé les personnes participantes à parler des « thérapies de conversion » de façon plus globale, y compris des SOGIECE. L’une d’elles souligne d’ailleurs que cette thérapie est tellement intégrée dans sa vie familiale qu’il est difficile de déceler une expérience précise.

« “La thérapie de conversion” a commencé à la maison pour moi, et [après] à l’école. Au fond, toute ma vie était une conversion, sans que je m’en rende compte. »

De plus, de nombreuses personnes participantes ayant vécu des « thérapies de conversion » ou des SOGIECE dans leur famille ont également dû rencontrer des spécialistes de la conversion en contexte médical ou religieux.

Contexte médical

Certaines personnes participantes mentionnent avoir vécu des expériences de « thérapie de conversion » en contexte médical, plus précisément avec des spécialistes en santé mentale. Elles témoignent d’un éventail d’expériences, dont le cas de spécialistes qui dénigrent les identités 2ELGBTQQIA+, qui encouragent les identités cisgenres hétéronormatives et découragent l’affirmation de l’orientation sexuelle et les interventions médicales d’affirmation de genre. Une personne révèle également que son médecin à l’extérieur du Canada lui a imposé de suivre un cours qui faisait la promotion de la cishétéronormativité, qu’elle décrit comme un « lavage de cerveau ». Un autre participant s’identifiant comme un homme cisgenre gai témoigne de son expérience avec des spécialistes en santé mentale à l’extérieur du Canada, qui ont tenté de changer son orientation sexuelle et son expression de genre, perçue comme « féminine », notamment en lui administrant des injections de testostérone.

« Ils étaient psychologues ou psychothérapeutes, je crois. Pourquoi j’aurais voulu voir un médecin? […] Amenons-le voir un spécialiste pour voir ce qui se passe. Ses niveaux d’hormones sont anormaux. On m’a donc donné de la testostérone. »

Une autre personne se remémore son expérience de « thérapie de conversion » à l’extérieur du Canada. Après avoir annoncé son orientation sexuelle à ses parents, sa mère lui a dit de consulter un « thérapeute familial » pour « aider [leur] famille à recoller les pots cassés ». Voici comme elle décrit son expérience :

« J’ai consulté cette thérapeute, qui m’a dit essentiellement que c’était mal de sortir du placard, que cela ne faisait que provoquer du stress et que ses autres clients sortis du placard avaient une existence misérable. Après elle m’a dit que je ne devrais pas agir sur cette impulsion, que je devrais me concentrer sur moi et mes amitiés, et que je ne devrais pas en faire le centre de ma personnalité. Et que je ne devrais pas essayer d’être aussi transparent auprès des autres. »

Ces exemples attestent que les divers types de « thérapie de conversion » se chevauchent et se combinent, puisque ces personnes ont été obligées par leur famille à voir un « spécialiste ».

Certaines personnes déclarent que leur identité 2ELGBTQQIA+ a été traitée comme une pathologie et qu’elles ont reçu un diagnostic de maladie mentale, ainsi que de la médication. Une personne fait part d’une expérience traumatique qui s’est produite au Canada, il y a une trentaine d’années, où elle devait se soumettre à un « test » conçu pour observer la réaction corporelle du participant à différentes images :

« J’avais des appareils électriques connectés à différentes parties de mon corps pour qu’ils puissent enregistrer ma réaction aux photos qu’ils me présentaient. Et ces photos me laissaient croire qu’ils pensaient peut-être que j’étais un pédophile parce que c’étaient des images de petites filles et de petits garçons. »

Pour ce participant, le fait de se retrouver à l'hôpital était le résultat d'une accusation criminelle après avoir été injustement arrêté dans des toilettes publiques par un officier de police qui l'avait accusé de ce qui pouvait maintenant être interprété comme de l'indécence.

Cet exemple est la preuve que différentes institutions canadiennes ont perpétué l’imposition de « thérapies de conversion », la pathologisation et la criminalisation des personnes 2ELGBTQQIA+, particulièrement des PANDC, des personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+, qui subissent de l’oppression intersectionnelle en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur race, de leur ethnicité et de leur statut d’immigration.

Répercussions de la « thérapie de conversion » et réactions des personnes participantes

Toutes les formes de « thérapie de conversion », peu importe le contexte, ont des répercussions dévastatrices sur de nombreux aspects de la vie des personnes participantes : effets négatifs sur leur santé mentale et physique, déni constant de leur identité 2ELGBTQQIA+, perte de possibilités dans toutes les sphères de leur vie, perte de liens et de relations importantes et isolement, notamment.

Répercussions sur la santé mentale et psychologique

La plupart des personnes interviewées expliquent que leur « thérapie de conversion » a été traumatisante et très néfaste pour leur santé mentale et leur sentiment d’identité, à la fois pendant et après la « thérapie de conversion ». La dépression, l’anxiété, les crises de panique, les troubles de stress post-traumatique, les troubles alimentaires, l’automutilation, la faible estime de soi et la suicidalité sont choses courantes parmi les personnes interviewées. Par exemple, l’une d’entre elles témoigne de son expérience relative à la suicidalité et à l’automutilation :

« J’étais très suicidaire. Mon principal mécanisme d’adaptation était l’automutilation. Je me mutilais les bras, les cuisses et tout ce que je pouvais cacher ou qui ne serait pas visible facilement. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide à ce moment-là. »

Comme le souligne une autre personne, plusieurs membres de la communauté 2ELGBTQQIA+ ont perdu la vie après avoir suivi leur « thérapie de conversion ».

« Les personnes que vous passez en entretien sont la fraction de gens qui ont survécu à la “thérapie de conversion” ou à l’endoctrinement. Il y a tellement de gens qui ne s’en sortent pas. Des personnes que je connais, d'autres personnes, ont vu leur parcours écourté. »

Les répercussions de la « thérapie de conversion » sur la santé mentale persistent pendant plusieurs années. Comme le dit l’une des personnes interviewées :

« J’ai vécu une dépression et j’avais des pensées suicidaires tout le temps. C’est resté comme ça pendant 17 ans. »

Certaines personnes mentionnent aussi leurs difficultés vécues en lien avec leur image corporelle et leurs troubles alimentaires à cause de l’idéal dominant promu par les « thérapies de conversion ». Comme l’indique une personne non binaire :

« Physiquement, ça n’allait pas. Je voulais dégager une image très masculine pour correspondre à l’idée de ce qu’un homme devrait être aux yeux de la religion. En fin de compte, j’ai développé un trouble alimentaire et de la dysmorphie corporelle en essayant de m’entraîner et d’avoir des muscles. »

La plupart des personnes mentionnent aussi les défis actuels auxquels elles font face à la suite de leur expérience traumatisante de la « thérapie de conversion » : flashbacks, méfiance envers autrui et envers soi-même, immense colère et refoulement d’émotions, notamment. Or, l’effet cumulatif de tous ces défis rend ces expériences difficiles à aborder et à traiter.

Déni persistant de l’identité 2ELGBTQQIA+

La plupart des personnes interviewées mentionnent les répercussions négatives de leur « thérapie de conversion » sur leur sentiment d’identité, ce qui peut entraîner un sentiment de culpabilité et un déni constant de leur identité. L’une d’entre elles mentionne notamment :

« C’est peut-être parce que je suis une personne bispirituelle. Ou peut-être parce que je suis queer. J’étais en train de me faire endoctriner. Comme s’il y avait quelque chose qui clochait chez moi. Pendant longtemps, j’ai essayé de changer. C’était bizarre parce que j’aime ce que j’aime, et je ne peux pas… Peu importe ce qu’ils font pour me changer, ça ne changera rien à ce que je ressens. Mais ils ont essayé de toutes leurs forces de détruire qui je suis. »

Par ailleurs, même après la fin de leur « thérapie de conversion », bon nombre de personnes participantes éprouvent de la difficulté à comprendre leurs émotions et à accepter leur orientation sexuelle et leur identité de genre qu’elles ont dû réprimer si longtemps. Par exemple, une personne dans la quarantaine explique qu’elle cherche encore à comprendre l’attirance et les relations amoureuses, tandis qu’une personne non binaire mentionne ses efforts constants pour se débarrasser de sa transphobie internalisée.

« Je ressens encore le besoin de dégager une image masculine à cause de ma “thérapie de conversion” et de l’idée de ce qu’un homme devrait être aux yeux de la religion. »

Répercussions sur la santé physique

La « thérapie de conversion » a également des répercussions sur la santé physique et le bien-être des gens. Certaines personnes participantes ont subi de la violence physique de la part de leur famille, de leaders religieux et de gens qui ont essayé de rejeter leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. L’une d’entre elles a dû se rendre à l’hôpital pour une blessure infligée par un prêtre. De plus, des participants mentionnent les répercussions indirectes de leur « thérapie de conversion » sur leur santé, en limitant leur accès au soutien et aux soins de santé positifs. Par exemple, certaines personnes mentionnent que l’isolement causé par leur « thérapie de conversion » a contribué à la transmission du VIH. Une personne précise quant à elle que l’expérience traumatisante de sa « thérapie de conversion » a limité son accès aux notions de prévention du VIH, retardant ainsi son accès aux soins nécessaires.

« Ils [les gens autour de moi] n’arrêtaient pas de me juger. Je ne pouvais donc pas affirmer ma sexualité avec les autres ou même en parler avec des gens qui m’auraient fait comprendre l’importance de prendre des précautions, ou, du moins, de savoir comment prendre soin de ma santé en cas de problème. J’ai attendu sept ans avant de commencer à prendre des médicaments. J’étais déjà en train de mourir dans un lit d’hôpital et j’étais à l’étranger. »

Par ailleurs, certaines personnes connaissent une perte de poids et des douleurs physiques chroniques qu’elles associent à leur « thérapie de conversion ». Comme le souligne l’une d’entre elles :

« Durant cette période [durant laquelle je suivais une “thérapie de conversion”], j’ai perdu beaucoup de poids. […] J’ai regardé des photos de moi à notre arrivée ici et après ce que j’avais vécu. […] Je ne me reconnaissais même pas. »

Comme l’indique une autre personne participante :

« J’ai des douleurs chroniques au dos même si je n’ai jamais eu de vraie blessure. […] J’ai des maux de dos à cause du stress que je ressens. »

Les personnes interviewées interprètent ces problèmes physiques comme des résultats physiques du traumatisme provoqué par leur « thérapie de conversion ».

Perte de possibilités dans plusieurs sphères de la vie et répercussions économiques

Plusieurs personnes participantes ont raté des occasions dans plusieurs sphères de leur vie et ont subi des répercussions économiques. Par exemple, le parcours scolaire de plusieurs d’entre elles a été interrompu par leur « thérapie de conversion », certaines étant même incapables de fréquenter l’école par la suite. Par ailleurs, d’autres connaissent des difficultés en emploi et des problèmes financiers à cause des effets négatifs de leur « thérapie de conversion », comme l’explique l’une d’entre elles :

« J’essaie de me remettre de ma “thérapie de conversion”, et une partie de mon parcours de guérison consiste à ne pas m’absorber complètement dans mon travail, par exemple. J’ai quitté mon emploi il y a un an parce que je souffrais d’épuisement professionnel, parce que j’avais laissé tomber mon masque. Mais c’était comme si mon masque était trop chargé. Il était tellement lourd que je ne pouvais plus rien retenir quand je l’ai enlevé. Quand des choses que je retenais sortent, ça m’empêche de travailler alors je dois remettre mon masque, mais je ne veux plus le remettre. Je ne veux plus rien retenir. Je veux m’attaquer aux problèmes. À cause de ça, je ne peux plus travailler. »

Perte de contacts et de relations interpersonnelles importantes

À cause de leur « thérapie de conversion », plusieurs personnes participantes s’éloignent de leurs proches ou mettent fin à des relations, y compris avec des membres de leur communauté religieuse, de leur groupe ethnoracial et de leur famille. Certaines d’entre elles, par exemple, quittent leur communauté religieuse ou perdent leur foi à cause du traumatisme associé à leur « thérapie de conversion ». Comme l’explique une personne interviewée au sujet de son expérience :

« Je déteste toutes les personnes qui ont la foi. Oui, cela a affecté mes croyances religieuses, c’est certain. Encore une fois, faire partie d’une minorité sexuelle […] dans le contexte plus vaste de la religion, c’est une chose. Mais vivre cette expérience traumatisante au sein d’une institution religieuse a ajouté une couche supplémentaire, comme la raison pour laquelle j’ai été repoussé. Je ne peux pas passer du temps avec des personnes musulmanes très croyantes pour certaines raisons. La personne qui partage ma vie est croyante. Il est une personne musulmane pratiquante. On se dispute beaucoup à ce sujet. […] C’était trop pour moi. […] Le simple fait d’y penser est douloureux. »

Pour cette personne, le traumatisme vécu rend les relations avec les membres de son ancien groupe confessionnel difficiles, même avec la personne qui partage sa vie.

Bien d’autres personnes se sont aussi distancées de leur groupe ethnoracial et culturel, ce qui, dans certains cas, signifie quitter leur pays d’origine. Comme le mentionne une personne interviewée :

« Je ne retournerai jamais [dans mon pays d’origine]. Je préférerais mourir ici plutôt que d’y retourner, car c’est trop douloureux. C’est tellement douloureux et traumatisant pour moi. […] La douleur et le mal que j’ai vécus sont tellement intenses que je ne peux m’empêcher d’associer ma langue maternelle à cette culture horrible. »

Même si la plupart des personnes interviewées maintiennent des liens avec leur famille, plusieurs les ont vus se dégrader avec ceux qui leur ont imposé une « thérapie de conversion » ou des SOGIECE, ou qui ont soutenu de telles démarches. La plupart des personnes qui sont toujours en contact avec leur famille travaillent encore à réparer leurs relations familiales. Certaines personnes indiquent toutefois ne plus être en contact avec les membres de leur famille :

« Aujourd’hui, je ne parle plus du tout à ma famille. J’ai coupé les ponts après mon arrivée ici. […] J’ai beaucoup réfléchi et j’ai réalisé que ma famille était en partie responsable de ma souffrance. »

Isolement

En plus des pertes de contacts et de relations interpersonnelles importantes, les personnes mentionnent des difficultés à s’ouvrir aux autres à propos de leur « thérapie de conversion », ce qui les pousse à gérer ces expériences seules. Pour certaines personnes, l’idée d’en parler signifie qu’elles pourraient vivre d’autres violences en lien avec leur « thérapie de conversion ». D’autres sont réticentes à l’idée d’entrer en contact avec des membres des communautés 2ELGBTQQIA+ à cause de la honte et de la peur qu’elles ressentent.

« Je ne connaissais rien et je ne voulais rencontrer personne parce que je ne veux pas qu’on m’associe à des homosexuels. Même si vous vous connaissez et que vous savez qui vous êtes, vous avez ce fardeau de honte et de peur qui vous suit. »

D’autres personnes soulignent que leur « thérapie de conversion » a nui à leur capacité de faire confiance aux gens et de tisser des liens significatifs.

« En vieillissant, ça m’a pris beaucoup de temps avant de pouvoir faire confiance aux gens, et même de sortir avec quelqu’un et d’avoir des relations sexuelles. C’était extrêmement difficile parce que j’ai subi des abus terribles et qu’après, j’ai travaillé dans l’industrie du sexe pendant 25 ans par choix. […] Avec ça et tous les traumatismes que j’ai vécus, quand j’ai arrêté de faire ce genre de travail, j’ai eu du mal à fréquenter des gens parce que j’ai subi des abus une grande partie de ma vie. Alors, c’était difficile de faire confiance à qui que ce soit. J’avais de la difficulté à sortir avec quelqu’un parce que je me fermais trop. »

Malgré ces obstacles, plusieurs personnes arrivent à s’ouvrir sur leur expérience avec d’autres personnes survivantes, leurs partenaires, leurs ami·e·s et leur famille, ce que nous abordons plus en détail dans les pages suivantes.

Gestion des situations complexes : la déchirure entre le désir d’être soi-même et le désir d’appartenance

Même si toutes les personnes interviewées ont ressenti les conséquences négatives des « thérapies de conversion », certaines d’entre elles mentionnent ressentir des sentiments contradictoires et complexes concernant cette expérience. Ces thérapies comportent souvent des discussions sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la personne, ses émotions et ses expériences, en plus d’inclure certains éléments de psychothérapie, à l’occasion. Certaines ont trouvé ces discussions sur leurs sentiments et leur santé mentale bénéfiques parce qu’elles n’avaient pas l’occasion d’en parler autrement. De plus, la « thérapie de conversion » est parfois réalisée par des gens de confiance que les personnes aiment, ce qui leur fait vivre une expérience complexe. D’autres expriment encore une ambivalence entre l’acceptation et le changement de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, ce qui s’explique par la cishétéronormativité, le racisme et la xénophobie, ainsi que par leur désir d’acceptation et d’appartenance. Au chapitre de ces facteurs systémiques, l’une d’entre elles lie explicitement son expérience de « thérapie de conversion » à sa citoyenneté canadienne de première génération d’origine asiatique en quête d’un sentiment d’appartenance.

« [Le] fait d’être asiatique et d’avoir des parents immigrants a sans aucun doute influencé ma conversion. J’ai suivi une “thérapie de conversion” parce que je voulais ressentir […] un sentiment d’appartenance avec d’autres Asiatiques et des personnes de couleur qui ont vécu des expériences similaires. »

Cette personne mentionne également que l’église aidait sa famille en lui fournissant de la nourriture qu’elle ne pouvait pas s’offrir à cause de difficultés financières. L’expérience de cette personne démontre que les oppressions intersectionnelles comme le racisme, la xénophobie et le préjugé de classe peuvent rendre les PANDC, les personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+ plus vulnérables à la « thérapie de conversion ».

Sources de soutien

La plupart des personnes interviewées mentionnent ne pas avoir eu beaucoup de soutien durant leur « thérapie de conversion », mais qu’elles en ont éventuellement obtenu par la suite, souvent après leur thérapie. Elles mentionnent plusieurs sources de soutien différentes vers lesquelles elles se sont tournées pour se remettre de leur « thérapie de conversion ».

Liens familiaux et amicaux

Certaines personnes ont l’appui de leurs ami·e·s et de leur famille. Par exemple, l’une d’entre elles explique s’être appuyée sur ses ami·e·s en raison du manque de soutien destiné aux personnes bispirituelles. Le soutien familial est parfois compliqué lorsque les membres de la famille ont contribué aux expériences de « thérapie de conversion » ou de SOGIECE. Bien sûr, il arrive que les membres de la famille les soutiennent même s’ils n’acceptent pas complètement leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. L’une des personnes interviewées décrit cette situation complexe :

« Mon frère n’avait pas de problème avec le fait que […] je sois une personne bisexuelle, mais en même temps, on n’en parle pas vraiment. Je crois que c’est propre à l’identité noire, dans le sens où même si on l’accepte un peu, en fait, on n’y pense qu’un instant, puis on change de sujet. Vous voyez ce que je veux dire? […] C’est un peu ce qui invalide mon identité, et c’est pour ça que ça sera toujours un défi constant jusqu’à ce qu’il y ait plus d’acceptabilité. »

Une autre personne parle du soutien reçu, même sans avoir parlé de toute son expérience :

« J’ai surtout eu du soutien de la part des groupes de pairs et des ami·e·s qui étaient à mes côtés. Même s’ils ne savaient pas exactement ce que je vivais chez moi, ils savaient que mon climat familial était malsain et comprenaient que j’avais besoin de créer de nouveaux liens et de rencontrer des personnes de confiance. Ils sont devenus comme une deuxième famille. Ils sont toujours là pour moi et me comprennent. »

Partenaires de vie

Dans le même ordre d’idées, certaines personnes ont le soutien de leur partenaire de vie à la suite de la « thérapie de conversion ». C’est particulièrement bénéfique lorsqu’elles font part de leur expérience ou de leur emplacement social à leur partenaire. C’est le cas d’une personne qui souligne l’importance de pouvoir partager la même expérience en immigration et la même identité ethnoraciale que son partenaire de vie. Elle explique comme elle s’est sentie comprise :

« Nous avons les mêmes antécédents culturels. Si j’essaie d’en parler avec [d’autres personnes de la communauté 2ELGBTQQIA+] et que je leur dis que mes parents ne sont pas au courant. J’ai 30 ans, bordel. Leur réaction est "Vraiment?" […] Nous sommes originaires de l’Asie du Sud‑Est. C’est une culture complètement différente. […] Mon partenaire de vie comprend mes réactions, mes émotions et mon flot de pensées. […] Il m’a offert beaucoup de soutien à ce niveau-là. […] Il est très compréhensif et il connaît ma réalité. »

Une autre personne raconte comment son partenaire l’a encouragée à cesser de voir son « thérapeute de conversion » et l'a finalement aidée à sortir de cette thérapie.

Ressources en santé mentale

Plusieurs personnes ont fait appel à des ressources en santé mentale, comme le counseling ou la psychothérapie, pour traiter leurs traumatismes liés à la « thérapie de conversion », ce qui s’est avéré bénéfique. Par exemple, une personne mentionne :

« J’ai maintenant la force de suivre une thérapie et de faire face aux blessures profondes qui pourraient être dues aux [pratiques de conversion]. […] Le fait que j’arrive à en parler aujourd’hui sans m’effondrer démontre à quel point j’ai fait du chemin. »

Questionnée sur ce qui a rendu les rencontres avec son thérapeute efficaces, cette personne parle de l’importance d’avoir des identités 2ELGBTQQIA+ et des expériences d’immigration semblables :

« Eh bien, premièrement, il y a la similarité d’identités. […] Je pense que le fait d’être deux personnes immigrantes fait une différence. En plus, nous partageons la même identité sexuelle, car il fait aussi partie de la communauté 2ELGBTQQIA+. »

Une personne venue au Canada pour faire des études, mais également pour échapper à la persécution et à l’oppression, ajoute le témoignage suivant :

« Je me rappelle que mon université avait un bureau prévu pour les discussions. Elle offrait un espace pour en parler et offrir du soutien par les pairs, du soutien individuel et des services de counseling professionnel. L’université était très bien équipée pour la discussion et la célébration de la culture queer. J’en éprouve une grande reconnaissance. Ce fut salvateur. Cela a sauvé ma santé mentale. »

L’expérience de cette personne démontre l’importance d’offrir des ressources en santé mentale aux personnes 2ELGBTQQIA+ de différents statuts d’immigration, y compris à la communauté étudiante internationale.

Organismes communautaires pour les personnes 2ELGBTQQIA+

La plupart des personnes interviewées mentionnent que les meilleures ressources de soutien sont les organismes communautaires pour les personnes 2ELGBTQQIA+, comme les groupes de soutien par les pairs, particulièrement ceux culturellement adaptés à leur orientation sexuelle, à leur identité de genre ou à leur identité ethnoraciale. Comme l’indique l’une des personnes en pensant à la récente implantation de ces organismes :

« Nous avons de la chance de vivre à Toronto, car il y a beaucoup de ressources. À mon arrivée ici, il n’y en avait pas beaucoup [pour les personnes bispirituelles]. Je crois que c’est un peu plus facile pour les jeunes d’aujourd’hui. La jeune génération a accès à plus de ressources pour l’aider là-dedans. J’aurais aimé avoir ça dans ma jeunesse. »

Une autre personne mentionne les défis et l’importance de trouver des services communautaires culturellement adaptés pour les personnes 2ELGBTQQIA+ :

« Je crois que ces endroits [les organismes communautaires conventionnels pour les personnes 2ELGBTQQIA+] étaient gérés uniquement par des personnes occidentales […] qui ne comprenaient que la culture anglophone occidentale. Et ce n’était […] vraiment pas utile. Ça m’enlevait toute envie d’y aller. En fait, j’étais encore plus en colère, et ça m’a donné envie de redevenir catholique ou de retourner dans ma communauté et d’y faire une « thérapie de conversion » parce qu’au moins, elle était déjà solide. Quand j’y allais, je ne pouvais pas m’identifier aux autres. Il y a beaucoup de personnes de couleur dans la ville. N’est-ce pas? C’était donc plus facile de m’identifier à elles. Mais quand j’ai trouvé [un organisme communautaire pour les personnes queers d’origine asiatique], j’ai pensé, "ça y est, merci mon Dieu". »

Ces réflexions démontrent également que les organismes conventionnels de soutien aux personnes 2ELGBTQQIA+, qui sont souvent axés sur les besoins des personnes blanches, peuvent ne pas être appropriés ou sécuritaires pour plusieurs PANDC, personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+.

Entraide et processus de guérison

Plusieurs personnes ont aussi trouvé soutien et guérison en aidant d’autres personnes ayant vécu une « thérapie de conversion ». Puisqu’il n’y a pas d’organismes adéquats pour aider les PANDC, les personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+, certaines personnes ont lancé des initiatives de soutien pour les aider. Ces initiatives peuvent prendre la forme de groupes de soutien par les pairs culturellement adaptés et de participation à la lutte contre les « thérapies de conversion ». Comme l’indique l’une des personnes participantes :

« Je ressens une grande joie à l’idée de pouvoir aider les gens, en particulier les personnes nouvellement arrivées et les personnes qui ont récemment eu un diagnostic [de VIH] ou les personnes qui éprouvent de la difficulté avec leur sexualité. Je parle arabe. Je peux comprendre. Dans ces groupes de soutien ciblés […], les gens me font confiance. Ils se tournent vers moi pour obtenir des recommandations et je veux faire partie de ce type de soutien. »

Une autre personne explique avoir offert à sa communauté linguistique le soutien qu’elle aurait voulu avoir, mais qui n’existait pas, ce qui a joué un rôle important dans sa guérison.

« Une fois que j’ai réussi à me défaire de la négativité [de la "thérapie de conversion"], j’ai pu m’intégrer à la société différemment. J’ai créé [un groupe communautaire] et j’ai commencé à m’impliquer dans ma communauté. »

Cette personne a également réalisé des films inspirés de son expérience vécue dans le but d’aider sa communauté. Par ailleurs, plusieurs personnes considèrent leur participation à ce projet de recherche et leurs témoignages comme une forme de militantisme, et soulignent le rôle majeur de leur participation communautaire et de leur autonomisation dans leur guérison. Comme le souligne l’une d’entre elles :

« Je ressens une grande reconnaissance d’avoir eu cette chance. Merci à vous et à toute l’équipe pour votre travail parce que j’ai l’impression que ça boucle la boucle. J’aurais tellement aimé qu’il y ait des projets, des études et des ressources comme ça quand j’étais jeune. Ça me touche de voir que les choses changent. J’espère que ça sera un catalyseur pour la défense de la cause, pour la poursuite d’autres recherches et, à long terme, pour plus de changements. »

La plupart des personnes interviewées ont gardé leur expérience traumatisante de la « thérapie de conversion » pour elles‑mêmes pendant longtemps. Toutefois, le fait que toutes aient été en mesure de parler de leur expérience avec nous démontre à quel point elles sont résilientes et déterminées à utiliser leur expérience pour aider d’autres personnes 2ELGBTQQIA+.

Manque de soutien externe et autogestion de la santé

Même si la plupart des personnes ont éventuellement eu accès à du soutien, plusieurs d’entre elles mentionnent que le soutien approprié pour les personnes ayant survécu à une « thérapie de conversion » est insuffisant. Par exemple, l’une d’elles mentionne ce qui suit :

« Je n’ai reçu aucun soutien ni aucune aide de la part de qui que ce soit parce qu’il n’y avait rien. Personne ne comprenait, même quand j’essayais d’en parler avec des gens. »

En raison de ce manque de soutien externe, plusieurs personnes ont dû traverser ces expériences douloureuses seules en misant uniquement sur des pratiques d’autogestion de la santé. Par exemple, l’une d’elles mentionne ce qui suit :

« J’étais la seule personne qui croyait en moi. […] Dans mon cas, l’écriture était un moyen d’expression important. […] J’étais encore [trop] jeune pour sortir par moi-même et je n’avais pas beaucoup d’ami·e·s. »

Comme l’indique une autre personne :

« Je dirais que ce qui m’a été le plus aidé était de m’imaginer un bel avenir. C’est une source de motivation pour moi. »

Malgré les expériences traumatisantes et les répercussions négatives persistantes, toutes les personnes participantes font preuve de force et de résilience dans leur survie, leur engagement, leur guérison et leur espoir de rétablissement.

Besoins de soutien additionnel

Les personnes participantes soulignent aussi le manque de soutien, ainsi que les souhaits et les besoins qui doivent être pris en compte pour mieux soutenir les PANDC et les personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées ayant survécu à une « thérapie de conversion ».

Approche tenant compte des traumatismes

Bon nombre de personnes participantes affirment qu’il est nécessaire d’utiliser une approche tenant compte des traumatismes et d’informer et de sensibiliser davantage les prestataires de services sur la diversité d’orientations sexuelles, d’identités de genre et d’identités ethnoraciales afin de garantir des espaces sécuritaires aux PANDC, aux personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées 2ELGBTQQIA+ de façon générale. Cependant, les personnes participantes décrivent un manque de soutien adapté aux différences culturelles tenant pleinement compte de leurs identités croisées, ce qui complique la communication et la guérison de ces expériences.

Espaces culturellement adaptés

La plupart des personnes interviewées insistent sur l’importance d’obtenir du soutien culturellement adapté à leurs expériences et à l’intersectionnalité de leurs identités en matière d’orientation sexuelle, de genre, d’ethnicité et de religion, notamment, ce qui est particulièrement difficile à trouver en dehors des grandes villes. Une personne bispirituelle ayant travaillé dans l’industrie du sexe donne un exemple de cette lacune, en ajoutant que les modèles de soutien par les pairs pourraient être un moyen efficace de la combler :

« J’ai participé à ce programme pour les personnes qui ont travaillé dans l’industrie du sexe. […] Et le groupe était animé par des personnes cis qui n’ont jamais travaillé dans l’industrie. […] C’est tellement inconfortable. […] Si vous créez un groupe pour les jeunes personnes bispirituelles, assurez‑vous d’avoir des jeunes qui y travaillent, qui organisent le groupe. On a donc besoin de plus d’espaces gérés par des pairs et précisément prévus pour les personnes bispirituelles. Comme un cercle de guérison réservé aux personnes bispirituelles. »

Une autre personne participante mentionne des lacunes dans les services aux communautés des PANDC et des personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées, en particulier en lien avec la langue et le statut d’immigration :

« Ce n’est pas parce que je vous parle en anglais que mon anglais est assez bon pour que je puisse tout exprimer. […] Il y a donc tellement de choses qui manquent, tellement de domaines importants qui sont propres aux personnes noires, autochtones ou […] des personnes de couleur qu’on veut aider. N’est-ce pas? Alors, une personne qui n’a pas de statut d’immigration, pourquoi présumer qu’elle a un statut, mais lui refuser le service? »

Espaces confessionnels et spirituels

De nombreuses personnes participantes témoignent de la difficulté de parler de leur expérience de la « thérapie de conversion » avec des personnes 2ELGBTQQIA+ qui n’ont pas le même rapport à la religion ou qui sont fortement contre la religion. Par exemple, l’une d’elles dit ceci :

« Avoir affaire à des personnes croyantes de droite qui pensent que tu devrais faire de la "thérapie de conversion", ou avoir affaire à des personnes de gauche qui sont fières et tellement au-dessus de ça qu’elles te pensent stupide d’en avoir fait une. J’aime mieux avoir affaire aux personnes croyantes parce que […] au moins, les personnes de droite comprennent pourquoi tu veux le faire, non? Si je dis à une personne chrétienne fondamentaliste "Oui, voici pourquoi je l’ai fait", elle me dit que ça a du sens. […] Elle comprend mon dilemme. Mais on veut faire preuve de loyauté envers Dieu. On veut fonder une famille. On valorise ces traditions. […] Elle comprend tout ça. »

De même, certaines personnes interviewées souhaitent avoir accès à des espaces spirituels qui acceptent aussi les personnes 2ELGBTQQIA+. Comme le mentionne l’une d’elles :

« Plus d’endroits pour les personnes queers et trans qui veulent faire partie d’une communauté spirituelle. Je crois que ce serait une excellente façon d’explorer ou de redéfinir la spiritualité dans un contexte queer ou trans. »

Autres identités croisées de la diversité : neurodiversité

Notre étude se concentre sur l’intersectionnalité des identités 2ELGBTQQIA+, de la race, de l’ethnicité et du statut d’immigration dans le contexte de la « thérapie de conversion ». Cependant, plus d’une personne participante s’identifie comme neuroatypique et témoigne des défis uniques auxquels les personnes 2ELGBTQQIA+ neuroatypiques sont confrontées et du besoin de créer des espaces pour ces communautés. Comme le souligne l’une d’entre elles :

« Les personnes neuroatypiques comme moi ne reçoivent pas assez de soutien. Et c’est encore plus difficile si on est neuroatypique et LGBT parce qu’on doit choisir entre des groupes de soutien qui répondent aux besoins d’une ou deux de ces choses au maximum. »

Modèles de soutien par les pairs

De nombreux participants voient dans le soutien par les pairs une forme de soutien importante pour les personnes qui subissent les contrecoups d’une « thérapie de conversion ». Comme l’exprime l’un d’entre eux :

« Je crois que la meilleure ressource qui peut vraiment aider, c’est de parler à quelqu’un qui comprend [ton] expérience, pas juste à n’importe quelle personne. […] Donc, je pense que d’avoir quelqu’un à qui parler, ça pourrait être des groupes de soutien par les pairs. »

Une autre personne souligne l’effet d’avoir des pairs qui peuvent diminuer le sentiment d’isolement que tant de personnes survivantes ressentent :

« Je pense qu’un groupe de pairs aurait été formidable pour voir d’autres personnes qui ont vécu une expérience très semblable à la mienne. Parce que comme je disais, cette période de ma vie m’a fait sentir terriblement à l’écart. Je pensais que personne d’autre dans le monde n’avait vécu les expériences que j’avais vécues. Et en vieillissant, en rencontrant plus de gens, j’ai réalisé que, en fait, c’est quelque chose que d’autres personnes ont vécu aussi. Mais je pense qu’avoir eu du soutien par les pairs quand j’ai commencé à surmonter ça. Ça m’aurait été d’une grande aide. Ça aurait été d’une grande aide parce que je n’aurais pas été un cas isolé, il y a d’autres personnes qui vivent les mêmes difficultés. Et j’aurais vraiment voulu que quelqu’un me dise ça quand je vivais ces expériences pour que je n’aie pas l’impression d’être la seule personne au monde à vivre toutes ces expériences. »

Soutien anonyme et facteurs à considérer quant à l’affirmation de l’identité

Plusieurs personnes participantes mentionnent aussi que des services anonymes seraient utiles, car les personnes survivantes s’inquiètent souvent du respect de leur vie privée, de leur sécurité et des conséquences de parler de leurs expériences. Par exemple, l’une d’elles dit ceci :

« Ils [les organismes] devraient faire les choses de façon anonyme pour aider plus de personnes à s’affirmer. Comme ça, même les personnes qui commencent à penser "Bon, est-ce que c’est en train de m’arriver?" Elles pourraient aller chercher de l’aide sans avoir à s’inquiéter du fait qu’une personne sache qui elles sont. Et de ce qu’elle pourrait faire. »

Cette personne participante mentionne également qu’elle n’aurait pas pu participer à cette étude si elle n’avait pas pu garder l’anonymat. Comme l’indique une autre personne :

« Il faudrait premièrement que tout soit en ligne pour qu’on puisse juste cliquer dessus et y accéder de façon confidentielle. […] Ça doit être sécuritaire. Ça doit être anonyme. […] Je pense qu’il faut avoir un endroit où l’on peut avoir accès au soutien dont on a besoin […]. »

De nombreuses personnes participantes trouvent risqué de divulguer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre à cause de l’oppression intersectionnelle à laquelle elles font face et de leurs traumatismes liés à la « thérapie de conversion ». Certaines mentionnent que même si les membres de leur famille ont encouragé la « thérapie de conversion », elles veulent les protéger de possibles poursuites.

Sensibilisation aux services culturellement adaptés

En plus du soutien personnalisé et adapté aux différentes identités et expériences des personnes 2ELGBTQQIA+, les personnes interviewées indiquent qu’une sensibilisation aux services culturellement adaptés est aussi nécessaire pour garantir aux personnes survivantes le soutien dont elles ont besoin. Étant donné que certaines personnes ayant survécu à une « thérapie de conversion » vivent dans des régions éloignées, il est essentiel de réfléchir à des moyens de les atteindre. Comme le montrent nos résultats, les jeunes 2ELGBTQQIA+ qui sont à la charge d’un soignant sont particulièrement vulnérables à la « thérapie de conversion » et ignorent souvent les ressources disponibles. Comme le souligne l’une des personnes interviewées :

« Je crois que l’âge était aussi un facteur important. Je ne pouvais pas vivre par moi-même. J’étais aux études, donc ça m’a un peu laissé dans cette situation. »

Une autre personne indique :

« J’aurais voulu qu’il existe plus de ressources ciblées pour les jeunes comme moi, qui voulaient parler de leur expérience et recevoir les bons services de counseling, et tout, parce que c’est une période de la vie tellement fragile pour tout le monde. »

Bref, il est nécessaire de trouver un moyen efficace d’atteindre les jeunes 2ELGBTQQIA+. Certaines personnes participantes suggèrent le recours aux médias sociaux et la distribution d’information sur la « thérapie de conversion » dans les écoles comme moyens efficaces d’atteindre les jeunes. Pour les personnes 2ELGBTQQIA+ immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées, la participation des organismes d’aide à l’établissement est importante, car ceux-ci sont souvent leur premier point de contact lorsqu’elles arrivent au Canada.

Éducation et connaissance

Des personnes participantes indiquent qu’il est important d’améliorer la connaissance de la « thérapie de conversion » et des lois criminelles qui s’y appliquent chez la population générale et les personnes 2ELGBTQQIA+.Pour ce qui est des proches et de la famille des personnes 2ELGBTQQIA+, certaines personnes mentionnent qu’il est essentiel de miser sur l’éducation plutôt que sur une approche strictement punitive (p. ex., des poursuites en vertu du projet de loi C‑4). Les personnes interviewées appuient généralement le projet de loi C‑4 et sont d’avis qu’il était important de mieux le faire connaître, y compris au chapitre du soutien qu’il reçoit des autorités. Comme le souligne l’une d’entre elles :

« Je pense qu’il faut poursuivre le travail, comme éduquer les gens, leur faire savoir que c’est une loi. […] Qu’elle a été adoptée à l’unanimité par tous les cons[servateurs]. Je pense que c’est tout ce qu’on doit dire. Les gens doivent savoir qu’au Canada […] la loi contre la "thérapie de conversion" a été adoptée à l’unanimité. »

Par ailleurs, des participants soulignent l’importance d’informer la communauté de la « thérapie de conversion » et de ses effets préjudiciables. Un participant a souligné :

« Parfois, on peut vivre une "thérapie de conversion" sans réaliser que c’est une "thérapie de conversion". Dans mon cas, on n’en parlait pas assez, [ce] que je vivais était mal et ce n’était pas censé arriver. Alors, je pense que si la question était de plus en plus défendue, ça pourrait sauver beaucoup de gens parce que quelqu’un pourrait rapidement constater : "ce que je vis est de la 'thérapie de conversion' et voici les facteurs de risque". »

Besoins de changements systémiques

En plus des services de soutien désirés, les personnes interviewées insistent sur des changements systémiques qui pourraient contribuer à l’amélioration de la vie des personnes ayant survécu à une « thérapie de conversion ».

Accès au logement

De nombreuses personnes participantes témoignent d’un manque d’hébergement sécuritaire qui empêche des personnes 2ELGBTQQIA+ de quitter un contexte de « thérapie de conversion », même si elles le souhaitent. Il faudrait donc offrir du soutien pour leur permettre de trouver un logement ou des espaces sécuritaires. Comme le mentionne l’une d’elles :

« Créez des maisons d’hébergement parce que la plupart de ces personnes se sentent prisonnières dans la communauté et qu’elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins pour des raisons financières ou toutes sortes d’autres raisons. Mais s’il y avait des maisons d’hébergement ou des foyers d’hébergement, elles pourraient quitter leur domicile librement pour se rendre dans un endroit sécuritaire où elles pourraient guérir et se reprendre en main. »

Ce point est particulièrement important dans un contexte où le coût de la vie et du logement augmente au Canada, ce qui affecte de manière disproportionnée les personnes ayant des identités marginalisées croisées comme les jeunes, les personnes 2ELGBTQQIA+, les PANDC et les personnes immigrantes, nouvellement arrivées et réfugiées. Au moins l’une des personnes participantes était en situation d’itinérance ou de précarité du logement au moment de son entretien.

Accès à des services de santé mentale

Des personnes participantes affirment que les survivants doivent avoir un meilleur accès aux soins de santé mentale, ce qui inclut la prise en compte de certains facteurs dans le réseau de la santé. Bon nombre d’entre elles témoignent du manque de services en santé mentale gratuits ou abordables et de services de soutien à long terme pour les personnes survivantes, l’une d’entre elles soulignant :

« […] quelque chose de bénéfique pourrait être de la thérapie à long terme pour les personnes qui ont vécu une "thérapie de conversion" […] des services psychologiques à long terme, c’est assez difficile à trouver. »

Certaines personnes mentionnent aussi que les personnes nouvellement arrivées et les personnes sans papiers rencontrent des obstacles additionnels à l’accès au soutien en santé mentale parce qu’elles n’ont pas d’assurance maladie. Comme l’indique l’une des personnes interviewées :

« Les personnes sans papiers ou les personnes nouvellement arrivées, la première chose dont elles ont besoin, c’est de la thérapie. Et ce n’est pas couvert si tu n’as pas d’assurance maladie. Même avec l’assurance maladie, il y a une espèce de [limite] d’heures. »

Or, se limiter à accroître l’accès aux services ne suffit pas, comme en témoignent les personnes participantes, qui soulignent la nécessité que les prestataires de soins de santé mentale comprennent les expériences particulières des membres des communautés 2ELGBTQQIA+, surtout celles des personnes ayant survécu à une « thérapie de conversion ». L’une d’elles témoigne d’ailleurs de son expérience avec un psychiatre :

« Je lui ai expliqué que mon identité avait été divulguée quand j’étais très jeune, et il ne savait même pas ce que ça voulait dire. Ce fut comme… Ce fut comme un coup de poing en pleine poitrine. Parce que, vraiment, je ne pouvais pas y croire. Qu’il ne connaisse pas ou qu’il ne se rende pas compte de toute la portée de la divulgation, parce que c’est une expérience tellement négative, surtout quand tu grandis en tant que personne queer. C’était comme si on m’invalidait. »

Amélioration du système concernant les personnes immigrantes et réfugiées au Canada

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la « thérapie de conversion » a poussé certaines personnes participantes à quitter leur pays d’origine pour s’installer au Canada. Plusieurs d’entre elles témoignent des difficultés particulières qu’elles ont dû surmonter en lien avec leur statut d’immigration au Canada et son intersectionnalité avec leur expérience de la « thérapie de conversion ». Par exemple, les personnes 2ELGBTQQIA+ qui font une demande d’asile doivent prouver leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ainsi que la légitimité des risques de persécution qui en découlent. Ce processus les oblige à divulguer leur identité et à raconter leurs expériences traumatisantes à plusieurs reprises. L’une des personnes interviewées mentionne, à ce sujet :

« Bon, le statut d’immigration, c’est vraiment très difficile de l’obtenir parce que tu ne peux pas juste te rendre au bureau d’immigration et dire "Oh, je vis de la persécution, je demande l’asile". […] [Le] processus d’immigration est vraiment problématique au Canada. On ne te croit pas. On demande des preuves. On demande des articles de presse. On veut que des gens attestent ton histoire. C’est extrêmement difficile. »

Cette personne a décidé de venir au Canada avec un permis d’études, ce qu’elle mentionne être la « méthode la plus courante », mais elle a dû cacher dans sa demande qu’elle immigrait au Canada en partie pour échapper à l’oppression contre les personnes 2ELGBTQQIA+. De plus, le fait d’attendre de recevoir la pièce d’identité qui accorde aux personnes qui demandent l’asile un accès aux besoins essentiels, comme les soins de santé, peut occasionner beaucoup de stress. Une autre personne arrivée au Canada comme réfugiée raconte qu’elle a fait « une très grave dépression nerveuse » en raison de tous les traumatismes vécus en lien avec la « thérapie de conversion », et explique que son statut d’immigration précaire l’a rendue vulnérable à la discrimination policière, ainsi qu’aux arrestations et à son hospitalisation dans un hôpital psychiatrique contre son gré.

Précision et clarification du projet de loi C‑4 et consultation auprès des communautés

Des personnes interviewées indiquent que le projet de loi C‑4 doit être précisé et clarifié, notamment en ce qui a trait à sa mise en œuvre, tel que les conséquences de se livrer à des « thérapies de conversion ». Elles expriment certains doutes sur la façon dont la loi sera appliquée aux personnes qui y contreviennent. La situation est particulièrement complexe lorsque des ami·e·s ou des membres de la famille sont impliqués dans une « thérapie de conversion ». Des directives plus claires quant à la portée du projet de loi sont nécessaires.

De plus, plusieurs participants sont incertains de la définition de « thérapie de conversion » dans le projet de loi C‑4, et se demandent si leur expérience serait reconnue comme telle, surtout dans les cas où cette expérience ne concorde pas clairement avec cette définition. Plusieurs personnes interviewées déclarent qu’il faut diffuser de l’information sur la « thérapie de conversion » et le projet de loi C‑4 afin de rejoindre les personnes 2ELGBTQQIA+ concernées par ces pratiques. L’une d’elles souligne notamment l’importance d’impliquer les personnes survivantes 2ELGBTQQIA+ lors du processus décisionnel relatif à la diffusion d’information sur la « thérapie de conversion ».

« Je pense que c’est une bonne idée d’impliquer des personnes qui vivent ça ou qui ont une expérience vécue pour qu’elles puissent participer […] avec leurs connaissances et leur expertise et contribuer dans le secteur en question. »

Élaboration de politiques au-delà du projet de loi C‑4

Certaines personnes interviewées soulignent la nécessité d’élaborer des lois et des politiques au-delà du projet de loi C‑4 pour mieux protéger les personnes 2ELGBTQQIA+ au Canada. Par exemple, l’une d’elles parle de la nécessité de prévenir la mésinformation à propos des personnes 2ELGBTQQIA+, puisqu’elle est nuisible et peut avoir des conséquences aussi négatives que la « thérapie de conversion » :

« Je dirais qu’il y a beaucoup de mésinformation sur les personnes queers et surtout sur la diversité de genre et la transitude en général, surtout en ligne, il y a beaucoup de mésinformation et c’est très nuisible. […] Il faudrait plus de lois ou de projets de loi […] qui protégeraient réellement les personnes queers des effets de la mésinformation lorsqu’elle se produit. »

Dans leur témoignage, les personnes participantes font allusion à la résurgence de la rhétorique et des lois anti‑2ELGBTQQIA+, qui sont nuisibles aux personnes 2ELGBTQQIA+ et qui devraient être interdites.