Une analyse des services en matière de droit des pauvres au Canada

Résumé

Portée et méthodologie

Le rapport présente un profil descriptif des services d'aide juridique liés au droit des pauvres qu'offre chacune des provinces canadiennes et les Territoires du Nord-Ouest[1], tout en fournissant un aperçu sur un échantillon des services que dispensent les organismes communautaires dans chaque province dans le même domaine. Comme il n'existe pas de définition unique du " droit des pauvres ", l'analyse élaborée dans ce rapport met l'accent sur six questions classiques en matière de droit des pauvres : l'assurance-emploi, le Régime de rentes du Québec/Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse, l'aide au revenu, le logement et les relations entre propriétaires et locataires, les indemnités pour accidents du travail et les rapports entre débiteurs et créanciers. Il ne faut toutefois pas considérer cette liste de questions liées au droit des pauvres comme étant exhaustive.

Nous avons recueilli les renseignements sur les régimes provinciaux d'aide juridique présentés dans la Partie 1 en examinant les rapports annuels et d'autres documents pertinents, en procédant à une série d'entrevues avec des sources provinciales clés et en analysant les données quantitatives fournies dans les plans. Les questions d'entrevue portaient sur la dotation en personnel, la prestation de services ainsi que les qualités et les faiblesses de ces derniers. Nous avons dressé les tableaux de collecte des données avant les entrevues pour en faire plus facilement la distribution, mais les résultats de ce processus demeurent inégaux. Les répondants avaient tendance à réunir les renseignements dans de nouveaux tableaux qu'ils avaient eux-mêmes créés et qui correspondaient au système de suivi des affaires dans leur province. Combiné aux importantes différences dans la façon dont l'aide juridique est dispensée dans l'ensemble du Canada, ce manque de cohérence a compliqué la comparaison entre les données des provinces et des territoires.

Nous avons recueilli les renseignements sur les organismes communautaires fournissant des services en droit des pauvres, dans la Partie 2 du rapport, en interviewant des sources clés et en utilisant une quantité limitée de données quantitatives fournies par les organismes. Nous avons d'abord demandé aux répondants de proposer des organismes communautaires à interroger, puis nous avons demandé, au besoin, aux ces représentants de ceux-ci les noms d'autres personnes-ressources. Les questions d'entrevue portaient sur les services qu'offraient les organismes, sur la dotation en personnel, sur le financement et sur les impressions concernant les possibilités qui s'offrent au système du droit des pauvres et les difficultés auxquelles il fait face.

Comme en ce qui concerne l'aide juridique, les tableaux de collecte des données auprès des groupes communautaires ont été préparés avant les entrevues. Les répondants remplissaient habituellement les tableaux tels qu'ils les avaient reçus, mais plusieurs d'entre eux ont exprimé de la frustration ou de la confusion quant à la façon de classer leurs clients dans les catégories présentées. D'une part, cette situation découlait sans doute du fait que nombre de groupes communautaires ne considèrent pas qu'ils fournissent des services distincts en offrant un programme de vulgarisation juridique, des conseils généraux, des conseils juridiques, etc.; ils éprouvaient donc de la difficulté à classer leurs services de cette manière. D'autre part, plusieurs groupes ne recueillent pas de données sur les clients qu'ils servent ou ils ne le font pas d'une façon aussi détaillée que l'exigeaient les tableaux de collecte.

Résumé : Services d'aide juridique liés au droit des pauvres

Le tableau donné ci-dessous résume les types de services offerts dans chacune des administrations qui fournissent une aide juridique relative au droit des pauvres.

Tableau 1: Résumé : Services offerts en matière de droit des pauvres, par province ou territoire
Type de service Province/Territoire
C.-B. Alb. Man. Ont. Qué. N.-É. T.-N. T.N.-O.
Conseils/Aide de nature générale Oui Non Oui Oui Oui Oui Non Oui
Conseils/Aide de nature juridique Oui Non Oui Oui Oui Oui Non Oui
Représentation Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Vulgarisation juridique Oui Non Non Oui Non Non Non Certains

Conseils

Comme l'indique clairement le tableau ci-dessous, le volume des affaires traitées en Colombie-Britannique et en Ontario se situe à une échelle différente par rapport à celle des autres provinces (à l'exception probable du Québec, bien qu'il n'existe là pas de données, car on ne fait pas de distinction entre les affaires nécessitant un service complet et celles où le client reçoit seulement des conseils). Cette situation est probablement due en partie à la présence de populations plus nombreuses dans ces provinces, mais elle rend également compte du fait que la Colombie-Britannique et l'Ontario ont mis en place un système beaucoup plus établi et global pour offrir des services d'aide juridique non tarifaires comme des séances de conseils, par exemple. Plusieurs autres provinces offrent des conseils dans le cadre des services relevant du droit des pauvres, mais elles n'ont tout simplement pas la même capacité que la Colombie-Britannique et l'Ontario. Le Manitoba n'a qu'un seul bureau spécialisé dans le droit des pauvres à Winnipeg, et la Nouvelle-Écosse n'a qu'un avocat salarié dans ce domaine, à Halifax. Les Territoires du Nord-Ouest comptent sur des aides judiciaires autochtones pour fournir des services juridiques dans les régions éloignées d'une façon qui rappelle les bureaux communautaires de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, mais les répondants ont souligné la nature sous-développée des services offerts en droit des pauvres et le caractère restreint de l'aide offerte.

Tableau 2: Nombre total de clients recevant des conseils propres au droit des pauvres
Administration Nombre de clients Explication
Colombie-Britannique 24,948 Accueil et conseils sommaires
Manitoba 46 Plus un certain nombre de clients non répertoriés venus sans rendez-vous
Ontario 128,408 sommaires et services brefs
Québec - Aucune donnée disponible
Nouvelle-Écosse 32 Dans la catégorie des tribunaux administratifs
Territoires du Nord-Ouest 47 Plus un certain nombre de clients appuyés par des aides judiciaires et un avocat de service

La Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et, jusqu'à un certain point, les Territoires du Nord-Ouest, séparent les services de conseils qu'ils dispensent en deux niveaux distincts. Les niveaux se distinguent habituellement par la quantité d'aide que reçoivent les clients à chaque étape. Au niveau inférieur, il y a habituellement une brève consultation au téléphone ou en personne, la communication de renseignements de base ou un renvoi à un autre organisme. On ne fait aucun geste précis au nom du client, et il n'y a aucun critère d'admissibilité. Au deuxième niveau, la participation est plus active, et l'aide juridique représente souvent le client (p. ex., faire des appels ou rédiger des lettres, effectuer une recherche, accompagner le client à des réunions, aider à remplir les trousses d'auto-assistance). On peut avoir recours au test d'admissibilité à cette étape.

Tableau 3: Nombre de clients recevant des conseils, par type de services

Colombie-Britannique
Type de services Nombre de clients
Accueil 22,806
Conseils sommaires 2,142

Manitoba
Type de services Nombre de clients
Dépannage Non répertorié
Informels 46

Ontario
Type de services Nombre de clients
Conseils sommaires 101,482
Services brefs 26,926

N.W.T.3.*
Type de services Nombre de clients
Ligne téléphonique sur le droit Non répertorié
Certificat lié à des conseils 47

3.* Les conseils que prodiguent les aides judiciaires et l'avocat de service peuvent correspondre à l'une de ces catégories ou aux deux. Toutefois, il n'existe pas de données disponibles sur les types de services fournis ou sur le nombre de clients.

Dans toutes les régions, ce sont surtout les membres du personnel de l'aide juridique qui donnent des conseils en matière de droit des pauvres. Au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, seuls les avocats salariés fournissent des conseils. En Colombie-Britannique, en Ontario et dans les Territoires du Nord-Ouest, d'autres professionnels du domaine juridique (techniciens juridiques, aide judiciaires communautaires, travailleurs parajuridiques), outre les avocats salariés, procurent des conseils aux clients. Les Territoires du Nord-Ouest sont les seuls à délivrer des certificats à des avocats du secteur privé précisément pour la prestation de conseils. Au Québec, les avocats du secteur privé travaillent aussi avec des certificats et peuvent prodiguer des conseils en matière de droit des pauvres, mais les répondants n'ont mentionné aucune catégorie particulière pour les certificats de ce genre comme ceux prévus dans les Territoires du Nord-Ouest. L'Alberta n'a pas de programme officiel axé sur la prestation de conseils en matière de droit des pauvres, mais les répondants ont tout de même souligné que les avocats du secteur privé pouvaient donner des conseils limités à l'étape de l'avis juridique dans une affaire.

La Colombie-Britannique et l'Ontario sont les seules provinces où il existe des renseignements sur les conseils donnés au sujet de questions

juridiques particulières. Selon les données sur la charge de travail, l'appui fourni par l'Aide juridique y est plus fort en ce qui concerne les questions propres au droit des pauvres et relevant des provinces qu'en ce qui a trait à celles relevant du gouvernement fédéral. En Ontario, le logement constitue une question particulièrement importante.

Les répondants de l'Aide juridique ont fourni très peu de données sur lSe coût des services de conseils fournis en matière de droit des pauvres. Ces données sont si peu nombreuses qu'on ne peut guère tirer de conclusions sur les coûts relatifs, compte tenu surtout du fait que l'ampleur deûts déclarés varie beaucoup d'une administration à l'autre. Cette situation peut être attribuable, du moins en partie, aux différences entre les types d'affaires et de services compris dans le calcul des coûts et aux différences dans les modes de déclaration et de suivi des affaires. Il faudra faire d'autres examens minutieux sur des questions de coûts particulières pour pouvoir établir des comparaisons fiables entre les administrations.

Représentation

Tout comme pour la prestation de conseils dans les affaires liées au droit des pauvres, le tableau qui suit indique que le nombre de clients bénéficiant d'une représentation juridique en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec dépasse de loin celui enregistré dans d'autres administrations (bien que les chiffres pour le Québec puissent comprendre des clients ne recevant que des conseils). Les répondants de l'Alberta ont mentionné que le droit des pauvres n'est pas vraiment considéré comme une catégorie distincte de la couverture d'aide juridique et que, de ce fait, les services offerts dans ce domaine sont limités, dans le meilleur des cas. Winnipeg ne compte qu'un bureau spécialisé dans le droit des pauvres et celui-ci est chargé de la majeure partie du travail qu'effectuent les avocats salariés en ce domaine. La Nouvelle-Écosse n'a qu'un seul avocat salarié qui pratique régulièrement le droit des pauvres, et les répondants de Terre-Neuve ont signalé que les avocats salariés fournissaient des services juridiques relatifs au droit des pauvres, mais qu'il ne s'agissait pas d'un domaine principal de services pour l'Aide juridique.

Tableau 4: Nombre de clients bénéficiant d'une représentation juridique en droit des pauvres4.*
Administration Nombre d'affaires Explication
Colombie-Britannique 5,948 Comprend toutes les questions liées au droit des pauvres.
Alberta 49 Comprend les cas relatifs à l'AE, aux indemnités pour accidents du travail, à l'assistance sociale et aux tribunaux ouverts.
Manitoba 233 Comprend les affaires avec certificat (aide au revenu), les différends entre propriétaires et locataires, les cas relatifs aux indemnités pour accidents du travail et les autres affaires administratives. Comprend aussi les affaires avec équivalent de certificat.
Ontario 6,621 Comprend les affaires avec certificat concernant toutes les questions relevant du droit des pauvres.
16,607 Comprend les affaires des cliniques juridiques communautaires portant sur toutes les questions relevant du droit des pauvres.
Québec4.$ 25,686 Comprend les cas relatifs à l'assurance-emploi, au RRQ, à l'assistance sociale, au logement locatif, aux indemnités pour accidents du travail.
Nouvelle-Écosse 15 Comprend toutes les affaires dans la catégorie des tribunaux administratifs.
Terre-Neuve - Aucune donnée.
Territoires du Nord-Ouest 12 Comprend les cas relatifs à l'aide au revenu, aux litiges entre propriétaires et locataires, et aux indemnités pour accidents du travail. Ne comprend pas les affaires faisant intervenir les aides judiciaires autochtones ou les affaires d'admissibilité présumée.
TOTAL 55,171  

Ce sont surtout les membres du personnel de l'Aide juridique qui représentent les clients en matière du droit des pauvres. La Colombie-Britannique, l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest comptent à la fois sur les avocats salariés et d'autres professionnels du domaine juridique (techniciens juridiques/travailleurs juridiques communautaires/aides judiciaires autochtones) pour représenter les clients. Les avocats du secteur privé des Territoires du Nord-Ouest fournissent aussi une représentation juridique en matière de droit des pauvres en acceptant des certificats. Seuls les avocats salariés en offrent une en Alberta, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, alors qu'au Manitoba et au Québec, on a recours à la fois au personnel et aux avocats du secteur privé. Le tableau ci-dessous présente les données existantes sur les affaires relevant du droit des pauvres, en fonction des diversescatégories de questions. Les données ne sont pas tout à fait exactes, car certaines provinces amalgament plusieurs questions liées au droit des pauvres en une seule catégorie, ce qui rend difficile la désagrégation des données. Les chiffres relatifs aux charges de travail concernant l'AE et le RPC/SV (des questions propres au droit des pauvres qui relèvent du fédéral) sont particulièrement inférieurs à la réalité, car il n'y a pas de calcul du nombre de cas dans plusieurs provinces qui fournissent une couverture dans ces domaines, notamment en Ontario, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse.

Tableau 5: Nombre d'affaires relevant du droit des pauvres, en fonction de diverses questions5.*
Administration Aide au revenu Propriétaires/ locataires, logement Débiteurs/ créanciers Indemnités pour accidents du travail Assurance-emploi RPC(RRQ)/ SV
Colombie-Britannique 1,816 713 440 250 192 224
Alberta       30 1  
Manitoba5.$ 120 9   15    
Ontario 1,563 3,459        
Québec5.# 13,744 6,284   3,856 953 849
N.-É.            
T.N.-O.5.% 4 7   1    
TOTAL 17,247 10,472 440 4,152 1,146 1,073

Malgré la sous-déclaration des questions de droit des pauvres relevant du fédéral, le tableau ci-dessus indique clairement que les questions provinciales touchant l'aide au revenu et les différends liés au logement et aux relations entre propriétaires et locataires correspondent aux domaines où l'on fournit le plus souvent une représentation juridique. L'aide au revenu constitue le domaine où la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Québec ont fait état du plus grand nombre d'affaires. En Ontario, c'est plutôt la catégorie des prestations familiales, suivie du logement, des autres mesures de maintien du revenu et de l'assistance sociale. Dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est le logement qui engendre le plus de travail relativement au droit des pauvres (particulièrement si l'on inclut quelques-unes des 93 affaires auxquelles ont participé d'une manière ou d'une autre des aides judiciaires autochtones). L'Alberta est la seule province où les questions liées au revenu et/ou au logement n'arrivent pas au premier rang des dossiers de l'Aide juridique en matière de droit des pauvres : dans cette province en effet, le plus grand nombre d'affaires relevant du droit des pauvres se rapporte aux indemnités pour accidents du travail.

Il existe des données limitées sur le coût de la prestation de services juridiques en matière de droit des pauvres pour la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et la Nouvelle-Écosse. Comme en ce qui concerne les conseils, les différences dans la ventilation des données sur les coûts rendent difficile l'établissement de conclusions utiles ou de comparaisons fiables entre les administrations.

Vulgarisation juridique

Seuls la Colombie-Britannique et l'Ontario offrent des services étendus de vulgarisation juridique du droit des pauvres (publications, services de renseignements bibliographiques activités éducatives, etc.). L'une des cliniques juridiques communautaires de l'Ontario - Community Legal Education Ontario - a un mandat précis en matière de vulgarisation juridique.

Les répondants du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse ont mentionné que les clients qui veulent des documents d'information juridique sont généralement renvoyés à des organismes communautaires. Ceux des Territoires du Nord-Ouest ont indiqué qu'ils offraient peu de services de vulgarisation juridique du droit des pauvres en raison de contraintes budgétaires. Selon les répondants, l'Aide juridique de l'Alberta, du Manitoba, du Québec, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve n'offrent directement aucun service de vulgarisation juridique du droit des pauvres.


[1] Ni le Nunavut ni le Yukon ne fournissent des services d'aide juridique relatifs au droit des pauvres.