Article 26 – Maintien des droits et libertés existants au Canada

Disposition

26. Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne constitue pas une négation des autres droits ou libertés qui existent au Canada.

Dispositions similaires

On trouve des dispositions similaires ou connexes dans l’instrument international suivant, qui lie le Canada : le paragraphe 5(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Voir aussi les instruments internationaux, régionaux et de droit comparé suivants, qui ne lient pas juridiquement le Canada mais qui comprennent des dispositions similaires : le neuvième amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique, l’article 29 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et l’article 60 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Objet

La jurisprudence relative à l’article 26 est peu abondante, et les passages qui en traitent sont généralement assez brefs. Dans une décision récente concernant une expropriation, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que la Charte n’est pas, et n’a jamais été, la seule source des droits des Canadiens et Canadiennes contre l’État.  Comme l’article 26 le confirme, la common law offre également des protections en matière de liberté individuelle – et la portée des droits reconnus en common law ne dépend pas non plus du fait que ces droits soient ou non également consacrés par la Charte (Annapolis Group Inc. c. Municipalité régionale d’Halifax, 2022 CSC 36).

Un tribunal d’instance inférieure a mentionné que cet article fait en sorte que tous les droits et libertés qui ne sont pas expressément énoncés dans la Charte, mais qui existent par ailleurs, ne soient pas éliminés en raison de cette omission. En ce sens, cet article souligne que la Charte a pour objectif d’élargir les droits et libertés, et non de les éteindre ou de les limiter (R v. Feist, (1997) 203 A.R. 143 (CPAlb)).

Un autre tribunal d’instance inférieure a cité Hogg, qui a dit que l’article 26 est [traduction] « une disposition de précaution, destinée à clarifier le fait que la Charte ne doit pas être interprétée de façon à retirer des droits ou des libertés qui existent sans être explicités », mais que cet article n’a pas pour effet de les constitutionnaliser pour en faire des droits ou des libertés supplémentaires (Fraser Health Authority c. Jongerden, 2013 BCSC 986, au paragraphe 164, citant Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada (5e éd., suppl. 2007), à la partie 36.12). D’autres tribunaux ont aussi fait référence au principe selon lequel la reconnaissance des autres droits et libertés au titre de l’article 26 ne donne pas lieu en soi à de nouveaux droits constitutionnels (voir par exemple Hudson v. Canada (Attorney General), 2007 SKQB 455, confirmé, 2009 SKCA 108, autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 359 Sask. R. 317 (note); et Canfield v. Prince Edward Island, (1998) 158 D.L.R. (4th) 125 (PEICA)).

Analyse

1. Application de la Charte

L’article 26 joue parfois un rôle mineur dans l’évaluation concernant l’application de la Charte. Dans une décision, un tribunal a traité de la reconnaissance, au titre de l’article 26, de droits ou de libertés qui relèvent de la sphère privée non gouvernementale – notamment le droit de conclure un contrat privé –, et il a conclu que cette reconnaissance vient renforcer l’analyse voulant que la Charte ne s’applique pas dans cette sphère. Cette considération a donc joué un rôle complémentaire dans l’analyse fondée sur l’article 32 de la Charte (Bhindi v. British Columbia Projectionists, Local 348, (1986) 29 D.L.R. (4th) 47 (BCCA), autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, [1986] C.S.C.R. no 295).

Dans le même ordre d’idées, un juge a constaté qu’un pouvoir juridique – en l’occurrence, le pouvoir des barreaux de régir la conduite de leurs membres – avait été conféré par une disposition législative et n’était pas considéré comme un droit ou une liberté visés par l’article 26, et il en a conclu que cela renforçait l’analyse selon laquelle ce pouvoir était assujetti à la Charte (Re Klein and Law Society of Upper Canada, (1985) 50 OR (2d) 118 (C. div. Ont.), motifs du juge Henry, dissident mais pas sur ce point).

2. Limites aux droits et libertés garantis par la Charte

En outre, l’article 26 a parfois été mentionné dans l’analyse portant sur les limites aux droits et libertés garantis par la Charte. Par exemple, une cour d’appel a fait référence à un droit qu’elle jugeait visé par l’article 26 – le droit d’avoir accès aux tribunaux – lorsqu’elle a conclu que la restriction d’une liberté garantie par la Charte était justifiée au regard de l’article premier. Elle a mentionné que le droit en question était un aspect clé de la primauté du droit et contribuait à la protection d’autres droits et libertés, et elle a affirmé que ce droit contribuerait à justifier la restriction de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique, dans le cas d’une ordonnance interdisant le piquetage devant les palais de justice (Re B.C.G.E.U., (1985) 20 D.L.R. (4th) 399 (BCCA), confirmé sans renvoi à l’article 26, [1988] 2 R.C.S. 214).

En réponse à l’argument selon lequel un droit reconnu au titre de l’article 26 pourrait contribuer à limiter un droit garanti par la Charte, la Cour d’appel fédérale a affirmé que chaque limite doit être examinée en fonction de l’analyse fondée sur l’article premier (Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1988] 3 CF 219 (CAF), 52 D.L.R. (4th) 241, confirmé sans renvoi à l’article 26, [1991] 2 R.C.S. 69).

3. Droits et libertés particuliers reconnus au titre de l’article 26

Comme il est mentionné ci-dessus, les droits et libertés que les tribunaux ont reconnus comme étant visés par l’article 26 comprennent le droit de conclure un contrat privé (Bhindi, précité) et le droit d’avoir accès aux tribunaux (B.C.G.E.U., précité). Parmi les autres droits qui ont été examinés dans le contexte de l’article 26, notons le droit du public à la neutralité politique dans la fonction publique (Osborne, précité, même si les motifs n’indiquent pas très clairement que le tribunal a interprété ce droit comme un droit visé par l’article 26, en plus de constituer une convention constitutionnelle) et les droits de propriété prévus par la common law (Alberta (Justice and Attorney General) v. Echert, 2013 ABQB 314). Des tribunaux ont examiné la question de savoir si l’article 26 peut viser le droit de posséder une arme à feu, qui n’est pas protégé par la Constitution, mais aucun droit constitutionnel général de cette nature n’est reconnu au Canada (voir R. v. Montague, 2007 CarswellOnt 7613 (C.S. Ont.) et Hudson, précité; sur la question générale des droits garantis par la Charte relativement aux armes à feu, voir aussi R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S 895).

L’article 26 a notamment été invoqué pour le maintien de droits reconnus au titre de la Déclaration canadienne des droits (Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, au paragraphe 4, motifs de la juge Wilson, et paragraphes 84 et 85, motifs du juge Beetz; pour un examen plus approfondi de la pertinence et de la portée des protections prévues par la Déclaration canadienne des droits après l’adoption de la Charte, voir Authorson c. Canada (Procureur général), [2003] 2 R.C.S. 40).

Le contenu est à jour jusqu’au 2023-07-31.