Article 27 – Patrimoine multiculturel
Disposition
27. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.
Dispositions similaires
Cette disposition est comparable, dans une certaine mesure, à d’autres dispositions contenues dans les instruments internationaux suivants, qui lient le Canada : l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le paragraphe 20(3) de la Convention relative aux droits de l’enfant; l’article 13 de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Objet
Dans la jurisprudence, l’objet de l’article 27 n’est pas commenté d’une façon détaillée allant au-delà de ce qu’on peut en déduire en lisant le texte de cette disposition, c’est-à-dire que les droits et libertés garantis par la Charte doivent s’interpréter de manière à promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des personnes canadiennes. Ainsi, la jurisprudence nous enseigne que l’article 27 ne confère pas de droits substantiels susceptibles d’être limités, mais qu’il vise à faciliter l’interprétation des droits et libertés garantis par la Charte (Roach c. Canada (Ministre d’État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté), [1994] 2 C.F. 406 (C.A.F.)).
Analyse
L’article 27 est un facteur dont les tribunaux ont tenu compte dans un certain nombre de litiges pour interpréter les droits et les libertés garantis par la Charte. Il a été utilisé pour définir de manière large le contenu de la liberté de conscience et de religion garantie à l’alinéa 2a), de façon à y inclure la coercition indirecte (R. c. Edwards Books and Art Ltd. et al, [1986] 2 R.C.S. 713), et pour appuyer une approche non confessionnelle de la gouvernance (R. c. Big M Drug Mart Ltd. [1985] 1 R.C.S. 295; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263). La Cour suprême a par ailleurs fait référence aux valeurs du multiculturalisme consacrées par l’article 27 comme étant liées au devoir de neutralité religieuse de l’État (Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), [2015] 2 R.C.S. 3). L’article 27 a également été cité en tant qu’élément à prendre en considération afin de déterminer les circonstances dans lesquelles une femme peut être autorisée à porter un niqab pendant son témoignage dans une procédure criminelle (R. c. N.S., 2010 ONCA 670, confirmé par [2012] 3 R.C.S. 726, bien que cette question n’ait pas été évoquée par les juges majoritaires de la Cour suprême; le juge Lebel en a toutefois fait mention dans ses motifs concordants quant au résultat). Cet article a également été utilisé pour définir le droit à un ou une interprète prévu à l’article 14, de telle sorte qu’il comprenne les services dans une langue autre que l’anglais et le français (R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951).
L’utilisation de l’article 27 a cependant été rejetée aux fins de l’interprétation du contenu des droits à l’instruction dans la langue de la minorité prévus à l’article 23 (Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), [1993] 1 R.C.S. 839. En outre, il a été jugé que l’article 27 ne portait pas atteinte au statut spécial conféré à l’anglais et au français par l’article 16 de la Charte (Société des Acadiens c. Association of Parents, [1986] 1 R.C.S. 549 (motifs minoritaires du juge Wilson, concordants quant au résultat), R. c. Entreprises W.F.H. ltée, [2001] R.J.Q. 2557 (C.A.), demande d’autorisation d’interjeter appel à la CSC rejetée [2001] C.S.C.R. no 625).
Le recours à l’article 27 pour interpréter la portée de la liberté d’expression conférée par l’alinéa 2b) de la Charte a été rejeté; toutefois, cet article a été employé pour examiner les limites de l’article premier pouvant être imposées à cette liberté conféré par la Charte (R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697; voir également Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892 et American Freedom Defence Initiative c. Edmonton (City), 2016 ABQB 555; à comparer toutefois avec l’arrêt R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731, où, en parvenant à la conclusion que l’atteinte à l’alinéa 2b) n’était pas justifiée en vertu de l'article premier de la Charte, la majorité des juges s’est révélée en désaccord avec la nature particulière de la déférence accordé à l’article 27 par les juges dissidents).
Il ressort de la jurisprudence que l’article 27 n’est d’aucun secours aux personnes accusées revendiquant le droit à un jury composé de jurés de la même race qu’eux (R. c. Fiddler (1994), 22 C.R.R. (2d) 82 (C. J. Ont. (Div. gén.)); R. c. Kent (1986), 27 C.C.C. (3d) 405 (C.A. Man.); R. c. Laws (1988), 41 O.R. (3d) 499 (C.A. Ont.). Néanmoins, il a été établi que l’article 27 est pertinent pour ce qui est d’assurer la représentativité de la diversité de la société canadienne au sein d’un jury (R. c. Brown (Application to prohibit Crown discrimination in peremptory challenges) [1999] O.J. No. 4867 (Cour de l’Ont. (Div. gén.)).
Enfin, bien qu’il ne soit pas directement applicable, l’article 27 a été invoqué à l'appui de la prise en compte des valeurs multiculturelles dans l’interprétation du partage des pouvoirs établi par la Constitution (NIL/TU,O Child and Family Services Society c. British Columbia Government and Service Employees' Union, 2008 BCCA 333, décision confirmée sans mention de cette question, [2010] 2 R.C.S. 696). Il existe une jurisprudence où l’article 27 est employé de façon similaire pour l’interprétation des lois ordinaires (Prus-Czarnecka (Next friend of) c. Alberta, [2003] A.J. No. 1026 (B. R.)).
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