
Tableau de bord sur l’état du système de justice pénale
Évolution du système de justice pénale canadien pour les jeunes
Les sections qui suivent donnent un aperçu de l’évolution du système de justice pénale canadien pour les jeunes. Voir le tableau chronologique détaillé des jalons gouvernementaux, législatifs et judiciaires ou bibliographie pour obtenir des ressources supplémentaires sur les expériences des jeunes avec le système canadien de justice pénale pour les jeunes.
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Justice pour les jeunes avant 1908
Avant la mise en place d’un système de justice pénale distinct pour les jeunes au début du XXe siècle, le droit canadien permettait de poursuivre et de condamner au pénal les enfants et les jeunes âgés d’au moins sept ans. Même si le droit protégeait en général les enfants âgés de moins de 14 ans contre la poursuite, les enfants âgés de 7 à 14 ans pouvaient être poursuivis et condamnés de la même manière qu’une personne âgée de plus de 14 ans si le tribunal pouvait établir que l’enfant était légalement responsable de ses actes (c’est-à-dire qu’il était en mesure de distinguer le bien du mal et comprendre les répercussions de ses actes). Par conséquent, avant 1908, les enfants et les jeunes âgés de plus de 7 ans pouvaient être poursuivis et condamnés de la même manière que les délinquants adultes, y compris de longues peines d’emprisonnement dans les établissements correctionnels pour adultesNote de bas de page1.
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Loi sur les jeunes délinquants, de 1908 à 1984
Des préoccupations croissantes quant aux répercussions négatives des poursuites pénales et des peines sévères imposées aux enfants ont donné lieu à un mouvement de réforme au milieu du XVIIIe siècle, connu sous le nom « Mouvement visant à venir au secours des enfants ». Ce mouvement était fondé sur la conception selon laquelle le développement de la maturité sociale et émotionnelle des enfants et des jeunes est encore en cours, et ceux-ci sont plus facilement en mesure de changer par rapport aux adultesNote de base de page2.
En 1908, le Canada a établi un système de justice pénale pour les jeunes distinct en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants (LJD) pour les enfants et les adolescents âgés de 7 à 16 ans. Cette loi a instauré l’infraction de « délinquance », qui comprenait des comportements criminels et non criminels. Selon la LJD, un enfant ou un adolescent qui n’a peut-être pas commis d’acte criminel pouvait quand même être tenu de comparaître devant un tribunal s’il faisait preuve de comportements délinquants non-criminels. Ces comportements comprenaient le fait de manquer l’école et s’il était perçu comme « corrompu » par ses conditions de vie, comme vivre dans la pauvreté ou avoir des parents criminels ou maltraitants.
La LJD avait pour objet de réformer les jeunes en plaçant sous garde ceux considérés comme des « délinquants » pendant une période indéterminée afin de les « former de nouveau » jusqu’à ce que le tribunal juge qu’ils étaient réformésNote de bas de page3. Même si la LJD visait à limiter les répercussions négatives du contact avec le système de justice pénale, la loi avait pour conséquence inattendue d’exposer les jeunes à des interventions correctionnelles intensives et disproportionnées qui n’avaient que peu, voire aucun lien avec leurs comportements délinquants.
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Loi sur les jeunes contrevenants, de 1984 à 2003
Au milieu du XXe siècle, il y avait beaucoup d’intérêt quant à la réforme de la législation sur le système de justice pénale pour les jeunes, en raison en partie de l’absence de mesures de protection juridique et de droits à l’application régulière de la loi pour les jeunes accusés et les jeunes délinquants. Cela a donné lieu à la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), qui est entrée en vigueur en 1984. La nouvelle loi soulignait la nécessité de protéger le public et de tenir les jeunes responsables, tout en respectant leurs droits à l’application régulière de la loi et en réduisant le recours aux sanctions de détentionNote de bas de page4. La LJC a également éliminé l’infraction de « délinquance » et a augmenté l’âge de la responsabilité pénale, passant de 7 à 12 ans.
Malgré ces modifications, le nombre de jeunes dans le système de justice pénale a augmenté considérablement entre 1986 et le début des années 1990, avant de se stabiliser lentement à la fin des années 1990Note de bas de page5. En vertu de la LJC, le taux d’incarcération des jeunes était plus élevé que celui des adultes dans les années 1990 et au début des années 2000Note de bas de page6. Cela était probablement attribuable, en partie, au manque d’orientation de la LJC relativement au pouvoir discrétionnaire de la police et au recours limité à des mesures extrajudiciaires, ce qui a fait en sorte que la police s’appuie trop sur des accusations criminelles lorsqu’elle répondait aux jeunes qui avaient des démêlés avec la justiceNote de bas de page7. En fait, les statistiques de 1989 à 1999 indiquent que la proportion de jeunes qui ont été accusés après avoir été arrêtés par la police variait de 60 % à 70 %Note de bas de page8.
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Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, de 2003 à ce jour
Compte tenu des taux d’incarcération accrus des jeunes en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), il existait un soutien politique important de l’élaboration de nouvelles politiques qui encourageraient la déjudiciarisation et qui feraient la promotion d’interventions communautaires par le système de justice pénale pour les jeunes. En 2003, la LJC a été remplacée par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA), la loi qui régit actuellement le système canadien de justice pénale pour les jeunes.
La LSJPA vise à promouvoir des interventions proportionnées et significatives auprès des jeunes contrevenants, par exemple, à l’aide de la participation des parents, des membres de la famille, des communautés et d’autres aux procédures, ainsi qu’à l’aide de la réadaptation et à la réinsertion des jeunes contrevenants. La LSJPA reconnaît également que des interventions opportunes et informelles du système de justice pénale sont souvent suffisantes pour traiter les infractions criminelles. Par conséquent, la législation encourage le recours à des mesures extrajudiciaires plutôt que la détention sous garde et des procédures judiciaires formelles. Le nombre de jeunes déjudiciarisés a augmenté considérablement après l’adoption de la LSJPA, en partie en raison du libellé explicite de la Loi concernant l’examen et l’application des « mesures extrajudiciaires »Note de bas de page9. La LSJPA a également modifié le recours aux peines applicables aux adultes imposées aux jeunes reconnus coupables d’infractions graves, comme la tentative de meurtre et l’agression sexuelle. Avant la LSJPA, les jeunes accusés d’une infraction grave pouvaient être renvoyés devant un tribunal pour adultes avant d’être déclarés coupables. S’ils étaient reconnus coupables, une peine applicable aux adultes leur était imposée. Cela a été jugé injuste pour de nombreuses raisons : le type de peine était déterminé avant que l’adolescent ne soit reconnu coupable et ces jeunes perdaient les protections procédurales qui leur sont offertes devant le tribunal pour jeunes. La LSJPA a éliminé le transfert des cas des jeunes au tribunal pour adultes; la loi exige maintenant plutôt que tous les jeunes accusés comparaissent devant un juge du tribunal de la jeunesse. Si un jeune, âgé d’au moins 14 ans, est accusé d’une infraction, un juge du tribunal de la jeunesse ne peut imposer une peine applicable aux adultes que si le procureur de la poursuite en fait la demande et s’il réussit à établir que le jeune n’a pas une culpabilité moins élevée ou une culpabilité morale moins élevée et qu’une peine applicable aux jeunes ne serait pas suffisante pour le tenir responsable. Même si la LSJPA a été modifiée au cours des années, l’objet principal et les principes directeurs de la loi demeurent relativement inchangés.
Certains experts soutiennent que le système de justice pénale pour les jeunes devrait être élargi pour inclure les personnes âgées d’une vingtaine d’années, une période au cours de laquelle les personnes et leur cerveau continuent de se développerNote de bas de page10. Ces experts proposent qu’en élargissant la portée de la LSJPA, le système puisse être mieux équipé pour répondre aux besoins des jeunes adultes accusés et pour obtenir de meilleurs résultats pour ces jeunes. Ils ont également fait remarquer que la LSJPA peut permettre une meilleure protection contre les répercussions négatives du système de justice pénale, surtout au cours d’une période de la vie d’un jeune adulte où les comportements délinquants criminels peuvent être plus présents.
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Droits légaux et mesures de protection spéciales pour les jeunes
Les droits à l’application régulière de la loi ont été prévus pour la première fois dans la Loi sur les jeunes contrevenants et continuent d’être conférés en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Ces droits constituent des mesures de protection spéciales prévues par la loi et accordées aux jeunes, reconnaissant que, par rapport aux adultes, ils sont plus vulnérables, moins matures et ont une culpabilité morale moins élevée en raison de leur âge. Quelques protections légales spéciales sont mises en évidence ci-dessousNote de bas de page11.
Droit aux services d’un avocat (article 25 de la LSJPA)
En vertu de la LSJPA, les jeunes ont droit à une représentation légale à chaque étape du processus de justice pénale. Si l’adolescent n’est pas en mesure d’obtenir les services d’un avocat, le tribunal l’aidera en soumettant son cas à un service d’aide juridique ou en ordonnant qu’un avocat lui soit désigné. La police et d’autres responsables de la justice pénale sont tenus de communiquer efficacement ce droit aux jeunes. De nombreux jeunes ne connaissent pas bien la loi et son incidence sur euxNote de bas de page12. Par conséquent, cette mesure de protection est essentielle pour aider les jeunes à bien comprendre leurs droits légaux et les processus juridiques auxquels ils sont confrontés.
Admissibilité des déclarations faites par des adolescents (paragraphes 146(1) et (2) de la LSJPA)
La LSJPA offre une protection aux jeunes concernant l’admissibilité de leurs déclarations ou de leurs aveux, étant donné qu’en général, ils ne comprennent pas leurs droits légaux et peuvent être plus sensibles aux pressions des interrogatoires policiersNote de bas de page13. Afin que les déclarations soient admissibles devant le tribunal, il doit y avoir une preuve que l’adolescent a donné volontairement la déclaration. Il doit également y avoir une preuve que la personne qui a pris la déclaration a expliqué clairement, d’une manière appropriée à l’âge de l’adolescent, son droit au silence, son droit aux services d’un avocat et son droit de communiquer avec un adulte approprié et de demander que ce dernier soit présent. Enfin, l’adolescent doit avoir eu la possibilité d’exercer ces droits avant de faire sa déclaration.
Protection de la vie privée des adolescents (articles 110 et 111 de la LSJPA)
La LSJPA permet de veiller à ce que l’identité des jeunes victimes et survivants et des jeunes accusés et contrevenants âgés de moins de 18 ans ne soit pas publiée. À moins d’une demande spécialeNote de bas de page14, ce droit permet de s’assurer que les renseignements personnels permettant d’identifier l’adolescent demeurent confidentiels et que le casier judiciaire des jeunes demeure limité ou mis sous scellé à l’égard du public. Cette disposition vise à protéger les jeunes contre les répercussions négatives à court et à long terme d’être étiquetés comme criminels, stigmatisés et socialement exclus, qui peuvent découler de leurs démêlés avec le système de justice pénaleNote de bas de page15.
Avis aux parents et participation de ces derniers (alinéas 3c), d), 5c), paragraphe 25(7) et articles 11, 26 et 31 de la LSJPA)
Selon la LSJPA, les parents ou les aidants familiaux doivent être informés immédiatement des mesures pénales ou des procédures qui concernent leurs enfants, par exemple si leur enfant est détenu ou arrêté, ou si leur enfant fait l’objet d’une mesure extrajudiciaire. Ils sont également informés si une amende ou une sommation ou une citation à comparaître a été délivrée au nom de leur enfant. Si les parents de l’adolescent ne sont pas disponibles ou il est impossible de communiquer avec eux, un avis doit être fourni à un parent adulte ou à un autre adulte qui connaît la personne et qui peut l’assister. Les parents et les aidants familiaux sont également autorisés à accompagner leur enfant pendant les interrogatoires policiers et peuvent assister aux audiences du tribunal. Lors d’une audience sur le cautionnement, ils peuvent également se présenter comme une « personne digne de confiance » qui peut s’occuper de l’adolescent et le superviser.
Autres mesures de protection spéciales (alinéa 3d) de la LSJPA)
D’autres mesures de protection spéciales pour les jeunes comprennent le droit d’être entendu et de participer aux procédures juridiques qui les touchent, le droit des jeunes victimes et survivants d’être traités avec courtoisie, compassion et respect, ainsi que le droit des jeunes victimes de participer aux procédures et de recevoir des renseignements sur ces procédures.
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