Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants
VI. Conclusions
4.0 Facteurs conjoncturels influant sur le pouvoir discrétionnaire de la police
Dans la plupart des études sur les décisions de la police concernant les adolescents, on se limite à analyser l'impact de facteurs liés à l'incident lui-même et aux adolescents arrêtés sur la décision de porter ou non des accusations (ou de mettre en état d'arrestation, dans la plupart des études américaines). Notre principale source d'information sur ces facteurs a été le point de vue des agents que nous avons interviewés, mais nous avons complété ces données dans la mesure du possible par une analyse statistique des données provenant du Programme DUC.
Les deux sources de données ont confirmé que les facteurs « légaux » qui concernent la gravité de l'infraction (notamment sa classification selon le code criminel, la présence et la nature de l'arme et le tort causé à la victime ou aux biens d'une victime) et les antécédents criminels de l'adolescent sont de loin les facteurs les plus importants dans la décision du policier de porter une accusation ou de régler autrement l'incident. Presque tous les répondants ont mentionné la gravité et les antécédents criminels comme éléments principaux de leur décision. Cependant, ces corrélations simples en apparence deviennent plus complexes lorsque nous les examinons de plus près.
La relation entre la nature de l'infraction et la probabilité que des accusations soient portées est loin d'être une simple question de « gravité ». Par exemple, on a moins recours au pouvoir discrétionnaire s'il s'agit d'infractions contre l'administration de la justice que lorsqu'il s'agit de tout autre type d'infraction, sauf l'homicide et la tentative de meurtre, bien que les infractions contre l'administration de la justice ne fassent pas de victime et ne causent d'autre tort que des dépenses et des inconvénients pour le système judiciaire. Si le recours au pouvoir discrétionnaire variait inversement à la gravité de l'infraction, la possession de biens volés serait alors plus grave que l'enlèvement, les voies de fait graves, le trafic de drogue, l'introduction par effraction et les agressions sexuelles; la conduite en état d'ébriété serait plus grave que l'introduction par effraction, les agressions sexuelles et l'exploitation sexuelle; l'incendie criminel serait moins grave que tout autre type d'infractions; et les crimes avec violence, dans leur ensemble, seraient légèrement moins graves que les autres crimes sans victime. Manifestement, il existe une quelconque relation entre la gravité de l'infraction et la mesure dans laquelle les policiers exercent leur pouvoir discrétionnaire, mais cette relation n'est pas simple et directe.
La question est plus simple et directe quand il s'agit d'armes et de torts causés à la victime. Les entrevues et les données du Programme DUC2 confirment que des accusations sont beaucoup plus probables si l'adolescent portait une arme, en particulier une arme à feu (ce qui est très rare), ou si la victime a subi des préjudices personnels ou matériels importants.
Les entrevues et les données du Programme DUC2 montrent aussi clairement que les antécédents criminels de l'adolescent, qu'ils soient révélés par le nombre d'arrestations antérieures, les renvois antérieurs à des mesures de rechange, les accusations antérieures ou les condamnations antérieures, ont une incidence très marquée sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police. Notre analyse des données du Programme DUC2 montre que le nombre d'arrestations antérieures de l'adolescent peu importe l'issue, représente la variable prédictive la plus puissante de la décision de porter des accusations.Après la gravité de l'infraction et les antécédents criminels de l'adolescent, les entrevues révèlent que le comportement de l'adolescent est l'élément le plus déterminant de la décision de porter des accusations, c'est-à-dire son attitude et son degré de coopération lors de l'arrestation et des procédures connexes. Selon environ les trois quarts des répondants, l'attitude est un facteur ou un facteur important dans leur décision. Les agents ont insisté sur l'importance accordée au fait que le jeune accepte la responsabilité de ses méfaits, et sur leur propension à « laisser une chance » lorsque l'adolescent manifeste du remord et un respect de la loi. Ils ont également mentionné à maintes reprises le fait « d'accepter la responsabilité de ses gestes » comme critère d'admissibilité à des mesures de rechange.
Selon les entrevues, viennent ensuite comme facteurs importants de la décision de déposer des accusations les préférences exprimées par la victime, l'étendue et la nature de l'engagement des parents (si les parents semblent prêts et aptes à assumer la garde et le contrôle du jeune et si leur attitude à l'égard des méfaits de leur enfant a été appropriée) et la stabilité du foyer et du contexte scolaire du jeune. Pour environ la moitié des répondants, il s'agit là de facteurs ou de facteurs importants de leur décision.
Pour 40 % des répondants, le fait qu'il s'agisse d'un crime de gang et pour 22 %, l'appartenance à un gang sont des facteurs ou des facteurs importants dans leur décision. Toutefois, l'analyse des données du Programme DUC2 révèle qu'un jeune de 17 ans arrêté est 50 % plus susceptible d'être accusé, même lorsque d'autres variables comme la gravité de l'infraction et les antécédents criminels sont à contrôlées.
Selon les entrevues, quelques autres facteurs jouent un rôle mineur ou secondaire dans la décision des policiers de porter des accusations : si l'adolescent a agi seul ou en groupe; le lieu et l'heure de l'incident; l'usage d'alcool ou de drogues par l'adolescent; la relation, le cas échéant, entre la victime et l'adolescent; et la présence d'un co-contrevenant adulte. Les adolescents agissant seuls risquent davantage d'être accusés que ceux qui sont arrêtés avec des complices. Les adolescents dont les victimes sont un parent ou un étranger sont plus susceptibles d'être accusés que ceux dont les victimes sont des frères ou sœurs, des amis ou des connaissances, même lorsque d'autres facteurs connexes, tels le type d'infraction, sont contrôlés.
Le statut de la victime (particulier ou entreprise) et le sexe et la race de l'adolescent arrêté ont peu ou pas d'incidence sur la décision de porter des accusations, selon les agents interviewés. L'analyse des données du Programme DUC2 confirme que le sexe du contrevenant ne joue aucun rôle, mais elle semble indiquer que les jeunes Autochtones sont nettement plus susceptibles d'être accusés, même lorsque d'autres facteurs sont contrôlés.
Nous avons comparé les réponses d'agents provenant de différentes parties du pays, de différents types de collectivités et dans différentes affectations fonctionnelles. Le résultat le plus frappant était l'homogénéité des réponses chez l'ensemble des policiers (et la cohérence des données provenant des entrevues et des résultats de l'analyse statistique des données du Programme DUC2 et, en fait, avec la plupart des études antérieures menées au Canada et dans d'autres pays). Il y avait toutefois des différences de degré pour ce qui concerne la région du pays, le type de collectivité, le degré et les catégories de criminalité juvénile auxquels les services de police font face et l'appartenance du répondant à une escouade d'intervention auprès des adolescents ou de son affectation comme agent de liaison avec les écoles.
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