Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants

II.  Profil descriptif

2.0 Types d'infractions presque toujours traitées au moyen de mesures officieuses, de mesures de rechange ou d'accusations

À la lumière de la croyance populaire voulant que le type ou la gravité de l'infraction soit le principal facteur déterminant la manière dont les policiers exercent leur pouvoir discrétionnaire, nous avons demandé aux agents s'il existait des types d'infractions qu'ils traitaient « presque toujours » d'une certaine manière.

Parmi les policiers interrogés, très peu ont volontiers indiqué les types particuliers d'infractions pour lesquels, presque toujours, ils portaient des accusations, avaient recours à des mesures de rechange, ou traitaient au moyen de mesures officieuses. Ils ont plutôt insisté sur le fait que leur décision sur la manière de traiter un incident était propre à chaque cas : c'est à dire fondée sur un ensemble de facteurs pour chacun des incidents.

Toutefois, près de la moitié (44 p. 100) de nos répondants ont déclaré que, dans les cas d'infractions « graves », ils portaient presque toujours des accusations. Un petit nombre d'agents (7 p. 100) ont déclaré qu'ils portaient presque toujours des accusations, même dans les cas d'infractions mineures; il s'agissait pour la plupart de policiers travaillant pour des services de police municipaux indépendants. Quelques agents ont dit qu'ils portaient presque toujours des accusations pour les infractions liées à la drogue (5 p. 100) ou aux gangs (1 p. 100).

Tableau II.2 Proportion des adolescents arrêtés ayant fait l'objet d'accusations, par type d'infraction, Canada, 2000
Catégorie d'infraction Pourcentage d'accusations
Homicide et infractions liées 100.0
Tentative de meurtre 100.0
Infractions contre l'administration de la justice 95.6
Enlèvement 95.3
Vol qualifié 87.4
Possession de biens volés 83.6
Rapt 80.0
Code criminel - circulation 79.9
Voies de fait graves 79.2
Trafic et importation de drogues 77.4
Autres lois fédérales (principalement la LJC) 76.3
Conduite avec facultés affaiblies 76.1
Entrée par effraction 71.1
Agression sexuelle 67.7
Fraudes et infractions liées 64.5
Possession d'armes et d'explosifs 62.4
Agression sexuelle 55.0
Autres infractions au Code criminel 54.3
Vol 52.7
Voies de fait simples 52.2
Possession de drogue 47.1
Moralité - sexualité 46.0
Incendie criminel 45.0
Moralité - Jeux et paris 40.0
Dommage aux biens/méfaits 38.1
Ordre public 28.5
Total - crimes avec violence 62.7
Total - crimes contre la propriété 55.7
Total - autres crimes 63.6
TOTAL - CODE CRIMINEL 58.9

Source : Programme DUC.

Un tiers des répondants ont mentionné qu'il n'y avait pas d'infractions pour lesquelles ils renvoyaient presque toujours les jeunes vers des mesures de rechange, malgré la règle claire, dans la plupart des politiques des services, voulant que certains types d'infractions soient traités par des mesures de déjudiciarisation. Un autre 22 p. 100 des policiers ont mentionné qu'ils dirigeaient presque toujours les jeunes vers des mesures de rechange lorsque ceux-ci avaient commis une infraction mineure. Il s'agit de vols mineurs (p. ex., vol à l'étalage), de méfaits ou de crimes très mineurs contre la personne. Dans les provinces de l'Atlantique, la moitié des agents interrogés ont répondu de la même manière. Enfin, très peu d'agents nous ont dit qu'ils renvoyaient toujours à des programmes de mesures de rechange les jeunes ayant commis des infractions graves ou des infractions provinciales ou territoriales, soit une proportion de 1 p. 100 dans chaque cas.

Le recours à des mesures officieuses ne semble également pas être toujours fonction du type d'infraction. Le tiers des agents ont mentionné qu'il n'y avait pas d'infraction pour lesquelles ils utilisaient presque toujours des mesures officieuses. Un faible pourcentage a laissé entendre qu'ils avaient presque toujours recours à une mesure officieuse dans le cas d'infractions provinciales (40 p. 100) et d'infractions mineures (13 p. 100). Moins de 1 p. 100 ont mentionné les infractions graves ou le vol à l'étalage comme étant des infractions pour lesquelles ils utilisaient « presque toujours » des mesures officieuses. Cependant, 19 p. 100 des policiers des régions rurales ou des petites municipalités disaient qu'ils utilisaient presque toujours des mesures officieuses dans les cas d'infractions mineures, comparativement à 11 p. 100 dans les régions métropolitaines, ainsi que dans les banlieues et les régions exurbaines.

Les observations obtenues au cours des entrevues donnent à penser que la raison principale pour laquelle les agents se sentent obligés de mentionner qu'il n'y avait pas d'infraction particulière pour chacune de ces catégories est leur conviction que chaque cas doit être jugé individuellement. Ainsi, la décision relève de chaque cas et on ne peut la réduire à une simple formule. Un agent dit que nous avons tous essayé de grimper aux arbres et nous avons tous testé nos limites. Un agent de l'Alberta effectuant des visites dans les écoles laisse entendre :

[Traduction]
Chaque fois que j'ai dans mon bureau un jeune et que je dois faire une enquête criminelle, je regarde toujours ses notes, son assiduité, son maquillage, son attitude face à la vie; je regarde ses relations avec ses amis, son attitude, la façon dont il s'assoit, la manière dont il parle. Mais l'aspect le plus important est que j'extrapole quatre années de sa vie à partir du moment de l'incident, je retourne quatre ans en arrière, et je lui demande de me raconter comment ça c'est passé ces quatre dernières années. Dans 95 p. 100 des cas ou même probablement 100 p. 100, le dénominateur commun est l'absence de présence parentale, de présence efficace, l'abus d'alcool ou des drogues, les mauvaises décisions prises à cause d'amis qui veulent leur dire quoi faire, un manque de dignité et de respect, c'est le dénominateur commun. Quand je sais que ce sont les enjeux, en tant que policier, et même en tant que parent de deux jeunes enfants, comment voulez-vous que je porte des accusations contre une telle personne?