Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants
III. Facteurs environnementaux influant sur le pouvoir discrétionnaire de la police
4.0 La nature de la collectivité(suite)
4.2 Caractéristiques socio-démographiques (suite)
4.2.3 Les touristes
Bon nombre des policiers interrogés au sujet du rapport entre l'instabilité résidentielle, d'une part, et la criminalité et l'application de la loi, d'autre part, ont parlé de « touristes »
plutôt que de « population de passage »
. Par « touristes »
, on entend les personnes qui viennent dans le secteur pour des raisons récréatives ou qui sont des visiteurs saisonniers, tels les propriétaires de maisons de campagne; par « population de passage »
, on entend des personnes qui se trouvent temporairement dans le secteur ou les itinérants sans abri.
Trente-deux pour cent des services de police et détachements ont mentionné une importante population touristique dans leur collectivité. Il existe donc une fluctuation saisonnière de la population. Par exemple, la région Nord Est de la PPO, dont le quartier général est à North Bay, dessert une population « permanente »
de 285 000 personnes, qui « passe à 400 000 les mois d'été »
(Police provinciale de l'Ontario, 2003).
Nous n'avons constaté aucune différence significative dans le recours à l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers auprès des adolescents entre les services de police desservant des territoires ayant ou non une importante population touristique.
4.2.4 Population autochtone
Une des grandes préoccupations des criminologues canadiens et de ceux qui élaborent les politiques en matière de justice pénale est la relation entre les Autochtones canadiens et le système de justice pénale (l'Association canadienne de justice pénale, 2000; Normandeau et Leighton, 1990) [50]. Il existe une surreprésentation des Autochtones devant les tribunaux et dans les prisons (Association canadienne de la justice pénale, 2000; LaPrairie, 1993, 1995; Nielson, 1992). Selon Forcese (1992) et Harding (1991), il est fort probable que les Autochtones soient arrêtés et accusés en nombre disproportionné par les policiers, bien qu'il soit difficile d'en être certain, car de nombreux services de police canadiens ne font pas la répartition pour Statistique Canada en fonction de la race (Gabor, 1994; Roberts, 1994; cf. American Sociological Association, 2002). Une étude qui s'appuyait sur les données du Programme DUC 2 pour des régions du Canada, en 1992 et 1993, a montré que les adolescents autochtones arrêtés par la police étaient beaucoup plus susceptibles d'être accusés, même lorsqu'on contrôlait d'autres aspects du cas, comme la gravité de l'infraction et l'usage d'alcool ou de drogues (Carrington, 1998a) [51].
Selon une analyse des divers auteurs qui se sont penchés sur la question faite par Griffiths et Verdun Jones (1994 : 641 642),
[TRADUCTION] […] les relations entre la police et les Autochtones sont souvent marquées par l'hostilité et l'absence de confiance réciproques, ce qui accroît la probabilité de conflit et de taux élevés d'arrestations […] [les relations sont] gravement déficientes […] il existe de forts sentiments de méfiance, sinon de haine, envers le personnel de la GRC dans certains secteurs […] [de nombreux policiers ont] une connaissance insuffisante de la culture autochtone […] [il existe] des lacunes sur le plan de la communication et des perceptions erronées […] les policiers mettent trop l'accent sur l'application de la loi et ne passent pas suffisamment de temps à exercer des activités qui répondraient mieux aux besoins communautaires […] la politique de mutations de la GRC, en vertu de laquelle les policiers ne passent que deux ou trois ans dans la collectivité, a été mentionnée comme un obstacle important au développement de relations communautaires positives avec la police.
Il importe de souligner que cette description repose sur une enquête publique menée il y a plus de 10 ans et que la philosophie de la GRC a évolué profondément depuis (p. ex., l'adoption de la Stratégie nationale sur la jeunesse). De plus, Griffiths et Verdun Jones ont souligné que la méfiance et le conflit ont peut être été occasionnés par une absence de connaissances, de mauvaises communications et des malentendus, plutôt que par des « préjugés conscients »
des policiers (1994 : 642). Comme nous le constaterons au chapitre V, notre propre recherche n'a révélé aucune preuve de parti pris d'ordre racial chez les policiers interviewés [52].
De nombreux Autochtones canadiens vivent dans des zones de pauvreté et d'exclusion sociale qu'on pourrait décrire comme « socialement désorganisés »
(Association canadienne de justice pénale, 2000; Griffiths et Verdun Jones, 1994 : 635 637; LaPrairie, 1988, 1995; Léonard et Trevethan, 2003). Ainsi, selon la théorie de la désorganisation sociale (section 4.1 ci dessus), les collectivités où ils habitent devraient comporter des niveaux de criminalité plus élevés et faire l'objet de mesures officielles plus fréquentes de la part de la police. Il existe des éléments de preuve indiquant des taux de criminalité plus élevés parmi les Autochtones, surtout les voies de fait et les crimes liés à l'alcool (Griffiths et Verdun Jones, 1994 : 638 639).
Par ailleurs, certaines des idées clés sur lesquelles se fondent le contrôle social informel et les solutions de rechange aux procédures judiciaires officielles sont tirées des pratiques autochtones traditionnelles. Celles-ci font appel à la collectivité, plutôt qu'aux autorités, pour traiter le comportement déviant et criminel (Depew, 1992; Jobson, 1993; LaPrairie, 1992). De même, le droit canadien et ses pratiques judiciaires ont accordé une certaine reconnaissance à la culture des Autochtones canadiens et à leurs spécificités. Ainsi, on pourrait s'attendre, du moins en principe, à ce que les policiers œuvrant dans des collectivités comportant une importante population autochtone, dans une réserve ou hors réserve, soient plus portés à recourir à des mesures officieuses pour résoudre les incidents impliquant des jeunes autochtones (Griffiths et Verdun Jones, 1994 : 652 653).
Nous avons demandé aux policiers
- a) si leur service de police desservait une réserve des Premières nations,
- b) s'il y avait une réserve à proximité que le service ne desservait pas et
- c) s'il y avait un nombre important d'Autochtones canadiens habitant hors réserve au sein du territoire qu'il desservait.
On voit la répartition des réponses à la figure III.7 (les pourcentages dépassent 100 p. 100 car on permettait les réponses multiples). Nous avons par la suite combiné ces réponses en deux catégories qui s'excluaient réciproquement : les services de police desservant un grand nombre d'Autochtones (c. à d. qui ont répondu desservir soit une réserve, soit une collectivité où l'on retrouvait beaucoup d'Autochtones hors réserve), d'une part, et ceux qui n'en desservaient pas, d'autre part.
Figure III.7 Populations autochtones desservies par des services de police
Description de Figure III.7
Ainsi, 42 p. 100 des services de police de notre échantillon desservent une population autochtone : 24 p. 100 des services municipaux indépendants, 43 p. 100 des détachements de la police provinciale, 73 p. 100 des détachements de la GRC et, évidemment, les trois services de police des Premières nations. Exactement la moitié des services de police des zones métropolitaines ont affirmé qu'il y avait un nombre important d'Autochtones canadiens sur leur territoire. Il en est exactement de même des services de police ruraux et des petites villes. Par ailleurs, seulement 16 p. 100 des services de police des banlieues et régions exurbaines ont mentionné une population autochtone sur leur territoire. La répartition régionale apparaît à la figure III.8.
Figure III.8 Répartition régionale des services de police desservant des populations autochtones
Les services de police qui desservent des populations autochtones diffèrent des autres services de police par l'utilisation qu'ils font des mesures officieuses, des mesures de rechange et des méthodes utilisées pour forcer les adolescents à comparaître. Certaines des différences sont minimes. Cependant, elles sont parfois substantielles, ce qui laisse croire à un style policier différent.
Selon la statistique du Programme DUC sur le pourcentage de jeunes arrêtés et accusés, les services de police de notre échantillon qui desservent les Autochtones sont un peu plus susceptibles de porter des accusations (64 p. 100 des adolescents arrêtés sont accusés) que ceux qui ne les desservent pas (60 p. 100). Cette différence est entièrement attribuable aux services de police desservant les Autochtones hors réserve (65 p. 100 des jeunes arrêtés sont accusés), car les 17 services de police desservant une réserve des Premières nations sont un peu moins susceptibles que la moyenne de porter des accusations contre l'adolescent arrêté (60 p. 100 des adolescents arrêtés étant accusés).
Les policiers desservant les populations autochtones sont un peu plus portés à affirmer qu'ils recourent à différentes formes de mesures officieuses. Presque tous les services de police (98 p. 100) desservant les Autochtones donnent des avertissements officieux, comparativement à 89 p. 100 des autres services de police. Ces services sont un peu plus portés à recourir à des avertissements officiels (38 p. 100) que les services de police des collectivités sans adolescents autochtones (27 p. 100). Les services de police desservant les Autochtones sont un peu moins susceptibles de ramener un jeune contrevenant à la maison ou au poste de police à des fins d'interrogatoire (20 p. 100) que les autres services de police (33 p. 100). Lorsqu'on leur a demandé s'il y avait des infractions pour lesquelles ils seraient presque toujours portés à recourir à des mesures officieuses, les policiers desservant les Autochtones étaient plus enclins à envisager des mesures officieuses en toutes circonstances (les infractions mineures, les infractions graves, les infractions provinciales et le vol à l'étalage). De plus, 23 p. 100 de ces policiers ont affirmé qu'ils envisageaient presque toujours des mesures officieuses pour des infractions provinciales, comparativement à 10 p. 100 de ceux qui ne desservaient pas les populations autochtones.
Les services de police desservant les Autochtones dans une réserve et hors réserve sont presque deux fois plus susceptibles (35 p. 100 contre 18 p. 100) de recourir à un programme communautaire de justice réparatrice avant l'accusation, afin de déjudiciariser la démarche auprès de l'adolescent, plutôt que de porter une accusation. Ces services de police ont moins tendance à recourir à des mesures de rechange postérieures aux accusations (78 p. 100) que les autres services de police (dont 100 p. 100 ont recours aux mesures de rechange postérieures aux accusations). Ainsi, l'élargissement du filet, qu'on associe généralement aux mesures de rechange postérieures aux accusations, s'applique peut-être moins aux collectivités comportant des Autochtones.
Les services de police desservant les Autochtones sont moins susceptibles de recourir à la sommation pour forcer un adolescent à comparaître (31 p. 100) que ceux qui ne les desservent pas (45 p. 100). De plus, 43 p. 100 des services de police desservant les Autochtones utilisent « rarement »
les citations à comparaître (comparativement à 24 p. 100 des autres services de police). Ainsi, il n'est pas surprenant que les policiers desservant les Autochtones soient plus portés à recourir à une promesse de comparaître pour les infractions mineures (25 p. 100) que les autres services de police (7 p. 100). Ils sont également plus enclins à utiliser (65 p. 100) une promesse de comparaître assortie d'une promesse auprès du policier responsable. Il n'y avait aucune différence entre les services de police en ce qui concerne les conditions relatives aux heures de rentrée obligatoires ou à la
fréquentation scolaire. Cependant, les policiers desservant les Autochtones étaient beaucoup plus susceptibles d'adjoindre des conditions relatives à l'interdiction de fréquenter des lieux ou des personnes, de garder la paix et de bien se comporter, de ne pas faire usage d'alcool ou de drogues et d'armes. Toutefois, il n'y avait aucune différence entre les deux types de services de police quant au recours aux heures de rentrée obligatoire ou à la fréquentation scolaire comme condition d'une promesse auprès d'un policier responsable.
Certaines différences sont évidentes en ce qui concerne les motifs donnés à l'égard de la détention. Les services de police desservant les Autochtones ont un peu plus tendance à détenir les adolescents récidivistes (53 p. 100) que les autres services de police (42 p. 100). Ils sont également un peu plus portés à détenir un adolescent « dans son intérêt »
ou si celui-ci est sous l'effet de l'alcool ou de la drogue. Les policiers ont laissé entendre que l'abus d'alcool et de drogues est très répandu dans les collectivités autochtones. Souvent, la famille entière a un problème de toxicomanie. Ainsi, dans de nombreux cas, ils préfèrent détenir l'adolescent pour sa « propre sécurité »
. Ces services de police sont également davantage portés à détenir l'adolescent pour une enquête de mise en liberté
provisoire par voie judiciaire à la suite d'infractions multiples (45 p. 100) que ceux ne desservant pas les Autochtones (29 p. 100).
De façon générale, les policiers ont affirmé que le travail qu'ils accomplissent auprès des jeunes autochtones peut être assez différent de celui qu'ils font auprès d'autres catégories d'adolescents. D'abord, le niveau de toxicomanie est très élevé dans les collectivités autochtones. Il s'agit d'un phénomène que l'on retrouve, selon eux, non seulement dans les réserves et dans les grandes villes, mais également dans les détachements isolés et les collectivités où l'alcool est prohibé. Les policiers en poste dans les Territoires ont raconté des anecdotes témoignant d'un problème grandissant de toxicomanie avec des produits solvants dans le Nord. En plus des problèmes de dépendance à l'alcool et aux stupéfiants, il existe une pénurie de services sociaux et de programmes pour ces adolescents à risque élevé. De plus,
les policiers ont laissé entendre que les collectivités autochtones qu'ils desservent sont relativement pauvres. Les adolescents qu'ils rencontrent ont moins de possibilités que les adolescents non autochtones. Enfin, les policiers ont affirmé que les niveaux de fréquentation scolaire sont souvent assez faibles chez les adolescents autochtones. Un policier de l'Alberta a laissé entendre que les adolescents de la réserve qu'il dessert fréquentent l'école « peut être un mois ou deux »
pendant l'année scolaire. Un policier de la GRC en poste dans le Nunavut a décrit son expérience avec un jeune garçon autochtone. Cette histoire recèle les éléments typiques de nombreuses autres histoires qui nous ont été racontées, à savoir : les conditions criminogènes dans lesquelles vivent de nombreux adolescents autochtones, l'étendue remarquable des « mesures
officieuses » employées par les policiers qui traitent avec des jeunes autochtones et les résultats ambigus.
C'était une histoire très triste. Il s'agissait d'un garçon [appelé] Jean [53], au Nunavut [54], que j'arrêtais deux ou trois fois par semaine parce qu'il inhalait du fixatif à cheveux, du propane et tout le reste. Je me suis assis avec lui, je lui ai parlé; essentiellement ses parents étaient du Nunavut; il y avait de l'alcool, des agressions sexuelles, des drogues, de tout. Fondamentalement, il était une brebis égarée. J'ai travaillé avec lui, l'ai contrôlé régulièrement, ai discuté avec lui, l'ai inscrit à un programme scolaire; il faisait des services communautaires, mais nous le suivions, nous vérifiions, nous lui donnions beaucoup d'appui.
« Comment vas tu? »On s'assurait qu'il n'était pas laissé à lui même. Il a commencé à s'impliquer au département de théâtre du Nunavut, il a réussi ses cours; il n'était pas une étoile, mais il a réussi, il a voyagé avec le spectacle au Nunavut, et a même fait une vidéo sur le spectacle. Il était fier, il avait un sentiment d'appartenance. Ensuite, en raison de son service communautaire, il a eu un poste à temps partiel dans le village, et on l'aimait tellement qu'on voulait qu'il aille à Inuvik comme conseiller en loisirs. On a recueilli des fonds, trouvé un commanditaire, parlé à un transporteur aérien pour qu'il suive le programme Outward Bound à Thunder Bay; tout a été payé. La moitié de ces gens n'ont jamais quitté leur communauté. Il est revenu, j'ai envoyé un itinéraire, il a voyagé tout seul, il était seul dans un hôtel à Ottawa, lui qui était âgé de16, 17, peut être 18 ans. Je lui ai téléphoné tous les jours, vérifiait s'il allait bien, lui ai dit exactement quoi faire, lui ai dit de téléphoner à la réception et demander un appel de réveil, que je le rappellerais à 17 h. À la fin du programme Outward Bound, tout allait bien, il était de retour, il avait une étincelle dans les yeux, vous pouviez voir le changement, fini l'air hagard. Tout allait très bien, il est allé à Inuvik, sauf que sa copine qui avait 15 ans, est devenue enceinte, leur milieu familial n'était pas motivé, sauf par la toxicomanie ; il subissait beaucoup de pression,« pourquoi devrais tu avoir un objectif», pourquoi avoir des aspirations ;« je vais avoir un enfant, nous pouvons avoir de l'aide sociale. »Selon ce que j'ai entendu, il est soudainement allé parler à un conseiller à Inuvik qui lui a dit :« détend-toi »; il a abandonné et est revenu; il a commencé à glisser. Au moins il s'est trouvé un travail au Nunavut, il avait encore des problèmes et était porté à rechuter, mais au moins il travaillait; il a obtenu son permis de conduire; maintenant il est éboueur […]. Mais, c'est le genre de soutien dont ces gens ont besoin : une structure, être soutenus le long du chemin, renforcer leur l'estime de soi. Dans des programmes ou dans n'importe quoi, pour que ça réussisse, cela doit être incorporé. Pas de façon temporaire, il faut que ce soit quelque chose qui fait une différence, les envoyer à Frog Lake pour un traitement, c'est le mot magique, traitement, traitement.
Malgré ces constatations décourageantes, certains policiers de la GRC en poste dans les Territoires et des agents de la police de Winnipeg ont mis au point des programmes innovateurs conçus spécifiquement pour les adolescents autochtones. Un gendarme de la GRC a décrit un programme qu'il a mis au point et dont le nom signifie : «Échoue l'école, échoue tout. »
Ce que j'ai fait : j'ai téléphoné partout au pays, puis je suis allé à Yellowknife et […] j'ai trouvé des prix, autant de prix que possible, n'importe quoi, je me suis entendu avec le transporteur aérien pour les expédier, je me suis entendu [avec une entreprise locale] pour prendre un baril de 45 gallons, le couper en deux et faire un barbecue, les briquettes ont été données et ce que nous faisons essentiellement, c'est de soudoyer les adolescents pour qu'ils restent à l'école. Il y avait 76 jeunes à l'école, de la maternelle à la onzième année. Le truc, c'est que s'ils ne manquaient pas une journée d'école pendant le mois, ils gagnaient un prix. Nous donnions des blousons, des appareils photo Polaroïd et cela a fonctionné. Il y avait de plus gros prix. Pour la maternelle, on leur donnait des bonbons, des casquettes de baseball, des jouets, toutes sortes de choses, afin que les enfants veuillent aller à l'école; ils voulaient un relevé de présence parfait. Je me suis arrangé avec Pizza Hut pour que de la pizza soit envoyée par avion de Yellowknife, c'était de la pizza surgelée, un don, alors les personnes qui avaient un taux de présence parfait ont pu regarder un film, ont eu une pizza et un soda; nous avons eu les sodas de la coopérative, tandis que ceux qui n'avaient pas une fiche de présence parfaite ont dû travailler durant cet après midi. [Avec ces jeunes], nous avons organisé le barbecue, nous sommes sortis et avons abattu un bœuf musqué et un caribou et on a fait cuire du bœuf haché et du bœuf musqué. Nous sommes allés glisser l'après midi tandis que les autres jeunes restaient à l'école. Ce qui est arrivé, c'est que les adolescents voulaient venir à l'école. Ils ne voulaient pas manquer quoi que ce soit, ils avaient besoin de dormir; il n'y avait pas la moitié de la violence qu'il y avait auparavant - pourquoi? C'était devenu structuré. À la fin de l'année, nous avons donné un ordinateur, un blouson mustang; à chaque mois ils recevaient quelque chose, ils avaient une activité quelconque, on les emmenait en avion voler au dessus de la mine Polaris, puis ils allaient se baigner et prenaient un repas, puis revenaient en avion. Des choses extraordinaires sont arrivées. La première année, une première personne a obtenu son diplôme et l'année Page suivante, cinq autres.
Malheureusement, seules certaines facettes du programme existent toujours dans ce détachement. Un des problèmes récurrents, c'est qu'un policier s'engage à fond dans un programme, puis est muté ailleurs. Son remplaçant n'est pas aussi intéressé et n'y consacre pas autant d'énergie, et le programme vacille. Des policiers de tous les types de services ont affirmé que les programmes innovateurs dureront seulement si les policiers lancent le programme, puis en remettent la direction à la collectivité. Les policiers restent engagés, mais au second plan. Les policiers de Winnipeg ont conçu des programmes de déjudiciarisation spécifiquement pour les adolescents autochtones. Ils ont établi des liens avec les aînés autochtones et, par la suite, on a structuré des programmes primaires, secondaires et tertiaires pour les adolescents autochtones (y compris de nombreuses cérémonies en cercles de guérison pour tous les types d'infractions).
4.3 Niveau et type de crime dans la collectivité
Les divers auteurs laissent entendre que les décisions des policiers peuvent être influencées par leur perception du niveau de criminalité sur leur territoire (Sampson, 1986). Nous avons demandé à nos répondants d'indiquer le niveau de criminalité adolescente dans les secteurs qu'ils desservaient. Cinquante pour cent des services de police et des détachements ont laissé entendre qu'il y avait un niveau « normal » de criminalité adolescente, 29 p. 100 ont jugé de niveau « élevé » et 17 p. 100 « peu élevé ».
Même si les statistiques sur la criminalité ne laisse ressortir aucune relation entre la dimension des collectivités au Canada et le taux de criminalité (voir la section 4.1 ci dessus), les policiers, cependant, en ont perçu une. En effet, 40 p. 100 des policiers des services métropolitains estimaient qu'il y avait un niveau « élevé » de criminalité chez les adolescents de leur territoire, comparativement à 31 p. 100 de ceux des banlieues et des régions exurbaines et seulement 19 p. 100 de ceux des régions rurales et des petites villes. De même, 22 p. 100 des policiers des zones rurales et petites villes ont indiqué qu'il y avait un niveau « peu élevé » de criminalité adolescente sur leur territoire, comparativement à 19 p. 100 des policiers des banlieues et des régions exurbaines et à 8 p. 100 seulement de ceux des zones métropolitaines. Nous illustrons la répartition régionale à la figure III.9.
Figure III.9 Répartition régionale des services de police qui perçoivent un niveau « élevé » de criminalité adolescente
Les théories de l'urbanisation et de la désorganisation sociale, avancent que dans les régions urbaines, qui souffrent de taux de désorganisation sociale plus élevés et d'une perception de déviance et de criminalité, la police compensera l'effritement du contrôle social officieux en recourant à des contrôles sociaux plus officiels, soit plus d'arrestations et d'accusations. Par ailleurs, selon l'« hypothèse de la surcharge »
, les policiers des zones urbaines sont « surchargés »
de crimes et réagissent donc en ne procédant à des arrestations ou en ne portant des accusations que pour les infractions les plus graves. Il en résulte donc un taux d'accusations relativement peu élevé.
L'analyse des données du Programme DUC sur la proportion d'adolescents arrêtés qui étaient accusés comporte des surprises. Les services de police de notre échantillon œuvrant dans des collectivités perçues par la police comme ayant un niveau « peu élevé » de criminalité adolescente ont le taux moyen d'accusations le plus élevé. En moyenne, de 1998 à 2000, ils ont accusé 66 p. 100 des jeunes arrêtés. Les policiers des collectivités ayant un « niveau normal » de criminalité adolescente avaient le taux le plus faible d'accusations (59 p. 100) et ceux ayant un niveau « élevé » de criminalité adolescente se situaient à mi chemin dans l'utilisation de leur pouvoir discrétionnaire (62 p. 100). Ces constatations sont particulièrement étonnantes, car les policiers qui perçoivent un niveau « peu élevé » de criminalité adolescente ont tendance à travailler dans les régions rurales et les petites villes, où les policiers sont moins enclins à porter des accusations. Par ailleurs, ceux qui perçoivent un niveau « élevé » de criminalité adolescente ont tendance à travailler dans les zones métropolitaines, où les policiers tendent à porter plus d'accusations (section 4.1, ci dessus). Il semble donc que les policiers œuvrant dans les secteurs perçus comme présentant un niveau élevé de criminalité ne réagissent ni en utilisant davantage leur pouvoir discrétionnaire, comme le voudrait l'hypothèse de la surcharge, ni en l'utilisant moins, comme le voudraient les théories de l'urbanisation et de la désorganisation sociale. Le taux d'accusations relativement élevé dans les collectivités perçues par les policiers comme ayant un niveau « peu élevé » de criminalité adolescente peut s'expliquer par l'hypothèse de la surcharge. En effet, dans les collectivités où les policiers ne sont pas surchargés de criminalité, ils peuvent davantage recourir aux mesures officielles comme le dépôt d'accusations. Par ailleurs, il est possible que ces services ne consignent pas entièrement (dans leur propre système de gestion et auprès du Programme DUC) le nombre de jeunes arrêtés mais non accusés, ce qui augmente artificiellement le taux statistique d'accusations (cf. section 4.1, ci dessus).
On retrouve à la figure III.10 l'utilisation des trois types de mesures officieuses, réparties selon le niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité. (Les autres types de mesures officieuses n'ont pas de rapport avec le niveau de criminalité). Le recours à chaque type de mesure officieuse augmente selon le niveau perçu de criminalité adolescente, ce qui est conforme à l'hypothèse de la surcharge et aux constatations tirées de l'analyse des données du Programme DUC (ci dessus).
Figure III.10 Types de mesures officieuses utilisées, selon le niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité
La question de savoir si les services de police estiment utile d'obtenir de l'information quant au mode de disposition par des mesures de rechange dépend également de leur perception du niveau de criminalité adolescente dans la collectivité. Les services de police où on perçoit un niveau élevé de criminalité adolescente sont un peu plus susceptibles de trouver cette information utile (74 p. 100) que ceux qui perçoivent un niveau normal de criminalité adolescente (69 p. 100) ou que ceux qui estiment que ce niveau est peu élevé (60 p. 100). Il n'y avait aucune différence en ce qui concerne les mesures de rechange postérieures à l'accusation.
On constate aussi quelques différences en ce qui concerne les méthodes utilisées par les policiers pour forcer les adolescents à comparaître devant le tribunal. Les services de police ayant l'impression que le niveau de criminalité adolescente est élevé sont plus susceptibles de ne pas utiliser la sommation (55 p. 100) que les services qui jugent ce niveau normal (36 p. 100) ou peu élevé (8 p. 100). On peut alors déduire que les policiers de ces secteurs utilisent d'autres moyens, comme la citation à comparaître ou la promesse de comparaître. Cependant, il n'y avait aucune différence apparente dans l'utilisation de la citation à comparaître ou de la promesse de comparaître entre services de police percevant des niveaux différents de criminalité adolescente. Donc, on peut se demander si le recours accru aux mesures officieuses dans des secteurs où les policiers estiment que le niveau de criminalité est « élevé » chez les adolescente peut réduire le nombre d'accusations portées à la suite d'infractions mineures. Cette idée est conforme à l'hypothèse Page suivante : seules les infractions plus graves se traduisent par des mesures officielles dans les secteurs où on perçoit un taux de criminalité élevé.
Si l'adolescent est arrêté et détenu, il existe une relation manifeste entre les niveaux perçus de criminalité adolescente et les motifs de détention. Nous faisons ressortir à la figure III.11 les différences dans les motifs donnés pour détenir un jeune contrevenant. Chacun de ces cinq motifs est plus susceptible d'être invoqué s'il y a augmentation des niveaux perçus de criminalité adolescente.
Figure III.11 Motifs de détention d'un adolescent pour une audition sur la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, selon les niveaux perçus de criminalité adolescente dans la collectivité
Des variations semblables existent dans les réponses aux questions sur les infractions qui donnent « presque toujours »
lieu à l'arrestation et à la détention. Les services de police des secteurs ayant des niveaux élevés de criminalité adolescente sont plus susceptibles de toujours détenir les adolescents pour des infractions graves (73 p. 100) que ceux des secteurs à niveau normal (64 p. 100) ou peu élevé (54 p. 100). Ces services de police sont également plus susceptibles de toujours détenir les récidivistes (45 p. 100) que les services de police des secteurs présentant un niveau normal (33 p. 100) ou peu élevé de criminalité adolescente (23 p. 100). Il est également intéressant de constater que les services de police des secteurs ayant des niveaux de criminalité adolescente perçus comme élevés sont plus susceptibles de presque toujours
détenir en raison de la politique du service de police (50 p. 100) que le sont les services de police des secteurs ayant d'autres niveaux perçus de criminalité adolescente (29 p. 100).
En ce qui concerne les décisions mentionnées ci dessus, les données tirées des entrevues portent à croire que les policiers sont plus enclins à utiliser leur pouvoir discrétionnaire s'ils croient que leur territoire comporte un taux élevé de criminalité adolescente. Ils sont plus susceptibles de recourir à divers types de mesures officieuses et d'invoquer des motifs « légalistes »
pour détenir, tels : infraction grave, violations multiples (d'ordonnances de probation, d'engagements auprès d'un policier responsable ou de conditions de mise en liberté sous cautionnement), récidive ou le fait que l'adolescent soit déjà cité devant les tribunaux.
Nous avons également interrogé les répondants sur les types de crimes commis par des adolescents qu'ils traitaient régulièrement. Les réponses sont illustrées à la figure III.12.
Figure III.12 Types fréquents de criminalité adolescente dans la collectivité

Presque tous les services et détachements de police (96 p. 100) ont indiqué que les adolescents commettent des infractions mineures contre les biens (p. ex., vol à l'étalage, vol de moins de). Plus des trois quarts (83 p. 100) ont également mentionné les crimes mineurs contre la personne, tels que les voies de fait mineures.
Près des trois quarts des policiers de notre échantillon (71 p. 100) ont mentionné les infractions graves contre des biens (p. ex., le vol avec effraction). Ces infractions étaient plus fréquentes dans les zones métropolitaines (87 p. 100) et moins dans les régions rurales et petites villes (61 p. 100). Ces services de police étaient répartis assez également dans les provinces et territoires, avec un pourcentage plus élevé dans les Prairies (82 p. 100) et moindre au Québec (56 p. 100) et en Colombie Britannique (58 p. 100).
Il n'est pas étonnant de constater que seulement le quart (25 p. 100) des services et détachements de police ont relevé des taux élevés de crimes violents graves (p. ex., voies de fait avec blessures corporelles). De nouveau, cette réalité a été citée plus souvent par les policiers métropolitains (43 p. 100) que ceux des banlieues et des régions exurbaines (32 p. 100) ou des régions rurales et des petites villes (11 p. 100). L'incidence plus élevée de crimes graves contre les personnes et les biens signalés par nos répondants dans les plus grands centres est conforme à la statistique sur les crimes rapportés (par des gens de tous âges). Ainsi, Leonard fait état de taux consignés plus élevés de criminalité grave par habitant, soit de crimes avec violence, soit de crimes contre les biens, dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) que dans les secteurs ne faisant pas partie d'une RMR. Il signale également des taux plus élevés pour les voies de fait mineures ou les délits mineurs liés aux armes dans les secteurs qui ne sont pas des RMR (1997 : 3). On retrouve à la figure III.13 la répartition régionale des services de police rapportant de graves crimes de violence adolescente au sein de leur territoire.
Figure III.13 Répartition régionale des services de police rapportant des niveaux significatifs de criminalité adolescente grave
Certains résultats n'avaient pas été prévus. Quatre-vingt pour cent des services et détachements policiers ont affirmé avoir à la fois un nombre important d'infractions liées à la drogue et d'adolescents ayant un problème de dépendance à la drogue. Il en est ainsi de 90 p. 100 des services de police métropolitains, 84 p. 100 de ceux des zones rurales et petites villes et 63 p. 100 de ceux des banlieues et des régions exurbaines. Cette répartition est assez uniforme dans les régions du Canada, à l'exception des Territoires, où tous les services de police de l'échantillon ont signalé des problèmes de drogue chez les adolescents.
Près du quart des services de police de notre échantillon (24 p. 100) ont indiqué avoir des gangs d'adolescents sur leur territoire. De nouveau, les gangs ont été cités plus fréquemment par les services de police métropolitains (43 p. 100) que par ceux des banlieues et des régions exurbaines (32 p. 100) ou des régions rurales et des petites villes (9 p. 100). On trouvera à la figure III.14 la répartition régionale, qui fait notamment ressortir l'ampleur du problème de criminalité adolescente dans les provinces des Prairies.
Figure III.14 Répartition régionale des services de police rapportant des problèmes de gangs d'adolescents
De même, 14 p. 100 des répondants de l'échantillon (c. à d. 13 services de police) ont affirmé avoir un secteur de prostitution juvénile impliquant des jeunes de moins de 18 ans. Douze se trouvaient dans des centres métropolitains et un dans un territoire rural ou une petite ville. Cette concentration dans les grandes villes est conforme aux constatations de Leonard : les incidents consignés de prostitution dans les RMR (personnes de tout âge) étaient 12 fois plus élevés dans les RMR que dans les territoires ne faisant pas partie d'une RMR (1997 : tableau 1). Nous donnons la répartition régionale à la figure III.15.
Figure III.15 Répartition régionale des services de police faisant état de prostitution juvénile
Quarante pour cent des services de police ont indiqué que les infractions contre l'administration de la justice (p. ex., les bris de conditions) étaient un problème [55]. Ils étaient un peu plus fréquents dans les zones métropolitaines (53 p. 100) que dans les banlieues et les régions exurbaines (32 p. 100) ou les régions rurales et les petites villes (36 p. 100). Nous indiquons la répartition régionale à la figure III.16.
Figure III.16 Répartition régionale des services de police signalant un nombre important d'infractions commis par des adolescents contre l'administration de la justice
En résumé, le nombre total de services de police de l'échantillon mentionnant des niveaux appréciables de crimes mineurs et majeurs commis par des adolescents qu'il s'agisse de crime violents ou de crimes contre les biens, est conforme aux rapports statistiques du Programme DUC. Cependant, un nombre étonnamment élevé de services de police ont signalé de graves problèmes de drogue, de gangs et de prostitution chez les adolescents. Tous les types de crimes d'adolescents, à l'exception des infractions mineures contre les biens et les voies de fait mineures, ont été cités le plus fréquemment par les policiers métropolitains et le moins fréquemment par ceux des régions rurales et des petites villes. Ceci est conforme à la statistique sur la criminalité des personnes de tous âges (Leonard, 1997). De la même façon que les services de police des Prairies étaient les plus susceptibles de signaler un niveau « élevé » de criminalité adolescente sur leurs territoires, ils étaient également les plus susceptibles de mentionner des problèmes importants en ce qui concerne les crimes graves, soit des crimes avec violence, soit des crimes contre les biens, les problèmes de gangs d'adolescents et les infractions contre l'administration de la justice. La prostitution juvénile constituait l'exception et était plus susceptible d'être mentionnée par les services de police de la Colombie Britannique. Autant les services de police de la région de l'Atlantique étaient les plus portés à signaler un taux « peu élevé » de criminalité adolescente, autant ils étaient les moins susceptibles de signaler des niveaux élevés de crimes violents graves commis par des adolescents ou des gangs d'adolescents. Cependant, c'était au Québec que les services de police de notre échantillon étaient les moins susceptibles de mentionner des problèmes de prostitution juvénile et d'infractions contre l'administration de la justice.
Il n'existe pas de relation significative entre la perception des policiers quant au type de crimes commis dans leur collectivité et l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire auprès des jeunes contrevenants.
4.4 Relations entre la police et la collectivité
En raison de l'importance de la collectivité comme milieu où travaillent les policiers et de son incidence présumée sur les méthodes de travail des policiers, nous nous attendions à ce que le ton des relations entre la police et la collectivité ait un impact sur l'utilisation du pouvoir discrétionnaire. On a assisté depuis 15 ans à une réorientation de la philosophie policière vers un modèle de « police communautaire » qui favorise les bonnes relations entre la police et la collectivité qu'elle dessert (Trojanowicz et coll., 2002). Selon Horne (1992), " à compter des années 1990, à peu près tous les services de police du Canada avaient désormais l'expression " police communautaire " dans leurs mandats écrits ". Ainsi, nous pensions qu'il était important de tenter d'évaluer comment les policiers percevaient la relation entre leur service et la collectivité et la façon dont, le cas échéant, cela influait sur la manière dont ils exerçaient leur pouvoir discrétionnaire auprès des adolescents.
Nous avons interrogé les policiers sur la relation entre leur service de police et la collectivité et, en particulier, leur avons demandé s'ils étaient d'avis que la collectivité « appuyait »
leur travail. Les réponses ont été codées en cinq catégories : Solide appui signifie que les policiers ont répondu avoir de très bonnes relations avec la collectivité et disaient bénéficier de rétroactions régulières et réciproques de la collectivité. Appui général signifie des relations où les policiers reçoivent en moyenne l'appui de la collectivité. Il peut exister des domaines où la collectivité « n'est pas satisfaite » mais, en général, elle est heureuse du niveau et du type de service policier offert. Mixte signifie que les répondants ont affirmé, soit que la collectivité
était neutre, soit que parfois elle appuyait ou que certaines fois elle n'appuyait pas. Léger appui signifie un soutien tiède, c'est à dire qui n'est pas hostile mais qui n'est pas particulièrement favorable. Absence d'appui signifie des réponses allant d'un laconique « n'appuie pas » à celle d'un patrouilleur qui affirmait: « la collectivité… elle nous hait »
.
Afin de classer chaque service de police, nous avons dû combiner les réponses données par plus d'un policier au sein du service. Il a donc fallu créer une nouvelle catégorie - réponses multiples - désignant les services de police où les agents interviewés n'étaient pas d'accord entre eux sur la qualité des relations entre la police et la collectivité. Ainsi, 54 p. 100 des services et détachements policiers de notre échantillon cadraient avec cette catégorie, ce qui indique un désaccord assez marqué (peu évident pour la plupart des autres questions d'entrevue). Par conséquent, nous avons analysé cet aspect en utilisant comme unité d'analyse le policier individuellement, plutôt que le service de police. Seulement 56 des 194 policiers de notre échantillon ont répondu à cette question. Nous donnons la répartition des réponses à la figure III.17.
Figure III.17 Perception de l'agent de police des relations entre la collectivité et la police
Les résultats sont généralement conformes à d'autresrecherches [56]. En ce qui concerne la relation avec la collectivité, 62 p. 100 des répondants ont mentionné, un « appui général » ou un « solide appui ». Près du quart (23 p. 100) ont laissé entendre que les policiers n'étaient ni appuyés, ni non appuyés. Une minorité seulement des répondants (14 p. 100) ont indiqué une « absence d'appui » ou un « léger appui » de la part de la collectivité.
Les policiers des banlieues et des régions exurbaines estimaient qu'ils bénéficiaient d'un meilleur soutien de la collectivité que ceux des régions métropolitaines ou ceux des régions rurales et des petites villes et 83 p. 100 des policiers des banlieues et des régions exurbaines étaient d'avis que la collectivité les appuyait généralement ou fortement, comparativement à 63 p. 100 des policiers des régions rurales et des petites villes et à 56 p. 100 des policiers des zones métropolitaines. De même, aucun policier des banlieues et des régions exurbaines n'était d'avis que la collectivité ne l'appuyait pas ou l'appuyait un peu, comparativement à 6 p. 100 de ceux des régions rurales et des petites villes et à 33 p. 100 de ceux des centres métropolitains. Nous donnons la répartition régionale des réponses à la figure III.18.
Des recherches antérieures avaient permis de constater qu'il régnait « méfiance et soupçon réciproques »
entre les Autochtones canadiens et la police (Griffiths et Verdun Jones, 1994 : 92). Même si nous n'avons pas posé de question directe sur les rapports avec les Autochtones, les réponses à nos questions sur les relations entre la collectivité et la police appuient dans une certaine mesure cette opinion. Les policiers œuvrant sur des territoires ayant une réserve des Premières nations sont moins susceptibles de penser qu'ils bénéficient généralement ou fortement de l'appui de la collectivité (46 p. 100) que les autres policiers (67 p. 100). Les policiers œuvrant dans un service situé près d'une réserve qu'ils ne desservent pas sont également moins susceptibles de penser bénéficier généralement, ou beaucoup, de l'appui de la
collectivité (50 p. 100 comparativement à 65 p. 100 des autres policiers). Les policiers œuvrant dans un service desservant un secteur comportant beaucoup d'Autochtones hors réserve sont également moins susceptibles de croire qu'ils bénéficient généralement ou fortement de l'appui de la collectivité (56 p. 100 comparativement à 66 p. 100). Ils sont également deux fois plus susceptibles que les autres policiers de penser qu'ils ne bénéficient pas du tout ou seulement un peu de l'appui de la collectivité (22 p. 100 comparativement à 11 p. 100).
Figure III.18 Répartition générale de la perception des policiers de l'appui de la collectivité
On n'a constaté aucun rapport systématique entre les divers niveaux d'appui dont bénéficie la police de la part de la collectivité, d'une part, et l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers auprès des jeunes contrevenants, d'autre part. Une petite exception est celle des policiers qui, croyant qu'ils bénéficient de l'appui général ou solide de la collectivité, sont plus susceptibles (28 p. 100) que les policiers de collectivités bénéficiant d'un moindre appui (0 p. 100) d'œuvrer dans un service utilisant des citations à comparaître pour les infractions très mineures.
De façon générale, les policiers semblaient d'avis que de bonnes relations avec la collectivité favorisaient leur travail, mais que cela n'influait pas sur l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire lors d'incidents avec des adolescents. D'un autre point de vue, l'absence d'incidence entre la perception de la relation police-collectivité, d'une part, et l'exercice du pouvoir discrétionnaire, d'autre part, laisse croire que l'appui accordé par la collectivité à la police dépend rarement de la façon de travailler des policiers.
- [50] Nous analysons le rôle de la race (statut d'Autochtone) du contrevenant individuel dans la prise de décision au chapitre V ci dessous; nous nous attardons ici à l'incidence, s'il en est, sur la prise de décision des policiers qui travaillent dans une collectivité ayant une importante population autochtone.
- [51] Cependant, cette étude ne pouvait tenir compte des antécédents judiciaires, de l'attitude et de la préférence de la victime, ce qui pourrait expliquer en partie le taux élevé de mises en accusation.
- [52] Cependant, nos constatations comportent certaines limites en raison du fait que les entrevues ont été menées seulement auprès des policiers et non auprès de membres de la collectivité policée.
- [53] Le nom de l'adolescent a été modifié afin de protéger son identité.
- [54] Les noms des emplacements précis ont été remplacés par Nunavut afin de protéger l'identité de l'adolescent.
- [55] Cette question fait l'objet d'une analyse approfondie au chapitre II ci dessus.
- [56] Analysées par Griffiths et Verdun Jones (1994 : 89 92).
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