Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants
IV. Facteurs organisationnels influant sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers
1.0 Taille
La taille d'une organisation, habituellement mesurée d'après le nombre d'employés ou de membres, est selon certains théoriciens de l'organisation, sa caractéristique la plus fondamentale puisque celle-ci détermine tant d'autres caractéristiques. Plus l'organisation est grande, plus elle devient complexe et bureaucratique, car ceux qui la dirigent s'efforcent de coordonner et contrôler les activités d'un nombre de plus en plus grand de personnes (Blau et Schoenherr, 1971; Caplow, 1965; Grusky, 1961; Meyer, 1968). Par ailleurs, certains chercheurs en étude de l'organisation ont constaté que la taille de l'organisme n'est pas nécessairement un déterminant crucial des autres caractéristiques et comportements organisationnels (Hall et coll., 1967).
La taille des services et détachements de police de notre échantillon varie énormément. Le plus petit compte deux agents assermentés et le plus grand, 5 028. La taille moyenne est de 274 agents, mais la taille médiane, c.-à-d. la taille du service de police à mi-chemin entre le plus petit et le plus grand de l'échantillon, est de 40 policiers. Nous illustrons à la figue IV.1 la répartition des services de police de notre échantillon selon la taille, c'est à dire d'après le nombre d'agents.
Figure IV.1 Distribution des services de police de l'échantillon selon la taille
Nous avons analysé le rapport entre la taille des organisations policières de l'échantillon et divers aspects de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Toutefois, les données d'entrevues ne nous ont pas permis de tirer la moindre conclusion sur l'incidence de la taille de l'organisation sur la discrétion policière, en raison de l'effet confusionnel de la taille de la collectivité. Contrairement à la plupart des autres organisations, la taille d'un service de police dépend très fortement de la taille de la collectivité desservie (figure IV.2). Le rapport population/agents dans la collectivité ne varie que par une marge étroite dans les services policiers canadiens, soit rarement moins de 500 ou plus de 1 000 (voir, par exemple, Dunphy et Shankarraman, 2000). Ainsi, tous les aspects de la décision policière associées à la taille de la collectivité sont liés exactement de la même façon à la taille du service de police et l'influence de cette dernière ne peut être distinguée de celle de la collectivité. [57] Puisque la taille de la collectivité détermine dans une certaine mesure la taille du service de police qui la dessert, nous avons traité les aspects de la décision du policier à partir des données d'entrevue liées à ces deux facteurs en tant qu'effet de la taille de la collectivité et nous les avons analysées au chapitre III, section 4.1, de sorte que nous ne reprendrons pas ici cette analyse.
Figure IV.2 Taille des services de police, par type de collectivité
Nous avons, au chapitre III, section 4.1, constaté que les taux d'adolescents arrêtés et accusés par la police de 1998 à 2000, selon le programme DUC, variaient selon le type de collectivité : les services de police métropolitains accusaient 66 p. 100 des adolescents arrêtés, les services des banlieues et des régions exurbaines, 57 p. 100 et ceux des régions rurales et des petites villes, 61 p. 100. Nous n'avons pu dégager de rapport simple entre la taille du service de police et sa tendance à porter des accusations. Les services les plus petits (1 à 24 agents) affichaient le taux moyen le plus élevé d'accusation d'adolescents arrêtés (69 p. 100), suivis par les services comptant de 100 à 499 agents (67 p. 100), 500 agents ou plus (66 p. 100), de 25 à 49 agents (63 p. 100) et les services ayant un effectif de 50 à 99 agents (56 p. 100).
[57] Ce facteur est vrai mais, dans notre étude, nous n'avons pas classé les collectivité strictement en fonction de la population (voir chapitre III, section 4.1)
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