Le rôle de la victime au sein du processus judiciaire : une analyse bibliographique 1989 à 1999
3. Droits des victimes au Canada (suite)
- 3.2 Débat (suite)
3. Droits des victimes au Canada (suite)
3.2 Débat (suite)
3.2.2 Initiatives provinciales (suite)
3.2.2.1 Déclarations des droits des victimes
Les déclarations des droits des victimes s'inspirent des principes fondamentaux énoncés dans la U. N. Declaration on Basic Principles of Justice for Victims of Crime and Abuse of Power de 1985 (voir partie 4.0 de ce rapport). Avec certaines variantes mineures,presque toutes les déclarations des droits du Canada, des États-Unis ou d'Europe renferment des garanties identiques en ce qui concerne la notification et la consultation modeste dans le processus criminel. Bien qu'il existe certaines variantes sur ce thème, la plupart des déclarations des droits, qu'elles soient statutaires ou constitutionnelles, traitent des droits suivants ou de certains d'entre eux :
- être renseigné sur la décision finale concernant l'affaire;
- être avisé si une quelconque procédure devant le tribunal pour laquelle ces personnes ont reçu un subpoena n'aura pas lieu au moment prévu;
- bénéficier d'une protection contre l'intimidation des victimes et recevoir des renseignements quant au degré de protection disponible;
- être renseigné sur la procédure concernant l'attribution d'indemnités au témoin;
- bénéficier, si possible, d'une salle d'attente sécuritaire éloignée de l'endroit où les intimés attendent;
- se voir remettre le plus rapidement possible les biens personnels en possession des organismes d'exécution de la loi, si possible, et photographier les biens puis les retourner à leur propriétaire dans les 10 jours après qu'ils aient été pris;
- obtenir de l'employeur des garanties adéquates à l'effet que la perte de salaire ou d'autres avantages découlant des comparutions au tribunal sera minimisée.
Même si le professeur Waller écrivait que « en 1986, le Manitoba a réalisé une première dans l'histoire mondiale en étant la première compétence à enchâsser les principes de la Déclaration des Nations Unies dans sa propre loi » (Waller, 1990, p. 463), il semble qu'alors le Manitoba représentait clairement la première compétence canadienne à adopter une déclaration des droits des victimes, la province ne faisait peut-être qu'emboîter le pas à plusieurs compétences américaines qui avaient proposé ou édicté une semblable législation.
En faisant fond du thème de l'habilitation des victimes en leur accordant des droits de participation et de notification, les divers plans provinciaux affichent des différences mineures mais sont plus ou moins semblables dans leur nature (mais pas tout à fait aussi complets) à la disposition suivante, telle que tirée de l'article 2 de la législation ontarienne. Cette disposition fournit une liste assez représentative des divers droits obtenus par les victimes en Amérique du Nord :
- Les principes suivants s’appliquent au traitement des victimes d’actes criminels :
- Les victimes doivent être traitées avec courtoisie, avec compassion et dans le respect de leur dignité et de leur vie privée par les fonctionnaires du système judiciaire.
- Les victimes doivent avoir accès aux renseignements relatifs à ce qui suit :
- les services et les recours mis à la disposition des victimes d’actes criminels,
- les dispositions de la présente loi et de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels qui peuvent les aider,
- la protection qui leur est offerte pour empêcher toute intimidation illicite,
- l’état d’avancement des enquêtes se rapportant à l’acte criminel,
- les accusations portées à l’égard de l’acte criminel et, en l’absence d’accusations, les motifs pour lesquels aucune accusation n’est portée,
- le rôle de la victime dans la poursuite,
- les procédures judiciaires qui se rapportent à la poursuite,
- les dates et les lieux où se déroulent des étapes importantes de la poursuite,
- l’issue des instances importantes, y compris les instances en appel,
- les dispositions préparatoires au procès qui sont prises à l’égard d’un plaidoyer pouvant être inscrit par le prévenu au procès,
- la mise en liberté provisoire du prévenu et, en cas de déclaration de culpabilité, le prononcé de la sentence,
- les décisions rendues aux termes de l’article 672.54 ou 672.58 du Code criminel (Canada) à l’égard d’un accusé qui fait l’objet d’un verdict d’inaptitude à subir son procès ou d’un verdict de nonresponsabilit é criminelle pour cause de troubles mentaux.
- Les victimes d’un acte criminel prescrit doivent être avisées, si elles en font la demande, de ce qui suit :
- la mise en liberté imminente de la personne déclarée coupable ou toute requête visant à obtenir sa mise en liberté, notamment en vertu d’une permission de sortir accordée conform ément à un programme d’absence temporaire, d’une libération conditionnelle ou d’un laissez-passer d’absence temporaire sans escorte,
- l’évasion de la personne déclarée coupable.
- Si la personne accusée d’un acte criminel prescrit fait l’objet d’un verdict d’inaptitude à subir son procès ou d’un verdict de nonresponsabilit é criminelle pour cause de troubles mentaux, les victimes doivent être avisées, si elles en font la demande, de ce qui suit :
- toute audience que tient à l’égard de l’accusé la commission d’examen constitu ée ou désignée pour l’Ontario conform ément au paragraphe 672.38 (1) du Code criminel (Canada),
- l’ordonnance de la commission d’examen prescrivant l’absolution inconditionnelle ou sous condition de l’accusé,
- l’évasion de l’accusé.
- Les victimes d’agressions sexuelles, si elles en font la demande, ne doivent être interrogées au cours de l’enquête sur l’acte criminel que par des agents de police et des fonctionnaires du même sexe qu’elles.
- Les biens de la victime qui sont sous la garde de fonctionnaires du système judiciaire doivent lui être restitués promptement lorsqu’il n’est plus nécessaire de les garder aux fins du syst ème judiciaire.
- Les principes énoncés au paragraphe (1) sont subordonnés à la disponibilité des ressources et des renseignements, à ce qui est raisonnable dans les circonstances de l’espèce, à ce qui est compatible avec le droit et l’intérêt public ainsi qu’à ce qui est nécessaire pour garantir qu’aucun retard ne se produise dans le règlement des instances criminelles.
À l’exception d’un bref renvoi concernant l’adoption de ces déclarations des droits (Roach, 1999) il n’y a eu aucun commentaire sur cet exercice de la part des universitaires. La Déclaration des droits américaine a fait l’objet de commentaires sans fin, mais surtout à titre d’élément nécessaire au débat à savoir si ces droits devraient être enchâssés dans la Constitution. Même sans l’avantage que procure l’analyse universitaire, il semble que ces plans, bien que découlant d’un esprit noble, ne permettent pas une participation significative pour les raisons suivantes :
- Il n’existe aucun recours pour le non-respect des exigences en matière de notification. En conséquence, les procureurs ou la police (il n’est pas clair si l’une ou l’autre des institutions serait responsable) peuvent enfreindre la loi en toute impunité. Presque tous les plans comportent des dispositions semblables à l’article 2.5 de la législation ontarienne qui stipule : « Aucune nouvelle cause d’action ou réclamation ni aucun nouveau droit d’appel ou autre recours n’est fondé en droit sur le présent article ou sur ce qui est fait ou aurait dû être fait aux termes du présent article. » La législation de Colombie- Britannique accorde un certain soulagement en faisant en sorte que les infractions relèvent du mandat du protecteur du citoyen et récemment, le Manitoba a modifié sa législation afin de permettre que soit transmise pour fin d’enquête au directeur des services de soutien aux victimes une procédure de règlement des griefs.
- Même si on obéit à la règle de la notification, il n’existe pas pour la victime d’incitatif à participer au processus parce que la législation ne lui permet pas d’outrepasser l’exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre. La législation de Colombie- Britannique semble fournir une certaine forme d’examen ou de recours en cas d’infraction aux droits énumérés en déclarant que la Loi sur l’Ombudsman s’applique. Toutefois, l’ombudsman n’a pas le droit de faire enquête sur une quelconque décision de poursuivre liée à l’approbation d’une poursuite, sur le refus d’entreprendre avec des poursuites sur toute question liée à un retard dans la poursuite, sur toute décision d’annuler une poursuite et sur « l’exercice d’un quelconque autre aspect du pouvoir discrétionnaire de poursuivre ». En conséquence, l’ombudsman peut examiner une allégation selon laquelle un procureur a insulté une victime et à faire enquête à ce sujet, mais il ne peut pas enquêter sur une allégation selon laquelle le procureur a conclu un « marché favorable » avec l’accusé et permis une négociation de plaidoyer pour une accusation fortement réduite.
- Non seulement la victime n’a-t-elle aucun droit de veto en ce qui concerne les décisions importantes qui la touche, mais la législation ne rend pas généralement obligatoire le droit de participer aux procédures. Par exemple, la Colombie- Britannique, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard possèdent des dispositions qui exigent d’entendre le point de vue des victimes dans la mesure où c’est « approprié et cohérent par rapport aux droits et à la procédure criminels ». Comme le gouvernement fédéral exerce un pouvoir constitutionnel sur « le droit et la procédure criminels », on peut plaider que la législation provinciale ne peut étendre davantage la participation de la victime d’une façon significative avant que le gouvernement fédéral n’ait déterminé si le processus judiciaire devrait comporter une forme de participation plus importante que la déclaration de la victime.
- Les textes législatifs ne prévoient pas la représentation par avocat sauf en ce qui concerne l’article 3 de la législation de la Colombie-Britannique qui autorise qu’une victime soit représentée par un avocat nommé par l’État en ce qui concerne la production ou la divulgation de renseignements personnels ou privés sur la victime. La représentation par avocat constitue une composante intégrale de la mise en œuvre efficace des droits. Les victimes bénéficient d’une vaste gamme de droits reconnus par la loi mais ne bénéficient jamais de conseils juridiques indépendants pour les aider dans l’exercice de leurs droits.
Même si les déclarations des droits des victimes n'ont encore suscité aucun débat critique, il y a eu récemment une affaire dans laquelle l'interprétation adéquate de la déclaration ontarienne des droits a été remise en question (Vanscoy et Even c. Sa Majesté la Reine du Chef de l'Ontario, (1999) O. J. no 1661 (C.S.O.)). Deux victimes d'actes criminels avaient allégué que leurs droits avaient été violés parce qu'elles n'avaient pas été avisées des dates d'audience prochaines du tribunal et n'avaient pas été consultées en ce qui avait trait aux ententes de résolution de plaidoyer. Elles sollicitaient un jugement déclaratoire en vertu de la Charte des droits et libertés à l'effet que l'article 2.5 de la Loi (la disposition empêchant les poursuites civiles pour des infractions à la loi) violait l'article 7 (justice fondamentale) de la Charte. On plaidait que la création d'un droit sans un recours violait les principes de justice fondamentale. Le juge a rejeté la demande en se fondant sur le fait que la Déclaration des droits ne procurait en fait aucun droit pour lequel on devrait fournir un recours. Le tribunal déclarait :
[TRADUCTION]
J'en conclus que la législature ne précisait pas que l'article 2.1 de la Déclaration des droits des victimes devait procurer des droits aux victimes d'actes criminels. La Loi articule un certain nombre de principes dont la force ne se limite pas qu'à un langage précatif mais également à une myriade d'autres facteurs qui font partie des vastes rubriques de la disponibilité des ressources, du caractère raisonnable dans les circonstances, de la cohérence par rapport au droit et à l'intérêt public et de la nécessité de s'assurer que les procédures se règlent rapidement. En dernier lieu, même s'il survenait une violation indéfendable de ses principes, la législation écarte la possibilité de tout recours concernant le présumé méfait. Alors que les demandeurs peuvent être déçus des efforts de la législature, ils n'ont aucune prétention devant les tribunaux pour cette raison (Vanscoy et Even c. Sa Majesté la Reine du Chef de l'Ontario, (1999) O. J. no 1661 (C.S.O.)).
3.2.2.2 Aide aux victimes-témoins
En ce qui concerne l'aide aux victimes, la gamme de services disponibles est large et elle varie d'une province à l'autre. L'aide aux victimes peut être dispensée de différentes façons, mais il existe deux manières particulières de fournir ces services : par le biais d'un programme d'aide aux victimes-témoins qui sert à guider les victimes dans les méandres du processus judiciaire ou par le biais du counseling et de l'aide financière que fournissent les organismes de bien-être social. Les années 1980 ont été témoins d'une série d'études d'évaluation des services aux victimes dans diverses compétences canadiennes, mais dans les années 1990, les évaluations ont été peu nombreuses et distanciées. En outre, la plupart des études d'évaluation concernent la fourniture des services sociaux et on a peu examiné les programmes d'aide aux victimestémoins et la satisfaction envers l'administration de la justice pénale.
En 1984, on a réalisé une étude sur l'incidence du programme d'aide aux victimes-témoins de Winnipeg (Brickey, 1984) et les victimes ont signalé que le programme présentait de la valeur parce qu'il fournissait la réponse aux questions sur le processus judiciaire et qu'il diminuait les tensions découlant de la nature impersonnelle du processus du tribunal. On a recommandé que le programme soit prolongé. Depuis cette étude, la majorité des autres études ont mis l'accent sur la fourniture de services sociaux. Toutefois, en 1987, un examen du programme d'aide aux victimes-témoins du Yukon révélait que ce programme desservait de manière efficace sa population cible, même si plusieurs victimes ignoraient l'existence du service et qu'en conséquence, celui-ci était sous utilisé.
Meredith a examiné les programmes d'aide aux victimes à Richmond (Colombie-Britannique) et constaté un niveau de satisfaction relativement élevé de la part des victimes en ce qui concernait les services fournis par la police, toutefois, on a exprimé certaines inquiétudes concernant les besoins non satisfaits en matière de fourniture de renseignements sur les progrès de l'affaire et les services aux victimes. Il concluait que « dans l'ensemble, les enquêtes générales menées dans le cadre de ce rapport n'indiquent pas que les procédures et services actuels du système judiciaire et du système des services sociaux de Richmond laisseinsatisfaits d'importants besoins des victimes d'actes criminels. À quelques exceptions près, les participants à l'enquête croyaient que le système judiciaire les avait bien traités. Le portrait esquissé dans ce rapport ne présentait pas des victimes brutalisées ou traitées de façon grossière par les policiers et les tribunaux ». (Meredith, 1984, p. 57)
Stuebing (1984) a évalué le vécu, les préoccupations, les problèmes et les besoins de 402 victimes d'actes criminels à Red Deer (Alberta). Il a cerné cinq sources générales d'insatisfaction :
- traitement des témoins;
- indulgence perçue;
- traitement de l'affaire par le procureur de la Couronne;
- le manque d'informations avant le procès;
- le fait de n'avoir pas eu la possibilité de témoigner.
De plus, il a identifié cinq domaines qui nécessitent une amélioration :
- le fait de fournir de façon plus systématique et complète des informations aux victimes et témoins d'actes criminels;
- le fait de réagir en cas de crise et de fournir aux victimes des services de suivi d'une façon moins incohérente et moins arbitraire;
- développer et élaborer davantage l'unité de prévention de la criminalité et des relations de la police avec la collectivité;
- une formation régulière à l'intérieur afin que la police connaisse mieux les besoins des victimes et qu'elle appuie davantage les initiatives en faveur des victimes;
- une plus grande utilisation des possibilités actuelles de réparation et d'indemnisation ainsi qu'un réexamen des restrictions actuelles concernant le recours à ces pratiques.
De même, Weiler et Desgagné ont examiné le rôle de la victime en tant que témoin et concluent que les services aux victimes étaient déficients sauf en ce qui concernait les services dispensés aux victimes d'exploitation sexuelle. Le rapport indiquait :
[TRADUCTION]
L'évolution des services aux victimes dans le domaine du développement social semble se limiter surtout aux programmes spécialisés d'aide aux victimes ainsi qu'aux initiatives en matière de formation pour les professionnels qui s'occupent de questions d'exploitation sexuelle et de violence familiale. Il existe peu d'indices suggérant que les principales initiatives ont été mises en ouvre par les personnes responsables de faciliter et développer les services d'aide aux victimes en favorisant ou en appuyant une évolution adaptée à la gamme d'exigences de soins personnels et de services financiers des victimes en général. La réalité contraste considérablement avec le solide appui et l'intérêt exprimés dans le cadre des enquêtes et des conférences depuis 1980 parmi de nombreuses organisations du domaine du développement social. Cela ne correspond pas aux inquiétudes constantes qu'exprimaient de nombreux chefs de file représentant la police, la Couronne et les tribunaux à l'effet que le réseau actuel de développement social devrait assumer de façon plus directe la responsabilité de plusieurs services sociaux nécessaires aux victimes. Ces facteurs, combinés à l'intérêt général d'éviter des chevauchements inutiles de services et d'améliorer l'efficacité du recours au système de services actuel, soulèvent un certain nombre de questions qui méritent un examen. Qui devrait assumer le financement et l'administration de la gamme de services aux victimes fondés sur le développement social tel le counseling en matière de santé mentale? De quelle façon doit-on planifier et élaborer ces services? Qui devrait s'en charger? Quel rapport doit être développé entre les personnes responsables de la justice pénale et les systèmes de développement social en ce qui concerne la planification, l'élaboration et la coordination de ces services? (Weiler et Desgagné, 1984, p. 55)
Muir (1984; 1986) s'est penché sur la fourniture de services aux victimes à Calgary. Elle a cerné deux préoccupations à savoir une notification adéquate concernant le processus du tribunal, et l'indemnisation. Il est ironique de constater que ce sont les professionnels du milieu juridique et non, de façon générale, les victimes qui ont exprimé la nécessité de l'indemnisation et de la réparation; toutefois, le faible niveau de besoins financiers exprimés pourrait découler « du peu de connaissances concernant les divers types d'indemnisation disponibles » (Muir, 1984b, p. 74). Elle a également examiné l'unité sur les victimes et les crises au sein de laquelle une division spéciale de la police composée de volontaires fournissait à la fois des services de crises et des renvois aux services sociaux. Les victimes jugeaient de manière favorable les services dispensés par cette unité et les victimes qui avaient recours à ce service faisaient état d'un plus haut degré de satisfaction que les victimes qui n'avaient pas utilisé le service. Muir (1986) a émis quelques recommandations afin d'améliorer la fourniture de services sociaux par la police et elle a recommandé en particulier que la police reçoive une formation adéquate sur les questions liées aux victimes et que l'on crée un mécanisme qui « établirait un pont » entre les services disponibles dans la collectivité et le service dispensé par la police sur les lieux.
Un rapport de Canyltec Social Research (1987) soulignait l'importance de la relation entre les services de la police et les services communautaires. Ce rapport révélait que le taux de satisfaction des victimes augmentait lorsque les services étaient dispensés par des bénévoles du voisinage plutôt que par des volontaires du quartier général de la police. Même si les données n'appuyaient pas entièrement une préférence à l'endroit des services dispensés par le voisinage, elles suggéraient qu'il fallait réaliser d'autres études afin de déterminer si le modèle informel de prestation de services du voisinage serait davantage efficace que le service conventionnel de la centrale de police. Currie (1987) concluait également après avoir examiné le Victim Support Worker Program (programme destiné aux professionnels de l'aide aux victimes) à Vancouver (service aux enfants victimes d'exploitation sexuelle) qu'un programme fondé sur la collectivité fournit le meilleur type de soutien. En dernier lieu, un examen du Child Victim-Witness Support Program (programme de soutien aux enfants victimes-témoins) à Toronto en 1992 concluait que les organismes de protection de la jeunesse et le système judiciaire manquaient tous deux de données adéquates qui pourraient constituer une assise rationnelle permettant de planifier des programmes efficaces. Avec l'augmentation des témoignages d'enfants (découlant des modifications à la Loi sur la preuve au Canada qui facilite le témoignage des enfants), on en est venu à la conclusion que le système judiciaire est mal équipé pour traiter ces enfants et qu'il est indispensable d'éduquer davantage les représentants du système judiciaire afin de trouver des façons efficaces de répondre aux besoins particuliers des enfants-témoins (Campbell Research, 1992). Bragg a passé en revue les premières études sur l'aide aux victimes et conclu que les victimes avaient trois besoins fondamentaux et que ces besoins devraient être satisfaits non seulement par la police mais également grâce aux efforts coordonnés de divers organismes sociaux. En ce qui concerne les besoins des victimes, elle déclarait :
[TRADUCTION]
À partir de ces études, la Division de la recherche a pu accumuler nombre de renseignements concernant les besoins des victimes ainsi que le niveau des services disponibles pour satisfaire ces besoins. De façon générale, il semble qu'il existe, selon les victimes, trois types de besoins en matière de services. Immédiatement après un incident, les victimes ont besoin de soutien affectif, d'une oreille sympathique, et, les victimes gravement traumatisées ont besoin de counseling. Ce sont d'habitude les amis et les parents qui satisfont ces besoins au moment d'une crise. Les unités de crises des services de police et divers organismes de services sociaux comme les maisons de transition et les centres de crises peuvent fournir une aide professionnelle. Il se peut que les victimes de violence conjugale aient besoin d'un refuge d'urgence, de transport d'urgence vers un endroit sécuritaire et, pour celles qui tentent de trouver un refuge ailleurs que chez elles, une aide financière d'urgence. Ce sont surtout les amis et les parents, et parfois les maisons de transition, qui comblent ces besoins. Outre les besoins ci-haut mentionnés, certaines victimes d'actes criminels font également état de la nécessité d'obtenir des soins médicaux d'urgence ou des réparations urgentes à la maison.Les services de suivi, habituellement sous forme de renseignements, représentent le deuxième type de services que désirent les victimes. En ce qui concerne les victimes en général, ces services sont plus souvent mentionnés que la nécessité de services au moment d'une crise. La plupart des victimes souhaiteraient obtenir davantage d'informations sur l'évolution de leur affaire. Les victimes de crimes contre la propriété sont également intéressées à obtenir des renseignements en matière de prévention de la criminalité ainsi qu'à recouvrer rapidement leurs biens. La majorité des victimes ignorent les services que dispensent différents organismes d'aide aux victimes d'actes criminels et souhaiteraient obtenir davantage d'informations sur la disponibilité des services dans la collectivité. Ceci est particulièrement vrai des victimes de violence conjugale, qui exigent également de l'information sur les options et les procédures judiciaires.
Les victimes qui reçoivent un subpoena à titre de témoin font état d'un troisième type de besoins liés au tribunal. Le processus du tribunal, le rôle des témoins et leurs droits mystifient habituellement les témoins. Ils aimeraient également savoir ce qu'il est advenu de l'affaire (la plupart d'entre eux n'étant pas informés à l'issue de l'affaire). (Bragg, 1986, p. 4-5)
En ce qui concerne le fait de planifier pour l'avenir, Bragg faisait remarquer :
[TRADUCTION]
Il est également survenu un changement dans le type de programmes auxquels participent les projets de recherche. Le fait que les victimes aient de multiples besoins et que les organismes distincts de la justice pénale et de la collectivité, qui ouvrent de manière isolée, ne satisferont sans doute pas adéquatement les besoins des victimes constitue une importante conclusion de quelques-unes des premières études. Cette conclusion a donné lieu au déploiement d'efforts coordonnés afin d'aider les victimes. Compte tenu de cette perspective, tout en reconnaissant le mandat du Ministère en ce qui a trait au maintien de l'ordre, les projets actuels font généralement partie des programmes coordonnés plutôt que de se concentrer sur l'aide aux victimes liée à la police. (Bragg, 1986, p. 16)
En 1991, le ministère de la Justice a réalisé une étude sur les besoins des victimes et les services aux victimes en Nouvelle-Écosse (Murphy, 1991). Après avoir constaté une disparité dans la fourniture des services, le rapport recommandait d'accorder une priorité de financement aux victimes en milieu rural, aux personnes âgées, aux enfants et aux victimes d'exploitation sexuelle ou de violence familiale. L'étude recommandait également l'élaboration de normes provinciales pour les exigences en matière de services et suggérait qu'on attache à la victime un défenseur des droits des victimes ou un agent de traitement des cas afin de faciliter l'accès aux services.
Le rapport annuel de la Division des services aux victimes (1998)de la Nouvelle-Écosse passait en revue divers modèles de prestations d'aide aux victimes et concluait que le meilleur modèle de fourniture de services serait un modèle qui aurait ses assises au ministère de la Justice mais serait administré par du personnel indépendant des représentants de la justice pénale.
En faisant fond d'un rapport réalisé par des groupes de défense des droits des victimes (le Canadian Resource Centre of Victims of Crime), la Division des services aux victimes en est venue à la conclusion suivante en ce qui a trait aux modèles de fourniture de services :
[TRADUCTION]
Les services régionaux aux victimes ont été créés en 1992 par suite d'une étude de recherche sur les besoins des victimes d'actes criminels. Dans ce rapport de 1991 intitulé Victims' Needs and Service in Nova Scotia, le docteur Christopher Murphy déclarait que : « par l'entremise de la Division des services aux victimes, la provinceNouvelle-Écosse. a la responsabilité officielle de dispenser des services et de protéger les droits des victimes dans l'ensemble de la province ».Après avoir examiné les divers modèles de fourniture de services, le docteur Murphy recommandait d'adopter une approche fondée sur le système. Le service devait être situé à l'intérieur du ministère de la Justice, mais être indépendant des fonctions d'exécution (c.-à-d. tribunaux police services de poursuite, services correctionnels) permettant ainsi au personnel d'adopter un rôle de défenseur au sein du système. En outre, le programme aurait de solides liens avec la collectivité afin d'établir une interconnexion avec les autres services destinés aux victimes d'actes criminels. À cette époque, on considérait le modèle de fourniture de services fondé sur le système comme une espèce d'hybride. Les modèles existants se fondaient d'habitude sur la police, la Couronne ou le tribunal, ou encore sur la collectivité. Par la suite, le modèle a été bien accepté. Dans un récent rapport sur les services aux victimes intitulé Balancing the Scales: The State of Victims' Rights in Canada (produit par le Centre canadien de documentation sur les victimes d'actes criminels [1998]), on a cerné quatre types de modèles de fourniture de services :
- les services aux victimes qui relèvent de la police : habituellement situés dans les centrales de police, ces types de programmes sont conçus pour aider les victimes aussitôt que possible après leur premier contact avec le système judiciaire. Les types de services que peuvent comprendre les programmes fondés sur la police sont : les avis de décès, les renseignements sur les systèmes judiciaires, les renseignements sur l'enquête, une aide concernant les déclarations de la victime et les demandes d'indemnisation pour des blessures résultant d'actes criminels, les renvois, etc.
- les services aux victimes-témoins qui relèvent de la Couronne ou du tribunal : ces services sont habituellement situés dans les palais de Justice et ils collaborent très étroitement avec les bureaux des procureurs de la Couronne. Ils mettent l'accent sur la préparation au tribunal. Les types de services offerts peuvent être : des renseignements sur le processus du tribunal, des visites guidées du palais de Justice, un soutien affectif tout au long du processus du tribunal, le fait de faciliter les rencontres avec la Couronne, le travail avec des enfants victimes-témoins, etc. De toute évidence, les victimes n'ont qu'un seul contact avec les programmes qui relèvent de la Couronne ou du tribunal si la police identifie et arrête un suspect.
- les services aux victimes qui relèvent de la collectivité : ces types de programmes ne sont actuellement pas exploités par le gouvernement, mais ils peuvent bénéficier d'un financement gouvernemental. D'habitude, ces programmes se spécialisent également selon le type de victimes auxquelles ils ont à faire, c'est-à-dire les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, les maisons de transition liées à la violence conjugale, etc.
- les services qui relèvent du système : il s'agit là d'une approche relativement nouvelle vis-à-vis de la fourniture d'aide aux victimes puisque ces services ne relèvent ni de la police, ni de la Couronne mais du système. Ceci signifie que la victime ne doit se rendre qu'à un endroit pour obtenir les types de services auxquelles elle peut avoir accès de la part des programmes qui relèvent de la police et de ceux qui relèvent de la Couronne. Cemodèle a été adopté à la fois par l'Èle-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse.
En discutant des différents modèles de services aux victimes, le rapport du Centre canadien de documentation sur les victimes d'actes criminels concluait que :
[TRADUCTION]
Le meilleur modèle de services aux victimes est sans doute celui qui peut aider différents types de victimes à cheminer dans le Système. Par exemple, les besoins des victimes de violence familiale diffèrent de ceux des parents d'un enfant assassiné. Le meilleur service est également celui qui peut fournir de l'aide et des renseignements sur tous les droits que possèdent la victime tels les programmes d'indemnisation, le texte des lois provinciales, la protection qu'offre le Code criminel aux jeunes témoins et aux victimes d'agression sexuelle, les services disponibles au sein de la collectivité, etc. Le service devrait également aider les victimes à communiquer à la fois avec la police et avec la Couronne. (Centre canadien de documentation, p. 6-7)
En dernier lieu, de récentes études ont été consacrées à la Saskatchewan Victims of Domestic Violence Act (loi sur les victimes de violence familiale en Saskatchewan). Cette loi a été promulguée en 1995 pour offrir des mécanismes particuliers de protection aux victimes de violence familiale. Des ordonnances d'interventions d'urgence peuvent être obtenues auprès du tribunal du Banc de la Reine afin de faciliter l'accès aux recours financiers à long terme et des mandats d'entrée peuvent être émis pour permettre à la police d'entrer dans une résidence afin d'en faire sortir un co-occupant et recueillir des preuves de victimisation. En 1996, une étude d'évaluation indiquait que le programme de sensibilisation était minimal et que la police et les tribunaux n'avaient pas un système efficace de suivi des affaires (Prairie Research, 1996). Une étude de suivi réalisée en 1999 révélait que les ordonnances d'interventions d'urgence offraient une protection à court terme efficace mais que, en raison du manque de formation, les recours à plus long terme au moyen d'une ordonnance d'aide aux victimes s'étaient révélés inefficaces (Prairie Research, 1999).
3.2.2.3 Dédommagement
Comme cela s'est produit pour de nombreux programmes de bienêtre social, les programmes provinciaux d'indemnisation de victimes d'actes criminels ont été attaqués comme étant « d'application tout à fait restreinte et en état de siège » (Roach, 1999a, p. 300) mais peu d'articles ont été écrits sur le sujet au cours des années 1990 et la documentation disponible est, de façon générale, davantage descriptive que prescriptive. Faieta (1989) et Bailey (1989) décrivent dans les grandes lignes le fonctionnement de divers programmes d'indemnisation en mettant l'accent sur l'Ontario. Burns (1992) présente un guide détaillé du fonctionnement de tous les programmes provinciaux et son évaluation glob-ale de leur fonctionnement est encourageante :
[TRADUCTION]
Les programmes sont encore relativement nouveaux et leurs administrateurs ont fonctionné selon des directives législatives qui étaient parfois ambiguës et parfois très étroites. On ne peut douter que les programmes aient démontré leur valeur. Des victimes sans nombre d'actes criminels ont reçu et continuent de recevoir une indemnisation pour des blessures qu'elles ont subies par suite de leur victimisation. Le fait que plusieurs des programmes semblent comporter des règles inclusives arbitraires concernant le recouvrement de l'indemnité peut constituer un argument en faveur de l'expansion de leur portée plutôt qu'en faveur de leur démembrement pour motif d'iniquité sociale. À cette étape, toutefois, les programmes ont évolué sur le plan des compétences et de la pratique ont évolué jusqu'à un point qui continue, apparemment, de satisfaire la majeure partie du public, les législateurs et (présumément) les administrateurs eux-mêmes. Compte tenu des ressources et de la possibilité d'y avoir accès, les programmes devraient également satisfaire dans une large mesure la plupart des victimes d'actes criminels. (Burns, 1992, p. 367-368)
Il se peut que les problèmes concernant l'indemnisation découlent surtout du fait que la nature et la fonction du service provincial sont méconnues. Une étude réalisée par le Solliciteur général du Canada (Solliciteur général, 1984) révélait que seulement 13 % des victimes avaient été renseignées sur leurs droits de tenter d'obtenir une indemnisation à titre de victime d'un acte criminel. Cette étude examinait le degré de sensibilisation des victimes de cette région urbaine et concluait qu'on pouvait réaliser l'assujettissement fiscal grâce à des exigences en matière d'admissibilité et à des plafonds selon la sentence et qu'on ne devrait pas obtenir l'assujettissement fiscal par le biais d'une répartition inégale et arbitraire de la sensibilisation et de l'information.
Au delà de ces articles et livres largement descriptifs, il existe également une vaste documentation de nature critique qui examine le fait que les commissions d'indemnisation n'aient pu reconnaître que la violence envers les femmes relève de la nature des relations homme-femme. Ces articles, qui critiquent les décisions de refus d'indemnisation aux femmes violentées, présentent des arguments convaincants en faveur d'une restructuration des critères d'admissibilité (Hughes, 1993; Langer, 1991; Weigers, 1994; Sheehy, 1994). Les commentaires plaident que souvent, les tribunaux « jettent le blâme sur la victime » et que ceci a donné lieu au rejet de demandes valables en droit de la part des femmes violentées et des prostituées. Au cours des années 1980, une évaluation de l'indemnisation réalisée au Québec confirmait que 21,7 % des demandes étaient rejetées par la faute de la victime (Baril et coll., 1984). On a également formulé des plaintes concernant l'approche excessivement bureaucratique du tribunal en ce qui a trait au traitement des allégations. En 1994, le Comité permanent sur l'administration de la justice en Ontario n'a pas mentionné le fait de « jeter le blâme sur la victime » comme étant un problème récurrent, mais il a cité les délais injustifiés ainsi que les niveaux inadéquats d'indemnisation comme étant des problèmes importants (Assemblée législative de l'Ontario, 1994).
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