3.0 Contexte de l’étude et cadre fédéral
Pour reprendre les mots de l’ancienne juge en chef Beverley McLachlin, l’accès à la justice est « le plus grand défi auquel est confronté actuellement le système de justice canadien ». Les cliniques juridiques communautaires sont considérées comme un modèle de prestation qui facilite considérablement l’accès à la justice.
Afin de mieux connaître la nature des cliniques juridiques communautaires et des centres de justice au pays, Justice Canada a retenu les services de Tim Roberts & Associates Consulting pour effectuer cette recherche. L’étude s’est déroulée de janvier à août 2021, au moment où le chercheur principal collaborait étroitement avec un comité consultatif fédéral. Ce projet visait surtout à apporter des réponses aux questions suivantes :
- Quelles cliniques trouve-t-on au Canada et quels sont les types de modèles de prestation de services utilisés dans l’ensemble du pays? Quels services juridiques ces cliniques offrent-elles aux clients?
- Quels sont les modèles de financement des cliniques juridiques et quels sont leurs liens (financement, rapports ou autres) avec les régimes d’aide juridique et les gouvernements provinciaux? Quelles stratégies les cliniques juridiques ont-elles mises en place pour obtenir du financement, particulièrement dans le contexte de la pandémie?
- Quel est le profil sociodémographique de la clientèle qui a recours aux services des cliniques juridiques? Les caractéristiques sociodémographiques et les besoins juridiques varient-ils entre les clientèles rurales, urbaines et des régions éloignées?
- Quels sont les besoins juridiques des clients qui ont recours aux services d’une clinique juridique? Comment ces besoins sont-ils déterminés?
- Quelles données ces cliniques collectent-elles?
- Dans le contexte de la pandémie, quelles mesures les cliniques juridiques ont-elles mises en place pour servir leurs clients?
La définition d’une clinique juridique dans la présente étude comprend les éléments suivants :
- Mode de prestation de services
Une clinique juridique fournit des conseils, des renseignements ou une assistance de nature juridiques, soit :- directement par un avocat;
- par un parajuriste placé sous la supervision directe d’un avocat;
- par un avocat profaneNote de bas de page 4 ou un autre membre du personnel interne non juridique (p. ex., stagiaires en droit, étudiants en droit, chargés de dossiers juridiques) placé sous la supervision directe d’un avocat.
- Il est possible de fournir les conseils, les renseignements ou l’assistance juridiques en question sous les formes suivantes :
- à l’interne (c.-à-d. dans un environnement physique, y compris dans des cliniques satellites);
- sous forme de conseils secondaires ou de sensibilisation auprès d’organismes communautaires qui aident les personnes aux prises avec des problèmes juridiques;
- par l’entremise de ressources en ligne.
- Type de questions juridiques
Son étude étant financée par le gouvernement fédéral, l’entrepreneur devait inclure dans tous les cas des cliniques juridiques qui traitent des questions qui relèvent de la compétence fédérale (p. ex., droit pénal, mariage et divorce, immigration et réfugiés, insolvabilité, programme fédéral de soutien du revenu). Il a toutefois été décidé de ne pas faire de distinction avec les cliniques qui s’occupent également des questions de compétence provinciale. Ce procédé s’explique par le fait que la majorité des cliniques visées par l’étude traitent des questions relevant à la fois de la compétence fédérale et provinciale, et que les demandes sont reçues selon une approche « holistique ». Cela signifie qu’à l’exception de certaines cliniques spécialisées, les cliniques juridiques ne se présentent pas comme prenant en charge seulement certains types de cas spécifiques à une administration. Elles visent plutôt à aider les personnes aux prises avec des problèmes juridiques et, au cours du processus d’admission, à déterminer l’étendue des services qui leur seront offerts. Le tout peut se limiter à l’identification de documents de vulgarisation et d’information juridiques (VIJ) ou s’étendre à la prestation de services de renseignements ou de conseils juridiques limités (p. ex., d’une durée de 30 minutes). Dans certains cas, il peut s’agir d’un renvoi vers l’aide juridique (selon l’orientation de la clinique) ou vers un avocat du secteur privé pour s’occuper du cas. - Distinction par rapport aux services gouvernementaux directs
Le terme « clinique » tel que défini dans la présente étude n’inclut pas les services juridiques directs offerts par des employés du gouvernement. Par exemple, les centres de justice familiale de la Colombie-Britannique ne seraient pas inclus, dans la mesure où leurs employés sont des fonctionnaires accrédités comme conseillers en justice familiale qui offrent un service direct aux personnes en situation de séparation ou de divorce. Par ailleurs, seraient inclus les services cliniques fournis sous la direction d’un conseil d’administration local (centres de justice de proximité au Québec, cliniques juridiques communautaires en Ontario, etc.) Il est possible de créer un conseil d’administration uniquement pour la clinique elle-même ou pour un service communautaire global dont elle fait partie. Par conséquent, bien qu’une clinique d’aide juridique puisse offrir des services d’avocats financés par un organisme d’aide juridique, la principale caractéristique distinctive de ces services est qu’ils sont employés par des organismes dont le conseil d’administration est indépendant du régime d’aide juridique.
3.1 Cadre fédéral
Comme il a été mentionné dans la section précédente, la définition des cliniques juridiques dans cette étude comprend la prestation de services de renseignements, de conseils et parfois de représentation pour des questions clés qui relèvent de la compétence fédérale (mais n’exclut pas non plus les questions de compétence provinciale). En guise de contexte, la présente section résume les principaux secteurs de programme offerts au pays par Justice Canada. Les différentes informations sont résumées ou reprises textuellement des trois sites mentionnés dans les notes en bas de page ci-dessous.
Les programmes fédéraux sont répartis en quatre grands volets :
- Le programme d’aide juridique
Le programme d’aide juridique est un programme à frais partagés qui verse des contributions aux provinces et aux territoires. Les services d’aide juridique diffèrent des cliniques juridiques, en ce sens qu’ils fournissent principalement aux clients admissibles des conseils et une représentation par avocat. Au Canada, il existe actuellement trois modèles de prestation de services d’aide juridique, soit le modèle des avocats salariés, le modèle d’assistance judiciaire et le modèle mixte. Avec le modèle des avocats salariés, les avocats qui fournissent les services sont employés directement par les régimes d’aide juridique. Avec le modèle d’assistance judiciaire, les services sont fournis par des avocats en pratique privée, qui sont payés par le régime d’aide juridique en fonction des tarifs en vigueur. Le modèle mixte fait appel à une combinaison de salariés et d’avocats du secteur privé pour fournir les services d’aide juridique.
Le financement du programme d’aide juridique couvre les domaines suivants :- la prestation de services d’aide juridique aux jeunes qui font face à des poursuites sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et aux personnes économiquement défavorisées qui sont accusées d’infractions criminelles graves ou complexes et risquent d’être incarcérées, ou qui font face à des poursuites en vertu de la partie XX.1 du Code criminel ou de la Loi sur l’extradition, ou qui sont mises en cause dans des appels interjetés par la Couronne ou qui, dans certains cas, interjettent elles-mêmes appel;
- la prestation de services d’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés dans les six provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba, Ontario, Québec et Terre-Neuve-et-Labrador) qui offrent actuellement des services d’aide juridique aux personnes engagées dans le système d’immigration et de détermination du statut de réfugié en vertu des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;
- la gestion, au nom du gouvernement fédéral, des affaires nécessitant les services d’un avocat payé par l’État dans les cas où le tribunal ordonne au procureur général du Canada de fournir un avocat de la défense payé par l’ÉtatNote de bas de page 5.
- un soutien financier aux organismes offrant des avis juridiques à des victimes de harcèlement sexuel en milieu de travail, sans égard à leur situation économique.
- Programme juridique de partenariats et d’innovation (PJPI)
- Le PJPI soutient diverses initiatives qui sont en phase avec les changements qui influencent le système de justice canadien. En tant que programme discrétionnaire de subventions et de contributions, le PJPI transfère des fonds à des tiers pour mener des activités qui répondent à ses objectifs.
- L’un des principaux secteurs de financement du PJPI permet aux dix organismes désignés de vulgarisation et d’information juridiques (VIJ) de promouvoir un meilleur accès à la justiceNote de bas de page 6.
- Des fonds provenant du budget 2021 ont également été mis à disposition par le biais du PJPI pour la conception et la diffusion de campagnes de VIJ visant à mieux informer les travailleurs de secteurs d’emploi spécifiques sur leurs droits et sur la manière d’obtenir de l’aide s’ils ont été harcelés au travailNote de bas de page 7.
- Ententes sur les services d’accès à la justice (ESAJ)
- Les ESAJ sont des ententes de financement entre le gouvernement fédéral et les trois territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut). Elles constituent le dispositif de soutien financier du gouvernement du Canada pour la prestation de services d’accès à la justice dans le Nord. Le financement est fourni pour la VIJ, l’aide juridique (pénale et civile) et les services d’assistance parajudiciaire aux AutochtonesNote de bas de page 8.
- Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones
- Le soutien financier fédéral pour le Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones est assuré par des accords de contribution avec les gouvernements provinciaux participants.
- Dans la plupart des administrations, les services d’assistance parajudiciaire aux Autochtones sont offerts par des organismes de prestation de services dans le cadre d’ententes signées avec les gouvernements provinciaux-territoriaux. Au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest, les conseillers parajudiciaires sont en fait des employés du gouvernement provincial-territorial. Au Nunavut, les services parajudiciaires sont assurés par des cliniques d’aide juridique.
- Il existe des programmes d’assistance parajudiciaire aux Autochtones dans toutes les provinces et territoires, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Nouveau-Brunswick. À l’échelle nationale, plus de 180 conseillers parajudiciaires offrent des services à quelque 60 000 clients autochtones annuellement dans plus de 450 collectivitésNote de bas de page 9.
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