Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, Évaluation
2. Description du fonds d'appui
- 2.1. Contexte
- 2.2. Logique du Fonds d'appui
- 2.3. Structure de gestion
- 2.4. Ressources
2. Description du fonds d'appui
Cette section décrit le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Elle inclut une description du contexte entourant la mise en œuvre du Fonds d'appui, de la logique liant les activités qu'il finance et leurs résultats attendus, de sa structure de gestion, de même que des ressources financières que le Ministère y a investies.
2.1. Contexte
Le Fonds d'appui découle directement de la mise en œuvre du Plan d'action pour les langues officielles que le gouvernement fédéral a déposé en mars 2003. Le Plan d'action allait permettre au ministère de la Justice de s'attaquer à une série de dossiers touchant directement les langues officielles. La présente sous-section décrit plus en détails le contexte entourant le Fonds d'appui.
Les objectifs du Plan d'action en matière de justice
Par le biais d'un investissement de 45,5 millions $ sur cinq ans, le gouvernement fédéral a profité du dépôt du Plan d'action pour traiter de trois dossiers liés directement à l'application des droits linguistiques au domaine de la justice :
- Premièrement, le Ministère s'est doté d'une stratégie pour assurer une mise en œuvre efficace de la Loi sur la réédiction des textes législatifs. Le but de cette loi est de corriger un vice de procédure entourant l'adoption de textes législatifs édictés, à l'origine, dans une seule langue officielle.
- Deuxièmement, le Ministère a poursuivi ses efforts visant à assurer que tous les droits linguistiques applicables en la matière soient respectés dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi sur les contraventions.
- Troisièmement, le Ministère a été autorisé à investir
« 18,5 millions de dollars dans des mesures ciblées visant à améliorer l'accès au système de justice dans les deux langues officielles. »
[3]
C'est pour rendre opérationnel ce troisième objectif que le Ministère a mis en œuvre le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, lequel fait l'objet de la présente évaluation.
L'accès à la justice dans les deux langues officielles : une problématique documentée
Au fil des ans, plusieurs études ont identifié la problématique entourant l'accès à la justice dans les deux langues officielles :
- En 1995 et 1999, le Commissariat aux langues officielles a publié deux études concernant l'utilisation du français et de l'anglais devant les tribunaux fédéraux.[4] Les auteurs soulignent l'importance des mesures législatives en place qui permettent l'utilisation des deux langues officielles devant les tribunaux fédéraux, mais ajoutent que bien des défis perdurent pour que cette prestation de services se réalise dans les faits :
« Nous avons fait état des droits et des obligations existants, mais nous avons aussi souligné que des mesures pratiques devraient être adoptées afin de réduire les obstacles possibles à l'utilisation de l'une ou l'autre des langues officielles. »
[5] - En 2002, le Ministère publie un état des lieux de la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles.[6] Cette étude rappelle que l'absence de personnel judiciaire bilingue, ainsi que les coûts et les délais associés aux procès et aux procédures en langue officielle minoritaire, empêchent toujours certains membres des communautés de langue officielle d'avoir un accès égal au système de justice.
En arrière plan se trouve aussi une série de décisions des tribunaux, et de la Cour suprême du Canada en particulier, qui ont clarifié l'étendue des droits en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles. Dans l'arrêt Beaulac déposé en 1999, la Cour suprême du Canada rappelle que les gouvernements ont l'obligation de « s'attaquer » aux défis d'ordre administratif touchant l'administration des tribunaux, de façon à ce que le français et l'anglais puissent être, de fait, des langues égales lorsque des dispositions en ce sens leur accordent un statut égal :
Je tiens à souligner qu'un simple inconvénient administratif n'est pas un facteur pertinent. La disponibilité de sténographes judiciaires, la charge de travail des procureurs ou des juges bilingues et les coûts financiers supplémentaires de modification d'horaire ne doivent pas être pris en considération parce que l'existence de droits linguistiques exige que le gouvernement satisfasse aux dispositions de la Loi en maintenant une infrastructure institutionnelle adéquate et en fournissant des services dans les deux langues officielles de façon égale. Comme je l'ai dit plus tôt, dans un cadre de bilinguisme institutionnel, une demande de service dans la langue de la minorité de langue officielle ne doit pas être traitée comme s'il y avait une langue officielle principale et une obligation d'accommodement en ce qui concerne l'emploi de l'autre langue officielle. Le principe directeur est celui de l'égalité des deux langues officielles.[7]
L'objet premier du Fonds d'appui est donc de contribuer à un accès amélioré au système de justice dans les deux langues officielles, tout en reconnaissant le partage des compétences dans le domaine de l'administration de la justice et la diversité des mesures constitutionnelles, législatives et administratives relatives aux langues officielles devant les tribunaux.
2.2. Logique du Fonds d'appui[8]
Le Fonds d'appui finance une série d'activités devant contribuer à l'atteinte d'objectifs liés à l'accès au système de justice dans les deux langues officielles. La présente sous-section décrit la logique sous-jacente du Fonds d'appui, laquelle est illustrée à la figure 2, de la page 12.
Tout comme l'objet qu'il représente, le modèle logique est un outil de gestion qui est appelé à évoluer. C'est ainsi que le modèle logique présenté à la page 12 représente une mise à jour par rapport à celui inclus en 2003 dans le Cadre de gestion et de responsabilisation axé sur les résultats. Bien que dans les deux cas, les activités décrites reflètent les objectifs et les modalités liés au Fonds d'appui tels qu'énoncés dans les documents d'autorisation, le présent modèle logique clarifie l'enchaînement des résultats prévus.
2.2.1. Les buts et les objectifs
Le Fonds d'appui vise essentiellement à renforcer la capacité des intervenants œuvrant dans le domaine de la justice d'offrir des services dans les deux langues officielles et de participer à une sensibilisation des communautés de langue officielle à l'égard de leurs droits en cette matière. Plus spécifiquement, le Fonds d'appui vise à accroître la capacité des intervenants à élaborer des solutions innovatrices aux questions de justice d'actualité liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, ainsi qu'à sensibiliser la communauté juridique et les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l'exercice de leurs droits et aux questions liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
La nature et la portée de ces objectifs reflètent la réalité selon laquelle l'administration des tribunaux est largement de compétence provinciale et que la sensibilisation des communautés de langue officielle est une démarche communautaire. Ainsi, le Ministère se donne un rôle catalyseur, largement ciblé vers un accroissement de la capacité des intervenants impliqués dans le domaine de l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
2.2.2. Les activités et leurs extrants
On s'attend du Fonds d'appui à ce qu'il finance trois types d'activités :
- Le Fonds doit appuyer financièrement et administrativement des comités consultatifs réunissant des partenaires communautaires et gouvernementaux. Ainsi, le Ministère est appelé à coordonner les structures suivantes :
- Le Comité consultatif – Justice en langues officielles, qui a pour mandat d'assurer un lien entre les intervenants des milieux juridiques et communautaires de langue officielle et le ministère de la Justice. Le Comité est constitué de six membres, provenant du ministère de la Justice Canada (Francophonie, Justice en langues officielles et dualisme juridique et le Secteur des programmes) et d'organismes porte-parole des communautés de langue officielle (Fédération des associations de juristes d'expression française du Canada, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et Quebec Community Group Network). Le Comité tient, en principe, deux réunions par année.
- Le Ministère a aussi mis sur pied deux sous-comités :
- Le premier s'attarde tout particulièrement aux questions d'accès à la justice dans les deux langues officielles. Pouvant réunir entre 30 et 40 participants, ce sous-comité regroupe des représentants du ministère de la Justice, des organismes porte-parole des communautés de langue officielle, des centres de jurilinguistique, des facultés de droit, ainsi que des responsables des affaires francophones dans les provinces et les territoires. On s'attend à ce que les membres du sous-comité concertent leurs actions, échangent de l'information, identifient les besoins en matière de développement d'outils et peuvent identifier d'autres intervenants. En principe, ce sous-comité tient une réunion par année.
- Le deuxième sous-comité s'attarde tout particulièrement à la mise en œuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Il est redivisé en deux composantes : une pour la communauté anglophone du Québec et une autre pour les communautés francophones et acadiennes du reste du Canada. La composition de ces groupes de travail inclut des représentants du ministère de la Justice et des communautés de langue officielle. Les travaux des groupes de travail visent à sensibiliser et à permettre un échange d'information et une liaison sur les dossiers touchant à la promotion et à l'épanouissement des communautés de langue officielle, tel qu'énoncé à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.[9]
- Finalement, le Ministère finance les activités du Groupe de travail fédéral-provincial et territorial sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, lequel réunit des représentants du ministère de la Justice (Francophonie, Justice en langues officielles et dualisme juridique, Groupe du droit des langues officielles et Contraventions), de même que des gouvernements provinciaux et territoriaux. La mise sur pied de ce groupe de travail vise à permette aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de coordonner leurs efforts et de partager de l'information relative à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
- Le Fonds d'appui accorde un financement de base aux associations de juristes d'expression française. À cette fin, le Ministère est appelé à signer des ententes de contribution avec la Fédération nationale des associations de juristes d'expression française (FAJEF), ainsi qu'avec chacune des sept associations membres de la FAJEF au plan provincial. Ce financement de base est attribué en reconnaissance du fait que le mandat et les activités de ces organismes sont étroitement liés au mandat, aux objectifs et aux priorités juridiques ou socio-juridiques du ministère de la Justice.
- Finalement, le Fonds d'appui accorde un financement à des organismes admissibles pour la mise en œuvre de projets sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles. À cette fin, le ministère de la Justice est appelé à signer des ententes de contributions et de subventions avec des organismes admissibles, la liste desquels inclut des organismes communautaires (y compris les associations de juristes d'expression française), des administrations provinciales, territoriales, régionales et municipales, de même que des établissements d'enseignement (y compris les centres jurilinguistiques). Les types de projets financés se regroupent essentiellement sous trois catégories :
- Projets appuyant la pratique du droit dans la langue de la minorité : Ces projets visent la création d'outils dont peuvent se servir celles et ceux impliqués dans la pratique du droit dans la langue de la minorité. À titre d'exemple, ces projets peuvent mener à la création d'outils de common law en français ou de droit civil en anglais, à la normalisation du vocabulaire français de la common law, à la prestation d'ateliers et de sessions de formation aux juristes francophones pratiquant la common law ou à l'élaboration de matériel de formation connexe.
- Projets sensibilisant les communautés de langue officielle : Ces projets visent à sensibiliser davantage le public aux questions d'accès à la justice dans les deux langues officielles, par le biais, entre autres, de la vulgarisation et de l'information juridique. À titre d'exemple, ces projets peuvent mener à des sessions d'information, des consultations publiques ou à la création de sites Web.
- Projets structurants : Ces projets visent à accroître la capacité des organisations non gouvernementales à répondre aux besoins des Canadiennes et des Canadiens, incluant les membres des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire, sur les questions d'accès à la justice dans les deux langues officielles. À titre d'exemple, ces projets peuvent mener au développement de plans organisationnels, de sensibilisation d'intervenants, et à des activités de réseautage.
2.2.3. Les résultats anticipés
On s'attend à ce que les activités identifiées dans la sous-section précédente contribuent à la réalisation de trois résultats à court terme :
- Collaboration accrue des partenaires en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles : Par le biais, entre autres, des comités consultatifs et d'une plus grande stabilité financière des associations de juristes d'expression française, on s'attend à ce que les intervenants impliqués dans le dossier de l'accès à la justice dans les deux langues officielles travaillent en partenariats étroits.
- Une capacité accrue des organismes bénéficiaires d'intervenir sur les questions liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles : Par le biais du financement de base et du financement de projets, on s'attend à ce qu'il y ait une plus grande stabilité financière et organisationnelle chez les intervenants non-gouvernementaux. Ces organismes sont alors plus à même d'assumer pleinement leur rôle auprès, entre autres, des organismes gouvernementaux et des communautés de langue officielle.
- Des projets admissibles sont mis en œuvre : Par le biais, entre autres, des ententes de contribution financées par le Fonds d'appui, on s'attend à ce que des projets concrets soient mis en œuvre de façon à traiter des défis liés à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
Ces trois résultats à court terme sont appelés à contribuer à la réalisation d'un résultat à moyen terme :
Accès accru des communautés de langue officielle à des services en matière d'accès à la justice. Fondamentalement, on s'attend à ce que le Fonds d'appui consolide le réseau d'intervenants dans le domaine de l'accès à la justice dans les deux langues officielles, qu'il permette à l'ensemble des intervenants communautaires et gouvernementaux de travailler en étroite collaboration, et qu'il permette d'initier des projets jugés pertinents pour traiter des défis identifiés. À leur tour, on s'attend à ce que ces réalisations mènent à un accès accru à des services de justice dans les deux langues officielles. Si on ne peut, naturellement, obliger les communautés de langue officielle à utiliser ces services, on peut cependant s'assurer de leur offrir un accès accru. Il s'agit là de la raison d'être du Fonds d'appui.
À long terme, le Fonds d'appui devrait contribuer à deux résultats principaux :
- Avoir un public et une communauté juridique mieux informés quant à l'exercice de leurs droits et aux questions liées à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
- Un système de justice ayant la capacité d'offrir des services dans les deux langues officielles.
2.3. Structure de gestion
Deux groupes, à l'intérieur du ministère de la Justice, se partagent la gestion du Fonds d'appui (voir la figure 1) :
- Le bureau de la Francophonie, Justice en langues officielles et dualisme juridique est responsable de la gestion et de la coordination de l'ensemble des activités du Fonds d'appui. C'est, entre autres, à ce groupe que revient la responsabilité d'encadrer les travaux des différents comités consultatifs, de participer à la définition des orientations du Fonds d'appui et de rapporter l'ensemble des activités du Fonds d'appui.
- La Direction des innovations, analyse et intégration est responsable de la gestion de toutes les ententes de contribution signées en conformité avec les modalités du Fonds d'appui. Cette direction gère le processus de présentation, d'attribution et de rapport lié à ces ententes de contribution.
Un comité de sélection, formé de membres de ces deux groupes, est chargé de revoir les demandes de financement afin de déterminer l'admissibilité des projets et de recommander ou non les projets pour un financement sous le Fonds d'appui.
Figure 1, Structure de gestion du Fonds d'appui
[ Description ]
Figure 2, Modèle logique du Fonds d'appui à l,accès à la justice dans les deux langues officielles
2.4. Ressources
Le gouvernement fédéral a alloué au ministère de la Justice une somme de 24 587 394 $ sur cinq ans pour appuyer la mise en œuvre des activités du Fonds d'appui.[10] Près des deux-tiers de cette somme ont été attribués au financement de projets (crédit 5.) En plus de financer des équivalents à temps plein et autres dépenses internes, le budget d'opérations a servi à soutenir les activités des comités consultatifs. Le tableau 1 présente une ventilation de cette somme pour chacun des exercices financiers.
Éléments | 2003-2004 | 2004-2005 | 2005-2006 | 2006-2007 | 2007-2008 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|
Salaires et RAS 1 | 819 148 | 1 071 454 | 1 071 454 | 1 071 454 | 1 042 268 | 5 075 778 |
Autres F&E 2 | 863 188 | 732 927 | 758 525 | 769 125 | 753 098 | 3 876 863 |
Sous-total (crédit 1) | 1 682 336 | 1 804 381 | 1 829 979 | 1 840 579 | 1 795 366 | 8 952 641 |
Subventions | 200 000 | 200 000 | 50 000 | 50 000 | 50 000 | 550 000 |
Contributions | 3 332 311 | 3 223 901 | 2 848 147 | 2 837 547 | 2 842 847 | 15 084 753 |
Sous-total (crédit 5) | 3 532 311 | 3 423 901 | 2 898 147 | 2 887 547 | 2 892 847 | 15 634 753 |
TOTAL 3 | 5 214 647 | 5 228 282 | 4 728 126 | 4 728 126 | 4 688 213 | 24 587 394 |
Source : Documents officiels du Fonds d'appui.
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