Les engagements à ne pas troubler l'ordre public et la violence contre les femmes : une étude de site des effets du projet de Loi C-42 sur la procédure, la demande et l'exécution

8. HALIFAX ( suite )

8. HALIFAX ( suite )

8.4 Taux de violation

Jusqu'à présent, nous avons calculé les taux de violation des engagements de ne pas troubler l'ordre public en prenant pour référence le nombre de jugements de culpabilité en vertu de l'article 811, divisé par le nombre d’ordonnances de contracter un engagement en vertu de l'article 810 au niveau provincial ou national, en utilisant la base des données de l’ETJCA. Dorénavant, les chiffres présentés reposent sur un suivi au cas par cas. Est considéré comme violation toute infraction criminelle commise pendant la durée d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Cela implique de ne plus rechercher spécifiquement les violations, au titre de l'article 811, dans les antécédents criminels du défendeur/contrevenant, tels que recensés par le Centre d'information de la police canadienne.

Ce changement a été opéré pour deux raisons : la première est qu'il apparaît clairement qu'un grand nombre de personnes accusées d'avoir commis une infraction vis–à–vis la requérante, tout en étant soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, ne font pas l'objet d'une accusation portant à la fois sur l’infraction ellemême et sur la violation de l'ordonnance. La seconde est que, dans la quasi totalité des cas, les engagements de ne pas troubler l'ordre public sont assortis d'une condition « ne pas troubler l'ordre public et observer une bonne conduite ». Par conséquent, toute activité criminelle constitue automatiquement une violation. Ainsi, à Halifax et dans la région, nos répondants ont formulé les observations suivantes, concernant le dépôt d'accusations visant à la fois l’infraction ellemême et la violation de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public :

En règle générale, il s'agit de voies de fait uniquement. Parfois, ces affaires se règlent par l’imposition d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public, plus particulièrement dans les cas où..., bref, posez donc vos questions. (Juge – Nouvelle Écosse)

Cela varie d'un policier à l'autre. Malheureusement, il y a eu quelques problèmes avec la police régionale de Halifax au fil des années, dans les cas d’accusations pour violation d'une ordonnance du tribunal; le problème, c’est de savoir qui va obtenir les documents et si l'accusation doit être ou non portée, etc. (Procureur de la Couronne – Nouvelle Écosse)

Il existe, en fait, certains points de jurisprudence qui conduisent les procureurs de la Couronne à ne pas alourdir les accusations :

… il se peut qu'une procédure criminelle soit déjà en cours et, si un engagement a été contracté, nous n'y ajoutons pas généralement la violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. (Avocat – Nouvelle Écosse)

En tout cas, la police a conscience du fait que, « techniquement », toute infraction commise sous le coup d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public, constitue une violation, que cette infraction ait été ou non commise à l'encontre de la requérante:

… si quelqu'un est soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public assorti de la condition d'observer une bonne conduite et que je prends cette personne en pleine tentative d’introduction par effraction, même si cet acte n'a aucun lien avec les raisons pour lesquelles l'engagement a été contracté, je suis néanmoins en droit de porter une accusation, selon laquelle la personne en question a troublé l'ordre public et n'a pas observé une bonne conduite, conformément à la condition de son engagement. (Policier – Nouvelle Écosse)

En fait, un juge de Nouvelle Écosse a avancé l'argument selon lequel l'imposition de plusieurs conditions risquerait d'augmenter le nombre de violations :

Non, je ne pense pas que cela ait diminué le nombre de violations. Tout au plus, les conditions supplémentaires ont probablement donné lieu à un plus grand nombre d'accusations, car les interdits sont plus nombreux. Il s'agit donc d'un acte de plus, pour lequel une personne peut faire l'objet d'une accusation. Ce n'est pas un facteur déterminant, mais tout de même… (Juge – Nouvelle Écosse)

En recherchant les défendeurs faisant l'objet d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public dans le système de renseignements de la police de Halifax et dans la base de données relatives aux antécédents criminels du Centre d'information de la police canadienne de la Gendarmerie royale du Canada, nous avons constaté que 8,2 pour cent des défendeurs avaient commis une infraction alors qu'ils étaient soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public et que 8,2 pour cent avaient commis une infraction après l’expiration de cet engagement. dans le cas précis de la violence familiale, le taux de violation était de 7,1 pour cent pendant la durée de l'engagement et de 10,7 pour cent après son expiration.

Les infractions les plus communément commises pendant la durée d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public étaient noncomparution au tribunal ou violation d'une ordonnance (16,1%) et proférer des menaces (16,1%). Les voies de fait arrivaient en troisième position (9,7%), au même titre que le recel et la fraude. Concernant les infractions commises au terme de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, la noncomparution et le nonrespect d'une ordonnance constituaient les délits les plus fréquemment observés (26,3%).

Le nombre moyen d’infractions commises pendant la durée d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public (n=19) était de 1,9. Pour les infractions commises après l’expiration de l'engagement, cette moyenne était de 1,8.

Tableau 8.4.1 : Taux de violation des engagements de ne pas troubler l'ordre public à Halifax, 1998-2001 (N=233)
  Pendant l'engagement Après l'engagement
N % N %
Tous les engagements 19 8,2 19 8,2
Liés à des cas de violence familiale (n=84) 6 7,1 9 10,7
Défendeur de sexe masculin (n=179) * 15 8,4 16 8,9
Défendeur de sexe féminin (n=43) * 4 9,3 2 4,7
 

* Le sexe du contrevenant n'a pu être déterminé dans 11 cas.



Tableau 8.4.2 : Infractions commises par les défendeurs pendant la durée d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public (Halifax, 1998-2001)
INFRACTION (N=31) N % *
Noncomparution au tribunal/Violation d'une ordonnance 5 16,1
Menaces 5 16,1
Voies de fait 3 9,7
Recel 3 9,7
Fraude 3 9,7
Conduite avec facultés affaiblies 2 6,4
Agression armée ou infliction de lésions corporelles 2 6,4

* Le total n'est pas égal à 100 car seules les infractions les plus communément commises sont reprises dans le tableau.



Tableau 8.4.3 : Infractions commises par les défendeurs après l’expiration d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public (Halifax, 1998-2001)
INFRACTION (N=38) N % *
Noncomparution au tribunal/Manquement à une ordonnance 10 26,3
Vol 8 21,1
Usage excessif de la force 2 5,3
Voies de fait 2 5,3
Introduction par effraction 2 5,3
Recel 2 5,3
Tr ansfert d'un jeune contrevenant sous garde 2 5,3
Violation d'un engagement 2 5,3

* Le total n'est pas égal à 100 car seules les infractions les plus communément commises sont reprises dans le tableau.

8.5 Détermination des peines

En Nouvelle Écosse, la plupart des répondants qui pensaient avoir de bonnes connaissances sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public estimaient que les peines encourues pour violation d'une ordonnance étaient minimes et que les changements apportés par le projet de loi C-42 étaient inefficaces. En fait, un juge de Nouvelle Écosse a signalé que généralement, la violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public était probablement sanctionnée par « une amende ou l’imposition d’un autre engagement de ne pas troubler l'ordre public » et que la peine maximale d'emprisonnement de deux ans était imposée « sinon jamais, mais rarement ».

Deux travailleuses de refuge, habituées des engagements de ne pas troubler l'ordre public, ont formulé des observations similaires :

Je ne connais aucune femme ayant séjourné à Bryony House, dont le partenaire a violé l'engagement contracté et a été sanctionné en conséquence. (Travailleuse de refuge – Nouvelle Écosse)

Généralement, ça se résume à très peu de choses, par exemple: « Bon, pourquoi faites-vous cela? Maintenant, bla, bla, bla ». Vous voyez, rien de bien sérieux. (Travailleuse de refuge – Nouvelle Écosse)

Un policier de Halifax a fait remarquer que, lorsqu'un acte passible d’emprisonnement est commis, il y a invariablement une autre accusation sérieuse sur un fait matériel précis:

Un maximum de deux ans d'emprisonnement, cela signifie que vous courez très peu de risques d'être condamné à la peine maximale pour violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. C'est très peu probable. Vous n’avez qu’à lire la brochure sur le sujet, vous verrez qu'il est écrit noir sur blanc qu'il est très peu probable d'être condamné à la peine maximale en cas de violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Il faut garder à l'esprit que d'autres accusations peuvent être portées, mais que la dureté de la peine dépendra, non pas de la violation de l'engagement, mais bien de la gravité des autres accusations portées. (Policier – Nouvelle Écosse)

Ainsi, si nous considérons l'ensemble des infractions commises par les défendeurs soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, la durée et la sévérité des peines dépendaient de l’infraction commise. Les contrevenants ayant violé un engagement de ne pas troubler l'ordre public, en commettant une infraction alors qu'ils étaient soumis à l'engagement, ont été condamnés, en moyenne, à 19,2mois de probation (n=13) et/ou à 10,5 mois de prison (n=10) et/ou à 513$ d'amende (n=4).