ÉTUDE PILOTE D'UNE MÉTHODE D'EXAMEN DE DOSSIERS CLASSÉS RELATIFS AU CRIME ORGANISÉ

2. MISE AU POINT DE LA MÉTHODE D'ESSAI PILOTE

Tel qu'indiqué ci-dessus, plusieurs rapports, documents et manuels clés ont été examinés préalablement à l'atelier de travail et aux visites sur place. L'étude sur la complexité des poursuites, menée en 1998 par la Division de la recherche et de la statistique, s'est avérée particulièrement pertinente, puisqu'il s'agit de la seule étude antérieure à avoir identifié les dossiers du SFP relatifs au crime organisé. Afin de tenter de minimiser le fardeau imposé aux répondants, des données provenant de cette enquête ont été utilisées pour identifier un échantillon de fichiers informatiques dans CASEVIEW (le système informatisé de gestion des dossiers du Ministère), de même que des dossiers sur papier, afin de dresser une liste de variables ou indicateurs clés d'un dossier relatif au crime organisé. Cette méthode a été adoptée au départ pour déterminer s'il serait envisageable d'utiliser CASEVIEW pour identifier des dossiers potentiellement relatifs au crime organisé aux fins d'une analyse plus poussée.

Cet examen initial de l'enquête sur la complexité des cas, de CASEVIEW et de dossiers sur papier est décrit ci-dessous.

1. Analyse des données recueillies aux fins de l'enquête sur la complexité des cas menée en 1998.

Dans le cadre de l'enquête sur la complexité des cas, des poursuivants des bureaux régionaux ont examiné un échantillon aléatoire national de 1021 dossiers de poursuite du SFP au moyen d'un formulaire de codage manuel. Parmi les éléments de données recueillis, il y avait notamment un indicateur de correspondance ou de non-correspondance du " profil de l'accusé " avec le crime organisé, de même que différentes caractéristiques des affaires qui pouvaient logiquement sembler les relier au crime organisé. Dans le cadre de l'étude pilote, ces caractéristiques ont été croisées avec la variable du crime organisé. Plusieurs caractéristiques des affaires ont été identifiées comme susceptibles d'être associées à une affaire codée comme une " affaire relative au crime organisé ", notamment, si l'affaire impliquait ou non des questions de contrebande, des questions relatives à des produits de la criminalité, des demandes d'entraide juridique, des nombres plus élevés d'accusés, de chefs d'accusation ou d'accusations, la présence de questions relatives à la Charte, des volumes importants de documents communiqués à la défense, des éléments de preuve en langue étrangère, des autorisations d'écoute électronique ou des éléments de preuve obtenus par écoute électronique, des demandes d'ordonnance de confiscation, un nombre important d'heures consacrées à traiter l'affaire et la désignation d'avocats principaux pour diriger la poursuite.

Étant donné que le SFP n'avait aucune pratique d'identification ni de suivi des poursuites impliquant le crime organisé au moment oà la présente étude a été entreprise, les données provenant de l'enquête sur la complexité des poursuites ont joué un rôle important en identifiant des dossiers dans lesquels les accusés avaient pu être liés au crime organisé. L'accès à ces données nous a permis d'entreprendre un examen préliminaire d'un petit échantillon de fichiers de CASEVIEW et de dossiers sur papier des bureaux de Montréal, d'Ottawa-Gatineau et de Toronto (décrits ci-dessous).

2. Évaluation de CASEVIEW

Par souci d'efficacité, et dans le but de réduire le fardeau de la collecte de données pour les procureurs, le plan initial pour la présente étude prévoyait que CASEVIEW, le système de gestion informatique des dossiers utilisé par le SFP, fournirait le gros des données requises pour identifier les dossiers relatifs au crime organisé parmi l'ensemble des dossiers traités par le SFP.

Une des principales tâches de la phase 1 consistait à identifier les données apparaissant régulièrement dans les fichiers de CASEVIEW qui sont associés à un dossier relatif au crime organisé. Même s'il y avait des raisons d'être optimiste quant à l'utilité de CASEVIEW aux fins de la présente étude, certaines réserves s'imposaient également. En particulier, on ne pouvait pas présumer que les fichiers de CASEVIEW seraient complets dans tous les cas ni que les procureurs dans différentes régions utiliseraient le système d'une manière uniforme. Voici certaines des premières étapes de cette phase de l'étude :

Les données entrées dans CASEVIEW avant 2001 ne semblaient pas particulièrement utiles pour repérer les dossiers relatifs au crime organisé parmi l'ensemble des dossiers classés. De nombreux champs jugés utiles pour contribuer à identifier des dossiers susceptibles de présenter un rapport avec le crime organisé n'étaient pas remplis, les pratiques variaient d'un bureau à l'autre en ce qui a trait à l'utilisation de CASEVIEW, et surtout, l'utilisation de CASEVIEW n'était pas largement répandu durant l'époque visée par la présente étude. Ce dernier point reflète le fait que les normes internes relatives à l'utilisation de CASEVIEW ont seulement été implantées en 2001, lorsqu'une formation a été donnée à l'échelle nationale.

Cet examen initial a mené à la conclusion que CASEVIEW pourrait surtout s'avérer utile comme outil de présélection. Peut-être certains dossiers peuvent-ils être facilement identifiés comme n'étant PAS des dossiers relatifs au crime organisé dans CASEVIEW, ce qui réduirait d'autant le nombre des dossiers potentiellement pertinents. Cette utilité potentielle de CASEVIEW au regard de la méthode d'identification des dossiers classés relatifs au crime organisé parmi les dossiers du SFP sera examinée à nouveau plus loin dans le présent rapport.

Bien que notre évaluation de CASEVIEW nous ait amené à décider de ne pas recommander son utilisation pour identifier rétrospectivement des dossiers relatifs au crime organisé, une analyse complémentaire devrait être faite pour déterminer son utilité potentielle aux fins de décrire la nature générale des dossiers relatifs au crime organisé (p. ex., nombre d'accusés, accusations, degré de complexité, initiative, etc.) parmi l'ensemble des dossiers du SFP.

3. Examen préliminaire de dossiers sur papier

Un échantillon de dossiers sur papier identifiés dans le cadre de l'enquête de 1998 sur la complexité des poursuites comme des " dossiers relatifs au crime organisé " a été examiné afin d'acquérir une compréhension initiale du contenu et de l'organisation de ces dossiers. Pour essayer de refléter la diversité anticipée de ces dossiers, les échantillons ont été recueillis auprès de trois bureaux régionaux : Ottawa-Gatineau, Toronto et Montréal. Les bureaux d'Ottawa-Gatineau et de Toronto ont chacun identifié cinq dossiers. Le bureau de Montréal a sélectionné trois dossiers qu'il jugeait plus représentatifs que ceux identifiés dans le cadre de l'enquête sur la complexité des poursuites. Un de ces dossiers, qui comportait 29 caisses et 52 dossiers individuels, était si volumineux qu'un échantillon de huit accusés (dans six dossiers) a été choisi au hasard à des fins d'examen. Cet examen nous a permis d'identifier certaines questions clés à aborder lors de l'atelier de travail.

4. Préparation en vue de l'atelier de travail du 30 mai

Les activités énumérées ci-dessus ont joué un rôle clé dans la préparation en vue de l'atelier de travail du 30 mai 2003 réunissant des procureurs des bureaux régionaux du SFP. L'atelier de travail avait pour but essentiel de produire une définition opérationnelle d'un " dossier relatif au crime organisé " et d'énumérer des indicateurs possibles de ces dossiers aux fins de l'étude pilote. Même s'il était clair que CASEVIEW ne pouvait pas être considéré comme un outil fiable pour identifier des dossiers susceptibles d'être liés au crime organisé, son utilisation éventuelle comme outil de présélection ou de triage pour réduire le champ de la recherche de dossiers susceptibles d'être liés au crime organisé est demeurée à l'ordre du jour de l'atelier de travail.

Après avoir consulté divers documents et réalisé un examen préliminaire de dossiers sur papier, nous avons conclu que des définitions existantes des expressions " organisation criminelle " et " acte de gangstérisme " seraient utiles à l'élaboration d'une définition opérationnelle d'un dossier du SFP relatif au crime organisé aux fins de l'étude pilote.

Nous avons d'abord examiné les définitions des expressions " acte de gangstérisme " et " organisation criminelle " énoncées dans le Code criminel depuis les modifications législatives de 2001 :

"acte de gangstérisme "

  • (a) Soit une infraction prévue aux articles 467.11, 467.12 ou 467.13 ou une infraction grave commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle;
  • (b) soit le complot ou la tentative en vue de commettre une telle infraction ou le fait d'en être complice après le fait ou d'en conseiller la perpétration.

467.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

" organisation criminelle " Groupe, quel qu'en soit le mode d'organisation :

  • (a) composé d'au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l'étranger;
  • (b) dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer -- ou procurer à une personne qui en fait partie --, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.

La présente définition ne vise pas le groupe d'individus formé au hasard pour la perpétration immédiate d'une seule infraction.

" infraction grave " Tout acte criminel - prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale - passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou toute autre infraction désignée par règlement.

Dans le cadre d'un projet distinct mais connexe, le Solliciteur général du Canada a récemment (2002) commandé une enquête Delphi (un processus itératif de commentaires écrits sur une question précise émanant d'un comité d'experts présélectionnés) visant à définir le crime organisé aux fins de la collecte de données statistiques par des corps policiers. La définition résultant de l'enquête Delphi est la suivante :

Pour les besoins de la collecte de données, une organisation criminelle :

  • a) se compose d'un groupe statique ou fluide d'individus qui communiquent, coopèrent et conspirent au sein d'un collectif ou d'un réseau qui existe depuis un certain temps;
  • b) est une organisation dont l'un des principaux buts et activités est de commettre ou de faciliter des infractions qui lui procurent ou pourraient lui procurer des avantages matériels ou un gain financier.

Lorsque des données sont réunies dans le but d'évaluer l'importance et l'incidence des organisations criminelles au Canada, une infraction incluse est définie ainsi : toute infraction prévue au Code criminel du Canada ou par d'autres lois fédérales qui est commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle.

À l'instar de celles du Code criminel, les définitions ci-dessus sont axées sur les organisations criminelles, et les infractions sont définies en fonction des organisations criminelles. En outre, ces définitions ont été élaborées spécifiquement aux fins de la collecte de données par des organismes responsables de l'application des lois. Par conséquent, un des objectifs cruciaux de la phase 1 du présent projet consistait à élaborer une définition opérationnelle du dossier relatif au crime organisé qui soit adaptée aux particularités de la tâche consistant à identifier de tels dossiers parmi l'ensemble des dossiers du SFP.

Durant la préparation en vue de l'atelier de travail, on a discuté de la question de savoir si l'on devrait retenir l'affaire ou le dossier comme unité d'analyse aux fins de l'étude pilote. Une affaire correspond à un ensemble de dossiers portant des numéros de dossier distincts qui sont liés entre eux d'une certaine manière (p. ex., ils faisaient partie au départ d'une seule enquête ou d'un seul rapport de police mais ont été divisés en dossiers distincts par le poursuivant). Un " dossier " s'entend d'un dossier sur papier ou d'un fichier CASEVIEW portant un préfixe distinct (identificateur régional) et un numéro de dossier distinct. Notre examen préliminaire a révélé qu'un dossier pouvait correspondre à :

Inversement, un accusé peut donner lieu à la création de numéros de dossier multiples en rapport avec des accusations multiples.

Afin de permettre l'utilisation de CASEVIEW pour établir une liste ou une base d'échantillon pour la phase 2, nous avons adopté le dossier comme unité d'analyse au cours de la phase 1.