Examen du lien entre la criminalité et la situation socio-économique à Ottawa et à Saskatoon : Analyse géographique à petite échelle
7. Résultats de l'étude no 2: quartiers de Saskatoon
- 7.6 Caractéristiques des secteurs à hauts taux de criminalité
- 7.7 Résumé des constatations et questions d'orientation pour Saskatoon
7. Résultats de l'étude no 2 : quartiers de Saskatoon (suite)
7.6 Caractéristiques des secteurs à haut taux de criminalité
Le tableau 7.6 montre les valeurs moyennes pour chaque variable employée dans l'étude selon trois regroupements:
- tous les quartiers résidentiels (n=55)
- les secteurs à haut taux de criminalité, Toutes les infractions (n=10)
- les secteurs à haut taux de criminalité, crimes de violence (n=12).
Le tableau révèle des écarts socio-économiques considérables entre les SHTC et les conditions générales dans les quartiers de Saskatoon. En moyenne, les SHTC ont des proportions beaucoup plus grandes de personnes seules, de personnes ayant déménagé récemment, de résidents autochtones et de jeunes ne fréquentant pas l'école. La faible scolarité est un problème important dans les SHTC où en moyenne, plus de 40% des résidents de 20 ans et plus n'ont pas de diplôme d'études secondaires, comparativement à la moyenne globale d'environ 27%. De plus, la proportion de résidents ayant fait des études universitaires est moins de la moitié de la moyenne globale. Par ailleurs, les résidents des SHTC sont beaucoup plus dépendants vis-à-vis des transferts gouvernementaux et sont plus susceptibles de vivre avec un revenu faible. Le taux des familles à faible revenu est plus du double de la moyenne des quartiers.
Le tableau 7.6 indique également des écarts notables dans les conditions de logement, les SHTC ayant des proportions considérablement plus grandes de locataires de même que de vieux logements et d'habitations ayant besoin de réparations majeures. La valeur moyenne des habitations et le prix de vente moyen des maisons sont également nettement plus bas dans ces secteurs. Enfin, les conditions d'emploi sont moins favorables dans les SHTC, comme en témoignent des taux de participation beaucoup plus faibles et des taux de chômage nettement plus élevés. Ces problèmes socio-économiques sont particulièrement aigus dans les cinq SHTC énumérés dans le tableau 7.7, qui sont tous situés sur la rive ouest de la South Saskatchewan River, dans le cœur et autour du cœur de la ville.
7.7 Résumé des constatations et questions d'orientation pour Saskatoon
- En 2003, Saskatoon avait le taux de criminalité le plus élevé de toutes les régions métropolitaines de recensement (RMR) au Canada. Elle avait également le taux le plus élevé de crimes de violence et le deuxième taux le plus élevé des crimes contre les biens.
- Entre 1999 et 2003, le taux de criminalité de Saskatoon a augmenté régulièrement et a affiché une hausse particulièrement marquée de 16% entre 2002 et 2003. Les taux de crimes de violence et des crimes contre les biens ont également augmenté.
- En 2003, un peu plus de 50% de tous les crimes étaient des crimes contre les biens, le «vol de moins de 5000$» et “l'introduction par effraction» représentant 80% de tous les incidents dans cette catégorie. Les crimes de violence représentaient 11% de tous les crimes à Saskatoon, les «voies de fait» (75%) étant les plus fréquents. Le vandalisme est également un problème dans la ville puisqu'on y rapporte 5139 incidents en 2003 dans la catégorie d'infractions «méfaits de moins de 5000$ (dommages matériels)».
- L'analyse statistique a révélé une relation entre la criminalité et certaines caractéristiques socio-économiques dans les 55 quartiers résidentiels de Saskatoon. Par exemple, l'analyse des composantes principales (ACP) a révélé une forte corrélation entre les crimes de violence et les crimes majeurs contre les biens et des segments vulnérables de la population, plus particulièrement les Autochtones, les chefs de familles monoparentales et les familles à faible revenu.
- L'analyse de régression multiple a confirmé les conclusions de l'ACP et établi plusieurs indicateurs de la criminalité. Nous avons constaté que le taux de criminalité global dans un quartier varie de façon significative en fonction des jeunes ne fréquentant pas l'école, des personnes seules et des personnes dépendantes des transferts gouvernementaux.
- L'analyse de régression a aussi indiqué une relation étroite entre les crimes de violence et les Autochtones à Saskatoon, ce qui donne à penser que ce groupe est plus susceptible d'être victime de ces actes criminels, en particulier dans certains quartiers du cœur de la ville.
- La cartographie des variables de la criminalité a révélé une grappe visible de secteurs à haut taux de criminalité (SHTC) dans l'ouest de la ville, en particulier dans le secteur central. C'était particulièrement évident pour les SHTC de violence. Par comparaison, les crimes mineurs contre les biens et les infractions relatives aux stupéfiants étaient plus dispersés.
- On observe un regroupement géographique similaire des familles à faible revenu et des Autochtones dans le cœur et autour du cœur de la ville.
- Les Autochtones et les personnes à faible revenu sont plus nombreux dans l'ouest de la ville, mais la ségrégation ethnique n'est pas une caractéristique dominante de la géographique sociale de la ville de Saskatoon. On ne dénombre que trois quartiers où les Autochtones représentent plus de 30% de la population totale et aucun quartier ne compte plus de 50% d'Autochtones, ce qui laisse croire que les problèmes liés à la criminalité et à la victimisation touchent un segment plus vaste de la population dans les SHTC.
- On note un lien géographique entre les SHTC et les quartiers comportant des proportions plus grandes de familles à faible revenu et d'Autochtones.
- Nous avons également constaté que les SHTC comptent de plus fortes proportions de personnes seules et de résidents ayant récemment déménagé, des taux nettement plus faibles de scolarité, des logements de moins bonne qualité et plus vieux et un taux de chômage plus élevé.
Les conclusions principales de la présente étude peuvent contribuer à plusieurs grandes initiatives stratégiques visant la prévention du crime, la valorisation sociale et le développement communautaire. Il est évident que le taux de criminalité élevé de Saskatoon est dû, en grande partie, à une forte concentration de la criminalité dans plusieurs quartiers, dont le Central Business District (CBD), Pleasant Hill, Riversdale, Caswell Hill et King George. La majorité des crimes dans le CBD sont liés à des crimes mineurs contre les biens, en particulier le vol. C'est dû au fait que le secteur du centre-ville offre une abondance d'opportunités criminelles puisqu'on y trouve beaucoup d'activités de vente au détail et d'immeubles à bureaux. La plupart des districts commerciaux centraux au Canada ont des taux de criminalité plus élevés pour cette raison. Par conséquent, il conviendrait d'adopter des stratégies de prévention du crime dans lesquelles les policiers travaillent en collaboration avec le milieu des affaires du centre-ville pour réduire les vols et d'autres crimes mineurs contre les biens en améliorant la sécurité et les méthodes de surveillance. Le service de police de Saskatoon a actuellement un «programme de sécurité des entreprises».
Dans d'autres SHTC, en particulier dans les quartiers centraux énumérés ci-dessus, les mesures stratégiques devraient se concentrer sur le développement social dans quatre domaines connexes:
- la qualité et le caractère abordable des logements,
- l'éducation et la formation,
- les programmes et les services destinés aux jeunes et
- la violence chez les Autochtones.
La ville de Saskatoon a mis en œuvre plusieurs plans locaux qui prévoient des consultations auprès de la collectivité pour évaluer les problèmes des quartiers et élaborer des politiques afin de guider la croissance future et d'améliorer la qualité de vie. Par exemple, le plan local de Pleasant Hill a été mis au point en 2002 et il a permis de relever plusieurs problèmes persistants dans le quartier, comme la détérioration des infrastructures, la mauvaise qualité des logements, la pauvreté et l'augmentation de la criminalité. Plusieurs recommandations ont été formulées, dont l'investissement dans l'entretien de l'infrastructure et des routes, des modifications du zonage pour encourager le développement commercial et résidentiel, la limitation du nombre de bureaux de prêteurs sur gages, l'exécution d'une vérification de la sécurité locale et la modernisation des installations des parcs et des installations récréatives et patrimoniales (City of Saskatoon, 2002). Des plans locaux ont été élaborés pour d'autres quartiers centraux, dont Caswell Hill et King George et plusieurs autres sont en voie d'élaboration (Riversdale) ou prévus dans un proche avenir (City Park et Westmount).
En plus des plans locaux, la ville de Saskatoon a élaboré une série de politiques du logement. Même si la ville n'est pas propriétaire de logements et ne gère pas des programmes de logements, elle fait la promotion d'options de logements abordables et s'associe à des organismes, dont plusieurs organismes du secteur privé, pour restaurer des habitations plus vieilles ayant besoin de réparations, en particulier dans le cœur de la ville. Un nombre suffisant de logements abordables de bonne qualité est la pierre angulaire de la création de quartiers stables.
Quant aux initiatives communautaires, la police et la ville ont ouvert plusieurs centres d'accueil pour les jeunes, y compris un prévu pour Pleasant Hill, et ils ont lancé des programmes visant à décourager les jeunes d'adhérer à des gangs. Selon le Criminal Intelligence Service Saskatchewan (2005), les gangs et en particulier les gangs d'Autochtones constituent un problème croissant et grave à Saskatoon puisqu'ils se livrent à des actes de violence, au trafic de stupéfiants, au recrutement et à l'intimidation et ils ont semé la peur dans les quartiers centraux. Il faudrait intensifier les interventions dans ces collectivités en vue d’offrir des solutions de rechange aux jeunes à risque de s'engager dans des gangs. Par exemple, les travaux exécutés pour produire les plans locaux peuvent servir de catalyseurs pour offrir plus de services ou de programmes aux jeunes, en particulier en ce qui concerne les parcs, les loisirs, les arts, la culture et l'éducation.
Si efficaces que ces programmes puissent être pour réduire les taux de criminalité et améliorer la qualité de vie, il est clair que la ville de Saskatoon a besoin de plus d'aide des instances gouvernementales supérieures, en particulier au plan fédéral. Une caractéristique importante de Saskatoon, comme d'autres villes de l'Ouest canadien, est l’afflux considérable d'Autochtones provenant des réserves et des régions rurales. Dans la plupart des cas, la migration des réserves signifie que des Indiens inscrits ne relèvent plus de la compétence du gouvernement fédéral et la prestation des services sociaux à ces personnes devient la responsabilité des administrations provinciales et municipales. Tel que mentionné, la recherche effectuée par La Prairie (2002) montre que certaines villes, dont Saskatoon, compte pour beaucoup dans la sur-représentation des Autochtones dans le système de justice. Le gouvernement du Canada devrait élargir sa Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAVMU) afin de fournir une aide financière additionnelle et de travailler en collaboration avec la province de la Saskatchewan et la ville de Saskatoon afin d'améliorer la disponibilité de logements abordables et les possibilités d'éducation et de formation, en particulier pour les jeunes Autochtones des quartiers centraux. La SAVMU a été mise en œuvre en 1998 et elle finance actuellement des projets pilotes dans plusieurs villes, dont Saskatoon. Si les trois paliers de gouvernement agissaient de concert, l'objectif devrait être d'améliorer le niveau de vie des Autochtones et des non-Autochtones qui vivent dans des quartiers défavorisés et avec le temps, de réduire les niveaux de violence et les contacts avec le système de justice
Tableau 7.1 - Statistiques descriptives (n=55)
Composante | Valeur propre | % de la variance totale | % cumulatif |
---|---|---|---|
1 | 13,6 | 46,8 | 46,8 |
2 | 3,6 | 12,7 | 59,6 |
3 | 2,3 | 7,9 | 67,5 |
4 | 2,0 | 7,0 | 74,6 |
5 | 1,6 | 5,5 | 80,1 |
6 | 1,1 | 4,0 | 84,2 |
- Tableau 7.3 - Poids des composantes, Méthode de rotation: Quartimax avec normalisation Kaiser - Saskatoon – Données sur la criminalité, le recensement et l'aménagement / urbanisme
- Composante 1 – «crimes majeurs contre les biens / situation défavorisée des Autochtones»;
- Composante 2 – «crimes mineurs contre les biens / population active»;
- Composante 3 – «superficie des parcs»
- Composante 4 – «université / valeur des habitations»;
- Composante 5 – «vieux logements»
- Composante 6 – «personnes seules / habitations»
- Tableau 7.4 - Résultats de l'analyse de régression multiple – Quartiers de Saskatoon (n=55)*
- Figure 7.1 - Quartiers de la ville de Saskatoon
- Figure 7.2 - Ville de Saskatoon, Toutes les infractions au code criminel, 2003, Taux pour 1000 habitants
- Figure 7.3 - Ville de Saskatoon, Crimes de violence, 2003, Taux pour 1000 habitants
- Figure 7.4 - Ville de Saskatoon, Crimes majeurs contre les biens, 2003, Taux pour 1000 habitants
- Figure 7.5 - Ville de Saskatoon, Crimes mineurs contre les biens, 2003, Taux pour 1000 habitants
- Figure 7.6 - Ville de Saskatoon, Infractions relatives aux stupéfiants, 2003, Taux pour 1000 habitants
- Figure 7.7 - Ville de Saskatoon, Pourcentage de familles à faible revenu, Recensement de 2001
- Figure 7.8 - Ville de Saskatoon, Résidents autochtones selon l'identité, Recensement de 2001
- Tableau 7.5 - Auto-corrélation spatiale «I» de Moran calculé selon la catégorie de crimes et les caractéristiques des quartiers
- Tableau 7.6 - Valeurs moyennes pour les variables liées à la criminalité et aux quartiers
- Tableau 7.7 - Valeurs moyennes de certaines caractéristiques des quartiers dans cinq secteurs à haut taux de criminalité
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