
Tableau de bord sur l’état du système de justice pénale
Comprendre les expériences des jeunes délinquants autochtones avec le système de justice pénale
La surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice pénale du Canada, à la fois en tant que victimes et survivants et en tant qu’accusés et délinquants, a amené la Cour Suprême du Canada ainsi que de nombreux experts à qualifier la situation comme étant une « crise »Note de bas de page89. Bien que les jeunes autochtones représentaient 8 % de la population de jeunes du Canada, ils représentaient la moitié (50 %) des admissions de jeunes aux services correctionnels en 2020-2021Note de bas de page90. La discrimination systémique dans diverses sphères de la société canadienne, y compris le système de justice pénale pour les jeunes (p. ex., la police, les tribunaux et les services correctionnels), contribue à la surreprésentation. Par exemple, les jeunes autochtones sont plus susceptibles de se voir refuser la liberté sous caution, d’être détenus plus longtemps sous garde en attendant un procès et de se voir imposer des peines plus longues, indépendamment d’autres facteurs comme la gravité de l’infraction et les antécédents criminelsNote de bas de page91. Les jeunes autochtones qui ont été détenus sous garde sont susceptibles de considérer le système de justice pénale comme « une structure contre-productive qui n’est pas propice à la réadaptation »Note de bas de page92.
Les sections suivantes du Tableau de bord donnent un aperçu de la discrimination systémique historique et continue à l’égard des jeunes autochtones afin de mieux contextualiser leurs expériences avec le système de justice pénale. Pour ce faire, il faut examiner les effets du colonialisme sur les jeunes autochtones, leur exposition aux déterminants sociaux de la criminalité, leurs expériences particulières avec le système de justice pénale, ainsi que certaines lacunes continues dans les services et les mesures de soutien qui ont pour but de répondre à leurs besoins uniques. Ces sections ne présentent pas un examen exhaustif de la documentation concernant la surreprésentation des jeunes autochtones. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le document de Justice Canada intitulé Tables rondes avec de jeunes autochtones – La surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice pénale du Canada ou la bibliographie.
Il est important de noter qu’il existe peu d’information sur les jeunes autochtones en tant que victimes et survivants. Par conséquent, les sections suivantes sont axées principalement sur la recherche liée aux expériences des jeunes autochtones en tant qu’accusés et délinquants dans le système de justice pénale. Pour en savoir plus sur les expériences des Autochtones dans le système de justice pénale canadien, à la fois en tant que victimes et survivants et en tant qu’accusés et délinquants, veuillez consulter le thème relatif aux Autochtones et la section sur les femmes et les filles autochtones.
Bien que l’information sur les jeunes des Premières Nations, des Inuits et des Métis soit combinée dans cette section en raison d’un manque de renseignements fondés sur la distinction, il est important de se rappeler que les jeunes autochtones sont membres de nations distinctes ayant des histoires, des cultures, des langues, des connaissances, des visions du monde et des expériences différentes.
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Effets du colonialisme sur les jeunes autochtones
Les lois, les politiques et les pratiques coloniales ont causé de graves préjudices aux Autochtones, notamment en perturbant et en démantelant les structures familiales, communautaires et économiques, ainsi que les structures de gouvernance des Autochtones. Par exemple, le système des pensionnats, la rafle des années soixante et les politiques de réinstallation forcéeNote de bas de page93 ont retiré les enfants autochtones de leurs familles dans le but de les assimiler et de les dépouiller de leur culture, de leur identité et de leurs traditionsNote de bas de page94. Ces pratiques demeurent intégrées dans les systèmes canadiens d’aujourd’hui et continuent d’avoir des répercussions négatives sur les familles autochtones. Par exemple, les enfants et les jeunes autochtones continuent d’être retirés de leur famille et pris en charge à un rythme disproportionné, ce qui entraîne une surreprésentation d’enfants et de jeunes autochtones dans le système de protection de l’enfanceNote de bas de page95. En raison des pratiques passées et actuelles, de nombreux enfants autochtones ont vécu et continuent de subir des traumatismes, y compris des traumatismes individuels et/ou des traumatismes intergénérationnelsNote de bas de page96. Les répercussions de ces traumatismes sont aggravées par les expériences continues de discrimination systémique, la perte de l’identité culturelle et la marginalisation socioéconomique. Pour de plus amples renseignements sur les répercussions du colonialisme, veuillez consulter le thème relatif aux Autochtones et la section sur les femmes et les filles autochtones.
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Cheminement menant à la criminalité et participation à des activités criminelles
La surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice pénale est liée à de nombreux facteurs, y compris le fait d’être assujettis aux services d’aide à l’enfance, les déterminants sociaux de la criminalité, la perte d’identité et d’appartenance sociale, et l’absence d’activités communautairesNote de bas de page97. Ces facteurs sont brièvement résumés ci-dessous. Il est important de se rappeler que la relation entre ces facteurs et les démêlés des jeunes autochtones avec le système de justice pénale est complexe. Pour de plus amples renseignements sur ces facteurs et sur la surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice pénale, consultez la bibliographie.
Le système d’aide à l’enfance
Selon les recherches, il existerait un lien étroit entre la surreprésentation des Autochtones en détention et la surreprésentation des enfants et des jeunes autochtones dans le système d’aide à l’enfanceNote de bas de page98. Lorsqu’ils ont des démêlés avec le système d’aide à l’enfance, ces enfants et ces jeunes connaissent des taux disproportionnellement plus élevés de violence, d’abusNote de bas de page99 et d’autres formes de traumatismes similaires à ceux qu’ont vécus les survivants du système des pensionnatsNote de bas de page100. Ces expériences ont des répercussions directes sur les démêlés qu’ont les jeunes autochtones avec système de justice pénaleNote de bas de page101. Elles sont également associées à divers problèmes subséquents au cours de leur enfance et à l’âge adulte, comme une plus grande probabilité d’éprouver des problèmes de santé mentale, de toxicomanie et de nouvelle victimisationNote de bas de page102.
Déterminants sociaux de la criminalité
Les déterminants sociaux de la criminalité, comme la pauvretéNote de bas de page103 et le manque d’accès à l’éducation, aux services de santé, à de la nourriture saine, au logement, et à des services et à des mesures de soutien adaptés à la culture, sont liés à des taux plus élevés de démêlés avec le système de justice pénale pour les jeunes autochtonesNote de bas de page104. Par exemple, de nombreux jeunes vivant dans l’Inuit Nunangat font face à des défis liés à la pénurie de logements et à l’insécurité alimentaire, qui exacerbent leur santé mentale et physiqueNote de bas de page105. Les jeunes autochtones se tournent parfois vers le comportement criminel et l’affiliation à un gang afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles sur le plan financierNote de bas de page106. Non seulement les déterminants sociaux de la santé peuvent mener à la criminalisation des jeunes autochtones, mais ils peuvent aussi rendre ceux-ci plus susceptibles d’être victimisésNote de bas de page107.
Perte d’identité et d’appartenance sociale
Une conséquence de longue date du colonialisme est son effet négatif sur le sentiment d’identité des AutochtonesNote de bas de page108. La perte des identités individuelle, familiale et culturelle, ainsi que de but significatif, peut créer un sentiment d’isolement chez de nombreux jeunes autochtonesNote de bas de page109. Cette perte peut les rendre plus susceptibles de se livrer à des comportements à haut risque, comme la consommation de drogues et d’alcool et la participation à des activités illégalesNote de bas de page110. Le sentiment d’isolement et de manque d’appartenance sociale peut rendre plus attrayant le sentiment de lien et de relations familiales qu’offre la fréquentation d’un gangNote de bas de page111.
Manque de mesures de soutien et d’activités communautaires adaptées à la culture
Les recherches montrent qu’un manque d’accès à des mesures de soutien et à des activités communautaires adéquates et adaptées à la culture est lié aux démêlés des jeunes autochtones avec le système de justice pénaleNote de bas de page112. Par exemple, de jeunes inuits ont signalé que le manque d’activités locales peut entraîner un sentiment d’isolement et d’ennui et, de façon plus générale, un manque de motivation personnelle et une absence de sentiment d’appartenance. Ils ont également mentionné que ces facteurs peuvent contribuer à l’adoption de comportements à risque, comme la commission d’infractions mineuresNote de bas de page113. À l’inverse, les activités liées au sport, par exemple, peuvent contribuer à créer un environnement de soutien et un sentiment d’appartenance pour les jeunes autochtonesNote de bas de page114.
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La sous-surveillance policière et la surveillance policière excessive des jeunes et des communautés autochtones
Les Autochtones, y compris les jeunes, font à la fois l’objet d’une surveillance excessive et de sous-surveillance de la part des services de policeNote de bas de page115. Les jeunes autochtones font l’objet d’une surveillance policière excessive dans la mesure où ils sont plus susceptibles d’être isolés, stéréotypés comme étant des criminels ou des membres de gangs et accusés par la police, comparativement aux jeunes non autochtonesNote de bas de page116. En raison d’une présence policière importante dans les collectivités autochtones, les jeunes autochtones sont plus susceptibles d’entrer en contact avec la police, ce qui pourrait contribuer davantage à leur surreprésentation dans le système de justice pénaleNote de bas de page117. Les interactions entre les Autochtones et la police ont amené les jeunes autochtones à se méfier de la police et du système de justice pénale de façon plus générale, avant même qu’ils ne viennent personnellement en contact avec le systèmeNote de bas de page118. Lorsqu’ils entrent en contact avec la police, les jeunes autochtones sont plus susceptibles de défier celle-ci ou de refuser de coopérer en raison de leur méfiance, ce qui les rend plus susceptibles d’être arrêtésNote de bas de page119. La surveillance policière excessive peut également mener la police à adopter des attitudes négatives envers les jeunes autochtones, ce qui peut influencer les pratiques et les interventions de la policeNote de bas de page120. Par exemple, les recherches montrent que la police est plus susceptible de répondre de manière informelle avec de jeunes non-autochtones,Note de bas de page121 alors que les jeunes autochtones sont plus susceptibles de recevoir une réponse officielle et d’être privés de mesures extrajudiciairesNote de bas de page122.
Les jeunes autochtones sont également sous-surveillés, un phénomène où les jeunes autochtones n’ont pas l’aide nécessaire des services de police en réponse à leur victimisation ou à leur victimisation potentielleNote de bas de page123. Lorsqu’ils font une plainte légitime pour signaler que leurs droits ont été violés ou qu’ils ont été victimisés, les jeunes autochtones sont souvent ignorés par la police et leurs plaintes ne sont généralement pas traitées avec la même vigueur que si ces plaintes étaient formulées par des non-AutochtonesNote de bas de page124. Par exemple, dans le contexte des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, les recherches ont révélé que la police ignorait les préoccupations des familles autochtones concernant un proche disparu et, dans certains cas, continuait de ne pas donner suite à ces préoccupationsNote de bas de page125. Pour de plus amples renseignements sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, veuillez consulter la page Comprendre ce que vivent les femmes et les filles autochtones en matière de victimisation et de violence.
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Utilisation des rapports Gladue en pratique
Dans le but de lutter la surreprésentation des jeunes autochtones en détention, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) exige que les juges envisagent des solutions de rechange à la détention en tenant particulièrement compte de facteurs liés à la situation unique des jeunes autochtones, connus sous le nom de facteurs GladueNote de bas de page126. Les facteurs Gladue peuvent être pris en considération tout au long du processus de justice pénale, y compris lors des décisions de mise en liberté sous caution, de la détermination de la peine et des audiences de libération conditionnelle. Les rapports Gladue peuvent être particulièrement utiles pour présenter le contexte détaillé et complet de l’accusé autochtone, fondé sur des entrevues avec l’accusé, ses aînés et sa communauté, ainsi que sur des recherches pertinentesNote de bas de page127.
Toutefois, les rapports Gladue sont rarement utilisésNote de bas de page128 dans le contexte des jeunes pour un certain nombre de raisons, la plus courante étant le manque de responsables des dossiers Gladue formés et disponiblesNote de bas de page129. Bien que les rapports Gladue aient pour but d’informer le juge de la situation unique de la personne, ils peuvent également avoir la conséquence involontaire d’étiqueter les jeunes autochtones en raison de leurs expériences, par exemple, de la pauvreté, de problèmes de santé mentale et de violence familiale. Cette situation a ultimement une influence sur la façon dont ils sont traités et perçus au sein du système de justice pénaleNote de bas de page130. De plus, s’ils sont laissés sans mesures de soutien, certains jeunes autochtones ont expliqué que passer en entrevue pour le rapport peut raviver des traumatismesFootnote131. Selon certains professionnels de la justice pour les jeunes, les avantages potentiels des rapports Gladue doivent également être mis en balance avec le fait que la préparation de ces rapports prend du temps supplémentaire, ce qui pourrait augmenter le temps passé en détention provisoireNote de bas de page132.
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Utilisation de mesures extrajudiciaires et de programmes adaptés à la culture
Les mesures extrajudiciaires et la déjudiciarisationNote de bas de page133 sont souvent perçues par les professionnels de la justice, les universitaires et les jeunes autochtones eux-mêmes comme une approche prometteuse pour lutter la surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice pénaleNote de bas de page134. Cependant, il existe des inégalités dans la façon dont les mesures extrajudiciaires sont utilisées, en particulier dans le cas de groupes surreprésentés comme les jeunes autochtonesNote de bas de page135. Cette situation peut être attribuable à diverses raisons, comme le manque de mesures de soutien et de services adaptés à la culture offerts aux jeunes autochtones, ainsi que le manque de sensibilisation chez les professionnels du système de justice pénale, ce qui peut mener à une réponse défaillante aux besoins des jeunes autochtones victimes et survivants et des jeunes autochtones délinquants et accusés. Toutefois, lorsque les programmes existent, ils ne sont habituellement pas fondés sur la distinction de sorte qu’ils ne tiennent souvent pas compte des besoins uniques des jeunes délinquants des Premières Nations, des Inuits et des MétisNote de bas de page136.
En l’absence de programmes pertinents sur le plan culturel et adaptés à la culture, le système de justice pénale n’est pas en mesure de guérir et/ou de réhabiliter les jeunes délinquants autochtones. Cette situation, en plus des effets continus de la discrimination systémique et du traumatisme intergénérationnel sur les personnes, les familles et les communautés, fait en sorte qu’il est plus difficile pour les jeunes autochtones dans le système de renforcer leur résilience, et que ceux-ci sont plus susceptibles de récidiverNote de bas de page137.
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