Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants

V. Facteurs conjoncturels influant sur le pouvoir discrétionnaire de la police

5.0 L'alcool ou la drogue

On a constaté que la présence d'indices que l'adolescent arrêté était sous l'effet de l'alcool ou de la drogue au moment de l'incident augmente considérablement les risques de dépôt d'accusations (Carrington, 1998a; Conly, 1978).

La majorité des policiers de notre échantillon (63 p. 100) ont indiqué qu'ils ne tenaient pas compte de l'usage d'alcool ou de drogue lorsqu'ils traitaient des incidents mettant en cause des adolescents et 26 p. 100 ont mentionné qu'il s'agissait d'un facteur mineur. Cependant, plusieurs policiers ont précisé que cet élément pouvait avoir une incidence sur la méthode utilisée pour forcer l'adolescent à comparaître, augmentant la probabilité qu'on le libérerait en vertu d'une promesse, envers l'agent responsable, de ne pas consommer d'alcool.

Les policiers de collectivités connaissant un problème de prostitution juvénile sont plus susceptibles de considérer la consommation d'alcool ou de drogue comme un facteur majeur dans leur décision concernant l'adolescent arrêté (11 p. 100 comparativement à 2 p. 100 dans les autres collectivités). Cependant, les policiers de collectivités connaissant d'autres genres de crimes d'adolescents sont moins susceptibles de considérer la consommation d'alcool ou de drogue comme un facteur ou un facteur majeur : 8 p. 100 de ceux des collectivités ayant de graves problèmes de crimes commis par des adolescents contre les biens, comparativement à 15 p. 100 de ceux des autres collectivités; 4 p. 100 de ceux des collectivités ayant de graves problèmes de crimes violents chez les adolescents, comparativement à 13 p. 100 des autres; aucun dans les collectivités ayant des problèmes de gangs, comparativement à 14 p. 100 dans les autres; et 4 p. 100 des policiers des collectivités où les adolescents sont portés à commettre des infractions envers l'administration de la justice, comparativement à 15 p. 100 dans les autres collectivités. Il semblerait donc que la présence d'alcool ou de drogue lors de la perpétration de crimes par des adolescents soit davantage un problème dans les collectivités qui ne connaissait pas un niveau élevé de crimes graves par les adolescents, sauf la prostitution.

Les policiers des collectivités ayant une importante population d'Autochtones hors réserve sont plus susceptibles de considérer la consommation d'alcool ou de drogue comme un facteur ou un facteur important (20 p. 100 comparativement à 7 p. 100). Cependant, les policiers de services desservant une réserve des Premières nations ne sont ni plus ni moins susceptibles que d'autres policiers de considérer la consommation d'alcool ou de drogue comme un facteur.

Les policiers ayant six années ou plus de service perçoivent différemment l'usage d'alcool ou de drogue que ceux ayant cinq années de service ou moins. Ainsi, 17 p. 100 des premiers estiment qu'il s'agit d'un facteur ou un facteur majeur, comparativement à 0 p. 100 des seconds.

Deux tendances se sont manifestées lorsque nous avons demandé aux policiers de préciser l'incidence de l'alcool ou de la drogue. D'abord, de nombreux policiers étaient d'avis que la cause fondamentale du comportement criminel des adolescents était la toxicomanie ou l'alcoolisme. Ils étaient préoccupés par la pénurie de services sociaux ou d'endroit où ils pouvaient envoyer les adolescents en crise. Un policer de la Colombie-Britannique a exprimé sa frustration en ces termes :

Toute la question qui se pose, c'est pourquoi faire passer ces adolescents par le système de justice pénale parce qu'ils sont toxicomanes si personne ne veut passer à la prochaine étape. [De nombreux policiers utilisent la toxicomanie et l'alcoolisme comme] épée de Damoclès vis-à-vis des adolescents parce qu'on sait qu'on paraîtra bien à la fin de notre petit rapport, le jeune a été arrêté par la police et, placé dans un centre de détention, on peut se laver les mains du problème jusqu'au prononcé de la sentence six ou sept mois plus tard et vous écrivez alors à l'agent de probation que, bon, je n'ai pas vu l'adolescent, peut-être qu'un traitement serait une bonne idée.

De nombreux policiers ont exprimé le même sentiment. Ils croyaient avoir plus d'influence s'il y avait des ressources auxquelles renvoyer les adolescents pour les aider à surmonter leur problème de dépendance.

Deuxièmement, de nombreux policiers ont indiqué que l'usage d'alcool ou de drogues complique le rapport avec les adolescents. L'alcool est une forme de « courage liquide » et les policiers disent prendre moins au sérieux le comportement d'un adolescent sous l'effet de l'alcool. Cependant, ils s'empressent d'ajouter que « la sécurité de l'adolescent est la priorité, car un crime peut arriver n'importe quand. » Ainsi, ils prendront les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité de l'adolescent jusqu'à ce qu'il se « dégrise », même s'ils doivent le détenir faute d'autres ressources.