Pouvoir discrétionnaire de la police à l'égard des jeunes contrevenants

IV. Facteurs organisationnels influant sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire des policiers

7.0 Appui à la police communautaire

7.0 Appui à la police communautaire

L'un des grands changements d'orientation du maintien de l'ordre au Canada a été le passage de la police traditionnelle à la police communautaire. Dès les années 1990, presque tous les services de police du Canada avaient intégré le terme « police communautaire » dans leur mandat écrit (Horne, 1992). Cela ne signifie pas que tous avaient nécessairement adopté intégralement l'idéologie sur laquelle repose le concept de police communautaire. Cette idéologie policière suppose un rôle élargi de la police dans la collectivité, de même que des changements organisationnels et internes importants. Dans la pratique, il existe des variations considérables dans l'ensemble du Canada (Hornick et coll., 1996). Ces variations ne touchent pas seulement la question de savoir si on a adopté quelques nouveaux programmes, mais il y a également confusion touchant l'application et la mise en œuvre du concept de police communautaire (Horne, 1992; Leighton, 1991). En bref, pour la plupart, les services de police comprennent ce que signifie police communautaire, mais peu s'entendent sur la façon de mettre le concept en pratique (Hornick et coll., 1996).

Le passage de la police traditionnelle à la police communautaire suppose un changement dans l'orientation et les priorités du service de police, ses relations avec la collectivité, l'organisation géographique, le fondement du pouvoir et le recrutement et la formation (Wood, 1996). Dans le modèle traditionnel, l'orientation primaire est le modèle de répression du crime. Dans le concept de la police communautaire, il y a un mélange de maintien de l'ordre et de services à la collectivité (Wood, 1996). La responsabilité des relations communautaires incombe à chaque policier, et ne relève donc plus de l'approche traditionnelle consistant en services pécialisés. L'accent passe des mécanismes démocratiques aux résultats concrets et le fondement du pouvoir, d'un contrôle policier complet à un pouvoir partagé avec la collectivité. L'organisation des compétences (voir la Section 2.0 ci-dessus) passe de la centralisation à la décentralisation. Facteur plus important, le recrutement et la formation doivent être axés sur les relations humaines et le règlement des problèmes, plutôt que de se concentrer exclusivement sur la répression du crime (Wood, 1996). Dans un style policier axé sur les problèmes, on adopte des méthodes comme SARA (évaluation des réponses à l'analyse de l'environnement) et CAPRA[80] (clients, acquisition et analyse des renseignements, partenariats, réponses, auto-évaluation) (Himelfarb, 1997; Hornick et coll., 1996). Dans l'un et l'autre cas, les policiers intègrent les actions des intéressés (victimes, contrevenants), tiennent compte des caractéristiques de l'incident (contexte social, cadre matériel et mesures prises avant, pendant et après l'événement), de même que des r&eacue;ponses et perceptions des citoyens et des institutions privées ou publiques dans la mesure où elles s'appliquent aux problèmes (Bala et coll., 1994). Ainsi, la police communautaire comporte deux grands éléments : i) partenariats avec la collectivité et ii) règlement des problèmes (Hornick et coll., 1996). Les dirigeants de la police canadienne ont vivement appuyé la police communautaire qu'ils considèrent comme l'approche la plus progressiste (Leighton, 1991); toutefois, dans la documentation disponible, on ne précise pas quels sont les services de police canadiens qui sont totalement passés à la police communautaire.

Pour adopter une approche de police communautaire, le service de police doit se doter de son propre style communautaire de maintien de l'ordre, qui répond aux besoins des citoyens de la collectivité desservie. Normandeau et Leighton (1990) ont dégagé les caractéristiques Page suivantes, essentielles au succès de tout effort en matière de police communautaire :

En bref, l'adoption de la philosophie de la police communautaire suppose un changement radical de tous les éléments de la structure et des mécanismes organisationnels. Pour trouver des solutions de rechange adéquates au traitement officiel, il faut se concentrer sur les causes du comportement et recourir à une méthode proactive de règlement des problèmes permettant de trouver des réponses valables, adaptées et équilibrées face à l'adolescent et à sa situation (Hornick et coll., 1996). Le recours à une approche multi-organismes compte sur le recours aux ressources de la collectivité, le partage des connaissances et la mise en commun des ressources et compétences de la façon la plus rentable (ibid.). Tous ces éléments prennent leur pleine valeur lorsqu'il y a adoption complète d'une idéologie de police communautaire. Ainsi, la mesure dans laquelle le service de police adopte un style communautaire de maintien de l'ordre aura probablement une influence profonde sur le recours aux moyens officieux de traiter la criminalité adolescente.

Puisque la police communautaire se concentre sur les besoins d'une collectivité précise, il n'existe pas d'approche globale. Une approche qui fonctionne à tel endroit pourrait ne pas s'appliquer ailleurs. Les policiers ont dit manquer de connaissances générales de ce qui fonctionne dans des situations données. Dans certains territoires, la police est très innovatrice dans ses approches à l'égard du traitement de la criminalité adolescente, tandis que dans d'autres, elle semble écrasée par sa charge de travail, certains déclarant que la LJC inhibe leurs capacités de préparer des stratégies proactives de prévention du crime.

D'après une étude récente, la police favorise fortement les objectifs de la police communautaire et, selon 97 p. 100 des répondants, les solutions de rechange communautaires à la voie officielle constituent une méthode appropriée d'entraîner des conséquences positives (Caputo et Kelly, 1997). Toutefois, parmi les inconvénients, il faut mentionner le manque d'orientation et de sens en ce qui a trait au concept de police communautaire, les variations sur les aspects officieux entre administrations, la disponibilité, la répugnance des administrateurs à réaffecter les ressources loin des fonctions classiques de maintien réactif de l'ordre[81] et un manque de reconnaissance, par les pairs et les supérieurs,[82] des initiatives de prévention du crime comme les programmes scolaires (ibid.). En bref, les policiers veulent être guidés sur les modalités et l'opportunité de recourir au pouvoir discrétionnaire de la police dans un environnement axé sur la police communautaire.

7.1 L'aspect idéologique : énoncés de mission et mandats et objectifs écrits

Le concept de police communautaire comporte quatre dimensions : idéologique, stratégique, tactique et organisationnelle (Cordner et Scarborough, 1997). L'aspect idéologique suppose l'intégration des idéaux de la police communautaire (dont nous avons traité précédemment) au sein de l'organisation. L'aspect idéologique se retrouve habituellement dans un énoncé de mission et(ou) des mandats et objectifs du service. À peine moins de la moitié (46 p. 100) des services de police de notre échantillon nous ont remis une copie de leur énoncé de mission et le tiers, des exemplaires de leurs mandats et objectifs. Les services de police métropolitains sont beaucoup plus susceptibles d'avoir un énoncé de mission (70 p. 100) que ceux des banlieues ou des régions exurbaines (42 p. 100) ou des régions rurales et petites villes (34 p. 100). L'existence d'une documentation sur les mandats et objectifs est moins fréquente : 47 p. 100 des services de police métropolitains ont pu fournir ce type de document, comparativement à 26 p. 100 des services des banlieues ou des régions exurbaines et à 26 p. 100 de ceux des régions rurales et des petites villes.

Il existe des différences régionales frappantes en ce qui a trait à l'existence de la documentation (Figure IV.19). Presque tous les services de police de l'Ontario et plus de la moitié de ceux de la région de l'Atlantique ont actuellement des énoncés de mission, comparativement à des proportions beaucoup moindres ailleurs. En grande majorité, en outre, les services de police de l'Ontario (70 p. 100) ont des mandats et objectifs clairs, comparativement à des proportions moindres dans les autres régions (0 p. 100 à 27 p. 100)[83]. Presque tous ces documents contiennent le terme « police communautaire ». Toutefois, ce n'est que dans les autres aspects que l'on peut préciser dans quelle mesure un service de police a un modèle de police communautaire.

Figure IV.19 Répartition régionale de l'adoption de l'aspect idéologique de la police communautaire

Figure IV.19 Répartition régionale de l'adoption de l'aspect idéologique de la police communautaire - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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7.2 Aspect stratégique : politiques, protocoles et affectation des ressources

L'aspect stratégique porte sur l'intégration des idéaux de la police communautaire dans les politiques et protocoles de même que, essentiellement, l'affectation de ressources adéquates. Nous pouvons examiner plusieurs aspects pour établir dans quelle mesure un service de police a adopté le volet stratégique de la police communautaire. Nous illustrons à la Figure IV.20 le pourcentage de services de police qui nous ont fourni de la documentation sur ces divers aspects.

Figure IV.20 Services de police qui ont fourni des documents sur l'aspect stratégique de la police communautaire

Figure IV.20 Services de police qui ont fourni des documents sur l'aspect stratégique de la police communautaire - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Ces pourcentages offrent un éclairage sur la mesure dans laquelle les codes ont été adoptés. Pourtant, même dans les services qui se sont doté de politiques pertinentes, de protocoles et qui font rapport à la population (p. ex., rapport annuel), on se demande encore si ces mots sont vides de sens ou si on a réservé des ressources adéquates. Nous avons demandé à nos interviewés si, à leur avis, leur service de police appuyait la police communautaire. Nous avons codé les réponses en trois catégories : n'appuie pas signifie que le service de police n'a pas de politique sur la police communautaire, ne fournit pas de ressources aux agents pour mettre en œuvre des initiatives de police communautaire et que la direction ne récompense aucune initiative de ce type; appuie par une politique signifie que le service a préparé des politiques et des protocoles et fait rapport au public, ce qui témoigne d'un engagement envers la police communautaire (détails ci-dessus à la Figure IV.20); enfin, la catégorie appuie avec ressources indique que des ressources importantes sont affectées à la police communautaire. Les services de cette catégorie n'ont pas seulement consigné par écrit leurs initiatives, mais ont aussi réservé les ressources adéquates et appuient la mise en œuvre et le maintien d'un régime de police communautaire à tous les grades. Dans un nombre important de services de police, les policiers interviewés n'étaient pas d'accord les uns avec les autres en ce qui concerne le niveau d'appui à la police communautaire. Ces services de police ont reçu le code réponses multiples. Nous donnons à la Figure IV.21 la répartition des services de police.

Figure IV.21 Niveau d'engagement des services de police envers la police communautaire

Figure IV.21 Niveau d'engagement des services de police envers la police communautaire - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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D'après les données, moins du quart des services de police de notre échantillon ont mis en place le volet stratégique de la police communautaire.[84]Pour nous, le fait que plus du tiers des services entraient dans la catégorie réponses multiples pourrait signifier deux choses. Tout d'abord, l'aspect idéologique n'a pas été clairement précisé à tous les grades pour veiller à ce que les policiers aient une idée précise des mandats et objectifs en ce qui a trait à la mise en œuvre de la police communautaire. De plus, l'affectation d'agents des services communautaires (ASC) dans certains services policiers augmente la probabilité de points de vue conflictuels chez les policiers membres, puisque les autres (p. ex., les patrouilleurs) ne se voient pas comme faisant en soi de la police communautaire.

Nous donnons à la Figure IV.22 la répartition régionale de l'appui accordé par les services de police à la police communautaire. La forme la plus forte d'engagement envers la police communautaire, à savoir l'affectation de ressources importantes à cette fin, est répartie assez également entre les régions du Canada, sauf dans la région de l'Atlantique et dans les Territoires, où les niveaux sont faibles. L'affectation de ressources à la police communautaire est plus fréquente dans les services de police métropolitains (42 p. 100) et de banlieue et régions exurbaines (40 p. 100), mais moindre, comme il faut s'y attendre, dans les services de police des petites villes et régions rurales (26 p. 100).

Figure IV.22 Répartition régionale du niveau d'engagement des services de police envers la police communautaire

Figure IV.22 Répartition régionale du niveau d'engagement des services de police envers la police communautaire - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Si nous considérons les policiers individuellement plutôt que de traiter le service de police comme un ensemble, nous constatons que, pour 40 p. 100 des répondants, leur service a affecté des ressources importantes à la police communautaire, que pour un autre 40 p. 100, leur service n'accordait qu'un léger appui à la politique et que, pour les autres (20 p. 100), leur service n'accordait pas son appui. Nombre de policiers dont l'organisation n'accordait qu'un appui politique ont mentionné clairement que selon eux, cette forme d'engagement n'était prise que « pour la forme », sans être appuyée par des mesures concrètes. Ainsi, 40 p. 100 seulement des policiers interviewés pensaient que leur service avait pris un engagement réel envers la police communautaire en y affectant des ressources. Cela mine plutôt la prétention formulée au début de la présente partie et selon laquelle le Canada a été témoin d'une réorientation majeure du maintien de l'ordre, passant du modèle traditionnel au modèle communautaire.

Les opinions des policiers concernant l'engagement de leur service envers la police communautaire diffèrent selon le poste auquel le répondant est affecté. Nous voyons à la Figure IV.23 que les agents de liaison scolaire et ceux de l'escouade jeunesse sont les plus susceptibles de dire que leur organisme n'appuie pas la police communautaire, mais les ALS sont également les plus susceptibles de dire que leur service y accorde des ressources. De toute évidence, leurs opinions sont plus précises que celles des autres policiers, probablement parce que se sont les ALS qui participent le plus directement à la police communautaire. Les policiers de l'escouade jeunesse sont de plus moins susceptibles que les autres d'estimer que leur organisme accorde un appui sous forme de ressources; toutefois, ce sont les patrouilleurs qui ont l'opinion la plus négative sur l'engagement de leur service envers la police communautaire : 13 p. 100 seulement ont dit que leur service y accordait un appui et des ressources.

Figure IV.23 Perception du soutien du service à la police communautaire selon le lieu

Figure IV.23 Perception du soutien du service à la police communautaire selon le lieu - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Il ressort de nos constatations que la mise en place du volet stratégique de la police communautaire influe sur les décisions des policiers concernant les jeunes contrevenants. Si un service a une politique pertinente et a affecté des ressources à la police communautaire, ses membres sont plus susceptibles de recourir « éventuellement » ou « toujours » à des mesures officieuses. Aucune différence ne se dégage en ce qui touche l'utilisation des mises en garde officieuses; toutefois, les services de police qui accordent des ressources sont plus susceptibles de recourir aux mises en garde officielles (44 p. 100) que ceux dont l'appui ne se traduit que par une politique (30 p. 100) ou les autres qui n'appuient pas la police communautaire (0 p. 100). Les services de police qui ont affecté des ressources à la police communautaire sont également plus susceptibles d'interroger l'adolescent au domicile ou au poste de police en tant que mesure officieuse (23 p. 100 compar. à 50 p. 100 des autres services). Qui plus est, les policiers de ces services sont presque deux fois plus susceptibles de procéder à des renvois vers des organismes externes si l'appui du service de police est assorti d'une affectation de ressources (80 p. 100 compar. à 44 p. 100 des autres services).

Le niveau d'engagement envers la police communautaire a un lien positif avec le recours aux mesures de rechange comme moyen de régler les incidents liés aux adolescents. Le quart (25 p. 100) des services n'appuyant pas la police communautaire ont recours à la déjudiciarisation avant l'accusation, comparativement à près de la moitié (43 p. 100) de ceux qui ont intégré une politique de police communautaire et aux trois quarts des services de police (75 p. 100) qui y ont affecté des ressources. Il existe une relation analogue concernant la probabilité qu'un service de police ait recours à des programmes communautaires de justice réparatrice avant le dépôt d'accusations. Aucun des services de police qui n'appuyaient pas la police communautaire n'a eu recours à la déjudiciarisation au moyen de programmes communautaires de justice réparatrice, comparativement à 22 p. 100 de ceux dont l'appui s'était traduit par une politique et à plus de la moitié (56 p. 100) des services y ayant affecté des ressources. Aucune différence n'était évidente en ce qui a trait à l'utilisation de mesures de rechange après le dépôt d'accusations. Nous illustrons au Tableau IV.3 les proportions d'adolescents arrêtés et accusés de 1998 à 2000 selon le programme DUC, ventilées d'après le niveau d'appui accordé par le service de police à la police communautaire. La ventilation est également donnée par région pour contrôler les variations régionales globales dans les pratiques relatives au dépôt d'accusations. Dans cinq des six régions (l'exception étant les Prairies), la tendance à porter des accusations diminue à mesure qu'augmente le niveau d'appui à l'endroit de la police communautaire.

Tableau IV.3 Proportion d'adolescents arrêtés et accusés, 1998 à 2000, selon le niveau d'appui à la police communautaire et la région
  N'appuie pas
% d'accusés
Appuie - politique
% d'accusé
Appuie - ressources
% d'accusé
Territoires s.o. 61 % 43 %
Colombie-Britannique 56 % 49 % 35 %
Prairies n/a 71 % 75 %
Ontario 73 % 75 % 66 %
Québec n/a 47 % 45 %
Atlantique 78 % 60 % 60 %

Il n'y a pas de rapport entre le niveau d'engagement envers la police communautaire et le recours aux avis de comparution ou aux sommations. Toutefois, il existe un rapport avec les motifs invoqués par les répondants en ce qui concerne l'utilisation d'une promesse de comparaître. Les services ayant des ressources spécialisées en police communautaire sont plus susceptibles de recourir à une promesse de comparaître « pour mettre un adolescent en liberté sans détention » (75 p. 100) que les services policiers qui n'ont qu'une politique, sans avoir pris de mesures pour l'appuyer (53 p. 100). Ils sont également plus susceptibles d'utiliser une promesse de comparaître « comme conséquence plus ferme que la mise en liberté avec avis de comparution » (18 p. 100 compar. à 0 p. 100) ou avec une « promesse envers un policier responsable » (64 p. 100 compar. à 25 p. 100). Aucune relation ne se dégage entre la mesure dans laquelle un service a mis en place l'aspect stratégique de la police communautaire et les types de conditions que ses policiers attachent ultimement à une promesse envers un policier responsable.

Il existe toutefois une exception : nous n'avons relevé aucune différence dans les motifs invoqués pour détenir un adolescent aux fins d'une audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Les services ayant des ressources spécialisées en police communautaire ne sont qu'à moitié aussi susceptibles de mentionner qu'ils détiennent les jeunes contrevenants « pour des infractions multiples »(19 p. 100 compar. à 41 p. 100).

7.3 Dimension tactique : programmes de prévention du crime et maintien de l'ordre axé sur les problèmes (MOAP)

La dimension tactique de la mise en place de la police communautaire consiste à créer « dans la pratique » des programmes de prévention du crime et un maintien de l'ordre axé sur les problèmes. Nous avons demandé aux répondants de préciser le niveau de participation de leur service à la prévention du crime et codé les réponses en trois catégories. Dans chaque service de police et détachement de notre échantillon, on trouve au moins un programme de prévention du crime mis en œuvre de façon relativement constante. Les policiers de 28 des services ont dit que leur service offre beaucoup de programmes de prévention du crime; 34 p. 100 des services offrent certains programmes et 38 p. 100 participent peu à l'exécution de programmes de prévention du crime.

Nous illustrons à la Figure IV.24 la répartition régionale à ce titre. Elle reflète la répartition régionale des niveaux de criminalité adolescente (Figure III.9), élevés dans les Prairies et Territoires et moins élevés ailleurs.

Figure IV.24 Répartition régionale du niveau de participation des services de police aux programmes de prévention du crime

Figure IV.24 Répartition régionale du niveau de participation des services de police aux programmes de prévention du crime - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Les services de police métropolitains (33 p. 100) et des banlieues ou des régions exurbaines (29 p. 100) sont plus susceptibles que ceux des régions rurales et des petites villes (20 p. 100) de participer à « beaucoup » de programmes de prévention du crime et ceux des régions rurales et des petites villes sont plus susceptibles (48 p. 100) de participer seulement « un peu » à la prévention du crime que les services policiers métropolitains (30 p. 100) et des banlieues ou régions exurbaines (29 p. 100). D'après ces profils, il semblerait exister un rapport entre le niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité et le niveau de participation du service de police aux programmes de prévention du crime. À l'extrémité supérieure du spectre, toutefois, le rapport est en fait très faible : 32 p. 100 des services de police des collectivités où le taux de criminalité adolescente est « élevée » participent à « beaucoup » de programmes de prévention du crime, comparativement à 26 p. 100 des services des collectivités à « niveau normal » de criminalité adolescente et à 25 p. 100 des services de police des collectivités où il n'y a pas beaucoup de criminalité adolescente. Une relation beaucoup plus forte se dégage à l'autre extrémité du spectre de participation : 67 p. 100 des services de police des collectivités où le taux de criminalité adolescente est élevé ne participent que « peu » aux programmes de prévention du crime, comparativement à 38 p. 100 des services des collectivités où le taux de criminalité adolescente est « normal » et à 18 p. 100 des services des collectivités où le taux de criminalité adolescente est « élevé ».

Précisons que 11 p. 100 seulement des services de l'échantillon nous ont fourni les documents sur leurs programmes de prévention du crime, apparemment parce que seuls les services de police les plus grands disposent des ressources financières et humaines nécessaires pour préparer des documents de ce genre. Un modeste pourcentage de services nous ont fourni les documents sur leurs programmes spécialisés, par exemple SHOCAP/SHOP (9 p. 100), G.R.I.T. (Équipe d'intervention et de résistance aux gangs) (2 p. 100), et TAPP-C (5 p. 100). En outre, dans notre échantillon, 16 p. 100 ont fourni les documents décrivant les projets de mobilisation communautaire et les initiatives courantes axées sur les problèmes et faisant appel à des partenaires de la collectivité. Il ressortait des entrevues que ces chiffres ne sont pas un indice de la mesure dans laquelle les services de police de notre échantillon sont parties à des programmes innovateurs pour les adolescents et qu'ils ne saisissent pas la profondeur de l'implication de nombre de services de notre échantillon dans leurs collectivités.

Il faut mentionner une variation considérable dans le type de programmes de prévention du crime auxquels participent les services de police. Les types de programmes en place peuvent changer périodiquement au fil des ans afin de mieux rendre compte des besoins perçus dans la collectivité. Ainsi, les interviewés ont laissé entendre que la prévalence des programmes axés sur la prévention de l'intimidation a augmenté depuis trois à quatre ans. De même, dans nombre de services de police, les agents participent de plus en plus à des activités bénévoles qui les mettent en contact avec les jeunes (p. ex., parties de base-ball, manifestations communautaires). Nous illustrons à la Figure IV.25 les grandes catégories de programmes de prévention du crime actuellement offerts par les services de notre échantillon, dans les écoles ou ailleurs.

Figure IV.25 Types de programmes de prévention du crime

Figure IV.25 Types de programmes de prévention du crime - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Nous illustrons à la Figure IV.26 la répartition régionale des services de police participant à des programmes de prévention du crime liés aux gangs d'adolescents. La participation est plus élevée dans les Prairies et en Ontario et très faible au Québec et dans les provinces de l'Atlantique. Cette répartition rend compte de la distribution régionale des problèmes liés à des gangs de jeunes identifiés : niveau plus élevé dans les Prairies, en Ontario et au Québec (Figure III.14). En fait, les services de police des collectivités où on a dégagé des problèmes liés aux gangs de jeunes sont beaucoup plus susceptibles (52 p. 100) de participer à des programmes liés aux gangs que les autres services de police (10 p. 100). La participation à des programmes de prévention du crime touchant les gangs de jeunes est également fortement liée au niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité : ainsi, 50 p. 100 des services de police des collectivités où le taux de criminalité adolescente est « élevé » participent à des programmes anti-gangs, comparativement à 14 p. 100 des services des collectivités qui présentent un taux « normal » de criminalité adolescente et à 8 p. 100 seulement de ceux des collectivités où ce taux et « peu élevé ». Ces rapports expliquent probablement les raisons pour lesquelles les services de police des régions métropolitaines sont beaucoup plus susceptibles (40 p. 100) de participer à des programmes visant les gangs que les services de police des collectivités des banlieues et des régions exurbaines (21 p. 100) ou les services de police des régions rurales et petites villes (7 p. 100). Les services de police des collectivités où vit une population importante d'Autochtones hors réserve sont aussi beaucoup plus susceptibles (31 p. 100) de participer à des programmes visant les gangs que les autres services de police (14 p. 100). Toutefois, il n'y a pas de relation entre maintien de l'ordre dans une réserve des Premières nations et la participation à des programmes visant les gangs : ainsi, 19 p. 100 des services de police dont le territoire compte une réserve participent à ces programmes, comparativement à 20 p. 100 des autres services de police.

Figure IV.26 Répartition régionale de la participation des services de police à des programmes de prévention du crime visant les gangs de jeunes

Figure IV.26 Répartition régionale de la participation des services de police à des programmes de prévention du crime visant les gangs de jeunes - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Un profil un peu analogue se dégage en ce qui a trait à la participation des services de police aux programmes contre la violence. Nous donnons à la Figure IV.27 la répartition régionale des services de police qui participent à ces programmes. Elle reflète approximativement la répartition régionale des services de police signalant un problème important de violence adolescente dans leur collectivité, les niveaux étant plus élevés dans les Prairies et en Ontario et faibles dans les provinces de l'Atlantique (Figure III.13). Toutefois, les services de police des Territoires ont signalé des niveaux relativement bas de crimes d'adolescents graves avec violence (Figure III.13), mais participent beaucoup aux programmes de prévention du crime axés sur la violence. La participation policière aux programmes liés à la violence des adolescents est beaucoup plus fréquente dans les collectivités où les policiers ont dégagé un problème de criminalité adolescente grave avec violence : 79 p. 100 des services de police de ces collectivités participent à des programmes contre la violence, comparativement à 38 p. 100 des services de police des autres collectivités. De même, 73 p. 100 des services de police des collectivités où le taux de criminalité adolescente est « élevé » prennent part à des programmes contre la violence, comparativement à 52 p. 100 dans les collectivités où ce taux de crimes est « normal » et à 23 p. 100, dans les collectivités où il est « peu élevé ». Ces rapports expliquent probablement pourquoi les services de police métropolitains sont beaucoup plus susceptibles (70 p. 100) de participer à des programmes contre la violence que ceux des banlieues ou des région exurbaines (42 p. 100) ou des régions rurales et petites villes (36 p. 100). Il n'y a pas de relation entre le maintien de l'ordre auprès des populations autochtones, hors réserve ou non, et la participation aux programmes contre la violence, ce qui n'a rien d'étonnant compte tenu du problème de la criminalité violente dégagé dans les collectivités autochtones (Griffiths et Verdun-Jones, 1994: 638-639; voir. Chapitre III, section 4.2.4 ci-dessus).

Figure IV.27 Répartition régionale de la participation des services de police aux programmes de prévention du crime et de la violence

Figure IV.27 Répartition régionale de la participation des services de police aux programmes de prévention du crime et de la violence - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Le niveau de participation aux programmes de prévention du crime a-t-il un effet sur les décisions des policiers concernant les jeunes contrevenants? D'après les données, cette participation est liée à l'utilisation de mesures officieuses, mais il n'existe aucune relation systématique entre le niveau de participation à la prévention du crime et l'utilisation des mesures de rechange avant et après l'accusation ou les méthodes retenues pour garantir la comparution au tribunal.

À mesure que le niveau de participation d'un service de police aux programmes de prévention du crime augmente, la probabilité que les policiers envisagent « habituellement » ou « toujours » le recours à des mesures officieuses augmente parallèlement. Ainsi, 93 p. 100 des services appliquant « beaucoup »de programmes de prévention du crime envisagent « habituellement » ou « toujours » des mesures officieuses dans les incidents liés aux adolescents, comparativement à 80 p. 100 de ceux ayant une « certaine » participation et à 66 p. 100 de ceux n'y participant que « peu ». Le même profil vaut en ce qui a trait à l'utilisation des mises en garde officieuses : la totalité (100 p. 100) des services de police participant « beaucoup » aux programmes de prévention du crime ont recours aux avertissements officieux, comparativement à 94 p. 100 de ceux qui y participent dans une « certaine » mesure et à 89 p. 100 de ceux qui n'y participent que « peu ». Les policiers sont presque deux fois plus susceptibles (50 p. 100) de recourir à des mises en garde officielles dans les services qui participent « beaucoup » aux programmes de prévention du crime que les policiers des services qui participent dans « une certaine » mesure ou n'y participent que « peu » (26 p. 100). De même, si les services participent à « beaucoup » (100 p. 100) ou à « certains » (97 p. 100) des programmes, les policiers sont plus susceptibles de faire appel à la participation des parents comme forme de mesure officieuse que les policiers des services qui ne participent que « peu »aux programmes de prévention du crime (80 p. 100). De plus, la probabilité que les policiers procèdent à des renvois vers des organismes externes est également plus élevée dans les services qui participent « beaucoup » aux programmes de prévention du crime (75 p. 100) que dans ceux qui y participent dans une « certaine » mesure (61 p. 100) ou n'y participent que « peu » (52 p. 100) aux programmes de prévention du crime. Fait non étonnant, les policiers sont plus susceptibles de dire qu'ils recourent « presque toujours » aux mesures officieuses dans le cas des infractions mineures (22 p. 100 compar. à 10 p. 100) et provinciales (24 p. 100 compar. à 12 p. 100) dans les services qui participent " beaucoup " aux programmes de prévention du crime que dans les services policiers moins participants.

Plus un service de police participe à l'exécution de programmes de prévention du crime, moins il est probable que ses membres portent « presque toujours » des accusations pour des infractions mineures ou graves. Les services de police qui participent à « beaucoup » ou à « certains » programmes sont moins susceptibles de porter des accusations dans le cas des infractions mineures (2 p. 100) que ceux qui ne participent que « peu » à des programmes de prévention du crime (14 p. 100). De la même façon, les services qui offrent « beaucoup » de programmes ou « certains » programmes de prévention du crime sont moins susceptibles de porter « presque toujours » des accusations dans le cas d'infractions graves (39 p. 100 compar. à 61 p. 100 des services de police qui ne participent que « peu » à ces programmes).

Nous illustrons au Tableau IV.4 les pourcentages de jeunes arrêtés et accusés de 1998 à 2000, selon le programme DUC, ventilés d'après le niveau de participation des services de police aux initiatives de prévention du crime. Les pourcentages sont également ventilés en fonction du niveau de criminalité dans la collectivité, afin de contrôler l'effet confusionnel de cette variable. Puisque les taux d'accusation varient considérablement entre provinces, il est également souhaitable de contrôler chacune des provinces, mais cela a été impossible, en raison du nombre trop modeste de services de police dans l'inter-classification résultante. La solution que nous avons adoptée consistait à calculer, pour chaque service de police, le pourcentage de jeunes arrêtés et accusés par rapport à la moyenne provinciale. Ainsi, en Colombie-Britannique, le pourcentage global de jeunes arrêtés qui ont été accusés de 1998 à 2000 (dans notre échantillon) est de 56 p. 100 (Tableau II.1). Donc, si un service de police de Colombie-Britannique accusait 70 p. 100 des jeunes arrêtés, il recevrait une note de +14 p. 100; s'il portait des accusations à l'endroit de 60 p. 100 des jeunes arrêtés, sa note serait de -10 p. 100.

Tableau IV.4 Proportion d'adolescents arrêtés et accusés de 1998 à 2000, comparativement au taux provincial global d'accusations, selon le niveau de participation de la police aux initiatives de prévention du crime et le taux perçu de criminalité adolescente dans la collectivité
  Niveau de participationà la prévention du crime
  « Peu » « Certaine participation » « Beaucoup »
Niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité %  d'accusés %  d'accusés %  d'accusés
« Peu élevé » -1 % n/a +5 %
« Normal » ±0 % -4 % -5 %
« Élevé » +4 % +2 % -6 %

Ainsi, au Tableau IV.4, dans les collectivités où le taux perçu de criminalité adolescente est « peu élevé », les services de police qui ne participent que peu aux initiatives de prévention du crime ont un taux d'accusations des jeunes arrêtés qui est légèrement inférieur (1 p. 100) à la moyenne provinciale et ceux qui participent à « beaucoup » d'initiatives ont un taux moyen d'accusations qui est supérieur de 5 p. 100 à la moyenne provinciale.[85] Cela laisse penser que, dans ce type de collectivité, la participation aux initiatives de prévention du crime est associée à une « augmentation » de la tendance à porter des accusations, contrairement à nos attentes. Dans les collectivités où la criminalité adolescente est « normale », les services de police qui participent « beaucoup » ont un taux moyen d'accusations qui est de 5 p. 100 inférieur à celui des services qui ne participent qu'à « certains » programmes et, dans les collectivités où le taux de criminalité adolescente est élevé, les services qui participent « beaucoup » à ces programmes ont, en moyenne, un niveau d'accusations portées qui est 10 p. 100 inférieur aux services qui n'y participent que « peu ». Ainsi, le rapport entre le niveau de participation aux initiatives de prévention du crime et le niveau d'accusation des adolescents arrêtés augmente avec le niveau perçu de criminalité adolescente dans la collectivité.

Nous avons aussi demandé aux répondants de nous parler de l'utilisation du maintien de l'ordre axé sur les problèmes dans leurs détachements ou services de police. Dans nos conversations sur ce thème, certains policiers nous ont dit que le concept est désuet. Parmi les solutions de rechange proposées, mentionnons le « maintien de l'ordre axé sur les solutions » ou le « maintien de l'ordre fondé sur le renseignement ». D'après un policier, le maintien de l'ordre est passé de l'application de la loi au maintien de l'ordre axé sur les problèmes et ensuite au maintien de l'ordre axé sur la collectivité. Nous avons pu obtenir des renseignements sur le MOAP de 85 des 92 services et détachements de police de l'échantillon. Nous avons codé les réponses en quatre catégories : première ligne seulement se rapporte aux services de police où les policiers de première ligne sont les seules personnes qui utilisent vraiment le modèle MOAP dans l'exécution quotidienne de leurs tâches; policier communautaire ne se rapporte qu'aux services à l'égard desquels les répondants, interrogés à propos des projets MOAP, nous ont aiguillés vers l'ASC ou ont mentionné que seul ce dernier participe activement à l'application quotidienne du modèle MOAP; policier de première ligne et policier communautaire ne vise que les services où tous les policiers de première ligne et policiers communautaires utilisent normalement le modèle MOAP; enfin, tous les grades s'entend des services de police où le personnel de première ligne, les policiers communautaires, le SEG et la direction participent tous dans une certaine mesure au MOAP. L'échantillon est assez également réparti dans les quatre catégories (Figure IV.28).

Figure IV.28 Type de participation au maintien de l'ordre axé sur les problèmes

Figure IV.28 Type de participation au maintien de l'ordre axé sur les problèmes - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Figure IV.29 Répartition régionale de l'adoption du modèle MOAP

Figure IV.29 Répartition régionale de l'adoption du modèle MOAP - Si vous ne pouvez visualisez ce graphique, veuillez communiquer avec la Section de la politique en matière de justice applicable aux jeunes à Youth-Jeunes@justice.gc.ca pour obtenir un autre format approprié.

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Nous illustrons à la Figure IV.29 l'ampleur de l'utilisation du modèle MOAP par les services de police selon la répartition régionale. Pour simplifier la présentation, nous avons jumelé les catégories « policier de première ligne et policier communautaire » et « tous les grades » pour désigner les services de police où l'utilisation du modèle MOAP est assez répandue dans l'ensemble de l'organisation. Évidemment, l'adoption du modèle MOAP est très avancée dans les Prairies, mais pas dans les Territoires ou les provinces de l'Atlantique. En utilisant le même groupement combiné de services de police, dans lequel le modèle MOAP est utilisé par tous les grades ou au moins par les ASC et les policiers de première ligne, nous avons constaté que les services de police des banlieues ou régions exurbaines sont les plus susceptibles (65 p. 100) de se situer à ce niveau d'intégration du MOAP comparativement aux services de police métropolitains (54 p. 100) et à ceux des petites villes et des régions rurales (32 p. 100).

Les policiers sont plus susceptibles d'envisager « habituellement » ou « toujours » les mesures officieuses dans les services où les policiers de première ligne intègrent vraiment le MOAP à leurs activités quotidiennes d'application de la loi. Dans 92 p. 100 des services où le MOAP se limite aux policiers de première ligne, l'utilisation des mesures officieuses est « habituellement » ou « toujours » envisagée comparativement à 78 p. 100 de ceux où les ASC et les policiers de première ligne utilisent les uns et les autres le MOAP, à 77 p. 100 de ceux qui, à tous les grades, utilisent le MOAP et à 74 p. 100 des services où l'utilisation de ce modèle se limite aux ASC. De la même façon, si les policiers de première ligne sont les seuls qui appliquent activement le modèle MOAP, ils sont également plus susceptibles d'envisager « presque toujours » des mesures officieuses dans le cas d'infractions mineures (32 p. 100 compar. à 11 p. 100 des services ayant les trois autres modèles) et des infractions provinciales (29 p. 100 compar. à 13 p. 100 des autres services). Ils sont également plus susceptibles d'envisager « presque toujours » des mesures officieuses pour tous les types d'infraction (45 p. 100) que les services où seuls les ASC appliquent le MOAP (40 p. 100), les agents de première ligne et les ASC (31 p. 100), ou tous les grades (26 p. 100). On pourrait en conclure que le MOAP a plus d'incidence s'il est appliqué par les policiers de première ligne dans la rue que dans le cadre de projets communautaires ciblés.

Le rapport entre l'ampleur du recours au MOAP par un service et son utilisation des mesures officieuses (voir ci-dessus) est inversé si nous analysons les différences dans l'utilisation des mesures de rechange avant le dépôt d'accusations. Les services de police dont les agents de première ligne sont les seuls policiers appliquant le modèle MOAP sont moins susceptibles de recourir à la déjudiciarisation avant l'accusation (36 p. 100) que les services où seuls les ASC (55 p. 100), les agents de première ligne et ASC (50 p. 100), ou les services où tous les grades sont concernés (59 p. 100) utilisent le modèle MOAP. Encore une fois, cela fait ressortir la pertinence, pour les décisions de déjudiciarisation et de renvois, du rapport entre le service de police et la collectivité, comme l'indique la participation des ASC et des autres grades, contrairement au rôle prédominant des policiers de première ligne dans les décisions relatives aux mesures officieuses.

Nous illustrons au Tableau IV.5 le rapport entre l'adoption du MOAP par les services de police et la proportion de jeunes arrêtés accusés entre 1998 et 2000, selon le programme DUC. Tout comme au Tableau IV.4, les pourcentages ont trait à la moyenne provinciale d'adolescents accusés. Les services de police où tous les grades utilisent le MOAP ont un niveau d'accusations des jeunes arrêtés qui, en moyenne, est de 4 p. 100 inférieur à la moyenne provinciale; toutefois, les services où le MOAP est réservé aux policiers de première ligne ou aux policiers de première ligne et aux ASC ont des niveaux d'accusations qui sont plus élevés que leur moyenne provinciale. En contrôlant les niveaux de criminalité adolescente dans la collectivité, etc., cela ne modifie pas le rapport. Nous supposons que ce résultat inattendu découle de l'incapacité d'établir une différence entre les mesures officieuses et la déjudiciarisation avant l'accusation, à partir des données DUC. Nous avons mentionné précédemment que les services de police où les policiers de première ligne sont les seuls qui appliquent le modèle MOAP sont moins susceptibles de recourir à la déjudiciarisation avant l'accusation; cela compense probablement et davantage la hausse présumée du recours aux mesures officieuses par ces services.

Tableau IV.5 Proportion de jeunes arrêtés et accusés, de 1998 à 2000, comparativement à la moyenne provinciale des accusations, selon la mesure où on adopte le modèle MOAP
Adoption du MOAP % d'accusés
Agents de première ligne seulement +4 %
ASC seulement -9 %
Première ligne et ASC +3 %
Tous les grades -4 %

7.4 La dimension organisationnelle : Restructuration

Enfin, la dimension organisationnelle suppose une restructuration de l'organisme pour mettre en œuvre la police communautaire. En retour, il faut pour cela amorcer une réorientation idéologique, ce qui est plus facile à dire qu'à décrire. Nombre d'organismes ont réduit le nombre de niveaux de leur hiérarchie, mis en place de nouveaux critères d'évaluation de l'avancement et désigné des postes de policiers chargés de se concentrer uniquement sur les questions de police communautaire. Dans nos discussions avec les policiers, nous avons fini par constater que l'aspect organisationnel de la police communautaire est beaucoup plus complexe que les autres, peut-être le plus difficile à mettre en place. La restructuration de l'organisme exige que la direction consulte les policiers de tous les grades pour mettre en place la police communautaire de la manière correspondant le mieux à la collectivité visée. Dans plusieurs cas, les services de police ont mis en place la majorité des autres volets des dimensions idéologique, tactique et stratégique, mais n'ont pas (encore) rajeuni l'organisation ou son idéologie sous-jacente pour mettre efficacement en place la police communautaire. La restructuration suppose un engagement véritable envers la police communautaire de la part de l'équipe de la haute direction, qui se traduit alors par une vaste gamme d'innovations organisationnelles. Nous avons estimé qu'établir dans quelle mesure cela s'était produit dans les services de police de notre échantillon dépassait les capacités de la méthodologie retenue.