Les engagements à ne pas troubler l'ordre public et la violence contre les femmes : une étude de site des effets du projet de Loi C-42 sur la procédure, la demande et l'exécution
10. WINNIPEG (suite)
- 10.2 Caractéristiques des défendeurs
- 10.3 Conditions
- 10.4 Taux de violation
- 10.5 Détermination des peines
10. WINNIPEG (suite)
10.2 Caractéristiques des défendeurs
En recoupant les données du Tribunal de la violence familiale de Winnipeg avec les casiers judiciaires pour 1993-1997, nous observons qu'en moyenne et à Winnipeg, le défendeur soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public est âgé de 32,5 ans (n=340). Soixante-et-onze pour cent des défendeurs sont de sexe masculin et 23 pour cent sont de sexe féminin (n=340), et nous n'avons pu déterminer le sexe de 5,6 pour cent des personnes dont le nom figurait dans l'ensemble des données.
La durée moyenne d'un engagement contracté à Winnipeg entre 1993 et 1997 était de 11,7 mois (n=340). Quarante-six pour cent des personnes soumises à un engagement de ne pas troubler l'ordre public et recensées par le Tribunal de la violence familiale de Winnipeg avaient déjà un casier judiciaire, avec une moyenne de 6,8infractions commises (n=157) avant la signature d'un engagement en vertu de l'article 810.
Contrairement à la situation à Halifax, 98,8 pour cent des défendeurs soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public (n=336) à Winnipeg faisaient l'objet d'autres accusations concomitantes à l’imposition d'un engagement. Parmi ces défendeurs, 31,8pour cent faisaient l'objet d'au moins deux accusations. Cela s'explique par le caractère centralisé du Tribunal de la violence familiale de Winnipeg et par la mise en place d'une politique d’arrestation et d’inculpation obligatoires pour les affaires de violence familiale.
Comme c'était le cas pour Halifax, le tableau 10.2.1 montre que l’infraction concomitante la plus communément commise était les voies de fait (n=251), suivies par les menaces (n=42). Il semble que les violations d'ordonnances rendues par les tribunaux (n=9) et les violations d'engagements de ne pas troubler l'ordre public (n=9) constituaient parfois des accusations concomitantes (n=3) de sorte que la violation d'un engagement donnait lieu à l’imposition d'un nouvel engagement. Cette situation était également observée à Halifax.
INFRACTION | N | % * |
---|---|---|
Voies de fait | 251 | 73,8 |
Menaces | 42 | 12,4 |
Violation d'engagement | 9 | 2,6 |
Violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public | 9 | 2,6 |
Agression sexuelle | 7 | 2,1 |
Fraude comptable ou financière | 5 | 1,5 |
Manquement aux conditions de la probation | 2 | 0,6 |
* Le total n'est pas égal à 100 car seules les infractions les plus communément commises sont reprises dans le tableau.
10.3 Conditions
À Winnipeg, très peu d’engagements de ne pas troubler l'ordre public, contenus dans les systèmes de renseignements de la police (locale ou du Centre d'information de la police canadienne) comportaient des renseignements sur les conditions imposées. En fait, dans 98,2 pour cent des cas, il n’y avait aucun renseignement à ce sujet (cf. tableau 10.3.1).
En dépit de ce manque de données statistiques, le personnel de justice du Manitoba a signalé que les conditions les plus communément imposées étaient « ne pas troubler l'ordre public et observer une bonne conduite » et « aucun contact ou communication » :
Les conditions « aucun contact/aucune communication/aucune relation de proximité » sont les plus importantes. Par « aucune relation de proximité », il faut comprendre que la personne ne doit pas s'approcher du domicile ni du lieu de travail de la requérante. Ce sont les conditions les plus fréquentes. Certaines autres conditions peuvent parfois porter sur les enfants. (Policier – Manitoba)
Les traditionnels « ne pas troubler l'ordre public », « observer une bonne conduite » et parfois « aucun contact, aucune communication ». Ou encore ne pas entrer dans le domicile, le lieu de travail, le lieu de culte ni s’en approcher. (Juge de paix – Manitoba)
Ces observations ont été confirmées par un autre juge de paix qui a répondu de la façon suivante :
Eh bien, on observe systématiquement les conditions suivantes : « aucun contact », « aucune communication », « interdiction de pénétrer dans le domicile de la requérante ». Ce sont certainement les conditions les plus fréquentes. (Juge de paix – Manitoba)
N | % * | |
---|---|---|
Aucun contact | 2 | 0,6 |
Programme spécial pour les agresseurs | 1 | 0,3 |
Contact limité aux enfants | 1 | 0,3 |
Pas d'alcool | 1 | 0,3 |
Aucune condition notée dans le casier judiciaire | 334 | 98,2 |
* Le total n'est pas égal à 100 en raison de conditions multiples assorties à chaque cas.
10.4 Taux de violation
Comme pour Halifax et Hamilton, la plupart des personnes interrogées à Winnipeg ont signalé que les services de police procèderaient à l'arrestation d'un suspect à la fois à cause de l’infraction ellemême et de la violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public:
Oh non, nous procédons à des arrestations pour la violation également. C'est une nouvelle accusation. (Policier – Manitoba)
Peut-être avezvous mal compris. Oui, il serait accusé d'avoir violé l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Mais, dans ce cas, nous engagerions des poursuites à la fois pour la violation de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public et pour voies de fait. À moins qu'il existe des raisons nous poussant à ne pas le faire. (Procureur de la Couronne – Manitoba)
Cependant, cela ne figure pas sur les fichiers de police, et les procureurs de la Couronne ont signalé que cette double accusation serait redondante. Dans de nombreux cas, l'accusation de violation est la première à tomber lors de la négociation de plaidoyers. Comme pour les données de Halifax, la définition utilisée pour déterminer une violation est toute infraction pénale commise sous le coup d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public (voir section 8.4). Puisque les données relatives aux engagements de ne pas troubler l'ordre public pour Winnipeg se fondaient sur la base de données du Tribunal de la violence familiale de Winnipeg, tous ces cas étaient liés à des problèmes de violence familiale.
Parmi les personnes ayant contracté un engagement de ne pas troubler l'ordre public dans des cas de violence familiale à Winnipeg entre 1993 et 1997, dix pour cent (n=34) ont commis une infraction alors qu'elles étaient soumises à un engagement en vertu de l'article 810. De plus, 27,9 pour cent (n=95) ont commis une infraction après l’expiration de l'engagement contracté. À Winnipeg, les défendeurs de sexe masculin présentaient une plus forte probabilité de récidive que les défendeurs de sexe féminin, à la fois pendant la durée de l'engagement (12,1 % contre 5,1 %) et après son expiration (33,5 % contre 12,7 %).
Pendant l'engagement | Après l'engagement | |||
---|---|---|---|---|
N | % | N | % | |
Tous les engagements liés à des affaires de violence familiale | 34 | 10,0 | 95 | 27,9 |
Défendeur de sexe masculin (n=242) | 29 | 12,1 | 81 | 33,5 |
Défendeur de sexe féminin (n=79) * | 4 | 5,1 | 10 | 12,7 |
* Le sexe du contrevenant n'a pas pu être déterminé dans 19affaires.
Les infractions les plus communément commises pendant la durée d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public, dans les affaires de violence familiale à Winnipeg, étaient les voies de fait (23,3 %), suivies par la noncomparution/violation d'une ordonnance (18,3 %) et le vol (8,3 %). Ces trois infractions étaient aussi les délits les plus susceptibles d'être commis à l’expiration d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public, hormis le fait que l’infraction la plus communément observée était la noncomparution ou la violation d'une ordonnance.
INFRACTION (N=60) | N | %* |
---|---|---|
Voies de fait | 14 | 23,3 |
Noncomparution au tribunal/Violation d'une ordonnance | 11 | 18,3 |
Vol | 5 | 8,3 |
Conduite avec facultés affaiblies | 3 | 5,0 |
Méfaits | 3 | 5,0 |
Possession d'une arme | 2 | 3,3 |
Mauvaise conduite du personnel | 2 | 3,3 |
Menaces | 2 | 3,3 |
Escroquerie/déclaration mensongère | 2 | 3,3 |
Emploi de documents contrefaits | 2 | 3,3 |
Fraude | 2 | 3,3 |
Non-respect des conditions | 2 | 3,3 |
* Le total n'est pas égal à 100 car seules les infractions les plus communément commises sont reprises dans le tableau.
Pour les défendeurs ayant commis une infraction tout en étant soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public à Winnipeg (n=42), le nombre moyen d’infractions commises était de 2,1. Le nombre moyen d’infractions commises à l’expiration de l'engagement était de 3,5.
INFRACTION (N=239) | N | % * |
---|---|---|
Noncomparution au tribunal/Violation d'une ordonnance | 61 | 25,5 |
Voies de fait | 37 | 15,5 |
Vol | 23 | 9,6 |
Conduite avec facultés affaiblies | 16 | 6,7 |
Menaces | 13 | 5,4 |
Non-respect des conditions | 12 | 5,0 |
Méfaits | 9 | 3,8 |
Agression armée ou infliction de lésions corporelles | 6 | 2,5 |
Introduction par effraction | 6 | 2,5 |
Recel | 6 | 2,5 |
Emploi de documents contrefaits | 5 | 2,1 |
Escroquerie/déclaration mensongère | 4 | 1,7 |
Fraude | 4 | 1,7 |
Possession (Loi sur les stupéfiants) | 3 | 1,3 |
Trafic (Loi sur les stupéfiants) | 3 | 1,3 |
Voies de fait graves | 2 | 0,8 |
Propos indécents au téléphone/harcèlement téléphonique | 2 | 0,8 |
* Le total n'est pas égal à 100 car seules les infractions les plus communément commises sont reprises dans le tableau.
10.5 Détermination des peines
Pour l'ensemble des infractions commises par des personnes soumises à un engagement de ne pas troubler l'ordre public à Winnipeg, la durée et la sévérité des sanctions dépendaient de l’infraction. Les contrevenants coupables de violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public en commettant une infraction alors que l'engagement était toujours en vigueur, ont été condamné, en moyenne, à 20,6 mois de probation (n=21) et/ou à 3,4 mois de prison (n=20) et/ou à 316$ d'amende (n=11). La principale différence entre Halifax et Winnipeg repose sur la durée de l'emprisonnement. Cette différence peut s'expliquer par le caractère spécialisé du Tribunal de la violence familiale de Winnipeg, lequel traite spécifiquement et uniquement les affaires de violence familiale et non les affaires criminelles plus générales.
Aucun des membres du personnel de justice interrogé à Winnipeg n'a constaté d'impact sur la détermination des peines, du fait des modifications apportées à la durée de la peine maximale.
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