Représentation des Autochtones devant les tribunaux de juridiction criminelle au Canada : Étude fondée sur l’indice de taux relatif

2. Méthode

Procédures et mesures

Ce projet est issu d’une collaboration entre la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada et le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités de Statistique Canada. Les données présentées dans ce rapport ont été obtenues par un couplage de données : les dossiers issus du questionnaire détaillé du Recensement de la population de 2016 de Statistique Canada (Recensement)Note de bas de page 9 et ceux de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC)Note de bas de page 10 ont été évalués et liés en fonction de la probabilité qu’ils appartiennent à la même personne. Les fichiers de comparution et d’accusation de l’EITJC étaient tous les deux nécessaires pour effectuer le couplage, car chaque dossier contenait des informations particulières sur les résultats judiciaires examinés dans cette étude. Plus précisément, les données du fichier de comparution de l’EITJC comportant des identifiants personnels ont d’abord été envoyées à l’Environnement de couplage de données sociales (ECDS)Note de bas de page 11 afin d’identifier des personnes uniques. Ces personnes ont ensuite été liées au fichier d’accusation de l’EITJC, qui comprend les accusations pour les affaires réglées par les tribunaux (c’est-à-dire les affaires à l’égard desquelles toutes les accusations ont fait l’objet d’une décision finale)Note de bas de page 12. Pour obtenir l’identité autochtone des accusés de l’EITJC, les personnes figurant dans le fichier d’accusation de l’EITJC ont été associées au Recensement, qui a été effectué auprès de 25 % de la population canadienne. La cohorte de l’EITJC avait un taux de liaison de 13 %. Afin de tirer, par déduction, des conclusions sur l’ensemble de la population des individus de l’EITJC, les pondérations du Recensement ont été ajustées pour correspondre à la cohorte complète de l’EITJCNote de bas de page 13. Au sein de la cohorte de l’EITJC, seules les personnes dont l’affaire était réglée par les tribunaux et qui étaient liées au Recensement ont été retenues pour cette étude, ainsi que leur poids et leur identité autochtone.

Les données obtenues par la procédure de couplage de données sont de portée nationale et comprennent des informations provenant de 11 provinces et territoires. Les données du Québec et de l’Alberta ont été exclues, car les identifiants personnels nécessaires au couplage n’étaient pas disponibles dans l’EITJCNote de bas de page 14.

Les variables « identité autochtone » et « groupe de minorités visibles » du Recensement ont été utilisées pour créer deux groupes d’étude : les accusés autochtones et les accusés blancs. Le terme « Autochtone » comprend les personnes qui se sont identifiées comme membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, ou comme des Indiens inscrits ou comme membres d’une bande indienne ou des Premières Nations. Aux fins de cette étude, le terme « accusé blanc » comprend les personnes identifiées comme n’étant ni Autochtones, ni membres d’une minorité visibleNote de bas de page 15 dans le Recensement. Les données liées pour les groupes des Autochtones et des Blancs ont servi à produire deux types de mesures : 1) la proportion d’accusés autochtones et blancs devant les tribunaux de juridiction criminelle; 2) l’indice de taux relatif.

1) Proportions d’accusés autochtones et blancs devant les tribunaux de juridiction criminelle

Pour obtenir la représentation des Autochtones en tant qu’accusés devant les tribunaux de juridiction criminelle, les proportions d’accusés autochtones et d’accusés blancs ont été calculées sur la base du nombre total d’accusés dans l’EITJC. Ces chiffres ont été comparés aux proportions d’Autochtones et de Blancs dans la population canadienne, qui ont été calculées à partir de la population totale du Recensement. À des fins de comparaison, les personnes de moins de 12 ans ont été exclues de la population du Recensement, car les personnes de ce groupe d’âge sont exclues de l’EITJC. Les données sur les proportions (tant celles de l’EITJC que celles du Recensement) ont été générées pour les trois années de recensement les plus récentes pour lesquelles il existait des chiffres exacts de population : 2006, 2011 et 2016Note de bas de page 16.

2) Indice de taux relatif

La méthode de l’ITR mesure la probabilité qu’un groupe sélectionné (les accusés autochtones) fasse l’objet d’un résultat judiciaire (p. ex., déclaration de culpabilité, peine d’emprisonnement) par rapport à l’éventualité qu’un groupe de référence (les accusés blancs) fasse l’objet du même résultat. Dans cette étude, les ITR ont été calculés en divisant le taux d’accusés autochtones faisant l’objet d’un résultat judiciaire par le taux d’accusés blancs faisant l’objet du même résultat judiciaire (voir l’annexe 1). Ces taux sont basés sur le nombre d’accusés autochtones et d’accusés blancs qui ont fait l’objet d’un résultat judiciaire par rapport au nombre total d’accusés autochtones et d’accusés blancs, respectivement, « à risque » de faire l’objet d’un tel résultat. Le terme « à risque » renvoie aux différentes étapes du processus judiciaire pénal; seuls les accusés présents dans le système judiciaire à l’étape précédente sont « à risque » de passer à l’étape suivante. Par exemple, seules les personnes déclarées coupables – par opposition à tous les accusés – sont « à risque » d’être condamnées à une peine d’emprisonnementNote de bas de page 17. Par conséquent, les ITR représentent le niveau de disproportion à des étapes clés ou à des points de décision du processus judiciaire pénal, indépendamment de toute disproportion qui aurait pu se produire à une étape antérieure du processus judiciaire pénal.

Cette étude de l’ITR examine la représentation des accusés autochtones par rapport aux accusés blancs à cinq étapes clés ou aux points de décision du processus judiciaire pénal : 1) l’enquête préliminaire; 2) le procès; 3) les décisions du tribunalNote de bas de page 18; 4) la détermination de la peineNote de bas de page 19; et 5) la durée des peines d’emprisonnementNote de bas de page 20. À titre d’information, en plus des ITR, les données sur la durée des peines d’emprisonnement sont également présentées en utilisant la durée médiane des peines d’emprisonnement en jours comme mesure (voir l’annexe 2, tableau 11 et tableau 12)Note de bas de page 21.

Des ITR ont été générés pour chacune des années de 2005-2006 à 2015-2016Note de bas de page 22. Afin de limiter la portée du rapport et de faciliter la présentation des résultats pour les accusés autochtones et blancs, les ITR sont principalement présentés dans le texte du rapport comme une moyenne unique sur la période de 11 ans (plutôt que comme 11 points de données distincts). Sauf indication contraire, les ITR ne sont indiqués que si les données étaient disponibles pour chaque année de la période de 11 ans. Cela a permis d’assurer la cohérence dans les périodes de déclaration pour les résultats judiciaires (p. ex., les décisions des tribunaux et les types de peines), ainsi que pour les sous-résultats (p. ex., la déclaration de culpabilité et l’arrêt des procédures ou la peine d’emprisonnement et la probation). Comme l’ITR moyen peut cacher d’importantes variations d’une année à l’autre, des graphiques présentant les ITR annuels sont inclus pour chaque résultat judiciaire examiné, et les tendances notables sont discutées.

Les principales données sur les ITR présentées dans le rapport concernent la population totale de l’EITJC. Les données sur les ITR ont été ventilées par groupes d’âge (adultes et jeunes), par sexe (hommes et femmes), par type d’infraction (avec violence et sans violence) et par administration. Les ITR pour ces groupes sont présentés dans le texte lorsque les données montrent une tendance différente de celle de la population autochtone dans son ensemble ou lorsque la disproportion est plus prononcée à un moment précis du processus judiciaire pénal lorsque des variables supplémentaires sont prises en compte. Ces ventilations sont rapportées comme une moyenne sur la période de 11 ans. Dans certains cas, on observe des variations importantes dans le temps au sein de chaque catégorie de ventilation, notamment au sein des administrations. Il convient de noter que certaines ventilations, à savoir les données sur les administrations et les jeunes, ont donné lieu à des échantillons de faible taille et que certains points de données ont dû être supprimés pour garantir la qualité des données et la confidentialité des personnesNote de bas de page 23. Ces ventilations ne sont donc pas disponibles pour certaines années. Dans ces cas, une note a été ajoutée dans le rapport. Enfin, les données déclarées dans le texte du rapport se concentrent sur les résultats les plus notables; des tableaux de données complets, comprenant toutes les ventilations disponibles, sont présentés à l’annexe 2.

Interprétation des résultats de l’ITR

Pour chaque résultat judiciaire et chaque ventilation, l’ITR moyen des accusés autochtones est établi en comparaison avec leurs homologues blancs, qui constituent le groupe de référence. Par exemple, la probabilité qu’une femme autochtone accusée fasse l’objet d’une enquête préliminaire est établie par rapport à l’éventualité qu’une femme blanche accusée soit visée par une enquête préliminaire. Un ITR de 1,00 signifie qu’il n’y a pas de disproportion par rapport au groupe de référence. Un ITR supérieur à 1,00 signifie que les accusés autochtones ont une plus grande probabilité d’être visés par un résultat judiciaire que le groupe de référence. Un ITR inférieur à 1,00 signifie que les accusés autochtones ont une moins grande probabilité d’être visés par ce résultat que le groupe de référence.

Aux fins du présent rapport, ces seuils ont été légèrement ajustés. Les valeurs de l’ITR qui se situaient à moins de quatre pour cent de la catégorie de référence (c’est-à-dire, 1,00 +/- 0,04) ont été considérées comme ne présentant aucune disproportion. Par exemple, les accusés autochtones et les accusés blancs sont considérés comme également susceptibles d’être visés par un résultat judiciaire lorsque l’ITR se situe entre 0,96 et 1,04. Un ITR de 0,95 (ou -5 %) ou moins indiquerait que les accusés autochtones ont une moins grande probabilité d’être visés par un résultat judiciaire que les accusés blancs. Un ITR de 1,05 (ou +5 %) ou plus indiquerait que les accusés autochtones sont plus susceptibles que les accusés blancs d’être visés par un résultat judiciaire.

Tableau 1 : Rapport et interprétation des résultats de l’ITR
Valeur de l’ITR Déclaration des données Interprétation des données
1,05 ou plus +5 % ou plus Les accusés autochtones sont plus susceptibles que les accusés blancs d’être visés par un résultat
0,96 à 1,04
(1,00 = Référence)
-4 % à +4 % Les accusés autochtones et les accusés blancs sont également susceptibles d’être visés par un résultat
0,95 ou moins -5 % ou moins Les accusés autochtones sont moins susceptibles que les accusés blancs d’être visés par un résultat

Dans ce rapport, les valeurs de l’ITR sont présentées sous forme de pourcentages (voir le tableau 1). Par exemple, une valeur de l’ITR de 1,20 serait présentée comme 20 % plus susceptible ou +20 %. Il en va de même pour les valeurs de l’ITR inférieures à 1,00. Par exemple, une valeur de l’ITR de 0,85 serait indiquée comme 15 % moins susceptible ou -15 %. Les valeurs de l’ITR de 2,00 ou plus peuvent également être exprimées en multiples. Par exemple, un ITR de 2,00 (ou +100 %) serait signalé comme deux fois plus susceptible. Toutefois, les graphiques représentant la tendance des données de l’ITR sur une période de 11 ans (présentés dans les résultats) utilisent les valeurs de l’ITR plutôt que des pourcentages.