Exceptions aux peines minimales obligatoires - Les développements récents dans certains pays
Discussion
1. Développements récents
Il est difficile de décrire les différents développements qui se sont produits depuis 2012, lors du lancement de cette étude. En aucune circonstance le législateur n’a pris la décision d’abroger des peines minimales obligatoires existantes. Toutefois, il est possible de discerner trois tendances évidemment liées aux orientations politiques, aux débats publics et aux décisions des tribunaux. On a pu observer : 1) des augmentations de la fréquence du recours aux peines minimales obligatoires (avec ou sans exceptions prévues par la loi); 2) des limitations partielles concernant l’application des peines minimales obligatoires, habituellement en conséquence de décisions des tribunaux et parfois suivies de modifications aux politiques en matière de poursuites (lignes directrices); et 3) un appui croissant en faveur de l’utilisation des peines présomptives en tant que solution de rechange aux peines minimales obligatoires comme moyen de structurer la détermination de la peine. Il y a également eu de modestes progrès sur le plan de la formulation de dispositions législatives équilibrées établissant les dispenses.
Utilisation accrue des peines minimales obligatoires
Le Canada, comme nous le savons, a augmenté son utilisation des peines obligatoires en vertu de : 1) la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (2012)Note de bas de page 132 qui a modifié la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin d’ajouter des peines minimales obligatoires à des infractions particulières relatives aux drogues selon certaines circonstances, et a modifié le Code criminel pour ajouter des peines minimales obligatoires aux infractions précises impliquant l’exploitation sexuelle d’enfants; 2) la Loi visant à combattre la contrebande de tabac (2014)Note de bas de page 133 qui établit les peines minimales pour les infractions de contrebande de tabac; et 3) le projet de loi C-26 (2015)Note de bas de page 134 , qui modifie le Code criminel pour augmenter les peines minimales obligatoires dans le cas de plusieurs infractions prévues au Code, la plupart concernant des infractions sexuelles contre des enfants et des adolescents.
Entre 2013 et 2015, la Nouvelle-Galles-du-Sud a adopté plusieurs modifications à la Crimes (Sentencing Procedure) Act 1999,imposant une période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour certaines infractions relatives aux armes à feu et aux infractions sexuelles, établissant une nouvelle peine minimale de huit ans et une peine maximale d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour les infractions sexuelles contre des enfants de moins de 10 ans. Les États du Queensland et l’Australie-Occidentale ont ajouté de nouvelles infractions passibles de peines minimales (parfois sans la possibilité d’exceptions) ou ont augmenté les peines minimales déjà établies par la loi.
En 2013, l’État de Victoria a établi des peines obligatoires d’emprisonnement (avec une période de quatre ans d’inadmissibilité à la libération conditionnelle) pour les adultes ayant commis une infraction consistant à causer intentionnellement ou par insouciance des blessures importantes à une personne dans un contexte de violence extrêmeNote de bas de page 135. En 2013, dans les Territoires du Nord, le gouvernement a remplacé le régime existant par un nouveau régime de peines minimales pour les infractions avec violenceNote de bas de page 136. Des dérogations aux durées minimales d’emprisonnement sont possibles en présence de « circonstances exceptionnelles ». Comme nous l’avons mentionné précédemment, d’autres pays ont également augmenté leur régime de peines minimales obligatoires, et ce, non seulement pour les infractions graves.
Limites à l’application des peines minimales obligatoires
Les décisions judiciaires au Canada et dans d’autres pays ont fixé des limites concernant l’application des peines minimales obligatoires. Au Canada, notamment, la Cour suprême a jugé que les peines minimales obligatoires imposées par les sous-alinéas 95(2)a)(i) et (ii)du Code criminel (concernant certaines infractions relatives aux armes à feu) violaient l’article 12 de la CharteNote de bas de page 137. S’exprimant au nom de la majorité, le juge en chef McLachlin a expliqué ce qui suit :
La peine minimale obligatoire est en soi susceptible de s’écarter du principe de proportionnalité lors de la détermination de la peine. Elle est davantage axée sur la dénonciation, la dissuasion générale et le châtiment que sur ce qui constitue une peine appropriée au vu de la gravité de l’infraction, de la culpabilité morale du délinquant et du préjudice causé. Implacable, la peine minimale obligatoire est susceptible d’empêcher le tribunal d’arrêter une peine proportionnelle se situant à l’extrémité inférieure de la fourchette. Dans certains cas extrêmes, elle peut même emporter l’infliction d’une peine injuste, le délinquant n’étant plus au centre du processus, et ce, d’une manière qui contrevient au principe de proportionnalité. Elle modifie le processus général de la détermination de la peine, lequel prend appui sur l’examen de tous les éléments pertinents pour arriver à un résultat proportionné. Elle influe sur le résultat en modifiant le processus judiciaire habituel de détermination de la peineNote de bas de page 138.
Aux États-Unis, la Cour suprême des États-Unis dans la décision Miller c. Alabama (2012) a déclaré inconstitutionnelle la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour les mineursNote de bas de page 139. Il a été décrété qu’une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle était une punition inhabituelle et cruelle pour un délinquant âgé de moins de 18 ans au moment de l’infraction.
Par contre, dans certains pays, les plus hauts tribunaux ont maintenu le droit des États d’établir des peines minimales. Ce fut le cas, par exemple, de l’Australie avec la décision de la Haute Cour dans l’affaire Magaming c. The QueenNote de bas de page 140.
Directives en matière de poursuites
La poursuite du débat sur les conséquences de l’application des peines minimales obligatoires a de plus en plus attiré l’attention sur le rôle et le pouvoir discrétionnaire des procureurs dans l’application de ces régimes.
Aux États-Unis, la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Alleyne c. United StatesNote de bas de page 141 a fait en sorte d’intensifier le rôle des procureurs à déterminer si un défendeur doit être soumis à une peine minimale obligatoire. Cette décision indique que tout fait entraînant un allongement de la peine minimale obligatoire fixée par la loi constitue un élément de l’infraction qui doit être soumis au jury et prouvé hors de tout doute raisonnableNote de bas de page 142. Il s’agit d’un développement majeur puisque celui-ci a entraîné un affaiblissement des facteurs de détermination de la peine habituellement présentés comme contraignants.
La même année, le département de la Justice des États-Unis a fait le lancement de l’initiative intitulée « Attorney General’s Smart on Crime Initiative » dans le but de réduire le recours aux peines minimales obligatoires pour les crimes mineurs non violents relatifs à la drogue et d’encourager l’utilisation de mesures de diversion (département de la Justice des É.-U., 2013). Le procureur général a également modifié les politiques fédérales en matière de poursuites concernant les peines minimales obligatoires pour certains délinquants ayant commis des crimes mineurs non violents relatifs à la drogue (Procureur général des É.-U., 2013; 2013a).
En 2013, en Australie, suivant une révision sénatoriale de l’application des peines minimales obligatoires pour les affaires de passages de clandestins, le procureur général a énoncé certaines lignes directrices concernant le processus de poursuite en lien avec les infractions passibles de peines minimales obligatoires.
Au Canada, suivant l’adoption de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, le directeur des poursuites pénales a établi des lignes directrices afin de guider le procureur de la Couronne relativement aux implications de ces modifications par rapport au processus de poursuite (directeur des poursuites pénales, 2014; 2014a). Entre autres, en ce qui concerne les peines minimales obligatoires pour des infractions relatives à l’exploitation sexuelle des enfants, les lignes directrices indiquent qu’« il est généralement inapproprié pour la Couronne d’accepter un plaidoyer à une infraction moindre, qu’elle suspende ou retire une accusation dans le but d’éviter l’imposition d’une PMO, lorsque la preuve justifie l’accusation initiale. Les écarts peuvent être tolérés dans des circonstances exceptionnelles seulement et en accord avec les lignes directrices actuelles. » (Directeur des poursuites pénales, 2014a).
Exceptions et lignes directrices présomptives
Certains pays ont contribué à la discussion concernant la manière dont les exceptions à l’application des peines minimales obligatoires devraient être définies. Plus particulièrement, le Sentencing Advisory Council [Conseil consultatif sur la détermination des peines] de Victoria a établi plusieurs principes suggérant des exceptions prévues par la loi aux peines minimales obligatoires (Sentencing Advisory Council, 2011). Ces exceptions, appelées des « conditions spéciales », ont clarifié la loi adoptée en 2013 par l’État de VictoriaNote de bas de page 143. Ici, la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada (2013) a proposé sa propre suggestion.
Aux États-Unis, comme nous l’avons déjà dit, plusieurs initiatives législatives sont soumises au Congrès afin d’accroître le recours aux « soupapes de sûreté » pour les affaires fédérales relatives à la drogue et autres infractions.
Enfin, les lignes directrices en matière de détermination de la peine dans plusieurs États se transforment tranquillement en lignes directrices présomptives de fait permettant des écarts par rapport aux peines minimales prescrites dans certains cas. Parallèlement, plusieurs observateurs portent une attention particulière au travail du Sentencing Guidelines Council, en Angleterre et au Pays de Galles, incluant l’application des lignes directrices du Conseil concernant les facteurs personnels mitigés et l’utilisation du pouvoir discrétionnaire par les tribunaux.
2. Incidences des exceptions aux peines minimales obligatoires
Nous avons quelques éléments de preuve cohérents sur les incidences des peines minimales obligatoires, mais très peu d’États ont réuni ou publié des données sur les exceptions à l’application de ces peines obligatoires et les incidences que ces exceptions peuvent avoir. Il est évident que ces incidences varieront probablement en fonction du type d’infraction et du type de délinquant visé, mais aucune analyse systématique de ce type ne semble avoir été menée jusqu’ici.
Toutefois, malgré ces observations générales, quelques recherches sont disponibles aux États-Unis concernant les incidences de certaines formes de dérogations par rapport aux lignes directrices fédérales en matière de détermination de la peine (par exemple, Cappelino et Meringolo, 2014; Divita, 2015; Fischman et Schanzenbach, 2012; Krasnostein et Freiberg, 2013; Ortiz et Spohn, 2014). Plus particulièrement, les dérogations d’assistance substantielle, parce qu’elles exigent le consentement du poursuivant, semblent servir essentiellement à encourager ou à obliger le délinquant à plaider coupable et à coopérer avec l’État. Comme mentionné précédemment, la recherche révèle que ces exceptions ont probablement permis aux tribunaux de diligenter plus efficacement le traitement d’un bon nombre de dossiers, mais aussi d’introduire un taux alarmant de disparités injustifiées entre les peines ce qui a produit des effets différents sur divers groupes de délinquants (Fischman et Schanzenbach, 2012; Divita, 2015).
Il semble y avoir une seule situation où les écarts par rapport aux peines minimales obligatoires pour des crimes graves ont peut-être compromis les objectifs de principe visés par l’adoption de ce régime de détermination de la peine. C’est le cas en Afrique du Sud où la détermination de la peine fondée sur la prise en considération de « circonstances importantes et impérieuses » dans les cas de viol semble être allée à l’encontre de l’objectif déclaré du régime. Comme nous l’avons vu plus haut, cette situation a été corrigée lorsque la loi a été modifiée pour préciser quels facteurs ne constituaient pas des « circonstances importantes et impérieuses » dans les affaires de viol. Cette situation semble aussi être la seule où le public a exprimé de sérieuses réserves au sujet des dispenses à l’application de peines minimales obligatoires.
3. Exceptions et interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
La possibilité pour les tribunaux de reconnaître des circonstances spéciales et de déroger aux peines minimales obligatoires afin de prévenir l’infliction de peines injustes est de plus en plus considérée comme une nécessité pour garantir que les régimes de peines obligatoires ne contreviennent pas à des droits humains fondamentaux en ce qui a trait aux sanctions pénales. Les pays dont il a été question dans le présent document sont liés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), en particulier l’article 7 (interdisant les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) et l’article 9 (interdisant les détentions arbitraires). Certains pays, comme le Royaume-Uni, doivent aussi se conformer à la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier à l’article 3, qui interdit les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à l’article 5 interdisant les détentions arbitraires. Plusieurs d’entre eux ont aussi leur propre législation en matière de droits de la personne qui invariablement interdit les sanctions arbitraires, inhumaines ou injustes. Dans plusieurs cas s’est posée la question de savoir si les peines minimales obligatoires se trouvaient essentiellement en contravention de ces principes de droits de la personne. Dans ces cas, le fait que les tribunaux aient la possibilité de déroger aux sanctions minimales obligatoires dans des circonstances limitées était jugé directement pertinent à la discussion.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a constamment soutenu qu’en ce qui a trait à l’article 9 du PIDCP, le terme « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi », mais que le concept doit être interprété de manière plus large et inclure des éléments comme le caractère non approprié et l’injustice. En ce sens, comme certains chercheurs l’ont fait valoir, [traduction] « une peine qui peut être justifiée pour un crime grave pourrait constituer une peine ou un traitement inhumain si elle est infligée pour une infraction mineure. Dans cette mesure au moins, la notion de traitement inhumain est toute relative » (Jacobs et White, 1996: 51).
Toute cette discussion est certainement pertinente pour le Canada dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libertés, plus particulièrement l’article 9 (droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraire) et l’article 7 (chacun a le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale). En 2015, dans l’arrêt R c. NurNote de bas de page 144,la Cour suprême a déclaré que les peines minimales obligatoires imposées par les sous-alinéas 95(2)a)(i) et (ii)du Code criminel violaient l’article 12 de la Charte et que celles-ci étaient nullesen vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Aussi, il y a l’arrêt Lloyd c. La Reine,dont la constitutionnalité de la peine minimale pour une infraction relative à la drogue (avec une condamnation antérieure) est contestée devant la Cour suprême.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, la Human Rights Act 1998, qui intègre la Convention européenne, interdit aussi les traitements « inhumains ou dégradants » ainsi que la « détention arbitraire » Note de bas de page 145. La question de savoir si les peines obligatoires pouvaient contrevenir à la Convention a été soulevée à au moins deux occasions devant les tribunaux dans les affaires R. c. Offen and Others Note de bas de page 146 et R. c. Rehman and Wood Note de bas de page 147. Dans le premier cas, le tribunal devait se prononcer sur l’obligation d’infliger une peine d’emprisonnement à perpétuité, conformément à l’article 2 de la Crime (Sentences) Act 1997, au délinquant reconnu coupable d’une deuxième infraction grave (à moins de circonstances exceptionnelles). Dans le deuxième cas, la Cour d’appel était confrontée à la peine minimale obligatoire requise en vertu de l’article 51A de la Firearms Act 1968 (introduit dans la Loi par l’article 287 de la Criminal Justice Act 2003). L’un des appelants plaidait que l’article 51A obligeait la Cour à infliger des peines qui constituaient des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, contrevenant ainsi à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, et que de telles peines ne pouvaient que donner lieu à une privation de liberté arbitraire et disproportionnée en violation de l’article 5 ou des articles 5 et 3 considérés ensemble. La Cour n’a pas estimé qu’il s’agissait [traduction] « d’une situation où il était nécessaire d’interpréter l’article 51A de manière plus étroite, indiquant que l’article 3 de la Human Rights Act 1998 était conforme à la Convention ».
Selon le raisonnement de la Cour, un régime de peines minimales obligatoires pouvait donner lieu à l’infliction d’une peine arbitraire et disproportionnée si le tribunal était dans l’impossibilité de prendre en compte des « circonstances exceptionnelles », surtout si ces circonstances étaient telles que [traduction] « l’infliction d’une peine d’emprisonnement de cinq ans équivaudrait à infliger une peine arbitraire et disproportionnée Note de bas de page 148 ».
En juillet 2013, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré, dans l’affaire Vinter and others c. UK, que les peines d’emprisonnement à perpétuité violaient l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit les traitements cruels, inhumains ou dégradants et la torture. Cette déclaration a été contestée avec succès. Le 18 février 2014, la Cour d’appel a jugé que les peines à perpétuité imposées en vertu de l’article 269 de la Criminal Justice Act 2003 étaient incompatibles avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et que les juges devraient continuer de les infliger qu’en cas de circonstances exceptionnelles Note de bas de page 149.
États-Unis
Aux États-Unis, le Bill of Rights (particulièrement le 8e Amendement de la Constitution) interdit l’infliction d’un châtiment « cruel et inhabituel ». La Cour suprême des États-Unis, pour décider si un châtiment en particulier était cruel et inhabituel, s’est appuyée sur les principes articulés dans l’affaire Furman c. GeorgiaNote de bas de page 150. Le châtiment ne doit pas être : dégradant pour la dignité humaine en raison de sa sévérité, un châtiment sévère qui est manifestement infligé d’une manière complètement arbitraire, un châtiment sévère qui est clairement et entièrement rejeté par l’ensemble de la société, un châtiment sévère qui est foncièrement inutile. Ce dernier principe est souvent invoqué en ce qui a trait aux peines minimales obligatoires. La discussion tourne souvent autour de la question de savoir si la lourde peine obligatoire est nécessaire pour dissuader les délinquants ou protéger la société, auquel cas elle serait justifiée. Toutefois, comme nous l’avons indiqué plus haut, dans l’affaire Miller c. Alabama, la Cour suprême des États-Unis a déclaré inconstitutionnelles les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle lorsque le délinquant était âgé de moins de 18 au moment de la perpétration de l’infractionNote de bas de page 151. De telles peines sont considérées comme étant des punitions inhabituelles et cruelles.
Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, l’article 9 de la Human Rights Act 1990 confirme le « droit d’être protégé contre la torture et les traitements cruels » dans les termes suivants : [traduction] « Chacun a le droit d’être protégé contre la torture et autres peines ou traitements cruels, dégradants ou d’une sévérité disproportionnée ». Selon l’article 22, [traduction] « chacun a le droit d’être protégé contre les arrestations et les détentions arbitraires », alors que l’article 27 dispose que [traduction] « chacun a le droit à ce que les principes de justice naturelle soient respectés par tout tribunal ou autre autorité publique ayant le pouvoir de prendre des décisions concernant les droits, obligations et intérêts de cette personne qui sont protégés ou reconnus par la loi ». Ces droits ne sont pas absolus. L’article 5 prévoit expressément que les droits conférés par la Loi peuvent être légalement limités dans la mesure où la « justification des limites puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».
L’expression « sévérité disproportionnée » (à l’article 9) signifie que les tribunaux doivent mettre en balance les peines obligatoires requises pour protéger le public en mettant en prison les délinquants dangereux, d’une part, et les dispositions législatives relatives aux droits de la personne qui interdisent la détention et les châtiments arbitraires et excessifs, d’autre part.
Afrique du Sud
En Afrique du Sud, la Constitution of South Africa 1996 (Chapitre 2 – Bill of Rights) énonce le droit [traduction] « de ne pas être privé de liberté de manière arbitraire ou sans motif valable » (12(1)(a)), ainsi que le droit « de ne pas être traité ou puni de manière cruelle, inhumaine ou dégradante » (12(1)(e))(un droit inaliénable).
L’article 36 (restriction des droits) du Bill of Rights dispose ce qui suit :
[Traduction]
1. Les droits garantis dans la présente loi ne peuvent être restreints que par des lois d’application générale dans la mesure où ces restrictions sont raisonnables et peuvent se justifier dans une société ouverte et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, dont les suivants :
- la nature du droit;
- l’importance et le but de la restriction;
- la nature et la portée de la restriction;
- la relation entre la restriction et son but;
- l’existence de moyens moins restrictifs pour atteindre le but.
La Cour constitutionnelle a jugé que [traduction] « la proportionnalité est un élément dont il faut tenir compte pour décider si une peine est cruelle, inhumaine ou dégradanteNote de bas de page 152 ». Dans la décision Dodo c. S., le tribunal a expliqué qu’une [traduction] « peine serait cruelle, inhumaine ou dégradante » si sa durée était grossièrement disproportionnée, mais aussi que le tribunal pouvait infliger une peine moins sévère bien avant d’atteindre la grossière disproportion lorsque des « circonstances importantes et impérieuses » sont présentes, en se fondant sur l’interprétation de ce critère formulé par la Supreme Court of Appeal dans l’arrêt S. c. Malgas Note de bas de page 153. Autrement dit, le fait que l’on puisse déroger aux peines minimales obligatoires dans certaines circonstances permet d’éviter des peines grossièrement disproportionnées.
4. Options stratégiques
Les peines obligatoires strictes, qu’elles soient en mesure ou non de répondre aux objectifs politiques qui ont motivé leur adoption au départ, comportent le risque inhérent d’être infligées dans des affaires où elles n’auraient jamais dû l’être ou dans des circonstances où elles donneront lieu à une injustice.
Il est certainement possible, sans nier les objectifs politiques visés par l’adoption des peines minimales obligatoires, d’adopter un régime de détermination de la peine où les peines minimales obligatoires s’inscrivent dans un cadre essentiellement présomptif plutôt que strict duquel les écarts sont impossibles. Il existe déjà des exemples très viables de tels régimes.
Lorsqu’il est impossible de réduire ou d’abroger une peine minimale obligatoire, une stratégie politiquement viable pour réduire les répercussions négatives et prévenir les injustices est de permettre aux tribunaux de condamner un délinquant à une peine moins sévère que la peine minimale prévue par la loi quand certains critères sont respectés. Il s’agit alors de déterminer en quoi devraient consister ces critères (ou ces seuils). Toutefois, comme l’a démontré l’expérience d’autres pays, il est possible de créer des dispositions d’exemption qui s’appliqueraient avec clarté et prévisibilité et seraient compatibles avec les autres dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine. La Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada (2013) a déjà effectué des suggestions concrètes à cette fin.
Le principal argument favorisant la création d’exceptions à l’application des peines minimales obligatoires relève du besoin d’éviter les châtiments injustes et arbitraires. Comme l’ont expliqué divers tribunaux, le principe de la proportionnalité des peines est au cœur de cette préoccupation : « La proportionnalité représente la condition sine qua non d’une sanction justeNote de bas de page 154. » La proportionnalité implique d’assurer qu’une peine reflète la gravité de l’infraction, mais aussi qu’« elle n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquantNote de bas de page 155 ».
Plusieurs États ont démontré qu’il était possible et utile d’introduire des exceptions aux peines minimales obligatoires fondées sur des critères qui placent le seuil très haut pour s’écarter de ces peines. Si nécessaire, il est aussi possible de fixer des limites à l’interprétation de ces critères.
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