Exceptions aux peines minimales obligatoires - Les développements récents dans certains pays

Types de dispenses disponibles

Différents types de dispenses ou d’exceptions à l’application de peines minimales obligatoires ont fait l’objet des lois examinées dans le présent document. Chacune de ces approches est examinée dans les pages qui suivent, mais il convient de noter que ces catégories sont loin d’être mutuellement exclusives.

1. Dispense ou inapplication des peines minimales obligatoires pour les moins de 18 ans (mineurs)

Aux États-Unis, comme il a été expliqué précédemment, la Cour suprême a aboli la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour les jeunes contrevenantsNote de bas de page 38 (Fiorillo, 2013: Price, 2013). Quelques-uns des États qui ont adopté des peines minimales obligatoires pour certaines infractions ont également créé des exceptions à l’application de ces peines minimales dans le cas des jeunes contrevenants. C’est le cas, par exemple, dans l’État du Montana où la loi crée une exception aux peines minimales obligatoires pour les délinquants qui avaient moins de 18 ans au moment de la perpétration de l’infractionNote de bas de page 39.

Dans les États de Washington et d’Oregon, la dispense relative aux peines minimales obligatoires s’applique explicitement aux peines infligées à toute personne à l’égard de laquelle un tribunal pour mineurs a renoncé à exercer sa compétence (c’est-à-dire qu’elle a été jugée et condamnée comme un adulte)Note de bas de page 40. En Oregon, cependant, il y a aussi des exceptions à l’exception : les peines minimales obligatoires demeurent applicables dans le cas d’un mineur condamné comme un adulte pour meurtre qualifiéNote de bas de page 41 , ou pour avoir utilisé une arme à feu lors de la perpétration d’un crime graveNote de bas de page 42. D’autres États ont choisi de transformer la peine minimale en une peine présomptive plutôt qu’une peine obligatoire dans le cas des délinquants âgés de moins de 18 ansNote de bas de page 43.

En Angleterre et au Pays de Galles, la plupart des peines minimales obligatoires ne s’appliquent qu’aux délinquants qui, au moment où l’infraction a été commise, avaient 18 ans ou plusNote de bas de page 44, mais il y a des cas où les peines minimales peuvent aussi s’appliquer aux délinquants âgés de 16 à 18 ansNote de bas de page 45. Il est à noter que l’article 291 de la Criminal Justice Act 2003 confère également au Secrétaire d’État le pouvoir de dispenser, par voie d’ordonnance, les personnes de moins de 18 ans de l’application d’une peine minimale dans le cas de certaines infractions commises avec une arme à feu.

En Afrique du Sud, selon la Criminal Law Amendment Act 1997, les peines minimales obligatoires ne s’appliquent pas à un enfant qui avait moins de 16 ans au moment de l’infraction. S’il décide d’infliger une peine minimale à un enfant qui, au moment de la perpétration de l’infraction, avait 16 ans ou plus, mais moins de 18 ans, le tribunal est tenu, aux termes de l’alinéa 51(3)(b), d’inscrire les motifs de sa décision dans le dossier de la Cour pour cette affaire. Toutefois, dans l’affaire Jan Hendrik Brandt c. The State, la Supreme Court of Appeal a jugé que, dans le cas d’une personne âgée de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans au moment de la perpétration de l’infraction, ces dispositions législatives confèrent automatiquement un pouvoir discrétionnaire au tribunal qui lui permet de prononcer une peine qui s’écarte des peines minimales prescritesNote de bas de page 46. En conséquence, le tribunal est généralement libre d’appliquer les critères habituels de détermination de la peine quand il se prononce sur la peine appropriée des délinquants de moins de 18 ans, mais de plus de 16 ans.

2. Réduction de peine en cas de plaidoyer de culpabilité au début des procédures

Les liens entre les peines minimales obligatoires, les pratiques de négociation de plaidoyer, le processus d’accusation et les procédures de détermination des peines sont complexes et portent à confusion. Il est souvent allégué et des preuves tendent à démontrer que la mise en place des peines minimales obligatoires conduit à des « ajustements » dans les pratiques de négociation de plaidoyer et les processus d’accusation (Cano et Spohn, 2012; Merritt et coll., 2006; Tonry, 2006; 2009; Ulmer et coll., 2007; United States Sentencing Commission, 2011; Cappelino et Meringolo, 2014). Pour améliorer l’efficacité du système judiciaire, il peut être avantageux de trouver des façons d’accroître la probabilité d’un plaidoyer de culpabilité au début des procédures. Les plaidoyers de culpabilité, en particulier quand ils sont enregistrés tôt dans le processus de justice pénale, peuvent considérablement l’accélérer, éliminer la nécessité de nombreux ajournements et de tenir un procès, réduire la nécessité d’un processus coûteux et compliqué de communication des éléments de preuve et réduire les coûts globaux du système. De nombreux États ont exploré les moyens d’accroître la probabilité que les accusés non seulement plaideront coupable, mais aussi le feront au début du processus (Dandurand, 2014). 

Les dispositions législatives établissant des peines minimales obligatoires pour certaines infractions éliminent généralement toute incitation qu’un délinquant peut avoir à plaider coupable ou à coopérer avec la poursuite. Les peines obligatoires peuvent augmenter le nombre de procès et ainsi accroître la charge de travail et le temps de traitement des cas. Par exemple, dans le système fédéral américain, il a été démontré que des accusés choisissent d’aller à procès quand les accusations entraînent des peines minimales obligatoires (United States Sentencing Commission, 2011: 116). Les procureurs qui sont confrontés à ces situations ont souvent trouvé des façons d’exercer leur pouvoir discrétionnaire pour formuler des accusations qui évitent l’application de ces dispositions.

Il est possible pour le législateur de créer précisément une exception à l’application stricte des peines minimales obligatoires pour les délinquants qui plaident coupables à un stade précoce du processus, créant ainsi une incitation explicite pour des plaidoyers de culpabilité. Il est également possible pour le législateur d’inciter les délinquants à plaider coupable et à collaborer avec la poursuite en créant précisément une exception à l’application des peines minimales obligatoires pour les délinquants qui offrent leur aide à la poursuite. On peut trouver ce type d’exception (ou d’« écart » par rapport aux peines minimales obligatoires) aux États-Unis, dans le droit criminel fédéral relatif à certaines infractions en matière de drogue. La deuxième approche sera analysée plus en profondeur séparément à la prochaine section.

Angleterre et Pays de Galles – Réduction de peine en cas de plaidoyer de culpabilité au début des procédures

En Angleterre et au Pays de Galles, l’article 152 de la Powers of the Criminal Court (Sentencing) Act 2000 prévoit la possibilité pour un tribunal de réduire une peineNote de bas de page 47. Le tribunal a cette possibilité uniquement en ce qui a trait aux peines minimales établies à l’article 110 pour les infractions liées à la drogue, ou à l’article 111 pour les cambriolages de domicileNote de bas de page 48. Dans ces cas, le tribunal peut infliger une peine qui n’est pas inférieure à 80 p. 100 de la peine minimale obligatoire prescrite par la loi et doit annoncer en audience publique qu’une telle réduction a été faite :

[Traduction]

  • 152. (1) Pour déterminer la peine à infliger au délinquant qui aura plaidé coupable, devant cette cour ou devant une autre cour, à l’infraction dont il est accusé, le tribunal doit prendre en compte :
    1. le stade de la procédure au cours duquel le délinquant a indiqué son intention de plaider coupable;
    2. les circonstances dans lesquelles cette indication a été donnée.
  • (2) Si, à la suite de la prise en compte d’un des points visés au paragraphe (1) ci-dessus, le tribunal inflige au délinquant une peine moins sévère que la peine qui aurait autrement été infligée, le tribunal est tenu d’annoncer, en audience publique, qu’il en a été ainsi fait.
  • (3) Dans le cas d’une infraction pour laquelle il incombe au tribunal d’infliger la peine prévue au paragraphe (2) de l’article 110 ou de l’article 111 ci-dessus, rien dans ce paragraphe n’empêche le tribunal, après la prise en compte d’un des points visés au paragraphe (1) ci dessus, d’infliger une peine non inférieure à 80 p. 100 de celle prévue à ce paragraphe.

Aucune dispense similaire n’a été créée à l’égard des dispositions relatives aux peines minimales prévues à l’article 109 de la même loiNote de bas de page 49 pour les délinquants reconnus coupables, trois fois ou plus, d’une infraction graveNote de bas de page 50.

3. Dispense en faveur des défendeurs qui apportent une aide substantielle à l’État

La plupart des dispenses disponibles dans les différents États sont liées à la coopération du délinquant avec l’État ou, à tout le moins, à une entente en vue d’un plaidoyer de culpabilité. Par contre, certains États ont adopté des régimes de réduction de peine qui s’appliquent spécifiquement dans les cas où une peine minimale obligatoire est prévue par la loi. La décision de présenter une requête en vue de réduire la peine relève généralement du pouvoir discrétionnaire des procureurs.

Le pouvoir discrétionnaire inhérent aux dérogations en faveur des délinquants qui fournissent une « aide substantielle » permet aux procureurs et aux juges de contourner ouvertement les peines minimales obligatoires. Aux États-Unis, on constate fréquemment que l’existence de peines minimales obligatoires constitue une contrainte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire des juges, mais que la possibilité de déroger aux peines minimales en faveur de ceux qui apportent une « aide substantielle » au gouvernement fournit aux procureurs et aux juges un outil important pour éviter les peines obligatoires. Ces dispositions relatives à l’aide substantielle sont clairement au service des intérêts opérationnels de la poursuite en fournissant aux délinquants un net encouragement à plaider coupable et à coopérer comme informateurs lorsqu’ils le peuvent (Martin, 2001).

Le droit pénal fédéral américain – 18 USC §3553e)

Aux États-Unis, il arrive que les peines obligatoires ne doivent pas être obligatoirement infligées si un délinquant est admissible à une « aide substantielle ». Le droit pénal fédéral établit un pouvoir limité d’infliger une peine moins sévère que la peine minimale prévue par la loi. En effet, selon l’alinéa 18 USC 3553e) :

[Traduction]
Lorsque le gouvernement en fait la demande, le tribunal a le pouvoir de prononcer une peine inférieure au niveau de la peine minimale fixée par la loi, afin de tenir compte de l’aide substantielle que le défendeur a apportée à l’enquête ou à la poursuite relative à une infraction perpétrée par une autre personne. Cette peine doit être infligée conformément aux lignes directrices et aux énoncés de politique formulés par la Commission de détermination des peines conformément à l’article 994 du titre 28 du United States CodeNote de bas de page 51.

Il s’agit d’une requête présentée par la poursuite lorsque le défendeur a enregistré un plaidoyer de culpabilité. Sur demande du Bureau du procureur des États-Unis, lorsqu’un défendeur fournit une « aide substantielle » pour l’application de la loi (telle que définie par le Bureau), sa peine peut être inférieure à la peine minimale recommandée dans les lignes directrices en matière de détermination de la peine. Quand le tribunal accueille la requête, le juge est libre de fixer la peine applicable à tout niveau inférieur au minimum recommandé par les lignes directricesNote de bas de page 52. La décision du juge quant à la réduction appropriée peut reposer sur des facteurs comme l’importance et l’utilité de l’assistance du défendeur, la véracité, l’exhaustivité et la fiabilité des informations fournies, la nature, l’étendue, la rapidité et l’à-propos de l’assistance fournie par le défendeur ainsi que tout danger ou risque ayant résulté de cette aide.

Il est clair que diverses pratiques ont vu le jour dans plusieurs districts fédéraux en matière d’accusation et de négociation de plaidoyers, pratiques qui ont abouti à l’application disparate de certaines dispositions concernant les peines minimales obligatoires, en particulier celles qui entraînent des augmentations substantielles de la durée des peines (USSC, 2011:345). En 2010, près de la moitié (46,7 %) des délinquants condamnés pour une infraction passible d’une peine minimale obligatoire ont été dispensés de l’application d’une telle sanction au moment du prononcé de la peine parce qu’ils ont fourni une aide substantielle au gouvernement ou parce qu’ils pouvaient se prévaloir de la « soupape de sûreté » prévue par la loi (USSC, 2011 : xxviii). Des préoccupations ont été soulevées en regard des incidences que ces exceptions peuvent avoir sur les délinquants qui ne bénéficient pas de telles dispenses et qui, par exemple, refusent de plaider coupables ou de collaborer avec la justice. Des preuves démontrent que, dans les dossiers fédéraux, les défendeurs qui exercent leur droit à un procès et sont reconnus coupables reçoivent des peines plus sévères, une pratique connue comme étant la « pénalité pour procès ». Les pénalités pour procès varient selon les types d’infractions et les caractéristiques du délinquant. Cependant, il a été démontré que ces pénalités augmentent en proportion des augmentations recommandées de peines minimales qu’on trouve dans les lignes directrices sur la détermination des peines (Ulmer, Eisenstein et Johnson, 2010).

Mario Cano et Cassia Spohn, résumant la recherche sur les dérogations aux peines minimales obligatoires en raison de « l’aide substantielle » à l’État notent que des facteurs sans pertinence en droit ont une incidence sur la probabilité qu’un délinquant bénéficie d’une telle dérogation ainsi que sur l’ampleur de la réduction de peine dont il pourrait bénéficier (Cano et Spohn, 2012). Ces dérogations, selon eux, sont peut-être la principale source de disparité injustifiée des peines constatée dans les résultats des recherches sur les peines de ressort fédéral. 

Il est clairement démontré que les dérogations en raison de l’aide substantielle à l’État sont utilisées pour atténuer les peines de délinquants « sympathiques » ou « récupérables ». Une étude menée par Nagel et Schulhofer, se concentrant sur le contournement des lignes directrices par les tribunaux dans trois cours de district des États-Unis en 1989 et 1990, a conclu que des dérogations à la baisse pour « aide substantielle » ont été utilisées pour atténuer les peines des accusés « récupérables » ou « sympathiques », et que la décision du procureur de déposer une telle demande de dérogation était fondée sur son appréciation de la valeur de l’aide et de la peine qui était méritée (Nagel et Schulhofer, 1992). D’autres études sur l’influence des caractéristiques des délinquants et des circonstances entourant l’infraction sur les peines prononcées et sur l’application de dérogations pour « aide substantielle » apportée à l’État, dans les cas où les délinquants étaient confrontés à des peines minimales obligatoires, sont arrivées à des conclusions semblables (Farrell, 2004; Hartley, 2008; Hartley et al., 2007; Kautt et Delone, 2006; Ortiz et Spohn, 2014; Spohn et Fornango, 2009).

Une étude sur les peines infligées à des délinquants déclarés coupables d’infractions fédérales relatives aux drogues, dans cinq districts fédéraux près de la frontière sud-ouest des États-Unis, a confirmé que les dérogations consenties aux délinquants sont des prédicteurs significatifs en ce qui concerne les décisions sur la durée des peines applicables aux citoyens et aux non-citoyens, et dans certains districts, que le statut de citoyen a une influence indirecte sur les peines en fonction des décisions concernant les dérogations (Hartley et Armendariz, 2011)Note de bas de page 53. Bon nombre d’études se penchent sur les dérogations pour aide substantielle et les usages qui en sont faits pour réduire les peines de certains types de délinquants passibles d’une peine minimale obligatoire (Stacey et Spohn, 2006; Cano et Spohn, 2012; Spohn et Fornango, 2009; Ortiz et Spohn, 2014)Note de bas de page 54. Ces études révélaient, notamment, qu’il y avait d’importantes disparités entre les procureurs quant à la probabilité qu’ils fassent usage des dérogations fondées sur l’aide substantielle et quant aux critères qu’ils appliquent pour décider de déposer ou non une telle demande de dérogation. Une étude en particulier (Stacey et Spohn, 2006) a analysé l’incidence des enfants à charge sur les dérogations aux lignes directrices dans les tribunaux fédéraux et a révélé que les femmes ayant des enfants étaient plus susceptibles de bénéficier d’une dérogation fondée sur l’aide substantielle que les femmes sans enfant. On ne retrouve pas une telle distinction entre les hommes avec ou sans enfants. Les études les plus récentes parmi celles citées portent sur les facteurs qui influencent les procureurs lorsqu’ils doivent déterminer s’ils déposeront une demande de dérogation fondée sur l’aide substantielle pour les récidivistes reconnus coupables d’une infraction liée aux drogues devant les tribunaux fédéraux. L’étude a démontré que le statut d’emploi et la consommation de drogues permettaient d’établir la probabilité qu’une dérogation soit recommandée et, plus important encore, que les répercussions de ces facteurs étaient déterminées par le sexe et la race ou l’origine ethnique du délinquant (Ortiz et Spohn, 2014).

Le droit des États américains

Dans de nombreux États américains, la coopération avec l’État ou l’aide à l’État constitue un motif légitime pour s’écarter d’une peine minimale obligatoire. En Floride, par exemple, le procureur de l’État peut soumettre une requête au tribunal pour réduire ou suspendre l’exécution de la peine de toute personne déclarée coupable de trafic de drogue lorsque la personne a fourni une aide substantielle dans l’identification, l’arrestation ou la condamnation de toute autre personne impliquée dans le trafic de substances réglementées (en conformité, parfois, avec une « entente d’aide substantielle »). Une réduction de la peine minimale admissible (celle-ci étant calculée en tenant compte du total des « points » attribués conformément à une formule de calcul de la durée des peines)Note de bas de page 55 est interdite, sauf lorsque des circonstances ou des facteurs justifient raisonnablement l’écart à la baisse. Ces facteurs sont très nombreux et, manifestement, comprennent le fait d’avoir conclu une entente légitime et pleinement volontaire relative au plaidoyer ainsi que le fait de coopérer avec l’État pour traiter de l’infraction visée par l’accusation ou toute autre infractionNote de bas de page 56.

En Pennsylvanie, la décision de demander la plupart des peines minimales obligatoires relève uniquement des procureurs. En ce sens, le régime des peines minimales obligatoires remplace effectivement le pouvoir discrétionnaire des juges par celui des procureurs. Après avoir décidé de porter des accusations relativement à une infraction passible d’une peine minimale obligatoire, le procureur doit ensuite décider de demander ou non l’application de cette peine obligatoire. Si le procureur ne demande pas la peine minimale obligatoire, le délinquant sera condamné à une peine conforme aux lignes directrices de l’État en matière de détermination de la peine, qui prévoient normalement des sanctions moins sévères que les peines minimales obligatoires. Si le procureur demande la peine minimale obligatoire, le tribunal est alors tenu de l’infligerNote de bas de page 57. Une étude portant sur les décisions prises par les procureurs dans cet État de demander la peine minimale pour les délinquants condamnés pour des infractions relatives à la drogue passibles d’une telle peine ou à titre de récidivistes de la « troisième faute » a révélé que ces décisions étaient fortement influencées par le type et les caractéristiques des infractions, les recommandations des lignes directrices sur la détermination de la peine, les antécédents criminels, la façon dont la culpabilité a été prononcée et le sexe (Ulmer et coll., 2007).

Victoria (Australie)

Dans l’État de Victoria, depuis 2013, la législation imposant des peines minimales obligatoires pour des « infractions d’une violence extrême » comprend une liste de « motifs spéciaux » autorisant une dérogation aux dispositions régissant les peines minimales obligatoiresNote de bas de page 58. L’un de ces motifs spéciaux est lorsque le délinquant aide ou s’engage à aider, après le prononcé de la peine, les autorités chargées de l’application de la loi dans l’enquête ou les poursuites à la suite d’une infraction.

4. Dispense accordée en raison de circonstances atténuantes

Le législateur est parfois prêt à envisager des exceptions à l’application automatique d’une peine obligatoire lorsqu’il existe de « bonnes raisons » pour le faire ou lorsque d’importantes circonstances atténuantes méritent d’être prises en compte. Dans certains cas, les « circonstances atténuantes » spécifiques qui peuvent être considérées par les tribunaux sont précisées avec exactitude. Dans les pages qui suivent, vous trouverez cinq exemples d’une telle approche : l’Australie-Méridionale, Victoria, les dispositions du droit criminel fédéral américain connues sous le nom de « soupape de sûreté », l’État du Montana et la Suède.

Australie-Méridionale – Une bonne raison pour réduire les pénalités minimales

En Australie-Méridionale, les tribunaux ont le pouvoir, en vertu de l’article 17 de la Criminal Law Sentencing Act 1988,d’infliger une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi applicable lorsqu’il y a une bonne raison d’en décider ainsiNote de bas de page 59 :

[Traduction]

17 – Réduction de la peine minimale Lorsqu’une loi particulière fixe une peine minimale sanctionnant une infraction, le tribunal peut infliger une peine inférieure à la peine minimale lorsqu’il est d’avis qu’une telle réduction de peine serait justifiée en raison, soit :

  1. du caractère, des antécédents, de l’âge ou de l’état physique ou mental de l’accusé;
  2. du fait que l’infraction n’était pas importante;
  3. de toutes autres circonstances atténuantesNote de bas de page 60

L’article 21 de la Criminal Law Sentencing Act 1988 précise en outre que dans les cas où un délinquant est passible de l’emprisonnement à perpétuité, un tribunal peut néanmoins infliger une peine d’emprisonnement pour une durée déterminée.

L’article 21 dispose que :

[Traduction]

  1. Si, en vertu d’une disposition quelconque d’une loi, un délinquant est passible de l’emprisonnement à perpétuité, le tribunal peut néanmoins infliger une peine d’emprisonnement pour une durée déterminée.
  2. Si, en vertu d’une disposition quelconque d’une loi ou d’un règlement, un délinquant est passible d’une peine d’emprisonnement pour une durée déterminée, le tribunal peut néanmoins infliger une peine d’emprisonnement pour une durée inférieure.
  3. Si, en vertu d’une disposition quelconque d’une loi ou d’un règlement, un délinquant est passible d’une amende d’un montant en particulier, le tribunal peut néanmoins fixer une amende d’un montant moindre.
  4. Le pouvoir conféré à un tribunal par le présent article n’est limité par aucune autre disposition de la présente partie.
  5. Le présent article ne limite pas le pouvoir discrétionnaire que le tribunal a, autrement qu’en vertu du présent article, en ce qui concerne la détermination des peines.

On peut soutenir qu’en effet, ces dispositions particulières relatives à la détermination des peines transforment les peines minimales obligatoires en peines présomptives.

Victoria (Australie)

Dans l’État de Victoria, la législation imposant des peines minimales obligatoires pour des « infractions d’une violence extrême » comprend depuis 2013 une liste de « motifs spéciaux » autorisant une dérogation aux dispositions régissant les peines minimales obligatoiresNote de bas de page 61. Ces motifs spéciaux comprennent ce qui suit : (1) le délinquant a plus de 18 ans, mais moins de 21 ans et manifeste une immaturité psychosociale qui porte atteinte à sa capacité à adopter un comportement comparable au comportement normal d’une personne de son âge; et, (2) le délinquant démontre, selon la prépondérance des probabilités, (i) qu’au moment où il a commis l’infraction, ses fonctions mentales étaient altérées et que cet état de fait a un lien causal direct avec la perpétration de l’infraction et fait diminuer de beaucoup son degré de culpabilité, ou (ii) que ses fonctions mentales sont altérées au point où il sera exposé à un fardeau ou à des risques beaucoup plus lourds que le fardeau et les risques habituels résultant de l’emprisonnement.

Le droit pénal fédéral américain – 18 USC §3553f)

Aux États-Unis, le droit pénal fédéral comprend certaines dispositions limitant l’application des peines minimales prévues dans les lois à l’égard de certaines infractions décrites aux articles 401, 404 et 406 de la Controlled Substances Act Note de bas de page 62 ou aux articles 1010 ou 1013 de la Controlled Substances Import and Export ActNote de bas de page 63. Ces dispositions sont souvent désignées comme étant les dispositions « soupape de sûreté ». En effet, pour ces infractions, à l’étape du prononcé de la peine, le tribunal doit, dans certains cas, après que le gouvernement a eu l’occasion de faire une recommandation quant à la peine, infliger une peine en vertu des lignes directrices adoptées par la United States Sentencing Commission sans égard à toute peine minimale prévue dans une loi. La peine doit être déterminée de cette manière dans les cas suivants :

  1. Un seul point est attribué au défendeur au titre de ses antécédents criminels dans le cadre du calcul prévu par les lignes directrices en matière de détermination des peines.
  2. Le défendeur, dans le cadre de l’infraction, n’a pas eu recours à la violence ou à des menaces crédibles de violence ni ne possédait d’arme à feu ou autre arme dangereuse (et n’a pas incité à un tel comportement un autre participant à l’infraction).
  3. L’infraction n’a pas entraîné la mort ou de lésions corporelles graves à une autre personne.
  4. Le défendeur, dans la perpétration de l’infraction, n’était pas un organisateur, un meneur, un responsable ou un chef par rapport à d’autres personnes, dans le sens donné à ces termes par les lignes directrices en matière de détermination des peines, et n’était pas engagé dans une entreprise criminelle permanente, telle que décrite à l’article 408 de la Controlled Substances Act.
  5. Le défendeur, au plus tard au moment de l’audience sur la détermination de la peine, a honnêtement fourni au gouvernement tous les renseignements et éléments de preuve qu’il possédait relativement à l’infraction ou aux infractions commises au cours des mêmes événements ou dans le cadre du même projet ou plan commun; toutefois, le fait que le défendeur n’a pas de renseignement pertinent ou utile à offrir autre que ceux déjà en possession du gouvernement n’exclut pas la conclusion que le défendeur s’est conformé à cette exigenceNote de bas de page 64.

Le juge demeure tenu de consulter et de prendre en compte les lignes directrices pour décider de la peine à infliger ainsi que de fournir un exposé de ses motifsNote de bas de page 65. Comme dans le cas de l’alinéa 18 USC 3553(e) mentionné plus haut, la collaboration avec le gouvernement reste une exigence.

Les lignes directrices de 2014 de la Sentencing Commission énoncent que le facteur relatif aux responsabilités et aux liens familiaux n’est « habituellement pas pertinent » et ne devrait pas intervenir dans les décisions relatives à la détermination de la peineNote de bas de page 66. Cependant, certains observateurs sont d’avis qu’une modification des lignes directrices s’impose afin d’autoriser les tribunaux à prendre en considération les responsabilités et les liens familiaux au moment de déterminer la peine (Anderson, 2015).

Les dispositions « soupape de sûreté » sont très largement utilisées dans les poursuites pour des infractions relatives à la drogue. Toutes leurs incidences ne sont pas encore parfaitement comprises, mais il est tout à fait clair que les peines minimales obligatoires, en combinaison avec ces dispositions, n’influencent pas la détermination des peines d’une manière uniforme dans tous les districts fédéraux. Dans ses recherches sur la prise de décisions par les juges en matière d’infraction aux lois relatives aux stupéfiants dans quatre districts du sud-ouest des États-Unis, Hartley a constaté que les dispositions dites « soupape de sûreté » n’avaient pas pour effet de réduire de manière significative les peines des défendeurs dans tous les districts (Hartley, 2008: 449).

Dans une enquête faite auprès des procureurs de la poursuite et des avocats de la défense menée pour le compte de la United States Sentencing Commission, la plupart des avocats de la défense rapportent que les dispositions relatives à la « soupape de sûreté » fonctionnent pour les délinquants admissibles (United States Sentencing Commission, 2011: 118) Note de bas de page 67. La Commission a recommandé que le Congrès envisage d’instituer un mécanisme de « soupape de sûreté », similaire à celui disponible pour les délinquants accusés de certaines infractions liées au trafic de drogue, pour les petits délinquants, non violents, reconnus coupables d’autres infractions passibles de peines minimales obligatoires (United States Sentencing Commission, 2011: 346 ). Les propositions législatives actuellement envisagées auraient pour effet de mettre en place des « soupapes de sûreté » générales qui s’appliqueraient à toutes les infractions en vertu des lois fédérales punissables d’une peine minimale obligatoire. Ainsi, si elle est adoptée, la Justice Safety Valve ActNote de bas de page 68 autoriserait les juges à infliger aux délinquants fédéraux des peines inférieures à la peine minimale obligatoire chaque fois que celle-ci ne sert pas les fins de la sanction et ne satisfait pas à d’autres critères relatifs à la détermination de la peine énumérés à l’alinéa 18 U.S.C. §3553(a).

Montana

Le Montana Code (Titre 46 – Procédure pénale) crée plusieurs dispenses possibles, fondées sur un certain nombre de facteurs atténuants, à l’égard de diverses peines minimales obligatoires (y compris la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité). En plus du cas où le délinquant était âgé de moins de 18 ans au moment de la perpétration de l’infraction, la loi reconnaît les circonstances atténuantes suivantes :

  • Capacité mentale : [traduction] « La capacité mentale du délinquant, au moment où il a perpétré l’infraction pour laquelle une peine doit lui être infligée, était fortement altérée, mais pas suffisamment pour constituer un moyen de défense opposable à la poursuite. Toutefois, un état d’intoxication ou d’ivresse volontairement provoqué ne peut pas être considéré comme une incapacité aux fins du présent paragraphe. »
  • Infraction perpétrée sous la contrainte : [traduction] « Au moment de la perpétration de l’infraction pour laquelle une peine doit lui être infligée, le délinquant agissait sous une contrainte inhabituelle et importante, mais pas de nature à constituer un moyen de défense opposable à la poursuite. »
  • Rôle mineur dans le crime : [traduction] « Le délinquant était un complice, le comportement constitutif de l’infraction était principalement le fait d’un autre et la participation du délinquant au crime était relativement mineure ».
  • Aucune blessure corporelle grave : [traduction] « Si la menace d’infliger des lésions corporelles ou le fait d’infliger des lésions corporelles constitue un élément de l’infraction, aucune blessure grave n’a été infligée à la victime et aucune arme n’a été utilisée dans la perpétration de l’infraction.Note de bas de page 69

Suède – Circonstances spéciales

Le Code pénal suédois établit une peine spécifique pour chaque infraction, parfois exprimée aussi sous forme de peine minimale. Par exemple, la peine pour viol est un emprisonnement d’au moins deux ans et d’au plus six ans et, si le crime est grave, la peine est un emprisonnement d’au moins quatre ans et d’au plus dix ansNote de bas de page 70. Pour un incendie criminel, la peine est un emprisonnement d’au moins deux ans et d’au plus huit ans, mais dans le cas d’un incendie criminel grave, l’emprisonnement est pour une durée d’au moins six ans et d’au plus dix ansNote de bas de page 71.

Malgré les peines minimales précisées dans le Code, le tribunal est tenu de prendre raisonnablement en considération un certain nombre de facteurs et de circonstances et, s’il y a lieu, d’infliger une peine moins sévère que celle prescrite pour le crime :

[Traduction]

Pour déterminer la peine appropriée, outre la qualification du crime, le tribunal doit raisonnablement prendre en considération les faits suivants :

  1. l’accusé a subi de graves lésions corporelles à la suite du crime;
  2. l’accusé, au mieux de sa capacité, a tenté d’empêcher, réparer ou limiter les conséquences néfastes du crime commis;
  3. l’accusé s’est livré volontairement à la justice;
  4. l’accusé risque l’expulsion du Royaume, en raison du crime commis, et de subir un préjudice à la suite de l’expulsion;
  5. l’accusé, à la suite du crime, a subi ou subira vraisemblablement un licenciement ou un congédiement ou rencontrera un autre obstacle quelconque ou une difficulté particulière dans l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise;
  6. l’accusé, en raison de son âge avancé ou de sa mauvaise santé, risque de subir un préjudice déraisonnable s’il avait à purger la peine qui normalement lui aurait été infligée en raison de la qualification du crime;
  7. eu égard à la nature du crime, un temps anormalement long s’est écoulé depuis sa perpétration;
  8. il existe d’autres circonstances qui justifient une peine moins sévère que celle qui normalement lui aurait été infligée en raison de la qualification du crime.

Si l’une des circonstances décrites au premier alinéa s’applique, le tribunal peut, s’il a des motifs particuliers pour ce faire, infliger une peine moins sévère que celle prescrite pour le crimeNote de bas de page 72.

5. Dispense en cas de circonstances exceptionnelles ou de circonstances importantes et impérieuses

Certains législateurs ont plutôt opté pour les concepts beaucoup plus stricts de « circonstances exceptionnelles » ou de « circonstances importantes et impérieuses » pour justifier la dérogation à une peine minimale obligatoire prévue par la loi. Ces concepts ont pour but d’indiquer clairement que les tribunaux devraient appliquer les peines obligatoires dans la grande majorité des cas et qu’ils ne peuvent s’en écarter que dans des cas exceptionnels. Au fil des ans, les tribunaux ont eu à fournir des éclaircissements pour l’interprétation de ces concepts. Ce qui suit décrit brièvement l’expérience vécue à cet égard dans les Territoires du Nord (Australie), à Victoria (Australie), au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. Dans ce dernier pays, après avoir constaté que ces exceptions avaient été très largement utilisées dans les cas de viol, le législateur a fini par modifier la loi pour éviter spécifiquement que certains facteurs soient considérés comme des « circonstances importantes et impérieuses » dans les affaires de viol.

Territoires du Nord – Circonstances exceptionnelles

Dans les Territoires du Nord, en Australie, certaines dispenses à l’application de dispositions prévoyant des peines minimales obligatoires ont été créées à l’égard de « circonstances exceptionnelles ». L’exception des « circonstances exceptionnelles » a été introduite en juin 1999Note de bas de page 73, mais ne s’applique qu’à une seule infraction contre des biens commise par un adulte et est limitée dans son application du fait que les quatre critères suivants doivent être réunis :

  • l’infraction doit être mineure;
  • le délinquant doit avoir fait des efforts raisonnables pour restituer la totalité des biens;
  • le délinquant doit avoir une bonne moralité et pouvoir établir des circonstances atténuantes (ce qui exclut l’était d’ébriété) qui réduiraient son degré de culpabilité;
  • le délinquant doit avoir coopéré avec les autorités policières.

En 2013, le gouvernement a remplacé le régime qui avait cours par un nouveau mécanisme de détermination de la peine minimale pour les crimes violentsNote de bas de page 74. Ce nouveau mécanisme comporte cinq niveaux de crimes violents assortis de différents niveaux de peine minimale s’appliquant à chacun des trois niveaux supérieurs. Ce mécanisme prévoit des exemptions aux niveaux minimaux d’emprisonnement s’il y a présence de « circonstances exceptionnelles » (Roth, 2014:10)Note de bas de page 75.

Victoria – Motifs spéciaux et circonstances importantes et impérieuses

Depuis 2013, la législation de l’État de Victoria prévoit des peines d’emprisonnement obligatoires (assorties d’une période minimale de quatre ans pendant laquelle le délinquant ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle) pour les adultes déclarés coupables [traduction] « d’avoir causé sciemment ou par négligence des dommages graves à une personne dans des circonstances de violence extrême »Note de bas de page 76. Avant de fixer une peine minimale, le gouvernement a consulté le Sentencing Advisory Council [Conseil consultatif sur la détermination des peines] (Victoria), lequel s’était essentiellement prononcé contre les peines minimales obligatoires en 2008. La tâche qui lui était précisément demandée consistait notamment à donner son avis sur la meilleure manière de préciser les circonstances exceptionnelles dans lesquelles un tribunal peut imposer une période sans possibilité de libération conditionnelle inférieure à la peine minimale obligatoire. Le Conseil a expliqué ce qui suit : [traduction] « Compte tenu du degré élevé de culpabilité sous-entendu dans les éléments de violence extrême des nouvelles infractions pour blessures graves, le Conseil est d’avis que les exceptions à l’obligation d’infliger une peine minimale doivent être fondées sur l’existence de circonstances qui atténuent significativement la culpabilité du délinquant ou qui peuvent être justifiées par l’intérêt public » (Sentencing Advisory Council, 2011: 10). Le Conseil s’est ensuite appliqué à définir une approche sur le fond pour déterminer ce qui fait qu’une circonstance peut être qualifiée d’« exceptionnelle », laissant de côté toute interprétation reposant sur le caractère rare ou non fréquent d’une circonstance. Le Conseil a par ailleurs recommandé d’utiliser l’expression [traduction] « motifs spéciaux » pour éviter toute confusion avec d’autres critères fondés sur les lois de l’État de Victoria qui utilisent l’expression « circonstances exceptionnelles » (Sentencing Advisory Council, 2011). Enfin, le Conseil a recommandé qu’une liste non exhaustive des motifs spéciaux soit établie dans la loi, précisant ce qui suit :

[Traduction] […] puisqu’un critère énoncé en termes généraux serait sujet à une interprétation trop large et que l’objectif clair de la politique est de définir étroitement les exceptions à l’imposition des peines minimales prévues par la loi, la législation devrait établir une liste des motifs spéciaux. Cette liste devrait comprendre les circonstances qui sont prévisibles et généralement considérées comme des exceptions acceptables fondées sur des circonstances tendant à atténuer la culpabilité du délinquant ou fondées sur l’intérêt public (Sentencing Advisory Council, 2011: 10).

Le Conseil a soutenu qu’une telle liste fournirait une ligne directrice aux tribunaux quant aux types de circonstances qui pourraient justifier une exception à la peine minimale prévue ainsi que les justificatifs correspondant à chaque exception. Toutefois, la simple existence d’un motif spécial, dans un cas donné, ne devrait pas automatiquement exempter le prévenu de la peine minimale prévue par la loi, mais devrait plutôt donner lieu à l’examen, par un tribunal, de la question de savoir s’il est aussi dans l’intérêt de la justice d’accorder cette exemption (Sentencing Advisory Council, 2011).

La nouvelle législation adoptée en 2013 comprenait une liste de « motifs spéciaux » autorisant la dérogation aux dispositions relatives aux peines minimales. Ces motifs étaient les suivants :

  • le délinquant aide ou s’engage à aider, après le prononcé de la peine, les autorités chargées de l’application de la loi dans l’enquête ou la poursuite à la suite d’une infraction;
  • le délinquant est âgé de plus de 18 ans, mais de moins de 21 ans, et manifeste une immaturité psychosociale qui porte atteinte à sa capacité à adopter un comportement comparable au comportement normal d’une personne de son âge;
  • le délinquant démontre, selon la prépondérance des probabilités, (i) qu’au moment où il a commis l’infraction, ses fonctions mentales étaient altérées et que cet état de fait a un lien causal direct avec la perpétration de l’infraction et fait diminuer de beaucoup son degré de culpabilité, ou (ii) que ses fonctions mentales sont altérées au point où il sera exposé à un fardeau ou à des risques beaucoup plus lourds que le fardeau et les risques habituels résultant de l’emprisonnement;
  • le tribunal recommande une ordonnance de sécurité en établissement hospitalier ou une ordonnance de traitement à domicile à l’égard du délinquant;
  • il existe des circonstances importantes et impérieuses permettant de conclure à l’existence d’un motif spécialNote de bas de page 77.

Lorsqu’un tribunal rend une telle conclusion, il doit énoncer par écrit le motif spécial et la raison pour laquelle le motif doit être versé aux registres de la courNote de bas de page 78.

Royaume-Uni – Circonstances exceptionnelles

En Angleterre et au Pays de Galles, le concept de « circonstances exceptionnelles », pour justifier une exception à l’application des peines minimales obligatoires, a été introduit à l’article 51A de la Firearms Act 1968 par la Criminal Justice Act 2003. Cette loi prévoyait une période minimale de cinq ans d’emprisonnement pour possession illégale ou pour trafic d’armes à feu prohibées, mais précisait aussi que le tribunal pouvait infliger une peine moins sévère s’il était d’avis qu’il existait des circonstances exceptionnelles liées à l’infraction ou au délinquant justifiant de ne pas infliger la peine minimale (par. 287 (2)). La même exception a été intégrée, en 2006, dans l’article 28 de la Violent Crime Reduction Act 2006Note de bas de page 79 qui créait une nouvelle infraction relative aux armes à feu (recourir aux services d’une autre personne pour cacher, transporter ou conserver une arme dangereuse).

L’expression « circonstances exceptionnelles » a fait l’objet d’une interprétation dans l’affaire R. c. Rehman et WoodNote de bas de page 80. La Cour d’appel a fourni les indications suivantes :

  • Le Parlement a indiqué qu’il était important d’infliger des peines dissuasives. Il s’agit de peines qui [traduction] « accordent moins d’importance aux circonstances personnelles du délinquant, mais qui insistent surtout sur le fait que les tribunaux doivent faire savoir aux délinquants qu’ils peuvent s’attendre à être traités plus sévèrement qu’ils ne le seraient si le tribunal n’avait que leur propre inconduite à considérer, cela afin de dissuader les autres » (par. 4).
  • La politique était de sanctionner les infractions désignées d’une peine minimale obligatoire d’emprisonnement, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, pas nécessairement parce que le délinquant présentait un danger pour l’avenir, mais pour transmettre un message de dissuasion (par. 12).
  • Pour déterminer si l’affaire comportait des « circonstances exceptionnelles », il est nécessaire de l’examiner dans son ensemble. [traduction] « Il est incorrect d’examiner chaque circonstance isolément et de conclure qu’elle n’équivaut pas à une circonstance exceptionnelle » (par. 11).
  • Parfois, il peut n’y avoir qu’[traduction] « une seule circonstance frappante, se rapportant à l’infraction ou au délinquant, qui fera en sorte que l’affaire répond aux exigences des circonstances exceptionnelles », mais dans d’autres affaires, ce sera l’effet collectif de l’ensemble des circonstances pertinentes (par. 11).
  • La peine minimale obligatoire peut être arbitraire et causer une injustice considérable, en particulier quand on garde à l’esprit que la possession d’une arme à feu prohibée constitue une infraction de responsabilité absolue et [traduction] « qu’un délinquant peut perpétrer l’infraction sans même s’en rendre compte » (par. 12). Il convient de noter que « si un délinquant ne sait pas que ce qu’il fait est mal, une peine dissuasive n’aura aucun effet dissuasif sur lui » (par. 14).
  • À la lumière des dispositions de la Human Rights Act 1998, les circonstances seront « exceptionnelles » si la peine minimale prévue infligée équivaudrait à une peine arbitraire et disproportionnée (par. 14).
  • Il est clair que c’est l’appréciation de la Cour qui est déterminante en ce qui a trait aux circonstances exceptionnelles. À moins que le juge n’ait été clairement dans l’erreur en qualifiant les circonstances d’exceptionnelles alors qu’elles ne l’étaient pas ou en omettant de les identifier comme telles, la Cour d’appel évitera d’intervenir (par. 14).

Dans d’autres affaires, la Cour d’appel a précisé que le par. 51A(2) ne permettait pas la réduction de la peine minimale en raison d’un plaidoyer de culpabilitéNote de bas de page 81. Aussi, lorsqu’il y a des circonstances exceptionnelles, la peine minimale devrait demeurer un point de départNote de bas de page 82.

Voici quelques exemples où la Cour a reconnu l’existence de « circonstances exceptionnelles » : une situation où une longue période d’emprisonnement aurait eu des conséquences particulièrement graves en raison des importantes déficiences physiques du délinquant Note de bas de page 83; une situation où l’infraction de possession d’une arme à feu prohibée visait une seule arme à feu acquise avant que la possession d’une telle arme soit illégaleNote de bas de page 84; et une situation où l’accusé, une personne sans dossier criminel, détenait des armes prohibées qui avaient été « laissées » dans les locaux qu’il occupait, armes qu’il avait entreposées dans une armoire verrouillée et qu’il avait l’intention de remettre à la police s’il y avait une amnistieNote de bas de page 85. Toutefois, on a jugé que le fait de laisser une arme à feu dans un endroit non sécurisé après avoir décidé de ne pas l’utiliser pour se suicider ne constituait pas une circonstance « exceptionnelle »Note de bas de page 86.

Afrique du Sud – circonstances importantes et impérieuses

En Afrique du Sud, la Criminal Law Amendment Act 1997 a introduit des peines minimales obligatoires pour certaines infractions graves ainsi que des sanctions minimales croissantes lorsqu’un délinquant est déclaré coupable de certaines infractions une deuxième ou une troisième fois. La loi reconnaît qu’il est possible de s’écarter de la peine minimale obligatoire lorsque le tribunal est convaincu qu’il existe des « circonstances importantes et impérieuses » justifiant l’infliction d’une peine moins sévère que la peine prévue. Dix ans plus tard, la Criminal Law (Sentencing) Amendment Act, 2007 a modifié la loi afin de préciser que, dans le cas d’un viol, ni les antécédents sexuels de la personne ayant déposé la plainte, ni les croyances religieuses ou culturelles de l’accusé à propos du viol, ni l’existence préalable de relations quelconques entre l’accusé et la personne ayant déposé la plainte ne constituent des circonstances importantes et impérieuses justifiant l’infliction d’une peine moins sévère que celle prévue.

Les articles 51 et 53 de la Criminal Law Amendment Act de 1997 (modifiéeNote de bas de page 87) prévoient ce qui suit :

[Traduction]

51. Peines minimales pour certaines infractions graves

  • […]
  • (3) (a) Lorsqu’un tribunal visé au paragraphe (1) ou (2) est convaincu qu’il existe des circonstances importantes et impérieuses justifiant l’infliction d’une peine moins sévère que la peine prévue à ces paragraphes, il doit indiquer ces circonstances au dossier de la procédure et peut par la suite infliger une peine moindre.
  • (aA) Lorsque le tribunal prononce une peine à l’égard d’une infraction de viol, les éléments suivants ne peuvent constituer des circonstances importantes et impérieuses justifiant l’infliction d’une peine moins sévère :
    1. les antécédents sexuels de la personne ayant déposé la plainte;
    2. les croyances culturelles ou religieuses de l’accusé au sujet du viol;
    3. toute relation antérieure à l’infraction entre l’accusé et la personne ayant déposé la plainte.
  • […]
  • (5) (a) Sous réserve de l’alinéa (b), l’exécution d’une peine infligée aux termes du présent article ne peut être suspendue en vertu du paragraphe 297(4) de la Criminal Procedure Act, 1977 (Loi n° 51 de 1977).
  • (b) Si une peine est infligée aux termes de l’alinéa (2)(c), l’exécution de cette peine ne peut pas être suspendue à moins que la moitié de la peine ait été purgée, conformément au paragraphe 297(4) de la Criminal Procedure Act, 1977 (Loi n° 51 de 1977).
  • (6) Le présent article ne s’applique pas à l’égard d’une personne âgée de moins de :
    (a) 16 ans au moment de la perpétration de l’infraction visée au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)(a) ou (2)(b);
    (b) 18 ans au moment de la perpétration de l’infraction visée à l’alinéa (2)(c).
  • (7) Dans l’application du présent article, si l’âge de l’accusé est en cause, il incombe à l’État de prouver l’âge de la personne au-delà de tout doute raisonnable.
  • […]

Les tribunaux ont interprété le concept de « circonstances importantes et impérieuses ». Dans l’affaire S. c. Mofokeng and Another, le juge a déclaré que pour conclure à l’existence de circonstances importantes et impérieuses, [traduction] « il faut que les faits de l’affaire en particulier présentent une quelconque circonstance qui est si exceptionnelle et qui expose de façon si manifeste l’injustice de la peine prescrite par la loi dans cette affaire en particulier, qu’on puisse dire à juste titre que la seule conclusion qui s’imposait était que l’infliction d’une peine moins lourde que celle prescrite par le Parlement était justifiéeNote de bas de page 88 ».

Plus particulièrement, dans l’affaire S. c. Malgas, la Cour a d’abord soutenu que les peines minimales obligatoires devraient normalement être infligées et qu’au moment de prononcer la peine, l’accent devait être placé sur la gravité objective du crime et sur les besoins du public que les sanctions contre le crime soient efficacesNote de bas de page 89. Elle a ajouté qu’il n’était pas nécessaire que l’infliction de la peine prescrite corresponde à une [traduction] « injustice flagrante » pour qu’une dérogation soit justifiéeNote de bas de page 90. Pour ce qui est des « circonstances importantes et impérieuses », la Cour a souligné ce qui suit :

[Traduction]

En outre, ces circonstances doivent être importantes et impérieuses. Quelles que soient les nuances de sens qui peuvent se cacher dans ces mots, leur idée maîtresse semble évidente. On ne devrait pas déroger à la légère aux peines prévues, pour des raisons futiles ne pouvant résister à un examen approfondi. Ne peuvent également et manifestement pas être considérées comme des circonstances importantes et impérieuses les hypothèses spéculatives favorables au délinquant, la sympathie larmoyante, l’aversion pour l’emprisonnement des délinquants n’ayant commis qu’une seule infraction, les doutes personnels quant à l’efficacité de la politique sous-jacente aux modifications apportées à la loi et les autres considérations de cette nature. Ne le sont pas, non plus, les différences marginales dans les circonstances personnelles des participants à l’infraction ou le degré de leur participation au crime qui, sans les présentes dispositions, auraient pu justifier une distinction entre euxNote de bas de page 91.

La Cour a unanimement décidé que tous les facteurs habituellement pris en compte dans la détermination de la peine (les circonstances atténuantes ou aggravantes habituelles) et leur [traduction] « effet cumulatif ultime » doivent être mis en balance pour décider si un écart par rapport à la durée prescrite d’emprisonnement est justifié. Des « circonstances importantes et impérieuses » peuvent découler de plusieurs facteurs considérés ensemble même si, pris un à un, ces facteurs n’ont rien d’exceptionnel. Si le tribunal appelé à prononcer la peine est convaincu que la peine prescrite serait injuste, en considérant toutes les circonstances, car cette peine serait « disproportionnée par rapport au crime, au criminel et aux besoins de la société », le tribunal peut infliger une peine moins sévère (O’Donovan et Redpath, 2006: 14).

La Cour a ajouté ce qui suit :

[Traduction]
Plus le tribunal ressentira un malaise à infliger une peine prescrite, plus grande sera sa crainte de peut-être commettre une injustice. Lorsque le tribunal en arrive au point où son malaise s’est transformé en conviction qu’une injustice sera commise, cela ne peut s’expliquer que parce qu’il est convaincu que les circonstances de l’espèce font en sorte que la peine prescrite est injuste ou, comme certains préfèrent le dire, disproportionnée par rapport au crime, au délinquant et aux besoins légitimes de la société. Si tel est le résultat de l’examen des circonstances, le tribunal sera en droit de les qualifier d’importantes et d’impérieuses, justifiant l’infliction d’une peine moins sévèreNote de bas de page 92.

La Cour a aussi fourni les indications suivantes pour l’application des peines minimales obligatoires :

  1. L’article 51 a limité sans toutefois éliminer le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’infliger des peines relativement aux infractions visées à la partie 1 de l’annexe 2 (ou des peines d’emprisonnement de différentes durées pour des infractions énumérées dans d’autres parties de l’annexe 2).
  2. Lorsqu’ils infligent une peine, les tribunaux doivent garder à l’esprit que la législature a fixé une peine d’emprisonnement à perpétuité (ou la période d’emprisonnement particulière qui a été prescrite) comme étant la peine qui devrait normalement être infligée sans justification complexe pour les crimes énumérés dans les circonstances particulières.
  3. À moins qu’il existe, et qu’il paraisse y avoir, des motifs réellement convaincants pour justifier une réponse différente, les crimes en question doivent donc susciter une réponse sévère, uniforme et cohérente de la part des tribunaux.
  4. Il ne faut pas s’écarter des peines prescrites à la légère ou pour des raisons frivoles. Les hypothèses spéculatives favorables au délinquant, la sympathie injustifiée, l’aversion que l’on peut éprouver pour l’emprisonnement lors d’une première infraction, les doutes personnels que l’on peut avoir quant à l’efficacité de la politique sous-jacente et les petites différences dans les circonstances personnelles ou les degrés de participation des codéfendeurs doivent être exclus.
  5. Le législateur a toutefois délibérément laissé aux tribunaux le soin de décider si les circonstances particulières d’une affaire justifient que l’on s’écarte de la peine prescrite. Même si on accorde une plus grande attention à la gravité objective du type de crime et à la nécessité de sanctions efficaces pour le contrer, cela ne signifie pas que toutes les autres considérations doivent être ignorées.
  6. Tous les facteurs (sauf ceux qui sont énoncés à l’alinéa (d) ci-dessus) qui sont habituellement pris en compte au moment de la détermination de la peine (qui diminuent ou non le degré de culpabilité morale) continuent ainsi de jouer leur rôle; aucun n’est exclu dès le point de départ dans le processus de détermination de la peine.
  7. Toutes les circonstances pertinentes à la détermination de la peine et leur impact ultime doivent être évaluées en fonction du critère de référence (« importantes et impérieuses ») et doivent être telles que cumulativement, elles justifient de déroger à la réponse normale que le législateur a ordonnée.
  8. En appliquant les dispositions prescrites par la loi, il est indûment contraignant d’utiliser les concepts élaborés pour interjeter appel de la sentence comme seul critère.
  9. Si le tribunal qui prononce la peine, au vu des circonstances particulières de l’affaire, est convaincu que la peine minimale est injuste en ce sens qu’elle est disproportionnée par rapport au crime, au criminel et aux besoins de la société, de sorte qu’il y aurait une injustice à infliger cette peine, alors il est en droit d’infliger une peine moins sévère.
  10. Ce faisant, le tribunal doit tenir compte du fait que les crimes de ce type en particulier ont été spécialement isolés pour que ceux qui les commettent soient sévèrement punis et que la peine qui sera infligée au lieu de la peine prescrite devra tenir compte du critère de référence fourni par le législateurNote de bas de page 93.

Soulignons aussi que la Cour constitutionnelle de l’Afrique du Sud a rejeté la contestation de la validité constitutionnelle de ces dispositions dans l’affaire Buzani Dodo c. The StateNote de bas de page 94.

Dans la pratique, l’argument fondé sur les « circonstances importantes et impérieuses » a été régulièrement invoqué pour justifier que l’on déroge aux peines minimales prescrites (Rudmand, 2006). Certains ont fait valoir que les clauses d’exception ont été utilisées trop fréquemment et seraient allées à l’encontre de l’objectif des peines minimales obligatoiresNote de bas de page 95

Comme il est possible d’invoquer des « circonstances importantes et impérieuses », on a plaidé que les limites imposées par la loi au pouvoir discrétionnaire des juges dans certaines affaires de viol n’avaient pas éliminé les mythes éculés et les croyances stéréotypées au sujet du viol au moment de la détermination de la peine. Les dispositions auraient fait en sorte que les juges se livrent à un exercice de classement dans les affaires de viol (O’Sullivan, 2006). La Supreme Court of Appeal a peut-être ajouté une certaine ambiguïté en définissant les circonstances pouvant justifier une dérogation par rapport à la peine minimale obligatoire pour viol. Dans l’affaire S c. Abrahams, le tribunal a affirmé que [traduction] « certains viols sont pires que d’autres, et la peine d’emprisonnement à perpétuité prescrite par le législateur devrait être réservée aux cas dénués de facteurs importants portant à conclure qu’une telle peine est inappropriée et injuste »Note de bas de page 96. Dans l’affaire S c. Mahomotsa, la Cour, faisant référence aux affaires de viol, a affirmé que [traduction] « certes, chacune de ces affaires est grave, mais certaines d’entre elles sont pires que d’autres et, sous réserve de la mise en garde qui suit, il n’est que justice que les écarts dans la gravité des actes commis soient pris en considération lorsqu’il est temps d’établir les sanctionsNote de bas de page 97 ».

Dans l’affaire S c. Mvamvu, la Supreme Court of Appeal était saisie d’un appel interjeté par l’État d’une peine de cinq ans d’emprisonnement infligée à l’accusé pour enlèvement, viol à répétition et agression de son ex-conjointe de fait, qui avait obtenu une ordonnance de protection contre luiNote de bas de page 98. La Cour a conclu que l’existence de leur mariage de droit coutumier, le fait que M. Mvamvu croyait honnêtement qu’il avait droit aux avantages conjugaux et le fait qu’il avait grandi et vivait dans un monde à lui, organisé autour de normes et de pratiques coutumières, constituaient des circonstances atténuantesNote de bas de page 99.

En plus d’autres événements, ces événements ont finalement mené à l’adoption, dans la Criminal Law (Sentencing) Amendment Act, 2007, du nouveau paragraphe 3(aA) précisant ce qui ne peut constituer une circonstance importante et impérieuse lorsque le délinquant est déclaré coupable de viol.

Certains éléments indiquent que les peines minimales obligatoires ont exacerbé le problème du surpeuplement dans les prisons en Afrique du Sud et ont augmenté les coûts et les délais des procédures judiciaires, mais l’ensemble de leurs incidences n’a pas fait l’objet d’une évaluation (O’Donovan et Redpath, 2006; Sloth-Nielsen et Ehlers, 2005). Il ne semble pas y avoir de données disponibles sur les incidences de l’utilisation des dispositions de la loi et les incidences des « circonstances exceptionnelles ».

6. Dispense dans « l’intérêt de la justice » ou pour éviter une peine « injuste »

On peut bien sûr faire valoir que, lorsque la loi précise les types de circonstances atténuantes ou exceptionnelles qui peuvent justifier que l’on s’écarte des peines minimales obligatoires, c’est essentiellement pour éviter l’infliction d’une peine injusteNote de bas de page 100. Néanmoins, dans certains pays, le législateur s’est appuyé sur le concept de « peines injustes » pour créer des exceptions spécifiques à l’application des peines obligatoires. C’est l’approche qui a été retenue en Nouvelle-Zélande, en Angleterre et au Pays de Galles, ainsi qu’en Écosse.

Nouvelle-Zélande – Exception pour les situations où la peine serait « manifestement injuste »

La Nouvelle-Zélande offre des exemples intéressants d’exceptions à l’application des peines minimales obligatoiresNote de bas de page 101. La Sentencing Act 2002 avait introduit des peines minimales de durée déterminée pour meurtre et des périodes minimales d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui s’appliquaient à moins que le tribunal ne les juge « manifestement injustes ». La Loi avait aussi prévu des peines minimales pour des crimes graves lorsque la culpabilité du délinquant était élevée et qu’il y avait présence de circonstances aggravantes. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné, la Nouvelle-Zélande a plus tard adopté un régime d’escalade dans la sévérité des peines qui équivaut à une forme de régime de peines minimales obligatoires. La Sentencing and Parole Act 2010 a aussi remplacé la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre par des dispositions plus souples en matière de détermination de la peineNote de bas de page 102. Avec ces modifications, l’emprisonnement à perpétuité pour meurtre est devenu la peine maximale plutôt que la peine obligatoire, mais avec une forte présomption en faveur de son utilisationNote de bas de page 103. Ainsi, une peine d’emprisonnement de durée déterminée pour meurtre n’est seulement possible que si une peine d’emprisonnement à perpétuité serait « manifestement injuste ». L’intention était sûrement de faire en sorte que les peines de durée déterminée ne s’appliquent que dans des circonstances exceptionnelles, comme les meurtres par compassion, les pactes de suicide non réussis et les situations mettant en cause des défendeurs violentés, où l’emprisonnement à perpétuité serait manifestement injuste au vu des faits (Chhana et coll., 2004: 13). Le nouvel article 102 de la Sentencing Act 2002 est formulé ainsi :

[Traduction]

102. Présomption en faveur de l’emprisonnement à perpétuité pour meurtre

  1. Le délinquant reconnu coupable de meurtre est condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité sauf dans les cas où, en raison des circonstances de l’infraction et du délinquant, cette peine serait manifestement injuste.
  2. Le tribunal qui n’inflige pas une peine d’emprisonnement à perpétuité au délinquant reconnu coupable de meurtre doit en donner les raisons par écrit […]Note de bas de page 104

Lorsque les tribunaux prononcent une peine d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre, ils doivent aussi préciser une période minimale d’emprisonnement ou une période d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle d’au moins dix (10) ans, et la peine doit être la peine minimale que le tribunal juge nécessaire pour satisfaire aux objectifs de la justice :

[Traduction]

103. Infliction d’une peine d’emprisonnement minimale ou d’une peine d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle

  • […]
  • La durée minimale de la peine d’emprisonnement infligée ne doit pas être inférieure à 10 ans et doit correspondre à la peine minimale d’emprisonnement que le tribunal juge nécessaire pour satisfaire à l’une ou l’autre des fins suivantes :
    1. tenir le délinquant responsable des torts qu’il a causés à la victime et à la collectivité en commettant son crime;
    2. dénoncer la conduite du délinquant;
    3. dissuader le délinquant ou d’autres personnes de commettre la même infraction ou une infraction similaire;
    4. protéger la collectivité contre le délinquant.
  • (2A) Si le tribunal qui condamne le délinquant reconnu coupable de meurtre à une peine d’emprisonnement à perpétuité est convaincu qu’aucune peine minimale d’emprisonnement ne serait suffisante pour satisfaire à l’une ou plusieurs des fins énoncées au paragraphe (2), il peut ordonner que le délinquant purge sa peine sans possibilité de libération conditionnelle.
  • (2B) Le tribunal ne peut prononcer l’ordonnance mentionnée au paragraphe (2A) que si le délinquant est âgé de 18 ans ou plusNote de bas de page 105 .

Lorsque des circonstances aggravantes accompagnent le meurtre, le tribunal doit imposer une période d’emprisonnement minimale ou une période d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle d’au moins dix-sept (17) ans, à moins d’être convaincu qu’il serait manifestement injuste de le faire :

[Traduction]

104. Infliction d’une peine minimale d’emprisonnement de 17 ans ou plus

(1) Le tribunal doit prononcer l’ordonnance prévue à l’article 103 fixant une période minimale d’emprisonnement de 17 ans dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes, à moins d’être convaincu qu’il serait manifestement injuste de le faire :

  • (a) le meurtre a été commis en vue d’éviter qu’une personne soit soupçonnée, poursuivie ou déclarée coupable d’une infraction ou de façon générale en vue d’entraver le cours de la justice;
  • (b) le meurtre a nécessité des calculs ou une longue planification, y compris la prise de dispositions par lesquelles de l’argent ou des valeurs sont passés ou devaient passer d’une personne à une autre;
  • (c) le meurtre impliquait l’introduction ou la présence illicite dans un local d’habitation;
  • (d) le meurtre a été commis en même temps qu’une autre infraction grave;
  • (e) le meurtre a été commis avec un degré élevé de brutalité, de cruauté, de dépravation ou d’insensibilité;
  • (ea) le meurtre a été commis dans le cadre d’un acte terroriste (tel que défini au paragraphe 5(1) de la Terrorism Suppression Act 2002)
  • (f) la personne décédée était un policier ou un agent correctionnel dans l’exercice de ses fonctions;
  • (g) la personne décédée était une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, de sa santé ou de tout autre facteur;
  • (h) le délinquant avait déjà été condamné pour deux autres meurtres ou plus, découlant ou non des mêmes circonstances;
  • (i) toute autre circonstance exceptionnelle.

Enfin, si le meurtre est une infraction de « stade 2 ou de stade 3 » (deuxième ou troisième « faute » – voir plus loin), le tribunal doit condamner le délinquant à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle ou à une période minimale d’emprisonnement de 20 ans, à moins encore une fois qu’il ne soit « manifestement injuste » de le faireNote de bas de page 106.

La Sentencing and Parole Act 2010 a aussi introduit un régime de détermination de la peine du type des « trois fautes » (ou plus exactement un régime de peines croissantes) pour certaines infractions désignées. Il y a 40 infractions désignées, dont toutes les infractions graves avec violence et toutes les infractions sexuelles passibles d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement ou plus, dont le meurtre, la tentative de meurtre, l’homicide involontaire coupable, l’infliction de blessures dans l’intention de causer de graves lésions corporelles, l’enlèvement et le vol à main armée. Dans ce régime de peines croissantes à trois étapes, les tribunaux doivent avertir les délinquants qui en font l’objet et ensuite accroître les peines en cas de récidive. Plus important encore, lors d’une « troisième faute », les tribunaux sont tenus d’infliger la peine maximale d’emprisonnement prévue pour cette infraction à moins que cela soit « manifestement injuste ».

Lorsqu’une des infractions désignées est commise, un premier avertissement est donné au moment de l’infraction au délinquant de 18 ans ou plus qui n’a jamais reçu d’autre avertissement. L’avertissement de la première « faute » demeure inscrit au dossier du délinquant (à moins que sa condamnation ne soit annulée par un tribunal d’appel). Si ce délinquant est reconnu coupable par la suite d’avoir commis une autre infraction désignée, il reçoit un dernier avertissement et, s’il est condamné à une peine d’emprisonnement, il purge cette peine en entier sans être admissible à une libération conditionnelle. S’il est condamné pour une troisième infraction désignée, le tribunal doit lui infliger la peine maximale prescrite pour cette infraction. Le tribunal doit aussi ordonner que la peine soit purgée sans possibilité de libération conditionnelle, à moins de considérer que cela serait « manifestement injuste ». S’il y a quelques circonstances exceptionnelles associées à l’infraction ou au délinquant, le juge peut décider qu’il serait « manifestement injuste » ou extrêmement inéquitable d’ordonner que la peine soit purgée sans admissibilité à une libération conditionnelle.

[Traduction]

86D. Infractions de stade 3 autres que le meurtre : délinquant condamné à la peine d’emprisonnement maximale

  • (1) Malgré tout autre texte législatif :
    1. le délinquant qui est renvoyé à procès pour une infraction de stade 3 doit être traduit devant la Haute Cour pour ce procès;
    2. aucun autre tribunal que la Haute Cour, la Cour d’appel ou la Cour suprême saisie de l’appel ne peut condamner un délinquant pour une infraction de stade 3.
  • (2) Malgré tout autre texte législatif, si, à un moment quelconque, un délinquant est déclaré coupable d’une ou plusieurs infractions de stade 3 autres que le meurtre, la Haute Cour doit condamner le délinquant à la peine d’emprisonnement maximale prescrite pour chacune des infractions.
  • (3) Lorsqu’il condamne le délinquant conformément au paragraphe (2), le tribunal doit ordonner que celui-ci purge sa peine sans être admissible à une libération conditionnelle, à moins d’être convaincu que, compte tenu des circonstances de l’infraction et du délinquant, il serait « manifestement injuste » de prononcer cette ordonnance.
  • (4) Malgré le paragraphe (3), s’il reconnaît le délinquant coupable d’homicide involontaire coupable, le tribunal doit ordonner que celui-ci purge une peine minimale d’emprisonnement de 20 ans à moins de considérer que, compte tenu des circonstances de l’infraction et du délinquant, une peine minimale de cette durée serait « manifestement injuste », auquel cas le tribunal doit ordonner que le délinquant purge une peine minimale d’emprisonnement de 10 ans.
  • (5) S’il ne prononce pas l’ordonnance prévue au paragraphe (3) ou, lorsque le paragraphe (4) s’applique, ne fixe pas une période minimale d’emprisonnement de 20 ans conformément à ce paragraphe, le tribunal doit en donner les raisons par écrit.
  • (6) Si le tribunal prononce une peine conformément au paragraphe (2), toute autre peine d’emprisonnement infligée à la même occasion (que ce soit pour une infraction de stade 3 ou pour tout autre type d’infraction) doit être purgée concurremment.
  • (7) Malgré le paragraphe (2), le présent article n’empêche pas le tribunal d’infliger au délinquant, en vertu de l’article 87, une peine de détention préventive, auquel cas :
    1. les paragraphes (2) à (5) ne s’appliquent pas;
    2. la peine minimale d’emprisonnement infligée par le tribunal au délinquant en vertu du paragraphe 89(1) ne doit pas être inférieure à la peine d’emprisonnement que le tribunal aurait infligée en application du paragraphe (2), à moins que celui-ci ne soit convaincu que, compte tenu des circonstances de l’infraction et du délinquant, l’infliction de cette peine minimale serait « manifestement injuste ».
  • (8) Si, en s’appuyant sur l’alinéa (7)(b), le tribunal prononce une peine minimale d’emprisonnement inférieure à celle qu’il aurait infligée en application du paragraphe (2), il doit en fournir les raisons par écrit.

L’exception peut aussi s’appliquer dans les cas où le tribunal condamne le délinquant à une détention préventive. En vertu de l’article 89 de la Sentencing Act 2002, lorsque le tribunal condamne un délinquant à une détention préventive, il doit aussi préciser une période minimale d’emprisonnement qui en aucun cas ne peut être inférieure à cinq ans. Cette période minimale d’emprisonnement doit être la plus longue des deux périodes suivantes : a) la période minimale d’emprisonnement requise qui soit proportionnelle à la gravité de l’infraction, ou b) la période minimale d’emprisonnement requise pour assurer la sécurité de la société compte tenu de l’âge du délinquant et du risque qu’il représente pour cette sécurité au moment de la détermination de la peine.

Les paragraphes 86D (7) et (8) de la Sentencing and Parole Reform Act 2010 précisent que la période minimale de détention préventive que le tribunal peut imposer au délinquant en application du paragraphe 89(1) ne doit pas être inférieure à la période d’emprisonnement que le tribunal aurait imposée en vertu du paragraphe (2), à moins d’être convaincu que, compte tenu des circonstances de l’infraction et de la situation du délinquant, l’infliction de cette peine minimale aurait été « manifestement injuste ».

Dans tous les cas pertinents, les tribunaux doivent donner des raisons par écrit pour déroger aux peines minimales prévues. Le seuil pour déroger à ces peines minimales, déterminé par le critère du « manifestement injuste », est plutôt élevé et n’est atteint que dans des circonstances très inhabituelles. Il reste que ce seuil n’est pas très précis de sorte qu’il permet aux tribunaux de s’adapter à des circonstances imprévues.

Depuis l’adoption du nouveau régime, les tribunaux ont eu plusieurs occasions d’expliquer comment le concept du « manifestement injuste » devrait être interprété. Ils ont conclu que le seuil était élevé. Ce qui correspond à quelque chose de « manifestement injuste » dépend des faits particuliers de l’espèce. Dans l’affaire R. c. O’Brien, la Cour a dit que [traduction] « “injuste” peut seulement signifier que dans le contexte d’un meurtre en particulier et d’un délinquant en particulier, la peine normale d’emprisonnement à perpétuité va à l’encontre à la fois de ce que le juge perçoit comme étant un résultat juste et légitime et insulte le sens inné de la justice de la collectivité. “Manifestement” signifie que l’injustice doit être très claire et évidenteNote de bas de page 107 ».

En ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire du tribunal de déroger à la « forte présomption » voulant qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité doit être infligée (art. 102), les tribunaux ont précisé que ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’on sera susceptible de conclure à une injustice manifeste et que la possibilité de tenir compte du jeune âge du délinquant est très limitéeNote de bas de page 108.

Dans l’affaire R. c. O’Brien, la Cour d’appel a fait le commentaire suivant : [traduction] « Il peut y avoir des affaires où les circonstances du meurtre n’exigent pas tant la dénonciation et où la déficience mentale ou intellectuelle du délinquant peut constituer un facteur atténuant sa culpabilité morale au point où, en l’absence de risque futur pour la sécurité publique, il serait manifestement injuste d’infliger une peine d’emprisonnement à perpétuitéNote de bas de page 109. » Cela dit, elle s’est rangée à l’avis de la cour de première instance et a conclu que, dans le contexte d’une agression brutale et motivée par des raisons criminelles à l’égard d’une victime vulnérable, une déficience intellectuelle légère, même lorsqu’elle est conjuguée à la jeunesse, n’est pas suffisante pour renverser la présomptionNote de bas de page 110.

Angleterre et Pays de Galles – Exception lorsqu’une peine minimale serait injuste

La dispense a été introduite au Royaume-Uni dans une nouvelle loi proposée à la dernière minute par la Chambre des Lords pour permettre aux juges de tenir compte des circonstances particulières du délinquant ou de l’infraction en décidant s’il était approprié d’infliger la peine minimale. On a aussi demandé aux juges de tenir compte de toute circonstance particulière qui rendrait la peine minimale prescrite « injuste compte tenu de toutes les circonstances ».

L’article 109 de la Power of Criminal Courts (Sentencing) Act 2000 infligeait une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité dans le cas des délinquants, âgés de 18 ans ou plus, déclarés coupables d’une deuxième infraction grave, [traduction] « à moins que le tribunal ne soit d’avis qu’il existe des circonstances exceptionnelles touchant soit les infractions soit le délinquant qui justifient de ne pas le faire » (par. 109(2)). En pareille situation, le tribunal doit déclarer publiquement qu’il est de cet avis et expliquer quelles sont les circonstances exceptionnelles (par. 109(3)). La liste des infractions graves soumises à ces dispositions est longue (homicide coupable, complot en vue de commettre un meurtre, viol, voies de fait graves, possession d’une arme à feu, utilisation d’une arme à feu pour résister à son arrestation, etc.).

L’article 110 de la même loi a aussi fixé une peine minimale de sept ans d’emprisonnement pour une troisième « infraction de catégorie A en matière de drogue », alors que l’article 111 fixait une peine minimale de trois ans d’emprisonnement pour une troisième infraction de cambriolage. Dans les deux cas, la loi laissait aussi la porte ouverte et prévoyait une exception permettant aux tribunaux de déroger à ces peines [traduction] « lorsque la Cour est d’avis qu’il existe des circonstances particulières qui : a) se rapportent à l’une ou l’autre des infractions ou au délinquant; b) feraient en sorte qu’il serait injuste d’appliquer cette peine compte tenu de toutes les circonstances » (par. 110(2) et 111(2)). Comme pour l’article 109, lorsque les tribunaux n’infligent pas la peine minimale, ils sont tenus de déclarer leur décision en audience publique et d’expliquer en quoi consistent les circonstances particulières.

Dans l’arrêt McInerney, la Cour d’appel s’est dite d’avis que l’exception créée par le par. 111(2) relativement au cambriolage de domicile accordait au juge qui prononçait la peine un important pouvoir discrétionnaire quant aux catégories ou aux situations dans lesquelles la présomption pouvait être renverséeNote de bas de page 111. La Cour a donné deux exemples de situations où une peine obligatoire de trois ans d’emprisonnement pourrait être injuste : lorsque deux des infractions ont été commises avant que le délinquant atteigne l’âge de 16 ans, lorsque les deux premières infractions ont été commises de nombreuses années avant la troisième, ou encore lorsque le délinquant a fait de réels efforts pour se rétablir ou se désintoxiquer mais qu’une tragédie personnelle déclenche la troisième infraction. 

En ce qui a trait à l’art. 110 (peines minimales pour des infractions en matière de drogue), il y a des exemples similaires de cas où les tribunaux ont déterminé que l’infliction de la peine minimale serait injuste : par exemple, lorsque les déclarations de culpabilité antérieures du délinquant remontent à de nombreuses annéesNote de bas de page 112 ou lorsque les infractions antérieures ne consistaient qu’à fournir de petites quantités de drogue à un groupeNote de bas de page 113).

Écosse – Exceptions dans l’intérêt de la justice

L’article 205B de la Crime and Punishment (Scotland) Act 1997 prévoit une peine minimale obligatoire lors d’une troisième déclaration de culpabilité pour certaines infractions, dont celles en matière de trafic de drogue (drogue de catégorie A). Toutefois, il y a exemption lorsque la cour [traduction] « est d’avis qu’il existe des circonstances particulières qui a) se rapportent à l’une ou l’autre des infractions ou au délinquant; et b) feraient en sorte que la peine serait injuste (par. 205B(3)). 

7. Dispense pour permettre le traitement du délinquant

Le vent de changement pour la création de tribunaux de déjudiciarisation en matière de drogue porté par l’initiative de 2013 du ministère américain de la Justice intitulée « Smart on Crime » pourrait être précurseur d’un usage plus répandu des dispositions autorisant une dérogation aux peines minimales obligatoires dans le traitement des délinquants.

Dans l’État du Montana, l’article 46-18-222 du Montana Code (Titre 46 – Procédure pénale) crée une éventuelle dispense d’application de peines minimales obligatoires très sévères pour un certain nombre d’infractions sexuelles désignées, comme l’agression sexuelle (§45-5-502(3)), lorsque la victime a moins de 16 ans et que le délinquant est plus de trois ans son aîné (§45-5-502(3)), ou l’agression sexuelle sans consentement (§45-5-503(4)) et l’inceste (§45-5-507(5)), lorsque la victime a 12 ans ou moins et que le délinquant a 18 ans ou plus au moment de l’infraction, ou pour des infractions comme la prostitution (§45-5-601(3)), la promotion de la prostitution (§45-5-602(3)), la promotion aggravée de la prostitution (§45-5-603(2)), lorsque le ou la « prostitué(e) » a 12 ans ou moins et que le délinquant a 18 ans ou plus au moment de l’infraction, ou l’exploitation sexuelle d’enfants (§45-5-625(4)), lorsque la victime a 12 ans ou moins et que le délinquant a 18 ans ou plus au moment de l’infractionNote de bas de page 114.

Le relief qui est fourni par §46-18-222(6) est inhabituelle et justifiée sur la base de la perspective de la réinsertion sociale du délinquant. Il faut que le juge décide, [traduction] « en se fondant sur les conclusions d’un rapport d’évaluation rédigé par un évaluateur qualifié pour évaluer les délinquants sexuels, conformément aux dispositions de l’article §46-23-509, que le traitement du délinquant alors qu’il est incarcéré, qu’il réside dans un centre de traitement ou qu’il vit dans la communauté locale, offre de meilleures possibilités de réadaptation du délinquant et favorise davantage la protection de la victime et de la société ». Dans ces cas, le juge doit inclure dans son jugement les motifs de sa décision.

Par ailleurs, comme il a été mentionné précédemment, dans l’État de Victoria, une nouvelle législation adoptée en 2013 se rapportant aux « infractions d’une violence extrême » autorise la dérogation aux dispositions relatives aux peines minimales obligatoires lorsque le tribunal recommande une ordonnance de sécurité en établissement hospitalier ou une ordonnance de traitement à domicile à l’égard du délinquantNote de bas de page 115.

8. Peines minimales présomptives

Un régime de peines minimales présomptives est un régime créé par la loi qui fixe des peines minimales que le juge doit infliger au délinquant au moment de le condamner, mais où la loi énumère aussi les motifs que le tribunal peut invoquer pour renverser la présomption et exercer pleinement son pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine (Voir Sentencing Advisory Council, 2008: 6).

On a dit qu’une bonne partie de ce que les peines minimales obligatoires visent à accomplir peut être accomplie en adoptant des lois qui créent une présomption, un peu comme ce qui est déjà la situation de fait dans de nombreux États où des lignes directrices en matière de détermination de la peine ont été adoptées et sont appliquéesNote de bas de page 116. Michael Tonry fait valoir que : [traduction] « Si on convertissait toutes les peines obligatoires en des peines présomptives, ont sacrifierait très peu des valeurs que l’on souhaite promouvoir par ces lois tout en évitant un grand nombre des effets secondaires indésirables »  (Tonry, 2009: 103; aussi, Tonry 2014)Note de bas de page 117. Voici des exemples d’États où des peines minimales obligatoires ont été créées (ou ont évoluées) sous la forme de peines présomptives, permettant des écarts par rapport à la peine présomptive dans des circonstances exceptionnelles.

Nous vous présentons ici quatre exemples, à savoir l’Angleterre et le Pays de Galles, qui ont des lignes directrices contraignantes sur les peines présomptives, le Connecticut, qui inflige à la fois des peines minimales strictes et des peines minimales présomptives, le Minnesota, où l’on trouve à la fois des lignes directrices sur les peines présomptives et des peines minimales, et la Nouvelle-Galles du Sud, où l’on trouve un régime de détermination de la peine avec des périodes présomptives fixes d’inadmissibilité à une libération conditionnelle.  

Angleterre et Pays de Galles

Le Sentencing Council de l’Angleterre et du Pays de Galles a formulé des lignes directrices contraignantes sur les peines présomptives qui favorisent une certaine uniformité en matière de détermination des peines en proposant un processus en plusieurs étapes devant être suivies par les tribunaux lorsqu’ils doivent déterminer la peine à infliger à un délinquant, tout en leur laissant un pouvoir discrétionnaire certain (Roberts, 2013; Mallet, 2015). Roberts fait cependant remarquer que les lignes directrices en matière de détermination de la peine sont beaucoup moins strictes que celles adoptées aux États-Unis : [traduction] « Partout aux États-Unis, la plupart des régimes reposent sur des lignes directrices contraignantes sur les peines présomptives numériques assorties d’une exigence de conformité plus stricte » (Roberts, 2013: 11), tandis qu’un tribunal en Angleterre et au Pays de Galles n’est tenu que de « tenir compte » des lignes directrices du Conseil et de justifier sa décision advenant un « écart » à celles-ci.

Au chapitre des peines minimales prescrites en cas de meurtre, les juges sont tenus de prendre en considération divers points de départ, facteurs atténuants et aggravants et autres circonstances et, bien que les dispositions législatives ne soient pas contraignantes, d’énoncer le motif qui les a incités à s’en écarter au moment de se prononcer sur la peine à infliger (Fitz-Gibbon, 2016: 51).

Connecticut - peine minimale obligatoire comme « peine minimale présomptive »

En février 2015, on comptait dans l’État du Connecticut 74 crimes assortis d’une peine d’emprisonnement obligatoire d’une durée précise. Pour 15 de ces crimes, l’accusé peut se voir infliger la même peine qu’un contrevenant dangereux récidiviste s’il est reconnu coupable d’infractions graves précises et a des antécédents de condamnations liées à certaines infractions graves (OLR, Connecticut General Assembly, 2015). Au fil des ans, l’État a adopté deux formes de peines minimales obligatoires : des peines minimales obligatoires strictes où le juge est tenu d’infliger une peine minimale prescrite par la loi quelles que soient les circonstances atténuantes (aucune possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire), ainsi que des peines minimales présomptives. En vertu des dispositions relatives aux peines présomptives, le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire et déroger à la période minimale obligatoire d’emprisonnement en faisant une déclaration expliquant les motifs de la dérogation. 

Les General Statutes du Connecticut contiennent plusieurs dispositions relatives à des infractions reliées aux drogues ou aux armes à feu qui prévoient spécifiquement des exceptions à l’application de la peine minimale obligatoire, rendant ainsi cette peine présomptiveNote de bas de page 118. Dans certains cas, la nature « présomptive » de la peine minimale obligatoire ne s’applique que pour la première déclaration de culpabilité pour cette infraction (par exemple, une première infraction pour avoir conduit un véhicule lorsque son permis était suspendu par suite d’une condamnation pour conduite en état d’ébriété ou autre infraction connexe).

Minnesota – lignes directrices pour la détermination de peines présomptives et de peines minimales obligatoires

Au Minnesota, on a élaboré des lignes directrices en matière de détermination de la peine il y a plusieurs dizaines d’années afin [traduction] « d’établir des critères rationnels et uniformes qui réduiraient les disparités entre les peines et qui feraient en sorte que les sanctions infligées à un délinquant soient proportionnelles à la gravité du crime qu’il a commis et tiennent compte de ses antécédents criminels » Note de bas de page 119. Les lignes directrices doivent être utilisées pour déterminer la peine présomptive, mais la commission du Minnesota sur les lignes directrices en matière de détermination de la peine indique clairement que [traduction] « même si les lignes directrices sont consultatives pour le juge chargé de déterminer la peine, il ne devrait être dérogé aux peines présomptives qui y sont énoncées que lorsqu’il existe des circonstances importantes et impérieuses pour le faire » (Minnesota Sentencing Guidelines Commission, 2011: 1).

Dans ces cas, le juge peut s’écarter de la décision ou de la durée présomptive indiquée dans les lignes directrices et prononcer un sursis ou infliger une peine qu’il estime plus indiquée que la peine présomptive. Lorsque la peine déroge aux lignes directrices en matière de détermination de la peine, il s’agit d’un exercice du pouvoir discrétionnaire du juge soumis aux règles de la jurisprudence et à l’examen des instances d’appel. En pareille situation, le juge doit énoncer par écrit ou verser au dossier les circonstances importantes et impérieuses qui font en sorte que la dérogation est plus appropriée que la peine présomptive. De plus, lorsqu’une négociation de plaidoyer donne lieu à une entente qui déroge à la peine présomptive, la Cour doit donner les raisons qui justifient l’entente ou qui expliquent pourquoi la négociation a été acceptée. La commission du Minnesota sur les lignes directrices en matière de détermination de la peine explique :

[Traduction]
L’objet des lignes directrices en matière de détermination de la peine ne peut être atteint que si les peines présomptives sont appliquées avec un degré élevé de régularité. Les disparités entre les peines ne peuvent pas être réduites si les juges dérogent aux lignes directrices trop souvent. Il n’y aura pas de certitude dans la détermination des peines si les taux de dérogation sont élevés (Minnesota Sentencing Guidelines Commission, 2011: 29).

Il y a aussi plusieurs crimes graves pour lesquels les lois du Minnesota prescrivent une peine minimale obligatoire (par exemple, lorsqu’une arme à feu a été utilisée pendant la perpétration de l’infraction). Il reste que dans la plupart de ces cas, les juges ont maintenant le pouvoir d’infliger une peine différente s’ils en fournissent les raisons. En ce sens, certaines des peines minimales obligatoires, compte tenu des lignes directrices en matière de détermination de la peine, sont devenues présomptives. Selon la commission de l’État sur les lignes directrices en matière de détermination de la peine, [traduction] « lorsqu’une peine différente de la peine minimale obligatoire est demandée par le procureur ou le juge, il est devenu légal de surseoir à l’infliction ou à l’application de la peine ou de prononcer une peine moins sévère que la peine minimale obligatoire » (2011: 38). En pareil cas, il faut préciser dans des motifs écrits la nature des circonstances importantes et impérieuses qui ont motivé la décision et « démontrer pourquoi la peine choisie est plus appropriée, raisonnable ou équitable que la peine présomptive requise » (Minnesota Sentencing Guidelines Commission, 2011: 38).

Nouvelle-Galles du Sud : régime de détermination de la peine avec période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle

En Nouvelle-Galles du Sud, un nouveau régime légal imposant une période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour des actes criminels désignés a été ajouté à la Crimes (Sentencing Procedure) Act 1999 lors de l’adoption de la Crimes (Sentencing Procedure) Amendment (Standard Minimum Sentencing) Act 2002. Des périodes fixes d’inadmissibilité à une libération conditionnelle sont ainsi prévues pour une grande variété d’actes criminels graves (p. ex. meurtre, infliction intentionnelle de blessures ou de lésions corporelles graves, rapports sexuels sans consentement, rapports sexuels avec un enfant de moins de 10 ans ou vol à main armée avec infliction de blessures). Une période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour chaque infraction est inscrite dans un tableau annexé à la loi et [traduction] « représente la période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour une infraction se situant dans le milieu de la fourchette de gravité objective de l’infractionNote de bas de page 120 ».

D’autres modifications ont été apportées au régime législatif de la Crimes (Sentencing Procedure) Amendment Act 2007 et de la Crimes Amendment (Sexual Offences) Act 2008, ajoutant des infractions à la liste des infractions pour lesquelles une période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle s’appliquait tout en excluant de l’application du régime les délinquants qui avaient moins de 18 ans au moment de l’infractionNote de bas de page 121.

Le but du régime législatif était de rendre la détermination de la peine plus cohérente et transparente, sans introduire de peines obligatoires. Le régime visait à [traduction] « fournir de nouvelles orientations et un nouveau cadre au pouvoir discrétionnaire des jugesNote de bas de page 122 ». Le paragraphe 54B(2) de la loi précisait alors que [traduction] « la Cour doit imposer comme période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour l’infraction en cause la période fixe d’inadmissibilité prévue par la loi, à moins de déterminer qu’il existe des motifs pour fixer une période de plus longue ou plus courte durée… ». Les dérogations légitimes par rapport à la période fixe d’inadmissibilité sont tout à fait possibles : l’emploi du mot « peut » [may] au par. 54B(3) de la Crimes (Sentencing Procedure) Act confère au tribunal le pouvoir discrétionnaire de s’écarter de cette période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelleNote de bas de page 123.

Les motifs pour lesquels le tribunal peut fixer une période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle plus longue ou plus courte que la période fixe sont décrits à l’article 21A de la Crimes (Sentencing Procedure) Act. Les paragraphes 21A(2) et 21 A(3) respectivement énumèrent différentes circonstances aggravantes et atténuantes, alors que le paragraphe 21A(1) permet aussi la prise en compte de [traduction] « tout autre facteur objectif ou subjectif qui influe sur la gravité relative de l’infraction ». Le paragraphe ajoute que les éléments énumérés dans cet article doivent être considérés « en sus de toute autre question qui doit ou qui peut être prise en compte par le tribunal en vertu de tout texte législatif ou règle de droit ».

Dans l’affaire R. c. Way (2004), le tribunal a déclaré qu’[traduction] « on peut toujours à bon droit prendre en compte des facteurs qui sont prévus par la loi ou reconnus en common law pour déterminer la peine même s’ils ne sont pas énumérés aux paragraphe 21A(2) ou (3) », notamment le principe fondamental de la justice individualiséeNote de bas de page 124. Par conséquent, les éléments qui peuvent justifier une dérogation par rapport à la période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle peuvent inclure ceux qui sont reconnus en common law, mais qui ne sont pas mentionnés à l’article 21A (comme la mauvaise santé du délinquant, les difficultés causées au délinquant parce qu’il était en détention protégée, les difficultés causées à des tiers et les principes de parité et de totalité). En ce sens, les périodes fixes d’inadmissibilité à une libération conditionnelle prévues par la loi servent plutôt de point de référence, auquel s’ajoutent d’autres facteurs comme la jurisprudence, les jugements établissant des lignes directrices ou la peine maximale spécifique pour l’infraction.

Il ne faut pas interpréter en termes obligatoires les dispositions relatives à l’application des périodes fixes d’inadmissibilité à une libération conditionnelle. C’est ce qui a été établi clairement dans la décision Muldrock c. The Queen (2011), où tous les juges de la Haute Cour ont conclu dans un même jugement que la Court of Criminal Appeal avait commis une erreur [traduction] « en considérant que la disposition relative à la période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle était déterminante pour décider de la peine à infliger à l’appelantNote de bas de page 125 ». Les juges de la Haute Couront également affirmé que « […] [la cour dans l’affaire R c. Way] a commis une erreur en interprétant en termes obligatoires le paragraphe 54B(2)Note de bas de page 126 ».

Suivant le paragraphe 44(1)(3), [traduction] « lorsqu’il condamne un délinquant à une peine d’emprisonnement pour une infraction, le tribunal doit d’abord fixer une période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour cette infraction (c’est-à-dire la période minimale durant laquelle le délinquant doit demeurer en détention en lien avec l’infraction) ». L’ensemble des considérations subjectives peut justifier que l’on conclue à l’existence de circonstances particulières. Dans la décision R. c. Simpson, le juge en chef Spigelman a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
Les mots « circonstances particulières » apparaissent dans de nombreuses dispositions législatives. Ce sont des mots au sens indéterminé et seront toujours colorés par ce qui les entoure […] la période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle doit être déterminée par le juge qui prononce la peine à la lumière de ce que toutes les circonstances de l’affaire, y compris la nécessité d’une réadaptation, lui indiquent comme devant être la période minimale effective d’incarcérationNote de bas de page 127.

La commission judiciaire de Nouvelle-Galles du Sud a souligné que la conclusion selon laquelle il existe des circonstances particulières aux termes des paragraphes 44(2) ou 44(2B) permet de réduire la période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle qui autrement serait appropriée, mais n’autorisait pas d’augmenter la durée de la peineNote de bas de page 128. La réadaptation du délinquant sera souvent la raison pour laquelle on cherchera à trouver des circonstances particulières, mais ce ne sera pas la seuleNote de bas de page 129. Le risque associé à l’institutionnalisation, même lorsqu’il s’agit de récidive répétée et grave, peut être considéré comme une circonstance particulière suffisante pour justifier que l’on ajuste le ratio fixé par la loiNote de bas de page 130.

Une étude sur les effets du régime de la période fixe d’inadmissibilité à une libération conditionnelle sur l’évolution de la détermination de la peine en Nouvelle-Galles du Sud a conclu que de façon générale, le régime avait eu pour résultat des peines plus uniformes et plus cohérentes (Poletti et Donelli, 2010).

9. Dispense accordée après la détermination de la peine

Une autre manière moins directe de créer des exceptions aux peines minimales obligatoires est de les assujettir à une révision après qu’elles aient été prononcées. Aux États-Unis, au niveau fédéral, le Bureau of Prosecution (BOP) peut s’adresser à la cour pour qu’elle réduise la peine d’un détenu si elle estime [traduction] « qu’il existe des motifs extraordinaires et impérieux de le faire », ou si le détenu est âgé d’au moins 70 ans, a purgé au moins 30 ans de sa peine et que le directeur du BOP juge qu’il ne présente pas un risque pour la sécurité de toute personne ou de la communauté (James, 2014).

Cette procédure existe au Maryland où le code prévoit des peines minimales obligatoires pour certaines infractions relatives aux armes de poing et à la distribution de drogue. Le régime de peines obligatoires de l’État vise surtout les récidivistes, et le juge peut infliger une peine moins sévère si le poursuivant y consent. La Cour d’appel a aussi déclaré que les ententes relatives au plaidoyer prévoyant une peine moins sévère que la peine minimale obligatoire en cas de récidive étaient acceptables et que les procureurs étaient libres de demander ou non que le récidiviste soit condamné à la peine minimale obligatoire. Depuis 1999, le code de procédure criminelle du Maryland permet aux délinquants condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de deux ans, y compris ceux pour qui cette peine est une peine minimale obligatoire, de demander la révision de leur peine à une formation de trois juges (excluant le juge ayant prononcé la peine) provenant du même circuit dans lequel ils ont été condamnésNote de bas de page 131. Dans le cas du détenu purgeant une peine minimale, la durée de la peine ne peut pas être réduite à moins que les trois juges ne soient unanimes. Il semblerait que les chances d’obtenir une réduction de peine par suite d’une telle révision soient plutôt minces (Justice Policy Institute, 2006).

Le projet Model Penal Code : Sentencing de l’American Law Institute contient aussi des dispositions prévoyant qu’un comité de révision judiciaire puisse réviser les peines des délinquants ayant purgé au moins 15 ans de leur peine (American Law Institute, 2011: 76).

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